Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Becht, ministre délégué auprès de la ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur, de l’attractivité et des Français de l’étranger. Monsieur le sénateur, je vous communique tout d’abord un élément d’information : pour ce qui concerne le pétrole brut russe, nous sommes arrivés à 0 %. Autrement dit, nous n’importons plus de pétrole brut russe en France actuellement. De même, nous ne soutenons plus les énergies fossiles, que ce soit à l’export ou autrement.
Nous partageons un constat : il n’y aura pas de réindustrialisation possible sans une énergie abondante et peu chère. Pour en disposer, nous devons être présents à la fois dans les énergies renouvelables et dans les énergies bas-carbone, afin de répondre à la demande, qui sera probablement croissante dans les prochaines années.
Le plan France 2030, qui vise à soutenir la réindustrialisation, a permis de mettre en place les mesures nécessaires pour nous donner un temps d’avance en matière technologique par rapport à nos principaux compétiteurs. Cela concerne l’éolien offshore, mais aussi les nouveaux réacteurs nucléaires, notamment les petits réacteurs modulaires (PRM).
En ce qui concerne l’Inflation Reduction Act, il est évident que la réussite de ce que nous engageons au niveau européen repose sur une concurrence équitable et loyale de la part de nos alliés américains. Nous sommes en discussion avec les États-Unis à ce sujet. En parallèle, nous montons un plan européen, dans la perspective de la réunion du Conseil européen de la fin de la semaine.
Je suis particulièrement confiant quant au fait que nous parviendrons à trouver, ensemble, les réponses nécessaires pour garantir la compétitivité de nos entreprises dans ces secteurs, en Europe et particulièrement en France.
Mme le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour la réplique.
M. Daniel Salmon. Monsieur le ministre, nous avons un désaccord de fond : pour moi, l’investissement dans le nucléaire conduira à de nouveaux retards dans le développement des EnR.
S’agissant du commerce extérieur, je suis président du groupe d’amitié France-Népal ; je me suis d’ailleurs rendu à Katmandou en septembre dernier. Ce pays a un potentiel gigantesque en hydroélectricité, atteignant plus de 50 gigawatts, et attend des partenaires. La France, avec EDF, est engagée en ce sens depuis des années, avec un projet qui patine et n’avance pas.
Autre exemple, Katmandou a besoin d’un téléphérique. Une société iséroise, Poma, s’est lancée, mais ce chantier n’avance plus depuis des années. Nous devons être plus offensifs pour débloquer ces marchés, qui seraient véritablement excellents pour le commerce extérieur français. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et CRCE.)
Mme le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Monsieur le ministre, aujourd’hui, ce n’est pas la Saint-Olivier, mais entre ce débat et les chiffres publiés ce matin par la douane, c’est bien votre journée ! (Sourires.)
Un nouveau record a donc été atteint en matière de déficit commercial : 163 milliards d’euros. C’est devenu un marronnier : depuis vingt ans, on verse chaque mois de février des larmes de crocodile sur les chiffres du commerce extérieur, parce que la tendance est lourde.
Pour autant, l’examen attentif de ces résultats doit nous inciter à ne pas perdre espoir, car le chiffre porté en pied de colonne dissimule bien des nuances et des surprises. Nous devons conserver en tête ces éléments pour bâtir l’approche stratégique que les rapporteurs appellent de leurs vœux.
Tout d’abord, je le répète, l’énergie prend une part importante dans ce déficit, dont 80 % sont dus au renchérissement de la facture énergétique. En mettant les bouchées doubles sur la transition énergétique, on apporte donc une réponse structurelle à cette situation.
Imaginez le monde de demain avec une France autonome en énergie ! La Banque de France, qui publiait également un certain nombre de données ce matin, indique ainsi que le déficit concernant les biens hors énergie est stable, à 24 milliards d’euros. (M. le ministre acquiesce.)
Dans ce contexte, il est important de ne pas se laisser doubler par nos partenaires d’outre-Atlantique. À cette fin, le Green Deal Industrial Plan est capital, pour assouplir jusqu’en 2025 les règles sur les aides d’État.
Ensuite, il faut relever l’augmentation du nombre d’entreprises exportatrices. Lorsque nous avons lancé la stratégie Team France Export (TFE) en 2018, nous avions pris le pari d’augmenter leur nombre.
Or le pari est tenu : de 123 000 entreprises exportatrices en 2017, nous sommes passés à 144 000 actuellement, soit une augmentation de 21 000 unités ou de 17 %. La vie étant bien faite, les exportations augmentent, quant à elles, de 18 %. Une part de cette croissance est bien sûr liée aux prix, mais une autre revient bien à ces entreprises.
Il nous faut maintenant nous assurer que ces nouveaux exportateurs le restent dans la durée ; pour cela, le rôle du volontariat international en entreprise (VIE), véritable école d’application de l’export, est décisif, comme l’est celui de la TFE.
Je tiens ici à saluer l’engagement des régions, de Business France, des chambres de commerce et d’industrie France International (CCIFI), de Bpifrance, des conseillers du commerce extérieur, des opérateurs spécialisés du commerce international (OSCI), ainsi que des « Ambassadeurs » de la TFE. Une dynamique s’est mise en place, qui nous permettra d’aller de l’avant.
Il va falloir en effet faire encore plus et encore mieux, car les exportations mondiales croissent plus vite que les nôtres, ce qui tend à réduire notre part de marché.
De plus, nous devons continuer à mener une politique commerciale exigeante vis-à-vis de nos partenaires européens et internationaux. La réciprocité ou la souveraineté étaient encore il y a quelques années considérées comme de gros mots dans les antichambres bruxelloises, mais j’ai le sentiment que cela a évolué et que l’on va vers plus d’équité dans certains accords, notamment commerciaux.
En juin 2022, les ministres de l’agriculture se sont ainsi entendus sur le principe des clauses miroirs. Il faut maintenant que les acteurs du commerce au sein de la Commission prennent cela en compte, car certains accords modernisés, dits « de nouvelle génération », ne le sont pas suffisamment à nos yeux. Nous devons être encore plus volontaristes, afin que nos normes nationales s’imposent au niveau non seulement européen, mais aussi mondial.
J’en viens à la nécessaire relocalisation d’activités industrielles et à la planification que permet le plan France 2030. Il est vrai que l’on constate, à la suite de la crise de la covid-19, un ajustement dans les chaînes de valeur et des relocalisations à l’œuvre, auxquelles le Gouvernement donne une force d’impulsion. Cela concerne les microprocesseurs, mais on pourrait également évoquer les membranes d’électrolyseurs permettant de produire de l’hydrogène décarboné.
De même, l’attractivité du site France doit être soutenue. Certaines mesures en ce sens ont été prises depuis plusieurs années. Pour autant, ne soyons pas naïfs : nous devons étudier les investisseurs, car un filtrage est nécessaire, s’agissant notamment de certains investissements stratégiques.
Ajoutons que, dans le monde de rerégionalisation des échanges dans lequel nous vivons, nous bénéficions de la force que nous confèrent les filiales françaises établies à l’étranger. Le made in France doit ainsi être complété par le made by France, si j’ose dire. Tous ces entrepreneurs français établis hors de France participent à leur façon à notre présence à l’international, qui est très différente de celle de nos amis allemands ou italiens.
Enfin, nos exportations de services constituent un véritable atout, notamment dans le secteur du tourisme : notre solde des transactions courantes était positif en 2021 et il l’aurait été plus encore en 2022 sans le renchérissement de la facture énergétique, puisqu’il a été multiplié par deux, pour atteindre 17 milliards d’euros.
Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Becht, ministre délégué auprès de la ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur, de l’attractivité et des Français de l’étranger. Monsieur le sénateur, je tiens tout d’abord à rendre hommage au travail que vous avez effectué en lançant la Team France Export lorsque vous occupiez mes fonctions.
Ce que vous avez dit est très juste : si aujourd’hui nous bénéficions d’une vraie dynamique, qui nous permet d’accompagner davantage nos entreprises à l’exportation, c’est parce que nous avons su rassembler les acteurs – Business France, les CCIFI, Bpifrance, les régions, qui gèrent le guichet unique, mais aussi les conseillers du commerce extérieur de la France (CCE), les OSCI, etc. – et les faire travailler en équipe, alors qu’ils étaient auparavant en compétition les uns avec les autres. La Team France Export est une véritable réussite, et c’est une très bonne nouvelle.
Ensuite, les VIE sont également un succès, après un petit creux dû à la crise sanitaire, qui avait conduit à fermer l’accès à certains pays. Aujourd’hui, les affaires ont repris, avec 1 000 départs de VIE par mois. C’est également une très bonne nouvelle, qui nous permet d’entrevoir des succès futurs pour nos entreprises qui se portent à l’international.
Enfin, je partage cette ambition du made by France. Il ne s’agit en rien d’encourager la délocalisation. Nous voulons reconnaître les entreprises françaises de l’étranger qui participent au rayonnement de notre pays. Je souhaite donc que l’on puisse en faire un concept, dans le cadre de la marque France.
Mme le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour la réplique.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Pour poursuivre et terminer mon propos, il faut conforter la Team France Export dans son rôle d’accompagnement microéconomique des PME. Vous avez lancé le dispositif « les Ambassadeurs », et c’est une très bonne initiative.
Je veux aussi souligner le rôle très important des salons, en France comme en dehors de notre pays. Il est important d’aider les entreprises à y participer et de faire venir les acheteurs internationaux. Et pour cela, il faut des crédits.
Je mentionnerai également le beau projet Vitrines, à un jet de pierre de Roissy, que portent Évelyne Renaud-Garabedian et Jean-Pierre Bansard. Tout ce qui permet de mettre en avant le made in France et le made by France est bienvenu.
Enfin, ayons un état d’esprit conquérant et une véritable démarche d’intelligence économique – ce sujet est cher à Marie-Noëlle Lienemann !
L’année 2022 a peut-être le goût d’une bataille perdue, mais nous mènerons les combats à venir et nous gagnerons la guerre économique. J’emploie ce terme à dessein, car il décrit bien le climat actuel des relations commerciales !
Mme le président. La parole est à Mme Florence Blatrix Contat.
Mme Florence Blatrix Contat. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cela a été dit, la balance commerciale de la France est en déficit chronique depuis 2002, et le déficit est devenu abyssal ces dernières années. Pis, au sein de l’Union européenne, la France se classe en queue de peloton, puisque notre pays avait le déficit le plus élevé en 2021.
La délégation sénatoriale aux entreprises a, dans son rapport, tenté d’éclaircir le sujet et d’avancer ses propositions. Je remercie le président Babary de nous permettre de débattre ce soir de ce rapport ô combien stratégique pour notre économie.
Je voudrais m’attacher maintenant, au nom des sénateurs socialistes, écologistes et républicains, à souligner quelques aspects qui nous semblent particulièrement importants.
Cela a été dit, la dégradation des performances de notre commerce extérieur est le fruit de la désindustrialisation de notre pays. En attestent les données récentes, citées par notre collègue Marie-Noëlle Lienemann, sur la part de l’industrie manufacturière dans le PIB, qui est passée sous la barre des 10 % – 9 % exactement –, nous reléguant là aussi dans les tréfonds du classement européen.
Je n’aurai pas une vision aussi optimiste de notre commerce extérieur que l’orateur précédent, car certains points sont très négatifs.
Ainsi, l’industrie automobile était excédentaire au début des années 2000 ; aujourd’hui, le déficit de ce secteur s’élève à 18 milliards d’euros. Pour les autres biens industriels, le déficit était d’une dizaine de milliards d’euros au début des années 2000 ; il était de 66 milliards d’euros l’an dernier. L’aéronautique, quant à elle, n’a pas retrouvé sa dynamique d’avant-crise. Seul le secteur du luxe et des cosmétiques semble progresser. C’est vraiment inquiétant !
On peut toutefois se rassurer en évoquant la balance des services, qui est excédentaire. Mais elle ne parvient pas à combler le déficit grandissant de la balance des biens.
Nous pouvons craindre pour l’avenir : si la production de biens a été délocalisée, celle de certains services pourrait également l’être demain. En effet, le rapport montre que les exportations de biens et de services sont intimement liées.
Face à cette dégradation continue, il faut réagir en se fondant sur une analyse stratégique sérieuse, comme plusieurs collègues l’ont dit.
Il faut interroger nos choix de spécialisations, analyser nos avantages comparatifs et, dans un environnement certes incertain, construire des avantages comparatifs porteurs pour l’avenir.
Nos collègues de la commission des affaires économiques ont déterminé les cinq plans principaux pour reconstruire la souveraineté économique de la France et de l’Europe. Il faut approfondir cette piste et la mettre en œuvre.
Une vision stratégique de moyen terme doit donc être construite : si la compétitivité prix n’est pas à négliger, il faut prendre en compte également la compétitivité hors prix, notamment l’innovation et le capital humain.
La recherche constante de l’innovation, tant dans les produits que dans les processus, est une dimension essentielle de la compétitivité. Le tournant des transitions numérique et écologique doit être pris.
En effet, à l’heure où le changement climatique et la transition énergétique qu’il implique percutent nos cadres traditionnels de pensée et notre système productif, une seconde transformation est à l’œuvre : la numérisation et la digitalisation.
Ces transitions écologique et numérique auront un impact sur les formes des échanges économiques et sur la mondialisation.
C’est dans ce nouveau contexte global qu’il nous faut désormais penser le commerce extérieur. Ces éléments doivent devenir, demain, les leviers de la compétitivité de l’économie française et européenne.
Monsieur le ministre, les services ministériels travaillent-ils sur une feuille de route, géographique et sectorielle, pour anticiper ce que seront demain les échanges économiques mondiaux, donc notre commerce extérieur, alors que, et ce point a été peu soulevé dans le débat, on envisage, partout et dans de nombreux domaines, des circuits courts et des relocalisations ?
Bref, quel commerce extérieur envisager dans ce cadre ? Comment construire de nouveaux avantages comparatifs alliant compétitivité et ambition climatique ?
En ce qui concerne l’accompagnement des entreprises, un récent rapport de la Cour des comptes a montré les limites de la stratégie de Business France. Comment faire évoluer les actions de cette structure ?
Enfin, comment envisagez-vous la place de nos PME et ETI dans la nouvelle donne du commerce mondial ? (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)
Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Becht, ministre délégué auprès de la ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur, de l’attractivité et des Français de l’étranger. Madame la sénatrice, permettez-moi de nuancer votre propos pour ce qui concerne les grands secteurs exportateurs. Certains d’entre eux continuent à avoir des excédents majeurs, comme l’aéronautique, la pharmacie, l’agroalimentaire, les cosmétiques et la construction navale – avec 3 milliards d’euros d’excédents cette année.
Nous avons la chance d’avoir dans notre pays de très grands groupes, des champions mondiaux qui soutiennent nos exportations. La faiblesse de notre commerce extérieur vient de ce que, derrière ces groupes qui, avec les ETI, portent 87 % des exportations françaises, nos PME-PMI n’en représentent, quant à elles, que 13 %. C’est là que nous devons mener le combat, car c’est là que les marges de manœuvre sont importantes.
En ce qui concerne la feuille de route sectorielle, elle existe et elle est portée par France 2030. Parmi les priorités de ce plan figurent les grands secteurs de croissance des prochaines décennies, dans lesquels nous devons investir pour que les industries concernées permettent le développement d’entreprises exportatrices.
S’agissant de l’aspect géographique, l’analyse existe, bien sûr, mais, comme je le dis souvent aux entreprises, je ne veux pas restreindre leurs choix. En effet, elles devraient avoir le monde comme horizon ! Certes, il existe de grandes zones de croissance – l’Asie aujourd’hui et demain très certainement l’Afrique –, mais il ne faut pas négliger l’Amérique latine pour autant.
J’y insiste, pour qu’une entreprise soit performante à l’export, il faut impérativement qu’elle ait demain le monde comme horizon.
Mme le président. La parole est à Mme Florence Blatrix Contat, pour la réplique.
Mme Florence Blatrix Contat. Je vous remercie, monsieur le ministre.
Avoir le monde comme horizon, certes, mais, comme le soulevait la Cour des comptes dans son récent rapport sur l’accompagnement à l’export, ce ne sont pas forcément dans les pays les plus stratégiques que nos entreprises sont les mieux accompagnées !
Il faut travailler sur ce sujet, y compris sur la sectorisation. Il ne faudrait pas passer à côté des secteurs porteurs de demain. On entend beaucoup parler de ChatGPT en ce moment, mais je pense plus largement à l’intelligence artificielle et au cloud souverain, qui est devenu un cloud de confiance. Dans ces domaines, nous devons vraiment être ambitieux.
Mme le président. La parole est à M. Michel Canévet.
M. Michel Canévet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe Union Centriste tient à remercier, d’une part, la délégation sénatoriale aux entreprises d’avoir mené un travail sur cette question essentielle du commerce extérieur, et, d’autre part, les trois rapporteurs, pour les dix propositions qu’ils ont formulées afin d’améliorer la situation.
En effet, cela a été dit à la tribune par les précédents orateurs, la situation n’est pas bonne, il faut le reconnaître. Le déficit de la balance commerciale française est de 164 milliards d’euros en 2022, en augmentation très significative, puisqu’il a quasiment doublé. Et la facture énergétique n’explique pas, à elle seule, cette dégradation, même si elle doit nous conduire à nous interroger sur la stratégie énergétique de notre pays.
Monsieur le ministre, mon groupe estime que cette situation n’est pas une fatalité. Nous devons prendre les sujets à bras-le-corps pour formuler des propositions, dont nous avons évoqué certaines.
La première d’entre elles serait d’adopter une loi d’orientation sur le commerce extérieur. Le groupe Union Centriste pense qu’il est important que nous puissions définir ensemble une feuille de route, car le Parlement doit être mobilisé sur le sujet. En effet, si les objectifs de développement ne sont pas partagés par l’ensemble des acteurs économiques et politiques, nous n’arriverons pas au bout de nos peines.
Pendant la pandémie, de nombreux opérateurs se sont mobilisés pour produire des masques dans notre pays, comme l’a souligné Vincent Segouin dans son propos liminaire. Or, aujourd’hui, on observe que la plupart d’entre eux sont dans la panade : nous avons repris nos vieilles habitudes de recourir aux offres les moins chères, avec des productions qui viennent souvent d’Asie, notamment de Chine. Tous ceux qui se sont évertués à apporter des réponses nationales se retrouvent en difficulté, ce qui n’est pas acceptable !
Il importe que nous puissions trouver des solutions, notamment en agissant sans discontinuer sur la compétitivité de nos entreprises. Beaucoup a été fait par le Gouvernement à ce sujet, notamment avec la baisse des charges, mais il faut poursuivre notre effort.
Je ne partage pas les opinions émises par des orateurs de la gauche de cet hémicycle, qui veulent arrêter cette baisse des charges. Non ! Il faut la maintenir, et même l’amplifier avec des mesures relatives aux charges sociales, qui constituent un handicap pour la compétitivité. Il faudrait travailler sur ce sujet. Pour ma part, je formulerai des propositions dans le cadre du débat sur les retraites, pour substituer une autre ressource aux charges sociales. Beaucoup reste à faire dans ce domaine.
Enfin, ce travail approfondi doit être mené en synergie avec l’ensemble des opérateurs. Je veux parler des régions, qui ont la compétence économique. La structure que nous avons montée dans la mienne, Bretagne Commerce International, ne doit pas travailler dans son coin. Nous devons définir et élaborer ensemble une stratégie nationale, et ce dans toutes les régions. (Applaudissements au banc des commissions. – MM. Serge Babary et Sébastien Meurant applaudissent également.)
Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Becht, ministre délégué auprès de la ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur, de l’attractivité et des Français de l’étranger. Monsieur le sénateur, je pense avoir déjà répondu à bien des points qui structuraient votre propos, mais j’aimerais évoquer la loi de programmation, qui est l’une des très bonnes propositions formulées dans le rapport.
Je ne sais pas s’il faut une loi de programmation. Dans ce domaine, les choses évoluent très rapidement. On le voit aujourd’hui avec l’Inflation Reduction Act adopté par les États-Unis, qui sont pourtant un allié traditionnel de l’Europe et de notre pays en particulier.
En revanche, ce qui est certain, c’est qu’il faut assurer la stabilité des dispositifs et des mécanismes. Je ne sais pas si cela doit être inscrit dans une loi de programmation, mais si l’on veut relever le défi à la fois de la réindustralisation et de l’accompagnement des PME-PMI à l’exportation, nous avons besoin de dispositifs stables, visibles, clairs.
C’est, je le crois, le véritable enjeu sur lequel nous devons aujourd’hui nous engager.
Mme le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour la réplique.
M. Michel Canévet. Monsieur le ministre, comme vous l’avez relevé, la loi de programmation est l’une des propositions importantes qu’il nous faut soutenir. Elle présente en effet l’intérêt de mobiliser tous les acteurs autour d’ambitions fortes pour notre pays, et c’est ce qui importe.
Dans le domaine qui nous intéresse, les acteurs économiques sont bien sûr les principaux opérateurs. Mais on constate que les intervenants sont nombreux et que tout le monde n’avance pas du même pas. Cette loi permettra la mobilisation de tous, grâce à la définition de priorités : les acteurs de terrain sauront vers où aller et sur quels soutiens compter.
Par ailleurs, je le répète, la baisse des charges qui a été engagée doit se poursuivre.
Mme le président. La parole est à Mme Évelyne Renaud-Garabedian. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions. – M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit également.)
Mme Évelyne Renaud-Garabedian. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les chiffres relatifs au commerce extérieur sont catastrophiques. Je ne les reprendrai pas ici, puisque mes collègues les ont déjà évoqués.
Face à cela, les plans des gouvernements successifs et les rapports parlementaires – je tiens à saluer la qualité de celui de la délégation – n’ont absolument pas inversé la tendance, pour une part parce que nous n’avons pas appliqué les recommandations, pour une autre parce que nous dépendons des mouvements internationaux, et pour une troisième part parce que nous n’avons pas la culture de l’export, comme vous l’avez dit, monsieur le ministre. C’est en réalité ce dernier point qui, à mon sens, prend le dessus sur tout le reste.
Je ne reviendrai pas sur les variables macro- et microéconomiques de notre commerce extérieur : les auteurs du rapport le font très bien. Je voudrais insister sur un seul aspect : notre façon d’envisager le commerce extérieur, qui passe en premier lieu par l’étranger.
Nous avons de grandes entreprises françaises qui exportent sans l’aide de l’État : elles connaissent les pays, leurs dirigeants et les chefs d’entreprise. Elles se font leur propre réseau. Nous n’avons jamais compté autant d’exportateurs français depuis vingt ans : ils sont près de 140 000.
Les traditionnelles locomotives, Airbus ou LVMH, et les grandes entreprises ne constituent de manière étonnante que 0,5 % des exportateurs ; pourtant, elles pèsent pour 52 % de la valeur. Les PME, PMI et TPE, qui, je le rappelle, constituent la majorité du tissu économique français, représentent plus de 99 % des troupes à l’export, mais – malheureusement ! – seulement 48 % de la valeur.
Bien que très nombreuses à l’export et performantes dans leurs secteurs respectifs, qui sont souvent des marchés de niche, les petites entreprises n’exportent que de façon très ponctuelle, faute pour elles de maîtriser les règles de l’export : elles ne sont pas anglophones, elles ne se déplacent pas, elles ne communiquent pas à l’international et elles n’ont pas de stratégie globale à l’export ! Elles sont pourtant la vitrine de la France.
Ce sont elles qui ont besoin de nous pour augmenter leur chiffre d’affaires à l’export. Notre objectif doit donc être d’aider nos PME et PMI à généraliser l’exportation.
Pour y parvenir, il faut développer une réelle culture de l’export, auprès des étudiants et des futurs chefs d’entreprise, avec des formations spécifiques.
Il faut que les PME-PMI considèrent que l’international est une clé de leur développement, au même titre que le marché intérieur.
Nous devons faire la promotion des outils d’accompagnement à l’export et renforcer la coordination des acteurs : Bpifrance, Business France et les régions. Je rappelle que la Cour des comptes, dans son rapport publié en octobre 2022, a constaté que ces acteurs se trouvaient malheureusement entre eux dans une situation de concurrence, et non de coopération.
Il faut davantage s’appuyer sur une diplomatie économique parallèle, que nous n’exploitons absolument pas : les entrepreneurs français installés à l’étranger. Je ne parle pas des entreprises françaises établies à l’étranger, mais bien des entrepreneurs qui ont créé une entreprise de droit local.
Nous avons dans tous les pays du monde des entrepreneurs français. Ils sont français, importent des produits et des services français dans leur pays de résidence. Ils connaissent l’économie locale comme personne, les marchés qu’il faut exploiter et ceux qu’il vaut mieux éviter. Ce sont eux qui ont créé une entreprise, ce sont eux qui ont construit et établi des connexions avec les acteurs économiques locaux.
Pour ma part, je suis chef d’entreprise et sénateur des Français de l’étranger, en contact permanent avec ces entrepreneurs français qui participent au rayonnement de notre pays et qui peuvent être de puissants relais de croissance à double égard : d’une part, en facilitant l’export des entreprises – je viens d’en parler longuement ; d’autre part, en important massivement des produits et services français dans leur pays de résidence. Nous devons soutenir ces entrepreneurs.
Pour eux, la France est une marque qu’ils vendent, ce que les géants du luxe ont très bien compris. Il n’y a pas un pays au monde où vous ne trouverez pas une référence à Paris ou une reproduction de la tour Eiffel, d’une baguette ou d’un camembert. C’est la raison pour laquelle je voudrais évoquer le label made by France, déjà évoqué par l’un de mes collègues, pour les entrepreneurs qui vendent à l’étranger des produits et services français.
Ce label vise à valoriser la fabrication ou la conception française des produits et services, leur qualité, leur origine, le savoir-faire français artisanal et industriel, le respect de normes et le terroir : en un mot, l’excellence française !
Ces entrepreneurs constituent le réseau des chambres de commerce et d’industrie France International : quelque 123 chambres dans 94 pays, sans aucune aide publique. Nous ne les valorisons pas suffisamment. Or le réseau, c’est la base de tout projet entrepreneurial : seuls, nous ne faisons rien. Ces chambres devraient être une partie essentielle de toute démarche visant à améliorer notre balance commerciale.
Je soutiens l’ensemble des recommandations du rapport de mes collègues, en insistant sur le rôle que pourraient avoir, au sein d’une stratégie de commerce extérieur efficace, les entrepreneurs français à l’étranger. D’autres pays l’ont compris, qui valorisent bien plus que nous le potentiel économique de leur diaspora : je veux parler de la Chine.
Je présenterai dans quelques semaines une proposition de loi visant à valoriser nos entrepreneurs français. Cela n’est pas seulement dans leur intérêt. C’est dans l’intérêt de notre commerce extérieur. C’est dans l’intérêt de la France, la bataille de l’export se gagnant d’abord, selon moi, à l’étranger. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions. – M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit également.)