Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme. Monsieur le sénateur Corbisez, en moins de deux minutes, vous me posez pas moins de six questions ! Quel challenge ! Je vais être obligée de concentrer quelque peu mon propos, ce dont je vous prie de bien vouloir m’excuser.
Votre premier point concerne l’aide à l’acquisition de voitures électriques. Comme vous l’avez souligné, ces voitures demeurent bien plus chères que les véhicules thermiques. Cependant, plus de 1 milliard d’euros de crédits budgétaires ont été consommés au titre du bonus écologique en 2022 et plus de 325 000 dossiers ont été traités.
Depuis le 1er janvier 2023, le montant maximal du bonus écologique est passé de 6 000 euros à 5 000 euros pour les particuliers, mais il pourra être majoré de 2 000 euros pour près de la moitié des ménages.
Le leasing social à 100 euros par mois sera aussi proposé aux ménages les plus modestes au cours de l’année 2024, comme nous nous y étions engagés.
Enfin, les ménages les plus aisés sont exclus du bénéfice de la prime à la conversion, dont le montant peut atteindre 6 000 euros en fonction des revenus de l’acquéreur.
Par ailleurs, le rétrofit, on ne le sait pas assez, est éligible à une aide allant jusqu’à 6 000 euros.
En 2022, les constructeurs français sont concernés par près de 50 % des bonus octroyés. Nous devons néanmoins réfléchir à des critères. Je ne doute pas que le Sénat sera force de proposition dans le cadre de l’examen du projet de loi relatif à la réindustrialisation verte, qui sera le vecteur de cette évolution.
En ce qui concerne les bornes de chargement, monsieur le sénateur, au 31 décembre 2022, la France dispose de plus de 82 000 points de recharge, soit une progression de 53 % sur les douze derniers mois. L’objectif des 100 000 bornes devrait être atteint au deuxième trimestre 2023.
Nous avons pris un peu de retard – je ne le nie pas. Le contexte a été difficile. Néanmoins, la France est au troisième rang des pays les mieux équipés au sein de l’Union européenne. Certes, nous sommes derrière nos voisins du nord de l’Europe, les Pays-Bas et l’Allemagne, mais nous ne sommes pas en reste et nous allons continuer à en installer.
Mme le président. Je vais réexpliquer la règle, car je crois qu’elle n’est pas bien comprise : si vous reprenez la parole, monsieur Corbisez, ne serait-ce que pour cinq secondes, vous donnez ainsi une minute à Mme la ministre pour vous répondre. À la suite de cette réponse, vous disposez à votre tour d’une minute.
La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez, pour la réplique.
M. Jean-Pierre Corbisez. Je remercie Mme la ministre et je lui rends une minute supplémentaire. (Sourires.)
M. Jean-François Husson. Quelle générosité !
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. Je voudrais ajouter que plus de 90 % des recharges s’effectuent à domicile et que 20 % des Français vivent dans un logement résidentiel collectif disposant d’un parking.
Dans ce contexte, l’État soutient les dispositifs facilitant l’acquisition et l’installation de matériaux de recharge dans les logements collectifs. Ainsi, en sus du crédit d’impôt, de la prime Advenir et d’un taux de TVA réduit pour les bornes achetées par les particuliers, plusieurs outils de financement sont mis à la disposition des bailleurs et des particuliers par la Banque des territoires. Ces outils doivent nous permettre d’atteindre un objectif de 16 000 copropriétés privées accompagnées d’ici à 2024, pour plus de 125 000 points de recharge.
Mme le président. La parole est à Mme Françoise Dumont.
Mme Françoise Dumont. Madame la ministre, l’Union européenne a acté la fin de la vente de véhicules neufs à moteur thermique à compter de 2035.
Les ZFE fleurissent dans les métropoles européennes. Sur le papier, ce changement complet de façon de penser la mobilité pourrait sembler intéressant, du point de vue de la réduction des émissions de gaz à effet de serre, mais le diable se cache dans les détails.
D’abord, comment ajouter le raccordement d’un parc automobile à notre production vacillante ? Pour quel prix de recharge, compte tenu de l’augmentation des coûts de l’énergie ? Sans même parler du retard pris dans le déploiement des bornes de rechargement que vous venez d’évoquer…
Ensuite, les entreprises automobiles françaises et européennes ne sont pas en capacité, à ce jour, de répondre à l’immense vague de demandes qui aura lieu dans les prochaines années. Ce sont donc les entreprises chinoises qui bénéficieront de cette nouvelle manne financière.
En cette période de forte inflation, comment des familles pourront-elles remplacer un véhicule, parfois deux ? Même avec des aides ciblées de l’État, le reste à charge pour les particuliers, mais aussi pour les artisans, sera très conséquent.
De plus, s’agissant d’une technologique assez récente, le recours au marché de l’occasion ne sera pas forcément une option pour l’ensemble des acheteurs.
Enfin, la gestion des incendies de véhicules électriques est très contraignante pour nos services de secours. En effet, lorsqu’un feu de véhicule électrique se produit, les sapeurs-pompiers doivent « refroidir » le véhicule brûlé, c’est-à-dire l’immerger pendant des dizaines d’heures, pour éliminer le risque d’un nouveau départ de feu depuis une batterie en surchauffe. Or nos services départementaux d’incendie et de secours (Sdis) ne sont pas tous équipés pour répondre à un risque qui ne fait que s’accroître avec l’électrification du parc roulant.
Aussi, madame la ministre, au regard de tous ces points, comment le Gouvernement envisage-t-il d’accompagner cette révolution de la mobilité, sans abandonner les particuliers, les artisans, voire nos grandes entreprises françaises et européennes ?
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme. Madame la sénatrice Dumont, nous ne disons pas que ce sera facile, mais là où il y a une volonté, il y a un chemin.
Les complications sont nombreuses. Sur les bornes de rechargement, par exemple, je ne nie pas que nous ayons pris un peu de retard. Il s’est passé beaucoup de choses, vous ne l’ignorez pas, mais les chiffres sont assez encourageants : une augmentation de 53 % en douze mois et la France au troisième rang de l’Union européenne en matière de bornes de recharges pour les véhicules électriques.
Je vous ferai grâce du pessimisme d’humeur et de l’optimisme de volonté, madame la sénatrice, mais nous devons y croire, quelles que soient les difficultés.
En ce qui concerne les ZFE, je rappellerai tout d’abord que le Gouvernement a mis en place des aides substantielles pour inciter les professionnels à remplacer leurs véhicules thermiques par des véhicules électriques. Ces aides peuvent aller jusqu’à 13 000 euros pour l’achat de véhicules utilitaires, selon leur masse, en incluant la prime à la conversion. C’est important, notamment pour les artisans et les indépendants, à la situation desquels je suis particulièrement vigilante.
Par ailleurs, même si l’objectif est clair, je comprends parfaitement qu’il puisse soulever certaines interrogations. Il est important que ces ZFE soient mises en place de manière concertée, avec l’ensemble des parties prenantes. C’est le cas dans un certain nombre de métropoles. Je ne saurais qu’appeler à la concertation dans la totalité d’entre elles, notamment dans celle où j’ai l’honneur d’être élue.
Le Gouvernement a ainsi mis en place un point d’entrée unique avec la nomination d’un coordinateur national interministériel aux ZFE, M. Manini, qui est à la disposition des parlementaires qui souhaiteraient le rencontrer.
Vous mentionnez, en tant que sénatrice du Var, le point important des incendies. Je comprends l’importance de cette question. Je ne suis pas en mesure de vous répondre en cet instant, mais soyez sûre que nous le ferons.
Mme le président. La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen.
M. Pierre-Jean Verzelen. Madame la ministre, je vais vous offrir l’occasion d’évoquer de nouveau la question des bornes de rechargement.
Vous avez donné les chiffres : à ce jour, 80 000 bornes sont installées – nous accusons donc un retard. À la fin de la décennie, en théorie, nous devrions compter quasiment 500 000 bornes dans notre pays, sachant que ces estimations reposent sur l’hypothèse qu’une borne électrique serait nécessaire pour recharger environ dix véhicules.
Si de nouvelles bornes sont à mettre en place, il faudra également en changer, puisque la technologie évolue, afin de recharger les véhicules plus rapidement.
Au sujet du nombre de bornes s’ajoute celui du lieu d’installation de ces bornes. Un certain nombre de villes et de centres-bourgs connaîtront ainsi une révolution en termes d’organisation urbaine.
Vous indiquiez que, à ce jour, 80 % des recharges s’effectuaient à domicile. Or tout le monde ne possède pas un garage ou un terrain. Pour ceux de nos concitoyens qui résident en habitat collectif, je ne doute pas qu’il sera possible de s’organiser. Cependant, dans les villes, et plutôt dans les centres-bourgs, où l’habitat est contigu, où les habitants n’ont ni garage, ni parking, ni place définie devant chez eux, la situation sera bien plus compliquée.
Par conséquent, je voudrais savoir où en sont les discussions avec les maires et les associations représentatives quant aux lieux où installer ces bornes de rechargement ? Le sujet du coût a-t-il été abordé ? En effet, cette nouvelle organisation dans les communes et dans les villes risque de se révéler très onéreuse.
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme. La diversité du territoire, des centres-bourgs, de nos villes, de nos villages, rend important le sujet des infrastructures de recharge des véhicules électriques.
Comme vous l’avez souligné, monsieur le sénateur, une part significative du territoire est couverte, puisque dans les départements ruraux, l’habitat individuel est assez répandu – j’exclus les centres-bourgs que vous mentionniez – et avec lui, la possibilité de recharger son véhicule sur une place privée.
Loin de moi cependant l’idée que tout le monde posséderait un garage, un jardin et une maison ! Dans ce contexte, l’État soutient de nombreux dispositifs afin de faciliter l’acquisition et l’installation de matériel de recharge dans les logements. Je pense au crédit d’impôt, mais aussi au taux de TVA réduit à 5,5 % pour les bornes achetées par des particuliers.
Pour ce qui est de nos collectivités territoriales, plusieurs mesures sont mises en place pour soutenir ce déploiement en dehors des nœuds urbains. L’appel à projets pour soutenir le déploiement de stations de recharge haute puissance, doté à cette heure d’une enveloppe de 300 millions d’euros dans le cadre du plan France 2030, prévoit des aides plus importantes pour le déploiement de stations situées en dehors des dix principales métropoles urbaines.
La Banque des territoires propose des dispositifs d’accompagnement et de financement aux collectivités locales, aux délégataires de collectivités, aux bailleurs, mais aussi aux propriétaires en copropriété.
L’État est aux côtés des acteurs locaux. Plus de 60 % des bornes ouvertes au public ont été installées sous la maîtrise d’ouvrage de collectivités ou d’établissements publics. En outre, la réalisation de schémas directeurs dédiés doit permettre aux acteurs locaux d’être légitimement moteurs dans le déploiement de ces infrastructures, grâce à un financement facilité auprès de la Banque des territoires.
Mme le président. La parole est à M. Hervé Gillé.
M. Hervé Gillé. La décarbonation des transports routiers et la dépollution des milieux urbains nécessitent une adaptation volontariste des flottes de véhicules professionnels et particuliers.
La fin de la production et de la vente des moteurs thermiques en 2035 suscite des interrogations sur la capacité des constructeurs à réorienter leur gamme, notamment à l’échelle européenne. À la recherche de plus-values plus conséquentes, ces derniers produisent des véhicules électriques de plus en plus lourds, de plus en plus chers et de plus en plus consommateurs d’énergie.
Les véhicules d’entrée de gamme, donc plus facilement accessibles pour les ménages modestes, sont de moins en moins nombreux, au bénéfice d’une concurrence internationale, notamment chinoise, plus adaptée et plus attractive. Quel soutien à la filière française pourriez-vous envisager pour faciliter la production de véhicules d’entrée de gamme ? Avez-vous des exemples concrets ?
Ainsi, vouloir réserver les primes d’aide à l’achat aux constructeurs européens, à l’instar de ce que font les États-Unis, reviendrait à empêcher les ménages modestes de s’équiper, afin de ne pas être pénalisés par l’alourdissement des fiscalités sur les énergies carbonées et la mise en œuvre des ZFE. En d’autres termes, un tel dispositif reviendrait à toujours plus de discrimination.
Envisagez-vous ce ciblage des primes vers les constructeurs européens et donc une forme de protectionnisme ?
Où en êtes-vous du lancement d’un dispositif de leasing social pour permettre aux ménages les plus modestes de se tourner vers les véhicules propres et faciliter l’accès aux ZFE ?
Par ailleurs, de nombreuses études confirment l’intérêt de développer une filière de production de véhicules intermédiaires, plus légers, pour les mobilités du quotidien, nécessitant moins de puissance et donc plus accessibles pour l’ensemble des utilisateurs.
Quel intérêt portez-vous à ces nouveaux concepts ? Le Gouvernement serait-il favorable à l’idée de soutenir et développer ces filières à l’échelle nationale ?
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme. Monsieur le sénateur Gillé, je vous réponds sur le leasing social : oui, en 2024 !
M. Hervé Gillé. C’est loin !
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. Peut-être, mais cela suppose une discussion avec le ministre délégué chargé des transports, M. Beaune, et une concertation en amont – c’est, me semble-t-il, de bon aloi – pour nourrir le projet. Mais le fait que ce soit mis en œuvre en 2024 ne nous empêche pas d’y travailler au cours du second semestre de cette année.
La concurrence internationale est un sujet absolument majeur. L’Inflation Reduction Act (IRA), que vous avez évoqué, prévoit un crédit d’impôt pouvant atteindre 7 500 dollars en faveur des particuliers achetant un véhicule électrique assemblé en Amérique du Nord et dont les batteries satisfont à une exigence additionnelle de contenu local.
Cette mesure est une aide publique manifestement incompatible avec le droit de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), qui interdit de manière générale – vous le savez aussi bien que moi – à ses membres de favoriser leurs produits nationaux par rapport aux produits importés.
Nous n’avons pas l’intention de rester inactifs face à l’IRA. Bruno Le Maire prépare en ce moment avec Roland Lescure un projet de loi pour une « réindustrialisation verte ». Je ne doute pas – j’ai le plaisir de travailler avec Bruno Le Maire depuis trois ans – que les députés et les sénateurs y seront associés en amont.
Nous sommes en train de définir des critères, notamment environnementaux, qui permettraient de réserver nos aides à l’acquisition des véhicules produits en France ou en Europe.
Je vous invite donc, si vous le souhaitez, à être force de propositions sur le sujet dans le cadre du futur projet de loi « réindustrialisation verte ».
Mme le président. La parole est à M. Hervé Gillé, pour la réplique.
M. Hervé Gillé. Madame la ministre, pour que les personnes ayant de faibles moyens puissent acquérir des véhicules, encore faut-il que ces derniers ne soient pas trop onéreux. Or, à l’heure actuelle, il y a une dérive !
Comment faire pour que les industriels français produisent des véhicules qui ne coûtent pas cher ?
Mme le président. La parole est à Mme Denise Saint-Pé.
Mme Denise Saint-Pé. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, au mois d’octobre dernier, le Conseil et le Parlement européens ont entériné la fin de la vente des véhicules à moteur thermique au sein de l’Union européenne à partir de 2035 au bénéfice de véhicules 100 % électriques.
Un tel choix politique suscite des interrogations légitimes. À titre d’exemple, la massification de la voiture électrique entraînera une hausse significative de la consommation d’électricité en France. Or notre consommation électrique a stagné pendant vingt ans, en dépit des aléas conjoncturels.
Par conséquent, je me demande si notre système de production électrique peut véritablement monter en puissance. Nous avons tous encore en tête les exhortations du Gouvernement à la sobriété pour éviter les coupures et délestages cet hiver, ce qui ne nous rassure guère !
Certes, le Gouvernement semble avoir pris la mesure de l’urgence au travers de deux textes : le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables et le projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires. Mais les premières ne seront pas opérationnelles avant plusieurs années, tandis que les secondes ne seront jamais prêtes avant 2035.
Comment le Gouvernement compte-t-il résoudre l’équation d’une consommation électrique qui augmente plus rapidement que sa production ? Ne serait-il pas pertinent d’envisager d’autres solutions, comme le biogaz, qui présente un intérêt certain pour décarboner la mobilité des poids lourds ?
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme. Mme la sénatrice Saint-Pé, vous interrogez le Gouvernement sur le risque que ferait peser sur notre système énergétique un accroissement de la consommation d’électricité en France.
Une étude, que vous connaissez sans doute, publiée en 2019 par RTE (Réseau de transport d’électricité) a montré les effets de la mobilité électrique sur la consommation électrique française. Elle confirme que le système électrique français peut absorber le développement du véhicule électrique, même avec un pilotage limité de la recharge.
La consommation totale d’électricité des transports individuels et collectifs pèserait au plus un dixième de la consommation totale d’électricité en France d’ici à 2035. C’est moins que la consommation de chauffage résidentiel ou que l’augmentation de la consommation électrique de la France entre 2000 et 2010.
Par ailleurs, la consommation énergétique additionnelle, qui est nécessaire à l’électrification du parc, pourrait être en grande partie compensée par les gains d’efficacité énergétique réalisés dans les autres secteurs, comme le logement, puisque nous menons en parallèle, comme vous le savez, une vaste politique de rénovation énergétique.
De plus, le pilotage dit intelligent de la recharge peut permettre de lisser les besoins de consommation pour éviter les pointes, qui sont gourmandes en énergie et qui entretiennent le besoin d’importations ou la nécessaire production d’énergies fossiles.
Le développement d’outils intelligents de recharge sera l’une des clés de la soutenabilité des véhicules électriques et pourrait apporter un élément de réponse aux besoins grandissants de flexibilité du réseau électrique.
Madame la sénatrice, vous nous interrogez enfin sur la possibilité d’utiliser le biogaz pour la mobilité. Le bilan carbone du biogaz peut, certes, concurrencer celui des véhicules électriques, mais l’analyse du cycle de vie a ses limites : elle ignore la disponibilité concrète et les coûts liés aux technologies. Or le biogaz a une disponibilité actuelle et future limitée. Sa large distribution nécessiterait des investissements forts. Ces deux contraintes ne permettent pas actuellement d’en faire une solution de remplacement à l’électrique pour décarboner les voitures ou les utilitaires légers.
Aussi, nous recommandons de réserver les ressources limitées du biogaz dans les secteurs qui sont déjà dépendants du gaz plutôt que de créer une demande supplémentaire dans le secteur du transport, où il existe des technologies plus adaptées et plus matures.
Mme le président. La parole est à Mme Denise Saint-Pé, pour la réplique.
Mme Denise Saint-Pé. Madame la ministre, il me paraît utopique de penser que la consommation électrique n’augmentera pas et de miser uniquement sur les économies qui seraient réalisées.
Et je ne comprends pas la réticence du Gouvernement à l’utilisation du biogaz. Cette ressource est pourtant présente dans nos territoires.
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. Je ne crois pas que RTE soit connu pour sa propension à l’utopie. Je comprends vos doutes – le doute est salutaire, s’agissant d’un bouleversement majeur –, mais je me permets de vous renvoyer à l’étude de RTE.
J’entends votre objection sur le biogaz. Je vous suggère d’en discuter avec la ministre de l’énergie, à laquelle je peux adresser un message ; je ne suis sans doute pas aussi spécialiste du sujet que vous. (Mme la ministre déléguée est prise d’une quinte de toux.)
Mme le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants, afin de permettre à Mme la ministre déléguée de reprendre son souffle.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures neuf, est reprise à dix-sept heures douze.)
M. Philippe Tabarot. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la France affiche, comme d’autres pays, des objectifs de développement de véhicules électriques.
Plus qu’une promesse, c’est un incontestable défi pour la filière automobile, mais qui cache mal un certain de nombre de difficultés.
Première difficulté, dans le contexte délicat de l’abandon manifeste du nucléaire, la puissance électrique en France est de plus en plus remise en cause. Actuellement, près de 40 millions de voitures sont concernées en France par l’électrification après 2035. Le remplacement massif de véhicules thermiques par des véhicules électriques multipliera la consommation électrique, qui va croître d’environ 25 % par rapport à aujourd’hui.
Deuxième difficulté, nous devons faire face à de très fortes tensions sur certains matériaux ; je pense notamment aux semi-conducteurs.
Troisième difficulté, face à la radicalité et à la généralisation des ZFE, nous rencontrons un problème de souveraineté industrielle, alors qu’il faut accompagner massivement les Français vers la transition électrique.
Les aides actuelles, pour ceux qui peuvent se permettre d’acquérir une voiture électrique, profitent majoritairement à l’achat de voitures étrangères, alors que notre pays clame l’urgence de s’en doter…
La France et l’Europe sont à la remorque de la Chine, forte de sa puissance de frappe actuelle en matière de construction de voitures électriques et de batteries.
Force est de constater que le sujet vire au casse-tête : retard sur les bornes et sur le matériel, coûts prohibitifs, empreinte carbone de la production, coût de l’énergie et rejet des ZFE…
Madame la ministre, je vous prie de me répondre sereinement, objectivement et honnêtement.
M. Philippe Tabarot. Compte tenu des éléments que je viens de rappeler, les objectifs de fin de vente de véhicules thermiques après 2035 vous semblent-ils toujours pouvoir être atteints ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme. Madame la présidente, je vous remercie très sincèrement de m’avoir permis de reprendre mon souffle ! Je salue également la gentillesse des sénatrices qui m’ont proposé des pastilles contre la toux. En six ans de vie publique, d’abord à l’Assemblée nationale, puis au Gouvernement, j’ai rarement été entourée d’autant de bienveillance.
M. Jean-François Husson. C’est la marque du Sénat ! (Sourires.)
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. Ainsi que je l’ai indiqué précédemment, ce n’est pas parce que nous avons pris du retard en matière d’installation de bornes, dans un contexte rendu difficile par la pénurie de semi-conducteurs et d’intrants, dans le milieu artisanal comme dans le milieu industriel, que nous ne pourrons pas atteindre l’objectif.
D’ailleurs, les ministres chargés de l’industrie et de l’économie se sont attelés pour faire face à la pénurie de semi-conducteurs. La situation s’améliore déjà, et elle s’améliorera encore en 2023. Je rappelle que la France est actuellement le troisième pays d’Europe s’agissant des bornes.
Monsieur le sénateur, je vous réponds de manière objective, honnête et sereine : je pense que nous pouvons atteindre l’objectif. En 2022, quelque 1,5 million de véhicules particuliers ont été vendus et près de 1,3 million de véhicules particuliers ont été fabriqués, dont 100 000 véhicules électriques. Il s’agit de fabriquer 1 million de véhicules en France en 2027 et 2 millions en 2030.
Il me semble possible d’avoir un parc électrique à 20 % en 2030, soit 8 millions de véhicules, et à 45 % en 2035, soit 18 millions de véhicules.
Sans faire référence à d’autres débats en cours à l’Assemblée nationale, je crois que nous pouvons chercher à atteindre notre objectif en matière de flux, si l’on n’oublie pas le rétrofit, c’est-à-dire la capacité de transformer des véhicules thermiques en véhicules électriques. Aussi, il ne faudrait pas uniquement construire des véhicules électriques, mais également investir dans le rétrofit.
Je vous le dis sereinement, objectivement et honnêtement : j’y crois !
Mme le président. La parole est à M. Philippe Tabarot, pour la réplique.