Mme Éliane Assassi. Dans ce cas, pourquoi prévoir une telle peine ?
M. André Reichardt, rapporteur. Attendez la fin de mon propos, madame Assassi…
Je ne crois donc pas que l’application de cet article aboutisse à envoyer beaucoup de gens en prison.
Cependant, je suis sensible à la dimension symbolique qui s’attache à l’existence d’une peine d’emprisonnement. J’ai entendu aussi les observations des uns et des autres, notamment celles qui émanent des associations défendant ces personnes et venant en aide aux mal-logés : nombre d’entre elles perçoivent cette peine comme une forme de stigmatisation.
C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis favorable. (Marques de satisfaction sur les travées du groupe SER. – Mme Valérie Létard s’en félicite.) C’est bien d’entendre un « Bravo ! » de temps en temps. (Sourires.)
Enfin, concernant l’amendement n° 60, encore une fois, on comprend bien l’intention de nos collègues qui veulent éviter que des locataires défaillants ne soient envoyés en prison. Cependant, vous comprendrez bien que la prison avec sursis ne peut pas constituer une peine en soi. En outre, à la suite de l’avis favorable émis sur les deux amendements identiques précédents, leur adoption ferait tomber celui-ci.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement. Les amendements nos 78 et 59 visent à supprimer le délit pour un locataire qui se maintient sans droit ni titre dans un local d’habitation, tandis que les amendements identiques nos 34 et 82 rectifié bis tendent à supprimer uniquement la peine de prison.
Comme cela a également été souligné par M. le rapporteur, les débats à l’Assemblée nationale avaient déjà permis d’améliorer le texte. Pour autant, ces délits d’occupation sans droit ni titre en raison de loyers impayés ne renvoient pas à une situation similaire à celle des squats.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur les amendements identiques nos 34 et 82 rectifié bis, qui visent à supprimer la peine d’emprisonnement, en ne conservant que la peine d’amende, quand bien même le risque d’application de la peine prévue pour ce délit était très faible.
En revanche, je suis réservé sur la suppression totale de l’article 1er A. En effet, comme cela a été dit, les garanties prises en compte tout au long de la procédure devraient aboutir à ce que seules les personnes de mauvaise foi ou n’ayant pas utilisées toutes les voies de recours soient sanctionnées. Les personnes les plus précaires, en raison des protections mises en place, ne seraient pas sanctionnées.
Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse de la Haute Assemblée s’agissant des deux premiers amendements nos 78 et 59 ayant pour objet la suppression de l’article 1er A.
Enfin, à propos de l’amendement n° 60 visant à introduire une peine avec sursis, le sursis relève d’une décision du juge. En outre, compte tenu de l’avis favorable du Gouvernement émis sur les amendements identiques tendant à supprimer la peine de prison, cet amendement n’a plus d’objet.
Mme le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je remercie M. le rapporteur de l’avis qu’il a émis sur l’amendement n° 82 rectifié bis défendu par Valérie Létard et que, naturellement, nous soutenons, tout comme l’amendement identique n° 34 de notre collègue Benarroche – ne pratiquons pas l’ostracisme ! (Sourires.)
En effet, comme cela a été expliqué pendant les débats, la peine de prison n’avait pas beaucoup de sens ou en avait un qui était insupportable. Et puis, franchement, dans un contexte de surpopulation carcérale, cela aurait donné une image de la Haute Assemblée qui m’aurait fortement déplu.
Il me semble que cette position est une position de sagesse, une position humaine et une position intelligente. Cela ne m’étonne pas de la part de notre assemblée.
Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 34 et 82 rectifié bis.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme le président. En conséquence, l’amendement n° 60 n’a plus d’objet.
Les amendements nos 11 rectifié bis, 12 rectifié bis et 13 rectifié bis ne sont pas soutenus.
L’amendement n° 66, présenté par Mme Cukierman, M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Le présent article ne s’applique pas aux femmes dont la perte de revenu ayant entraîné la dette locative est liée au départ précipité du conjoint.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. J’entends les interventions qui ont précédemment porté sur les squatteurs et sur les petits propriétaires.
Nous n’avons rien à opposer aux petits propriétaires, qui sont une minorité – je le rappelle –, et nous ne soutenons pas le squat, qui ne devrait pas exister dans une société où tout le monde aurait accès à un logement digne.
Cependant, la réalité est que les personnes en situation d’impayés de loyer sont principalement des personnes ayant connu une perte brutale de revenus.
Cela peut être le cas, par exemple, après un licenciement ou une fin de contrat, en cas de versement tardif des allocations chômage ou du revenu de solidarité active (RSA) pour ceux qui sont en fin de droit.
Cela peut aussi être dû à une dépense soudaine, un imprévu sanitaire, une hospitalisation, ce qu’il est convenu d’appeler un accident de la vie.
Parmi ces accidents figure souvent le départ du conjoint, fréquemment un homme, ce qui provoque une baisse brutale du budget du ménage.
Une fois de plus, ce sont souvent les femmes qui en sont victimes, en devenant un parent isolé, parfois sans disposer des ressources suffisantes.
Cela s’apparente à une forme de violence économique, qui est pour nous intolérable. Je pense que nous pourrions nous accorder sur ce point.
Notre amendement vise à protéger ces femmes, non pas – entendez bien ! – en les dispensant de payer ou de rembourser ce qui est dû, mais en leur épargnant au moins de subir l’affront d’être condamnées à de la prison ferme ou à une amende.
Toutefois, si j’ai bien compris les conséquences du précédent vote, cela n’est plus opérant.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. André Reichardt, rapporteur. Madame la présidente Assassi, cet amendement tend à exclure, du champ d’application de l’article 1er A, les femmes ne pouvant régler leur loyer, parce qu’elles ont subi une perte de revenus du fait du départ précipité du conjoint.
Je rappelle que la sanction pénale est encourue seulement après une décision définitive d’expulsion et après l’expiration de tous les délais pouvant être accordés par le juge.
Dans le type de situation évoqué par nos collègues du groupe CRCE, le magistrat pourra tenir compte des circonstances et naturellement accorder à la mère, qui se retrouve isolée avec ses enfants, les délais lui permettant de retrouver un logement compatible avec le niveau de ses ressources.
Il n’est donc, selon la commission, pas utile ni pertinent d’introduire dans la loi une exception de ce type.
Si vous le permettez, j’ajouterai volontiers qu’aucune raison ne justifie de limiter cette exception aux seules femmes, dont la perte de revenus aurait entraîné la dette locative à la suite du départ précipité du conjoint.
Nous connaissons tous des hommes qui peuvent également subir une perte de revenus, liée au départ précipité de leur conjointe.
C’est la raison pour laquelle la commission émet, avec regret, un avis défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Klein, ministre délégué. Vous savez que je partage votre préoccupation s’agissant de la situation des femmes.
Néanmoins, comme vient de l’indiquer M. le rapporteur, la situation est déjà prise en compte au travers des règles de protection des locataires en situation d’impayés.
Instituer une différence entre un homme et une femme, qui ne me semble pas tout à fait constitutionnelle, ne paraît pas non plus relever d’un tel amendement.
Le Gouvernement demande donc le retrait ; à défaut, l’avis sera défavorable.
Mme le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. Il était intéressant de souligner la situation particulière de ces femmes, qui ont souvent des enfants à leur charge.
Évidemment des hommes peuvent aussi être exclus de leur logement et se retrouver alors dans des situations compliquées, mais le message de ces femmes doit être entendu, et cette réalité prise en compte.
Néanmoins, j’entends vos arguments, monsieur le rapporteur et monsieur le ministre. En conséquence, je retire l’amendement.
Mme le président. L’amendement n° 66 est retiré.
Je mets aux voix l’article 1er A, modifié.
(L’article 1er A est adopté.)
Article 1er B (nouveau)
L’article L. 412-3 du code des procédures civiles d’exécution est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les premier et deuxième alinéas du présent article ne s’appliquent pas lorsque les occupants dont l’expulsion a été ordonnée sont entrés dans les locaux à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte. »
Mme le président. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 39 est présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.
L’amendement n° 62 est présenté par Mme Cukierman, M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 39.
M. Guy Benarroche. En proposant la suppression de cet article 1er B, inséré dans le texte par la commission, les auteurs de cet amendement ne demandent ni un allégement ni une suppression de peines. Au contraire, nous considérons que, tel qu’il est rédigé, cet article prive le juge de la capacité d’exercer pleinement sa fonction, c’est-à-dire de juger s’il peut accorder ou pas des délais supplémentaires.
Par principe, nous sommes opposés aux décisions restreignant les pouvoirs du juge. Par principe, nous pensons que le juge doit pouvoir exercer la totalité de ses pouvoirs, qu’il s’agisse de prononcer une peine accrue ou d’accorder des délais supplémentaires.
Nous souhaitons rendre au juge une capacité pleine et entière à exercer la totalité de ses pouvoirs afin de juger une situation globalement et pas uniquement selon un critère automatique aboutissant à une décision également automatique. Sinon, prochainement, la justice sera rendue par des algorithmes !
Nous croyons véritablement à la justice des juges de notre pays. Pour cette raison, les auteurs du présent amendement demandent la suppression de cette mesure, afin de ne pas priver le juge de son pouvoir d’appréciation au cas par cas. Par exemple, pour décider d’accorder ou non des délais supplémentaires, il tient compte de la présence d’enfants. Si ces décisions devaient être prises automatiquement, sans le regard du juge, on enverrait temporairement dans la rue encore plus d’enfants et de personnes.
Remettons donc le regard du juge au cœur de la machine.
Mme le président. La parole est à M. Gérard Lahellec, pour présenter l’amendement n° 62.
M. Gérard Lahellec. Cet amendement est identique au précédent.
Les situations peuvent être complexes et différentes. Dès lors, aucune raison ne justifie d’empêcher le juge d’émettre un avis. Cela nous semble être la position de fond qu’il convient de défendre. L’empêcher d’apprécier revient finalement à nier la diversité de ces situations. C’est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de cet article.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. André Reichardt, rapporteur. La commission a adopté un amendement de notre collègue Catherine Procaccia, visant à supprimer la faculté, pour le juge, d’accorder des délais supplémentaires à un squatteur. Cela nous a paru légitime.
Cette mesure s’inscrit dans la ligne de fermeté à l’égard des squatteurs, suivie par notre commission. Une personne, qui s’est introduite frauduleusement dans un logement, ne peut pas prétendre aux mêmes garanties qu’un locataire qui subit un accident de la vie.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Klein, ministre délégué. L’amendement vise à réintroduire la possibilité pour le juge d’octroyer des délais renouvelables aux occupants sans droit ni titre lorsque le relogement ne peut avoir lieu dans des conditions normales.
Les occupants sans droit ni titre font d’ores et déjà l’objet d’un traitement au civil plus sévère que les locataires dont le bail a été résilié.
En effet, ils ne peuvent se prévaloir ni du délai de deux mois entre le commandement de quitter les lieux et la mise en œuvre de l’expulsion ni de la trêve hivernale, comme vous le savez.
Ainsi, supprimer les délais prévus par l’article L. 412-3 du code des procédures civiles d’exécution revient à priver les occupants de la seule garantie qui leur est accordée pour bénéficier d’un logement décent.
Si cette garantie de bénéficier d’un logement décent n’est pas mise en place, la situation n’est alors pas réglée et des personnes ou des familles pourraient de nouveau être accueillies en hébergement d’urgence ou connaître des situations illégales.
Pour ces raisons, le Gouvernement émet un avis favorable sur ces amendements identiques.
Mme le président. La parole est à M. Daniel Breuiller, pour explication de vote.
M. Daniel Breuiller. Voilà quelques semaines, j’ai rencontré cinquante femmes et dix-sept enfants qui, en raison d’une expulsion, étaient temporairement logés – ou plutôt abrités – dans un gymnase, sur décision préfectorale, dans la ville dont j’ai longtemps été maire.
Toutes ces femmes ont raconté exactement la même histoire, faite de successions d’hébergements temporaires, de passages dans la rue et de nouveaux endroits où elles peuvent se loger, parfois avec des gens mal intentionnés qui les conseillent et parfois simplement parce qu’il faut s’abriter et abriter les enfants.
Le squat est non pas un choix, mais, souvent, la dernière option possible.
Je remercie M. le ministre de l’avis favorable qu’il vient de donner sur ces amendements. En effet, ces situations, mes chers collègues, vous pouvez en prendre la mesure lorsque vous rencontrez ces personnes qui vivent expulsion sur expulsion.
Mme le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Je remercie la commission d’avoir voté mon amendement dont est issu cet article 1er B.
Je répète ce que j’ai déjà dit : le droit au logement, c’est pour tout le monde, y compris pour les personnes qui habitent un logement, ne peuvent pas le récupérer parce qu’il est squatté et, de ce fait – certains collègues nous l’ont expliqué pendant la discussion générale –, se retrouvent à devoir se loger dans une caravane ou ailleurs.
Le droit au logement, c’est aussi pour les locataires et propriétaires en titre, pas simplement pour les personnes qui se sont approprié un logement, indépendamment des raisons de cette appropriation.
Dans de tels cas, l’État doit intervenir et procéder à un relogement ; il n’y a pas de raison de pénaliser les titulaires du logement.
Je voterai donc contre ces amendements.
Mme le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. La proposition que nous défendons ne consiste pas à donner plus de temps à ceux qui occupent les lieux pour les quitter. Nous demandons seulement que le juge prenne la décision, parce qu’il a la capacité et tous les éléments pour le faire bien mieux que s’il s’agit d’une décision automatique. Nous ne disons rien d’autre ! Il est question non pas d’être plus laxiste, mais d’être plus juste.
S’agissant de l’argument consistant à dire que c’est à l’État de faire – je l’ai moi-même utilisé –, celui-ci n’est aujourd’hui pas en capacité ! C’est comme lorsque l’on dit « y a qu’à, faut qu’on »… Certes, l’État, « y a qu’à ». Mais l’État, en fait, ne peut actuellement pas faire parce que – je ne l’excuse pas pour autant – il s’est mis dans des conditions où il ne peut pas faire et, comme il ne peut pas faire, les conséquences seront pour les squatteurs en situation précaire, des femmes et des enfants. (Gestes de protestation sur les travées du groupe Les Républicains.)
Bis repetita placent, mes chers collègues de droite : je ne dis pas qu’il faut être plus laxiste, je demande que le juge puisse juger en toute connaissance de cause. Rien d’autre !
Je vous ai souvent entendus dans cette enceinte, à juste titre, défendre face au ministre de la justice le fait que le juge devait avoir les moyens de juger. C’est tout ce que nous demandons. Non à l’automaticité ! Sans quoi, nous finirons par n’avoir de justice que par automaticité et algorithmes. Ni vous ni nous ne le souhaitons !
Mme le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, pour explication de vote.
Mme Dominique Estrosi Sassone. Je voudrais réagir aux propos d’un de nos collègues, qui affirmait que le squat n’était pas un choix. Le squat, mes chers collègues, est illégal, que ce soit un choix ou pas ! Il faut arrêter d’excuser l’occupation illégale de locaux à usage d’habitation, comme de locaux à usage économique.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Très bien !
Mme Dominique Estrosi Sassone. Encore une fois, nous sommes tous d’accord, dans cet hémicycle, pour dire que notre pays connaît de véritables difficultés du fait de la crise du logement et du mal-logement. Mais ce n’est pas aux propriétaires de prendre cela en charge ! L’État doit faire face aux situations de mal-logement et je ne vois pas pourquoi, parce que l’État est défaillant ou, par exemple, qu’il n’indemnise pas les propriétaires n’obtenant pas le concours de la force publique comme il devrait le faire, ce serait à ces derniers de supporter cette charge.
Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 39 et 62.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme le président. Les amendements nos 23 rectifié ter et 24 rectifié ter ne sont pas soutenus.
Je mets aux voix l’article 1er B.
(L’article 1er B est adopté.)
Après l’article 1er B
Mme le président. L’amendement n° 83, présenté par Mme Procaccia, est ainsi libellé :
Après l’article 1er B
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le deuxième alinéa de l’article L. 412-6 du code des procédures civiles d’exécution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le représentant de l’État doit recourir à la force publique afin d’expulser l’occupant introduit sans droit ni titre dans le domicile d’autrui à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, dans un délai de soixante-douze heures suivant la décision du juge. »
La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Avec votre accord, madame le président, je présente conjointement l’amendement n° 84 rectifié.
Mme le président. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 84 rectifié, présenté par Mme Procaccia et ainsi libellé :
Après l’article 1er B
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
En cas de refus d’une proposition de relogement par un occupant introduit sans droit ni titre dans la résidence principale d’autrui par voie de fait, il sera expulsé dans un délai de soixante-douze heures sans autre proposition de relogement.
Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
Mme Catherine Procaccia. Mardi, au début de l’examen de ce texte, nous avons été plusieurs à regretter que certaines décisions de justice ne soient pas appliquées et il a encore été question, tout à l’heure, du choix du juge.
Ce n’est pas parce qu’un juge décide une expulsion que celle-ci est automatiquement mise en œuvre. En effet, le préfet peut estimer que certaines conditions, certains problèmes de relogement, le fait, justement, qu’il s’agit d’une famille ou qu’il n’a aucune autre solution de logement à proposer ne permettent pas cette expulsion, laissant ainsi les propriétaires, occupants ou non, dans le désarroi.
Avec l’amendement n° 83, je propose donc d’imposer au préfet de procéder sans délai à une expulsion, dès lors qu’il y a eu décision de justice.
S’agissant de l’amendement n° 84 rectifié, j’ai été surprise de découvrir, y compris dans mon département, que parfois des squatteurs à qui l’on avait fait des propositions de relogement refusaient celles-ci, parce que le logement proposé ne leur plaisait pas, qu’ils ne voulaient pas changer de ville ou encore qu’ils souhaitaient avoir deux salles de bains – des choses tout de même assez effarantes ! Encore récemment, d’ailleurs, j’en ai entendu quelques-unes de ce style dans la bouche de maires qui, au cours de leurs vœux, expliquaient les situations rencontrées dans leur commune.
Je propose donc par l’amendement n° 84 rectifié de préciser que, si c’est possible, on présente une proposition de relogement au squatteur, mais que, si celui-ci la refuse, l’expulsion est prononcée. Dès lors qu’on lui propose une solution, il doit l’accepter !
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. André Reichardt, rapporteur. S’agissant de l’amendement n° 83, on peut partager le souci de notre collègue Catherine Procaccia d’accélérer les procédures d’expulsion en soumettant le recours à la force publique à un délai strict. Il est tout de même apparu à la commission que le délai prévu de soixante-douze heures était très court et risquait de faire peser sur les préfectures une contrainte excessive, alors que, on le sait, nos forces de police ou de gendarmerie doivent répondre à de multiples sollicitations.
Il faut, d’après nous, laisser un peu de souplesse au préfet pour qu’il prête rapidement le concours de la force publique, mais en ayant la possibilité d’arbitrer entre les nombreuses – trop nombreuses, même – demandes adressées aux forces de l’ordre à l’heure actuelle.
Par ailleurs, nous observons qu’aucun délai n’est fixé, à l’article 38 de la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, la loi Dalo, pour prêter le concours de la force publique, alors que cette procédure se veut beaucoup plus rapide que la voie judiciaire. Il y aurait donc, selon nous, un paradoxe à imposer un délai si court en cas de décision de justice, alors que la procédure administrative de l’article 38 de la loi Dalo n’en prévoit pas.
Pour ces raisons, l’avis est défavorable sur l’amendement n° 83.
Par ailleurs, nous avons malheureusement un peu de mal, ma chère collègue Catherine Procaccia, à comprendre véritablement la portée de l’amendement n° 84 rectifié. Sa rédaction nous paraît trop imprécise pour qu’il soit accepté en tant que tel.
Ainsi, on ne sait pas si la disposition s’appliquerait en cas de recours à la procédure d’évacuation forcée prévue à l’article 38 de la loi Dalo, auquel cas il introduirait une nouvelle obligation de relogement, qui n’existe pas dans les textes à l’heure actuelle, ou s’il s’appliquerait en cas de procédure judiciaire, auquel cas on ne voit pas bien comment il s’articulerait avec les délais prévus pour une telle procédure.
En raison de ces difficultés de compréhension, je me permets donc de demander le retrait de cet amendement, sans quoi l’avis sera défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Klein, ministre délégué. Pour gagner un peu de temps et comme l’exposé de M. le rapporteur était parfaitement clair, je me rangerai à ses avis : un avis défavorable sur l’amendement n° 83 et une demande de retrait de l’amendement n° 84 rectifié ou, à défaut, un avis défavorable.
Mme le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Je regrette que l’amendement n° 84 rectifié soit mal rédigé. Cela étant, nous sommes en train d’élaborer la loi et, donc, à la demande du rapporteur, je le retire. Je précise néanmoins que c’est une préoccupation : il est tout de même absolument anormal qu’un squatteur puisse se permettre de refuser une proposition de relogement et, surtout, après, continuer à occuper les lieux pendant très longtemps. Je trouve cela scandaleux et regrette que la commission n’ait pas voulu réécrire mon amendement.
Mme Catherine Procaccia. S’agissant de l’amendement n° 83, je vous ai expliqué, monsieur le rapporteur, l’origine de l’article 38 de la loi Dalo. Au départ, celui-ci avait un champ un peu plus large, mais, voilà seize ans, dans la nuit, j’ai reçu les manifestants et on a décidé de le circonscrire à l’habitation principale. Depuis, les choses ont beaucoup évolué.
Par conséquent, j’entends votre remarque selon laquelle cela n’est pas prévu dans l’article 38 de la loi Dalo, mais j’avoue qu’en 2007, j’étais déjà contente de faire voter cet article !
Comme vous jugez le délai de soixante-douze heures trop court, ce que je peux concevoir – mais je me mets toujours dans la position des personnes qui attendent de pouvoir rentrer dans leur logement –, je rectifie l’amendement n° 83 pour imposer un délai, non plus de soixante-douze heures, mais de sept jours à compter de la décision du juge.
Mme le président. Je suis donc saisie d’un amendement n° 83 rectifié, présenté par Mme Procaccia, et ainsi libellé :
Après l’article 1er B
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le deuxième alinéa de l’article L. 412-6 du code des procédures civiles d’exécution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le représentant de l’État doit recourir à la force publique afin d’expulser l’occupant introduit sans droit ni titre dans le domicile d’autrui à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, dans un délai de sept jours suivant la décision du juge. »
Quel est l’avis de la commission ?
M. André Reichardt, rapporteur. Je ne peux naturellement pas interroger les membres de la commission, la rectification venant d’être faite à l’instant. Je vais donc m’en remettre à la sagesse de la Haute Assemblée, qui choisira. À titre personnel, j’aurais souhaité que l’on fasse confiance au préfet, qui sait naturellement s’il est en capacité de mobiliser, ou non, la force publique dans ce délai. Mais j’en reste à cet avis de sagesse.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?