M. le président. La parole est à M. Abdallah Hassani. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Abdallah Hassani. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comment ne pas partager le souhait de réduire la charge des personnels soignants, que l’on sait épuisés, d’inciter ces derniers à rester dans nos hôpitaux ou de faire revenir ceux qui les ont quittés ?
Le texte qui nous est soumis vise aussi à assurer une prise en charge de qualité à nos concitoyens grâce à un encadrement adéquat. Nous partageons ce but, mais est-ce le meilleur chemin ? Présenté comme souple, il risque plutôt de rigidifier l’organisation au sein des hôpitaux, là où, justement, nous nous efforçons de créer de l’agilité pour aller au plus proche des besoins territoriaux.
Des ratios de sécurité existent déjà pour certains services, mais, faute des conditions prévues, les capacités d’accueil sont suspendues ou réduites. Ces principes seraient actés dans la loi, alors qu’ils sont, jusqu’à présent, d’ordre réglementaire. Le président du Sénat parlait il y a peu de « sobriété législative ». Pourquoi inscrire dans la loi une mesure qui relève bien davantage du décret ?
Le texte propose de créer d’autres ratios, dits « de qualité », sur la base des recommandations de la Haute Autorité de santé. Une révision aurait lieu tous les cinq ans. Le non-respect des ratios qualitatifs au-delà de trois jours serait signalé à l’ARS. Que ferait-on, alors ? Quelles seraient les responsabilités pour les établissements ne parvenant pas à atteindre ces ratios ? L’insécurité juridique d’un tel dispositif et les risques pour la pérennité des services sont à noter.
Censé devenir une loi de programmation, ce texte serait appliqué en deux temps. N’est-ce pas faire peser une inquiétude sur les acteurs à court terme ?
Alors, oui, je l’ai dit, nous partageons tous la volonté de proposer des solutions aux soignants, mais ce qu’ils souhaitent, à mon sens, ce sont des engagements concrets plutôt que des rigidités à long terme.
Je pense aux revalorisations du Ségur, aux mesures de compensation de la pénibilité, notamment pour le travail de nuit, prises depuis l’été dernier, ou encore aux 19 milliards d’euros d’investissements dans la santé.
En tout cas, je peux vous assurer qu’à Mayotte, l’hôpital connaît un manque considérable de soignants. L’activité, sous pression, exerce toujours de fortes tensions au regard des capacités. Je crains que ces ratios ne soient pas la réponse adéquate au regard de l’ampleur de la tâche.
Ce texte, dont les intentions sont certes louables, ne peut donc pas, en tout état de cause, représenter une réponse globale aux défis à relever. Il pourrait plutôt complexifier notre système de santé, et conduire ainsi à un résultat inverse à celui qui est recherché. C’est pourquoi le groupe RDPI s’abstiendra. (M. Martin Lévrier applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Émilienne Poumirol. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui vise à établir un ratio minimum de soignants par patient au sein des services de l’hôpital public.
Le constat, nous le connaissons et nous le partageons : fermetures de services, annulations d’opérations programmées, démissions dans le personnel soignant, etc. L’hôpital public et ses effectifs sont depuis des années en souffrance et, je dirai même, en détresse.
Les périodes de crise et de tensions dans les services hospitaliers se succèdent, et le Ségur de la santé, qui a certes permis une revalorisation salariale, apparaît comme une réponse insuffisante face à l’ampleur des difficultés que rencontre l’hôpital.
En effet, plus encore que le trop faible niveau de rémunération, ce sont les conditions de travail dégradées et le manque de temps médical auprès des patients – que dénoncent les soignants – qui entraînent le départ des professionnels. Ainsi, près de 10 % des postes d’infirmière ne sont pas pourvus à l’heure actuelle.
Et pour cause ! Ce sont à l’heure actuelle les contraintes budgétaires et non les besoins en soins qui déterminent le nombre d’infirmières dans les services et la composition de l’équipe de soins.
Pourtant, nous le savons, les infirmiers et les aides-soignants jouent un rôle essentiel dans la qualité des soins. Les études scientifiques le montrent : la mortalité des patients augmente dès qu’une infirmière doit s’occuper de plus de six patients. Or, dans nos hôpitaux, une infirmière est, dans la plupart des services, chargée de quinze patients en journée et de vingt-quatre la nuit !
Il paraît donc indispensable de repenser l’organisation du travail à l’hôpital, de changer le paradigme de l’Ondam et de garantir un nombre suffisant de professionnels de santé par patient.
Tel est l’objet du texte que nous présentons : assurer à la fois une prise en charge de qualité pour les patients et de bonnes conditions de vie au travail pour les soignants. Il permettra de redonner de l’attractivité et du sens au travail de l’ensemble des personnels.
Cette proposition de loi est le fruit de plusieurs années de travail, d’auditions et de concertations avec les membres du personnel hospitalier, en particulier avec le collectif Inter-hôpitaux dans le cadre du référendum d’initiative partagée visé par la proposition de loi de programmation pour garantir un accès universel à un service public hospitalier de qualité. Je remercie notre collègue Bernard Jomier de présenter aujourd’hui ce texte.
Notre proposition de loi, par laquelle nous ne prétendons pas, bien sûr, résoudre l’ensemble des difficultés de l’hôpital, représente une réelle avancée. Ainsi, elle fixe un objectif de rétablissement d’effectifs suffisants auprès des patients, et elle tend à charger la HAS de définir par spécialité et par type d’activité un ratio minimal de soignants par lit ouvert, ou, pour les activités ambulatoires, par nombre de passages.
Au cours des auditions menées par notre rapporteure Laurence Rossignol, nous avons entendu, d’une part, l’approbation et l’espoir soulevé pour l’ensemble des soignants – ces derniers sont infirmiers, aides-soignants, kinésithérapeutes, médecins, etc. –, d’autre part, les interrogations des directions hospitalières. Cela a amené notre rapporteure à modifier l’article unique en précisant les modalités et le calendrier de l’entrée en vigueur des mesures.
Le texte est pensé comme une loi de programmation : il définit une cible à atteindre grâce à une entrée en vigueur progressive des dispositions. Cela permettra ainsi d’évaluer au plus près la charge de soins des différents postes, charge qui, nous l’avons entendu et compris, dépend de nombreux facteurs, non seulement dans les différentes spécialités, mais aussi dans les différents territoires, parfois même en fonction de l’architecture des bâtiments.
Nous avons l’expérience des politiques de ratios infirmiers par patient dans les services où ces ratios sont obligatoires. Des expérimentations ont été réalisées en Australie et aux États-Unis. Elles ont montré qu’il existait un lien certain entre l’augmentation de la dotation en infirmières et la diminution de la durée du séjour, des réadmissions, de la morbidité, des erreurs médicales, et, même, des démissions dans le personnel infirmier.
Oui, cette mesure sera coûteuse et nécessitera un fort investissement de l’État, mais les études scientifiques le montrent : à moyen et long termes, augmenter les effectifs du personnel soignant constitue un investissement positif sur le plan financier.
En effet, selon l’expérimentation australienne, si engager un nombre suffisant d’infirmières a représenté un coût total de 33 millions de dollars sur deux ans, cela a permis d’éviter en coût des réadmissions et de durée de séjour une dépense de 69 millions de dollars.
Instituer des ratios de soignants en fonction du nombre de patients a donc, nous le voyons, un triple bénéfice : pour la santé et la sécurité des patients, pour redonner une qualité de vie au personnel soignant et du sens à son travail, pour faire des économies en coûts évités à moyen et long termes.
Encore une fois, le choix à faire aujourd’hui est politique : ou bien nous investissons dans l’hôpital public et le service public de la santé pour garantir une prise en charge de qualité à chacun, ou bien nous laissons la loi du marché et la rentabilité décider de la santé des Français.
Nous vous proposons d’agir réellement pour garantir l’avenir du service public. Cette mesure, madame la ministre, ne relève nullement de la coercition ; elle représente un travail tenant compte, à la suite de concertations, des différentes contraintes que vous évoquiez. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi qu’au banc des commissions. – Mme Laurence Cohen applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier la rapporteure Laurence Rossignol du travail qu’elle a mené sur cette proposition de loi relative à l’instauration d’un nombre minimum de soignants par patient hospitalisé, déposée par le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. Notre collègue Bernard Jomier, à l’initiative de ce texte, reprend ici une revendication défendue par des collectifs de membres du personnel soignant depuis plusieurs années.
En France, il existe déjà des ratios de soignants par patient dans des services très spécifiques tels que le bloc opératoire, la réanimation et la dialyse. Instaurer des ratios pour chaque spécialité et activité de soins permettrait une amélioration des conditions de travail et contribuerait à rendre les métiers un peu plus attractifs pour les personnels. Ce serait également la garantie d’une meilleure prise en charge des patients.
La politique de réduction des dépenses de santé et de non-recrutement de personnel hospitalier a mécaniquement entraîné une augmentation du nombre de patients sous la responsabilité des soignants.
On le sait, l’une des causes majeures des difficultés de recrutement et de la fuite de personnels soignants, en particulier infirmiers, est, plus encore que la faiblesse des salaires, l’augmentation de la charge de travail due au manque d’effectifs. Cette question est d’autant plus importante qu’une étude, parue dans la revue scientifique The Lancet, a démontré qu’améliorer le ratio de soignants par patient diminuait la mortalité, les réadmissions et la durée de séjour.
L’idée d’instaurer des quotas est donc fort séduisante. Malheureusement, mes chers collègues, cette proposition de loi ne présente pas que des avantages.
En effet, dans le contexte actuel de pénurie, cette proposition risque plutôt de produire des effets pervers. Sans recrutement supplémentaire, et à moyens constants, mettre en place des seuils minimums induit forcément de prendre des effectifs dans tel service pour renforcer tel autre. En d’autres termes, cela revient à déshabiller Pierre pour habiller Paul !
Nous avons été alertés par des soignantes et des soignants qui s’inquiètent d’une possible concurrence entre les services pour obtenir des ratios plus importants. Ils craignent, en quelque sorte, de voir s’ouvrir une guerre entre chefs de service. En l’état actuel des choses, ce dispositif peut donc contribuer à accélérer la fermeture de lits, voire à remettre en cause les 35 heures.
Pour ces raisons, nous estimons que l’instauration de ratios de soignants par soigné doit aller de pair avec une hausse massive des moyens alloués à l’hôpital. Madame la ministre, vous vous êtes bien gardée de vous engager sur ce terrain. En effet, vous avez fait l’éloge des personnels, affirmé qu’il fallait améliorer les conditions de travail, mais, actuellement, le Gouvernement n’entend pas les revendications des soignants, et n’y répond pas.
Mme Laurence Cohen. Dans une tribune parue dans Le Monde, la sociologue Dominique Méda estimait que la mise en place de tels ratios nécessiterait l’embauche de 100 000 infirmières et infirmiers supplémentaires, pour un coût de 5 milliards d’euros. Madame la ministre, la balle est dans votre camp !
Tout en reconnaissant les contraintes imposées dans la rédaction des propositions de loi, nous regrettons que celle-ci ne cible pas des sources de financement, comme la suppression des 75 milliards d’euros d’exonérations de cotisations sociales.
Enfin, nous regrettons le choix de ne pas associer les organisations syndicales à la définition des besoins permettant de fixer, aux côtés de la Haute Autorité de santé et de la commission médicale d’établissement, ces ratios.
Par conséquent, la proposition de loi du groupe socialiste, dont nous partageons l’objectif, s’arrête, en quelque sorte, au milieu du gué, faisant courir le risque d’accompagner les politiques de réduction du nombre de lits. Pour cette raison, le groupe CRCE s’abstiendra, même si le texte me semble un appel que le Gouvernement doit entendre. Ce débat est donc le bienvenu.
M. le président. La parole est à M. Laurent Burgoa. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Burgoa. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, personne ne peut ignorer le profond malaise qui touche le monde médical : en témoigne la crise des vocations que ce dernier traverse, celle-là même qui frappe également le corps enseignant. On ne choisit pas cette voie professionnelle par hasard, et c’est heureux ! Il s’agit bien d’une vocation, mais celle-ci ne doit pas devenir un véritable sacerdoce.
L’enjeu actuel est de s’assurer que nos hôpitaux puissent disposer de ressources suffisantes afin de garantir une qualité de soins optimale et de bien meilleures conditions de travail aux soignants.
En effet, ces dernières années, les hospitalisations conventionnelles ont progressivement été remplacées par des prises en charge ambulatoires. De fait, les patients désormais hospitalisés doivent se voir consacrer plus de temps, car les soins qu’ils demandent sont plus complexes et les pathologies plus lourdes.
Il s’agit alors d’adapter les effectifs à cette évolution, et je tiens à remercier personnellement le président de la commission médicale d’établissement (CME) du centre hospitalier universitaire de Nîmes de m’avoir sensibilisé à cet enjeu.
Si des ratios sont déjà fixés par décret et sont mentionnés dans le code de la santé publique, notamment en réanimation ou en unités de soins intensifs, dans la plupart des autres services, il n’y a pas de règles en bonne et due forme qui fixent un nombre de soignants par patient. Il convenait de clarifier les choses et de préciser l’articulation des ratios existants, dits de sécurité, avec ces nouveaux ratios de qualité, non moins importants : de cette qualité, évidemment, découle une plus grande sécurité pour les patients.
La définition de ces nouveaux ratios serait confiée à la Haute Autorité de santé. Elle les définirait par spécialité et par type d’activité de soin hospitalier, afin de pouvoir répondre le plus précisément possible aux différents besoins. Il était important pour nous de valoriser une approche de terrain aux prises avec les réalités des établissements.
Après lecture de la proposition de loi de notre collègue Bernard Jomier, nous avons veillé à ne pas entraver davantage le mode de fonctionnement de nos hôpitaux : je pense aux petites structures présentant, vous le savez, un grand intérêt pour nos territoires. Dès lors, en commission des affaires sociales – je tiens à remercier tant le travail de sa présidente que celui de Mme le rapporteur –, nous avons garanti aux hôpitaux une capacité d’adaptation en fonction des différentes spécialités et spécificités locales, parfois tout simplement liées à des contraintes architecturales. Précisons tout de même que ces adaptations devront obtenir l’approbation des commissions médicales d’établissement et des commissions des soins infirmiers, de rééducation et médico-techniques (CSIRMT).
La mise à jour de ces ratios est d’ores et déjà prévue, tous les cinq ans, ainsi qu’une procédure de signalement à l’agence régionale de santé, en cas d’incapacité prolongée de trois jours à les respecter, afin de permettre une connaissance plus fine de la situation de nos hôpitaux.
À l’issue du travail de la commission, nous avons ainsi considéré qu’un équilibre avait été trouvé – préoccupation chère à notre institution ! – et répondait aux préconisations du rapport Hôpital : sortir des urgences, issu de la commission d’enquête sur la situation de l’hôpital et le système de santé en France.
En 2023, en France, il est regrettable que des lits soient fermés faute de personnel. Nous ne pouvons l’accepter et, si la mise en place d’un ratio de soignants par patient permet indéniablement d’offrir de meilleures conditions de travail, encore faut-il – en les revalorisant – que ces métiers deviennent plus attractifs. Sans cela, je le crains, ces emplois resteront non pourvus et ces nouveaux ratios intenables, d’où la progressivité voulue dans la mise en œuvre de cette proposition de loi.
Rappelons que des effectifs suffisants permettent de remplacer plus facilement les absences, ou encore de favoriser la formation en permettant un bien meilleur encadrement des plus jeunes. C’est aussi cela l’intérêt de cette proposition de loi ; c’est la raison pour laquelle le groupe Les Républicains votera en sa faveur.
Pour conclure, comme certains de nos concitoyens qui, à l’issue d’une hospitalisation, se trouvent très admiratifs des soignants et reconnaissants à leur égard, l’État, souvent au milieu d’une crise sanitaire, déclare beaucoup d’amour aux soignants. Pourtant, ces belles déclarations sont très peu suivies d’effets. Alors, madame la ministre, à l’approche de la Saint-Valentin, permettez-moi de vous rappeler qu’en politique, comme en amour, il n’y a que les actes qui comptent ! (Sourires.) – (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et SER. – Mme Évelyne Perrot applaudit également.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi relative à l’instauration d’un nombre minimum de soignants par patient hospitalisé
Article unique
I. – Après le 4° de l’article L. 161-37 du code de la sécurité sociale, il est inséré un 4° bis ainsi rédigé :
« 4° bis Établir, pour chaque spécialité et type d’activité de soin hospitalier et en tenant compte de la charge de soins associée, un ratio minimal de soignants, par lit ouvert ou par nombre de passages pour les activités ambulatoires, de nature à garantir la qualité et la sécurité des soins ; ».
I bis (nouveau). – Le chapitre IV du titre II du livre Ier de la sixième partie du code de la santé publique est complété par des articles L. 6124-2 à L. 6124-5 ainsi rédigés :
« Art. L. 6124-2. – Pour des raisons de sécurité, certaines activités de soins peuvent être soumises à des conditions de fonctionnement particulières requises pour l’accueil de patients. Celles-ci sont fixées par décret pour une période maximale de cinq ans.
« Art. L. 6124-3. – En vue de garantir la qualité des soins et des conditions d’exercice, il est défini, pour chaque spécialité et type d’activité de soin hospitalier, un ratio minimal de soignants par lit ouvert ou par nombre de passages pour les activités ambulatoires.
« Le ratio prévu au premier alinéa est établi par décret, pris après l’avis de la Haute Autorité de santé, pour une période maximale de cinq ans. Il tient compte de la charge de soins liée à l’activité et peut distinguer les besoins spécifiques à la spécialisation et à la taille de l’établissement.
« Art. L. 6124-4. – Dans les établissements assurant le service public hospitalier au sens du chapitre II du présent titre, l’organisation des soins propre aux services de l’établissement au regard des ratios définis en application de l’article L. 6124-3 est soumise pour approbation aux commissions médicales et chargées des soins infirmiers, de rééducation et médico-techniques.
« Art. L. 6124-5. – Dans les établissements assurant le service public hospitalier au sens du chapitre II du présent titre, lorsqu’il est constaté pour une unité de soins que les ratios définis à l’article L. 6124-2 ne peuvent être respectés pendant une durée supérieure à trois jours, le chef d’établissement en informe le directeur général de l’agence régionale de santé territorialement compétent.
II et III. – (Supprimés)
IV (nouveau). – A. – Le I entre en vigueur à une date fixée par décret et, au plus tard, le 31 décembre 2024.
B. – Le II entre en vigueur le 1er janvier 2027. –
M. le président. Sur l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi, je n’ai été saisi d’aucun amendement.
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme la présidente de la commission.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. En l’absence d’amendements, je veux indiquer comment la commission a travaillé sur ce texte.
Je remercie Bernard Jomier de cette proposition de loi, qui reprend en effet l’une des préconisations du rapport Hôpital : sortir des urgences, issu de la commission d’enquête Hôpital, même si celle-ci est formulée dans des termes un peu différents.
Je partage votre avis, madame la ministre : ce texte ne représente pas la solution miracle. Il faut employer de nombreux leviers pour parvenir à résoudre le malaise présent à l’hôpital, et celui-ci en est un.
À l’origine, le groupe Les Républicains avait exprimé une crainte quant aux moyens pour imposer de tels ratios en pleine pénurie de personnel. Je remercie la rapporteure et Bernard Jomier, auteur de la proposition de loi, d’avoir tenu compte de ces remarques et d’avoir proposé une modulation selon les besoins spécifiques à la spécialisation et à la taille de l’établissement, au regard des exigences de qualité et de sécurité. Plus encore, je leur sais gré d’avoir prévu un délai suffisamment long pour la mise en place des mesures.
Madame la ministre, vous nous avez assuré que vous alliez apporter de nombreuses réponses. C’est formidable : les ratios, en 2027, ne poseront donc aucun problème !
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. En effet, tant de soignants seront restés ou revenus à l’hôpital que les effectifs par patient se situeront dans une fourchette satisfaisante…
Mes chers collègues, je vous invite vraiment à voter ce texte, même s’il ne représente qu’une solution modeste par rapport à un mal-être croissant. Laurent Burgoa l’a dit, tout comme Rémi Salomon, de l’hôpital Necker-Enfants malades, président de la conférence des présidents de CME des CHU : les soignants attendent ce texte.
Nous envoyons un signal, qui est aussi un aiguillon pour que le Gouvernement aille dans le même sens, de façon que les soignants ne courent plus dans tous les sens, n’arrivent plus stressés à l’hôpital ou ne le quittent plus, en assurant une meilleure qualité de soins aux patients dont les affections sont de plus en plus lourdes, chroniques ou polypathologiques. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et SER.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Je remercie les orateurs des différents groupes, qui ont porté un premier message faisant consensus : nous devons écouter la demande unanime des soignants. Je salue celles et ceux qui, parmi ces derniers, sont aujourd’hui en tribune et nous écoutent. En effet, les soignants demandent unanimement ce dispositif, comme nous l’avons constaté à l’occasion des auditions.
Je salue également les différents groupes, notamment ceux de la majorité sénatoriale, et en particulier la présidente de la commission. Tous se sont engagés dans un vrai dialogue afin que cette proposition ne soit ni « brutale » ni « uniforme », pour reprendre les mots du ministre François Braun que citait Laurence Rossignol. Nous avons répondu à la demande du ministre !
En effet, la rapporteure et la présidente de la commission ont démontré que ce texte n’était ni « brutal » – deux ans sont accordés pour établir les référentiels, deux ans de plus pour les appliquer – ni « uniforme », puisque les référentiels se traduiront – cela est clairement énoncé dans le texte – par la fixation de fourchettes au sein de chaque établissement, en fonction de ses caractéristiques et de ses spécialités.
Je regrette dès lors, madame la ministre, que vous restiez fermée à notre proposition. Le parlementarisme, dans cette enceinte particulièrement, est l’acceptation de la discussion, sans camper, dans ses réponses, sur la même déclaration de principe, à savoir que la proposition ne doit être ni « brutale » ni « uniforme ».
Convenons tous qu’aucune mesure ne suffira, seule, à répondre aux difficultés de nos hôpitaux. Cependant, convenons que celle que nous vous proposons est massivement réclamée par les soignants et que fermer la porte à une disposition qui a fait ses preuves dans beaucoup d’autres pays revient à se priver d’une réponse réelle. À l’heure où je vous parle, les soignants, malheureusement, continuent à quitter nos hôpitaux : il faut inverser ce mouvement. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe GEST. – Mme la présidente de la commission applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Muriel Jourda, pour explication de vote.
Mme Muriel Jourda. Je rebondis sur les propos qui viennent d’être tenus, à la fois par Mme la présidente de la commission des affaires sociales et par notre collègue Bernard Jomier, sur les difficultés du monde soignant, sur la pénurie, sur les solutions qui peuvent être trouvées pour y faire face.
Je voudrais interroger Mme la ministre sur une loi bien connue, mais pas appliquée : la loi du 26 avril 2021 visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, dite Rist. Cette loi visait à plafonner la rémunération des intérimaires dans le système hospitalier public. Elle devait entrer en application avant les élections, mais tel n’a pas été le cas – ceci expliquant peut-être cela.
Sa mise en œuvre déstabiliserait vraisemblablement un ensemble de services médicaux recourant massivement à l’intérim. Pour cette raison, elle doit, le cas échéant, s’appliquer uniformément, ce qui exige d’avoir le courage de prévenir les élus des difficultés potentielles, et de s’organiser avec les ARS pour pouvoir faire face à cette déstabilisation.
Dès lors, ma question est la suivante : une date est-elle arrêtée pour l’entrée en application du texte ? Nous laissera-t-elle le temps d’organiser dans les territoires la mise en œuvre de cette mesure qui peut avoir de graves répercussions sur nos hôpitaux ? Je vous remercie, madame la ministre, de votre éventuelle réponse.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour explication de vote.
Mme Michelle Gréaume. Madame la ministre, vous ne pouvez pas nous affirmer que les lits se ferment par manque de soignants, alors que ces derniers, depuis longtemps, crient haut et fort leur mal-être. Actuellement, il manque des soignants dans nos services publics parce que les intéressés partent dans le privé, notamment à l’étranger, par exemple en Belgique.
Les soignants parlent de leur mal-être ; nous le connaissons. Comme l’ont dit tous mes collègues, leurs agendas sont surchargés. Certains sont appelés pendant leurs vacances à revenir chez eux, ne bénéficiant pas d’un emploi du temps fixe. Il faut le savoir.
Les soignants ont appris un métier nécessitant l’écoute et l’aide au plus près des patients. À l’heure actuelle, ils ne sont plus en mesure de passer du temps avec ces derniers parce qu’ils n’ont plus de temps pour quoi que ce soit. Ils assurent eux-mêmes mettre en danger la vie des patients !
L’étude de 2016 de la Haute Autorité de santé Qualité de vie au travail et qualité des soins l’indique : plus la charge de travail est élevée, plus les conséquences sont négatives pour les patients, faisant courir un risque d’erreur de raisonnement et pouvant compromettre la qualité du service.
Nous le crions haut et fort depuis longtemps : la charge de travail est trop élevée. Il faut des embauches, madame la ministre ! Dans cet hémicycle, il y a peu, on nous a assuré que, dans le public, un relais serait opéré par les médecins traitants, comme si ce n’était pas grave… Sauf que les médecins traitants eux-mêmes n’en peuvent plus ! C’est pour cette raison qu’ils se rassemblent et qu’ils manifestent.
Madame la ministre, nous lançons un appel : il faut embaucher. C’est la seule solution !