M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller.
M. Philippe Mouiller. Notre indépendance alimentaire passe par la sauvegarde de notre agriculture et par le maintien de sa capacité à produire des denrées de qualité en quantité suffisante.
Dans un contexte d’adaptation aux effets du changement climatique, des solutions sont à rechercher pour que les activités consommatrices d’eau puissent se poursuivre.
Dans le domaine agricole, la réponse passe en partie par la possibilité de continuer à irriguer, même pendant les périodes de sécheresse, lesquelles, certaines années, débutent dès le printemps.
Toutefois, la ressource en eau se raréfie.
Encore fortement agricole, le département des Deux-Sèvres figure parmi les plus touchés par les effets de la sécheresse. Confrontés au premier chef aux aléas liés au changement climatique, les agriculteurs deux-sévriens ont dû et ont su s’organiser pour maintenir leur production en qualité et en quantité. Réunis au sein d’une coopérative de l’eau, ils se sont engagés dans la réalisation de retenues de substitution afin d’alléger la tension sur la ressource en eau, ces réserves permettant de stocker de l’eau en période hivernale.
Il convient de rappeler que ce projet a été lancé voilà une dizaine d’années, après concertation, avec l’accord des hydrogéologues, de l’État, des collectivités territoriales, des associations environnementales et des agriculteurs. Parallèlement, ces mêmes agriculteurs se sont engagés à faire évoluer leurs modes de production et se sont tournés vers des cultures moins consommatrices en eau.
Le département des Deux-Sèvres est aujourd’hui tristement connu pour la manifestation violente que ce projet d’investissement a suscitée le 29 octobre dernier, notamment à Sainte-Soline. Ces investissements, pourtant autorisés, font l’objet de contestations et de sabotages. Les porteurs de projet et les entreprises sont soumis à des intimidations. Les conditions dans lesquelles les entrepreneurs interviennent s’en voient dégradées.
Cette situation interpelle l’ensemble des acteurs qui promeuvent des projets identiques à l’échelle nationale. Aussi, madame la secrétaire d’État, vous serais-je reconnaissant de bien vouloir m’indiquer les mesures que le Gouvernement entend prendre pour que ce projet puisse être mené à son terme, mais surtout pour que le développement de ce type d’investissements soit rendu possible à l’échelon national.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l’écologie. Monsieur le sénateur Mouiller, vous m’interrogez sur le projet de retenue de Sainte-Soline. Je tiens tout d’abord à rappeler que le Gouvernement condamne fermement les actes de violence et les dégradations qui ont eu lieu.
Les seize retenues d’eau destinées à l’irrigation agricole dans le bassin versant Sèvre Niortaise et Mignon, notamment à Sainte-Soline, constituent une réponse adaptée aux enjeux du territoire, dans l’objectif d’atteindre une gestion durable et équilibrée de la ressource en eau.
Le protocole a été validé en 2018 et signé en présence d’élus de toutes sensibilités ; je ne les nommerai pas ici, mais vous en connaissez un certain nombre. Il est soutenu par l’État pour trois raisons : premièrement, parce que celui-ci a proposé à tous les acteurs du territoire un cadre de concertation pour parvenir collectivement à un projet équilibré entre les besoins agricoles en eau et la préservation de l’environnement ; deuxièmement, parce que les réserves de substitution dans ce bassin versant sont pertinentes pour améliorer la situation durant l’été, comme cela est confirmé par les études scientifiques ; troisièmement, parce que le projet de réserves de substitution a été conditionné à des contreparties du monde agricole – je pense à la réduction de 50 % des pesticides, aux mesures en faveur des zones humides et de la biodiversité ou encore aux évolutions vers des pratiques agroenvironnementales et des cultures moins gourmandes en eau –, ce qui permet d’accélérer la transition écologique.
Le projet, qui a été légalement autorisé, apporte des garanties nécessaires en matière de prélèvement de la ressource en eau. Les études scientifiques du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) de 2022 montrent un gain de débit dans les cours d’eau et de plusieurs mètres de hauteur dans les nappes pendant la saison d’étiage ; les conditions de remplissage hivernales sont strictement contrôlées. Si les niveaux des nappes souterraines sont inférieurs aux seuils fixés par arrêtés préfectoraux, le remplissage des réserves de substitution est interdit.
Soyez assuré que le Gouvernement sera très attentif à la situation du territoire des Deux-Sèvres : ce projet a été validé et sera bien mis en œuvre.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Madame la secrétaire d’État, le 25 novembre dernier, un arrêté plaçait le département de la Corrèze en « vigilance », après plusieurs mois en situation de limitation des usages de l’eau. L’état de sécheresse de cet été s’est étendu à l’automne. La question de la quantité de la ressource en eau dans notre pays se pose donc plus que jamais.
D’un point de vue tant économique qu’écologique, la gestion de l’eau est indispensable. Je prendrai l’exemple de l’agriculture : les sécheresses que nous connaissons depuis plusieurs années ont un impact sur notre souveraineté alimentaire. Notre agriculture perd des parts de marché aux échelons européen et international. Gérer l’eau suppose que l’on puisse poursuivre l’irrigation des terres. Qu’est-il prévu concernant les évolutions des systèmes d’irrigation et de rétention d’eau de pluie – les retenues collinaires d’hiver – en agriculture ?
La gestion de l’eau est également essentielle quand il s’agit de production d’énergie via des moulins ou des barrages. La petite hydroélectricité et les grandes installations sont à la croisée d’enjeux économiques, écologiques, énergétiques, à l’heure – je l’ai dit lors des dernières questions d’actualité au Gouvernement, au mois de décembre dernier – où les lacunes de notre souveraineté énergétique, dues à une diminution du nucléaire, sont bien là.
À l’occasion de ses vœux, le Président de la République a évoqué une hausse des prix de l’électricité plafonnée, ainsi que des aides adaptées autant que nécessaire. Dans l’état actuel des choses, si rien n’était fait, beaucoup de PME seraient en grande difficulté. Nous devons en effet sortir de la dépendance énergétique.
Une meilleure gestion de l’eau peut y participer. La petite et la grande hydroélectricité font partie des solutions. Madame la secrétaire d’État, quelles sont les prochaines étapes envisagées ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l’écologie. Monsieur le sénateur Chasseing, je partage votre analyse : le changement climatique en cours aura un impact fort sur notre agriculture. C’est pourquoi le précédent gouvernement a engagé un Varenne agricole de l’eau et de l’adaptation au changement climatique, afin d’évoquer les solutions face à ce défi. Une feuille de route a aussi été présentée par la Première ministre au mois de mars dernier. C’est bien une dynamique d’adaptation que défend le Gouvernement, avec un panel de solutions qu’il conviendra de mobiliser.
Les agences de l’eau et FranceAgriMer accompagnent financièrement l’adaptation de l’agriculture. Dans le cadre de France Relance, plus de 170 millions d’euros ont été dédiés à l’investissement dans les matériels d’irrigation plus performants, par exemple le goutte-à-goutte en arboriculture, le pilotage basse pression en grandes cultures, ainsi que les projets hydrauliques collectifs.
Plus globalement, nous avons construit ensemble trois piliers indissociables pour le Varenne agricole de l’eau et de l’adaptation au changement climatique : premièrement, se doter d’outils d’anticipation et de protection de l’agriculture face aux aléas climatiques, deuxièmement, renforcer la résilience de l’agriculture dans une approche globale, en agissant sur les pratiques agricoles et l’efficience de l’irrigation, troisièmement, accéder à une vision partagée et raisonnée de l’accès aux ressources en eau.
M. Laurent Duplomb. Cela ne veut rien dire !
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d’État. Il faut continuer à travailler à la fois sur l’adaptation et la mobilisation des ressources. Les plans d’adaptation des filières doivent se saisir pleinement de l’enjeu de changement climatique, comme l’a fait la filière viticole. Les chambres régionales d’agriculture réfléchissent à des projets territoriaux qui seront indispensables. La diffusion des solutions doit se généraliser dans toutes les exploitations.
Monsieur le sénateur, vous m’avez également interrogée sur l’hydroélectricité. Je répondrai ultérieurement à cette question, le temps de parole qui m’est imparti étant limité.
M. le président. La parole est à M. Daniel Breuiller.
M. Daniel Breuiller. L’eau est un bien commun inaliénable. On a longtemps cru que, en France, son accès était garanti pour tous et pour tous les usages. Toutefois, en 2022, 80 % des départements furent soumis à des obligations de restriction, dès l’hiver pour certains d’entre eux. Les sécheresses inédites et intenses annoncent un niveau jamais atteint du bouleversement climatique, qui a touché le cycle même de l’eau.
Ce n’est pas un aléa météorologique, c’est une transformation qualitative – élargissement et assèchement de la couche atmosphérique, baisse et non-reconstitution des nappes phréatiques – qui impose des changements de pratiques dans tous les secteurs : vie quotidienne, nucléaire, industrie, agriculture. Si cette dernière est parfois montrée du doigt, elle peut être aussi source de solution en s’adaptant à des cultures plus économes en eau et en favorisant le stockage carbone.
Face à la raréfaction de la ressource, le partage de l’eau devient un enjeu crucial, objet de conflits, parfois dramatiques comme à Sivens avec la mort de Rémi Fraisse. C’est le cas aussi autour des bassines. De ce point de vue, l’assimilation des protestations à de l’« écoterrorisme » ne résout rien, au contraire.
Les chercheurs alertent sur le caractère structurel des modifications en cours. Madame la secrétaire d’État, pensez-vous possible – en ce qui nous concerne, nous le jugeons nécessaire – de mieux partager la connaissance et les analyses scientifiques ? Si oui, comment ? Nous proposons, pour notre part, un doublement des crédits de la recherche.
Quelle modification le Gouvernement entend-il soutenir pour le partage de la ressource en eau : évolution de l’agriculture vers l’agroécologie ? Limitation de l’impact du nucléaire ? Priorisation des usages essentiels du quotidien face aux usages superflus ou de confort ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l’écologie. Monsieur le sénateur Breuiller, l’approvisionnement en eau potable est la première des priorités. Plus d’une centaine de collectivités se sont en effet retrouvées en difficulté cette année. Nous avons confié une mission aux inspections pour faire le retour d’expérience sur la gestion de la crise, afin d’être prêts pour la saison prochaine.
Cette mission formulera des propositions qui seront évoquées avec l’ensemble des parties prenantes, réunies au sein du Comité national de l’eau (CNE). Sur cette base, nous mettrons à jour les procédures. Il s’agira de réviser le guide national sécheresse et de s’assurer de la mise à jour des arrêtés-cadres et du plan Orsec (organisation de la réponse de sécurité civile) « eau ».
J’ai aussi demandé aux préfets d’établir la liste de l’ensemble des collectivités ayant rencontré des difficultés d’approvisionnement et d’accompagner en priorité les plus fragiles pour améliorer leur résilience d’ici à l’été prochain. Cela passe notamment par le développement des interconnexions de réseaux. Le Gouvernement engagera 100 millions d’euros de dépenses supplémentaires pour les agences de l’eau.
M. Laurent Duplomb. Ce n’est pas grâce à vous !
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d’État. C’est un enjeu important. Il faudra aussi anticiper davantage les sécheresses.
À l’échelon national, je réunirai prochainement le Comité d’anticipation et de suivi hydrologique (Cash). À l’échelle des territoires, je souhaite que les préfets de département réunissent les comités ressource en eau dès la sortie de l’hiver pour anticiper les risques de tensions sur la ressource.
J’ai aussi demandé que les entreprises fortes consommatrices d’eau fassent l’objet d’inspections afin que des solutions en termes d’économies d’eau et d’anticipation des restrictions puissent être évoquées avec elles. Au-delà de la gestion de crise, c’est tout un ensemble de mesures de gestion structurelle de la ressource en eau qui doit nous permettre de garantir l’adéquation entre disponibilité de la ressource et besoins des différents usages. Tel est l’objet du plan que j’ai déjà évoqué.
M. le président. La parole est à M. Daniel Breuiller, pour la réplique.
M. Daniel Breuiller. D’ici trente ans, le débit moyen des fleuves pourrait diminuer de 30 % à 50 % et les deux tiers de notre pays pourraient connaître des conditions de sécheresses durables. Je ne suis pas certain que nous ayons pris la mesure de ce phénomène. Personne ne pourra dire demain : « On ne savait pas. »
La compréhension partagée est indispensable. Il faut renforcer le travail académique, pour que le fruit de ce travail nourrisse les élus, les professionnels et les organisations non gouvernementales (ONG).
M. le président. La parole est à Mme Nadège Havet.
Mme Nadège Havet. L’eau est un bien fondamental. Sa gestion quantitative et qualitative occupe une place centrale dans nos politiques publiques, aussi bien localement que nationalement. L’été dernier, l’ensemble de notre pays a été touché par la sécheresse, des restrictions d’usages, plus ou moins sévères, ont été mises en œuvre. Ce fut le cas dans le Finistère.
Depuis 2001, la France métropolitaine a perdu 14 % de ses ressources en eau renouvelable par rapport à la période de référence précédente. À la suite des assises de l’eau et après le Varenne agricole de l’eau et de l’adaptation au changement climatique, il est donc nécessaire d’aller plus vite et plus loin, alors que, nous le savons, le réchauffement climatique intensifiera la durée et l’intensité de ces épisodes. Dans cette volonté d’accélération, rappelons ici que le rôle joué par les élus locaux sera fondamental.
Plus généralement, il nous faut parvenir à un consensus sur l’eau en associant toutes les parties prenantes. Cela passera par un effort de démocratisation, d’éducation, mais aussi de communication ciblée et continue sur les usages et leur priorisation.
À la fin du mois d’août dernier, lors de la Rencontre des entrepreneurs de France 2022, la Première ministre a abordé la notion de planification écologique de l’eau, dans l’objectif de planifier les actions dont nous avons besoin pour accélérer la transition écologique et atteindre l’objectif de baisse de prélèvements : - 10 % d’ici à 2025, - 25 % d’ici à 2035.
Le 29 septembre dernier, dans ce cadre, Agnès Pannier-Runacher, Christophe Béchu, Agnès Firmin Le Bodo et vous-même, madame la secrétaire d’État, avez lancé à Marseille un premier chantier consacré à la gestion de l’eau, laquelle se doit d’être plus résiliente, plus fiable, et ce dans les trois domaines principaux que sont l’industrie, l’agriculture et les usages du quotidien. Pourriez-vous nous préciser la méthodologie retenue et les actions à venir en la matière ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l’écologie. Madame la sénatrice Havet, la politique de l’eau est structurée, organisée et fortement outillée, il est important de le rappeler. Pourtant, durant cette sécheresse historique, nous avons collectivement constaté que nous devions aller plus loin pour être à la hauteur face à l’inéluctable dérèglement climatique.
Le diagnostic est sans appel : on évalue à 81 % l’effondrement des espèces d’eau douce ; trop de territoires sont en déficit ; 30 % des eaux souterraines ne sont pas dans un bon état chimique. Nous devons donc accélérer de manière coordonnée. C’est l’objectif du chantier que j’ai lancé avec Christophe Béchu et Agnès Firmin Le Bodo à Marseille, le 29 septembre dernier.
Ce chantier s’inscrit dans l’exercice de planification promu par la Première ministre. Nous devons engager une transition pour faire preuve d’une réelle sobriété dans les usages de l’eau, renforcer la gouvernance sur son partage, garantir l’accès à une eau potable de qualité et restaurer le grand cycle de l’eau.
Une des clés de la réussite passera par une planification efficace, qui conduira très rapidement à la réalisation de projets. Pour coconstruire le plan d’action, j’ai mobilisé l’ensemble des parties prenantes afin de bâtir du consensus, mais aussi de repolitiser le sujet de l’eau.
Les contributions du Comité national de l’eau et des comités de bassin ont été présentées jeudi dernier. Les acteurs m’ont transmis de nombreuses propositions qui touchent à la fois à la gouvernance, aux outils réglementaires et au financement. J’examine actuellement ces propositions et je tiens à saluer la qualité du travail qui m’a été remis.
Le plan Eau sera annoncé à Rennes, à la fin du mois de janvier, lors du carrefour des gestions locales de l’eau. Je vous donne donc rendez-vous dans une quinzaine de jours, madame la sénatrice.
M. le président. La parole est à M. Hervé Gillé.
M. Hervé Gillé. Je tiens, tout d’abord, à remercier le groupe Les Républicains, à qui nous devons ce débat sur la gestion de l’eau.
Monsieur le président, madame le secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaite vous alerter sur une question déterminante qui a l’avantage d’allier les deux sujets préoccupants du moment : gestion de nos énergies et gestion de l’eau. Je parle ici des barrages hydroélectriques et des lourds enjeux qu’impliquent la mise en concurrence pour l’attribution de leur exploitation et le renouvellement des concessions.
Depuis quinze ans, la Commission européenne fait pression sur l’État pour obtenir la mise en concurrence des barrages hydroélectriques. La France a ainsi reçu deux mises en demeure, en 2015 et en 2019.
Le choix des futurs concessionnaires ne sera pas anodin : ils auront en charge la régulation des cours d’eau, mais surtout la responsabilité de 12 % de la production énergétique métropolitaine, part importante qui fait de la France le troisième pays européen en termes de puissance installée.
En cette nouvelle année, plus de 150 concessions arrivent à échéance. Nombre de parties prenantes se sont déjà opposées à la décision verticale de mise en concurrence, tant elle est éloignée des enjeux territoriaux, et soutiennent, dans un même temps, le maintien du statu quo du quasi-monopole d’EDF.
L’échéance se rapproche fatidiquement et soulève de nombreuses problématiques : iniquité de la mise en concurrence avec les pays membres, pertes d’emplois, hausse des prix de l’électricité, danger pour la sûreté des usagers et la sécurité d’approvisionnement, inégalités entre collectivités.
Madame la secrétaire d’État, la région Occitanie, comme de nombreuses collectivités, vous a demandé dès le mois de novembre dernier d’obtenir une dérogation pour la France. Où en sont les négociations avec Bruxelles et comment le Gouvernement réussira-t-il à répondre aux nombreuses problématiques économiques et écologiques que pose l’ouverture à la concurrence ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l’écologie. Monsieur le sénateur Gillé, comme vous le savez, la Commission européenne a engagé un contentieux à l’encontre de la France, portant notamment sur l’absence de renouvellement par mise en concurrence des concessions hydroélectriques échues. Une telle situation nuit aux investissements dans le secteur et elle est source d’incertitude pour les entreprises, les agents, la population, mais aussi les élus.
C’est dans ce contexte que le Gouvernement explore plusieurs scénarios pour le renouvellement des concessions hydroélectriques. Il sera particulièrement attentif à ce que la solution retenue permette la pérennisation et le développement du parc hydraulique français, au bénéfice du système électrique français et des emplois liés à ce secteur d’activité.
Pour le très court terme, l’article 16 quinquies du projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables prévoit que les investissements permettant d’assurer la pérennité d’un ouvrage hydroélectrique dont la concession est échue pourront être réalisés.
Quelle que soit la solution retenue pour la gestion des concessions hydroélectriques françaises dans le cadre de la résolution de ce contentieux, le Gouvernement sera très attentif au potentiel énergétique, technique et humain des sociétés hydroélectriques et à leur ancrage territorial. Il sera en outre, dans le contexte de l’adaptation au changement climatique, tout aussi précautionneux quant aux enjeux de gestion de l’eau.
Ces enjeux peuvent notamment passer par une politique de soutien à l’étiage, à l’instar de celle qui a été menée l’été dernier pendant la sécheresse historique que nous avons connue, afin de préserver le débit de certaines rivières ou de certains fleuves, et ainsi de conjuguer les différents usages possibles de l’eau à l’aval. Ce soutien à l’étiage a conduit à utiliser une fraction de l’eau des grands réservoirs hydrauliques, non pas pour faire du turbinage à des fins économiques, mais pour apporter des volumes complémentaires dans le contexte de sécheresses. Des projets tels que les stations de transfert d’énergie par pompage (Step) pourront également contribuer à la transition énergétique et aux besoins croissants de soutien à l’étiage.
M. le président. La parole est à M. Hervé Gillé, pour la réplique.
M. Hervé Gillé. Pour ce qui est de la mise en demeure de l’Europe, je constate que la réponse reste ouverte… Nous suivrons donc ces sujets avec beaucoup d’attention.
La Gironde est directement concernée, madame la secrétaire d’État, puisque le soutien d’étiage bénéficie à la Garonne au travers des barrages, notamment hydroélectriques. Je serai donc particulièrement vigilant.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.
Mme Marie-Claude Varaillas. En France, nous n’avons pas attendu la directive-cadre sur l’eau, puisque, depuis leur création en 1964, le combat quotidien des agences de l’eau est d’assurer le bon état des eaux. Érigées en six établissements publics, elles ont pour mission de lutter contre les pollutions de l’eau en garantissant la protection des milieux aquatiques.
Après avoir subi des baisses d’effectifs continues, allant jusqu’à la suppression de plus de 20 % de leurs emplois, leurs moyens financiers ont été rabotés depuis 2018…
M. Laurent Duplomb. Même avant !
Mme Marie-Claude Varaillas. … par l’instauration du plafond mordant, qui limite leurs capacités d’interventions financières auprès des collectivités territoriales, établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et syndicats.
Le récent transfert des compétences eau et assainissement au bloc communal, obligatoire d’ici à 2026, induit un surcoût pour les collectivités. Si l’entretien des réseaux est relativement bien assuré dans les grandes communes, ces réseaux ont souvent plus de soixante ans dans les petites communes et ces dernières rencontrent par ailleurs des difficultés importantes de mise aux normes des installations d’assainissement non collectif, particulièrement onéreuse pour les usagers. Madame la secrétaire d’État, comment comptez-vous donner aux agences de l’eau les moyens d’accompagner les collectivités qui ont à faire face à ces enjeux importants à l’aune du changement climatique ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l’écologie. Madame la sénatrice Varaillas, nous devons disposer de solutions efficaces pour pallier le manque d’eau et le déficit structurel des nappes. Créées par la loi de 1964, les agences de l’eau sont un outil indispensable pour nos territoires : elles sont le bras armé permettant de mettre en œuvre une politique de l’eau qui réponde aux enjeux des territoires.
Je constate que le plafond annuel des taxes et redevances perçues par les agences de l’eau ne bouge plus depuis plusieurs années, ce qui implique de choisir entre des politiques aussi stratégiques les unes que les autres.
La maîtrise du plafond des redevances contribue également à la réalisation de l’engagement pris par le Gouvernement de maîtriser la fiscalité qui pèse sur les ménages. Pour autant, nous avons trouvé des marges de manœuvre budgétaires ces dernières années : avec le plan de relance à hauteur de 250 millions d’euros, puis avec l’augmentation, deux années consécutives, du plafond des dépenses de 100 millions d’euros. Nous avons ainsi obtenu une hausse de 50 millions d’euros pour l’année 2023 dans le cadre de la loi de finances pour répondre aux enjeux liés à la sécheresse de l’été dernier.
Par ailleurs, dans le cadre du plan Eau qui sera annoncé à la fin du mois de janvier, nous préparerons les prochains programmes d’intervention 2025-2030.
Madame la sénatrice, ne doutez donc pas de l’ambition du Gouvernement de doter les agences de l’eau de moyens suffisants pour répondre aux enjeux d’adaptation au changement climatique.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas, pour la réplique.
Mme Marie-Claude Varaillas. En réduisant les moyens financiers des agences de l’eau, vous transférez la charge aux collectivités territoriales, donc aux contribuables locaux, notamment au travers de la gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (Gemapi).
M. Laurent Duplomb. Qui l’a votée ?
Mme Marie-Claude Varaillas. Face aux défis de notre époque, notamment le changement climatique, le principe selon lequel « l’eau paie l’eau » reposant essentiellement sur les seuls usagers est dépassé. La solidarité nationale doit s’exprimer.
L’eau n’est pas une marchandise, elle est un bien commun de l’humanité. À ce titre, nous devons en garantir l’accès et la gestion par la création d’un grand service public national, seul capable, de notre point de vue, de résoudre la globalité des enjeux relatifs à l’eau.