M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jérôme Bascher. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà le premier projet de loi de finances que nous examinons dans le cadre de la nouvelle loi organique sur les lois de finances (Lolf), dont le président de la commission des finances, Claude Raynal, s’est attaché à bien faire respecter les modalités. Rien que pour cela et parce qu’il nous a permis de tenir les délais dans ce nouveau temps contraint, il faut le remercier.
Je remercie aussi M. le rapporteur général, ainsi que vous, monsieur le ministre, car vous nous avez offert, par votre présence, la possibilité d’un dialogue et d’une contribution. Vous aurez compris en creux de qui nous notons l’absence ! (Sourires.)
Ce budget, c’est celui de la volatilité, de la variabilité, de l’instabilité et de l’inflation.
D’ailleurs, la variabilité vaut y compris pour les avis du Gouvernement ! Prenons l’article 40 quater, que nous examinions hier encore : monsieur le ministre, vous avez maintenu la disposition concernant les nouveaux contrats de Cahors – à moins que ce ne soit les anciens ou bien ceux de Lourdes, car tous les termes sont apparus. Ce qui est certain, pourtant, c’est que Mme la Première ministre avait soutenu le contraire devant l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF) et nous étions nombreux aux côtés de nos élus locaux.
Ces avis fluctuants ne facilitent pas le débat, à un moment où nous aurions besoin d’un cap de politique économique, voire d’un cap politique tout court.
Monsieur le ministre, il y a eu aussi de l’inflation, notamment dans les amendements : mes chers collègues, nous sommes passés en dix ans de 500 à 3 000 amendements sur ce dernier projet de loi de finances. Pourquoi pas ? C’est le droit du Parlement et nous l’avons utilisé à plein après que l’Assemblée nationale en a été largement privée.
L’inflation se constate aussi dans le nombre de milliards d’euros en jeu dans les amendements : le Gouvernement a ainsi présenté un amendement à plus de 25 milliards d’euros, qui a fait l’objet d’un sous-amendement à près de 6 milliards d’euros. Nous n’avons jamais vu des mouvements à une telle hauteur dans des amendements. Peut-être faudrait-il retrouver de la mesure en la matière pour bien légiférer sans trop d’instabilité ?
À ce propos, une certaine instabilité s’est manifestée au sujet de l’article d’équilibre, car l’on s’est trompé d’un moins ou d’un plus – il est vrai, là encore, que ce ne sont que des milliards d’euros. (Sourires.) Finalement, sur l’article d’équilibre, nous obtenons un déséquilibre.
En effet, le budget que le groupe Les Républicains votera très largement n’est pas complet, nous en avons bien conscience. Monsieur le ministre, c’est aussi la limite de l’article 40 de la Constitution qui ne nous permet pas de reconstruire totalement un budget. Nous le savons, mais nous avons fait des propositions, car on ne peut pas continuer d’avoir un budget en déséquilibre. Sur les 500 milliards d’euros de budget, 156 milliards d’euros concernent le déficit et 270 milliards d’euros sont relatifs aux emprunts de long terme. L’année dernière, la moitié du budget était financée par la dette ; nous sommes dorénavant au-delà de la moitié.
Bien évidemment, on ne peut pas continuer ainsi : vous nous proposez la baisse d’impôt et nous pouvons y adhérer, notamment sur la CVAE, car les élus du groupe Les Républicains sont pour sa suppression, mais pas comme cela ! (M. le ministre délégué sourit.) Ce n’est ni fait ni à faire.
C’est de l’improvisation, tout comme vous avez improvisé sur la suppression de la redevance audiovisuelle : à ce sujet, vous ne nous avez toujours rien proposé pour remplacer cette ressource en 2024. Il en va de même pour la suppression de la CVAE. Votre mécanisme de compensation aux collectivités locales ne convient pas.
Alors, c’est au travail que nous vous appelons et nous vous invitons à privilégier la concertation avant de prendre des mesures à l’emporte-pièce, quand l’enjeu représente des milliards d’euros pour les collectivités territoriales et qu’il y va de la compétitivité de la France.
Monsieur le ministre, nous vous avons fait des propositions, dans la lignée des recommandations du Fonds monétaire international (FMI) et de ce que le Sénat a voté lors de la discussion du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027. Nous avons réorienté le budget en diminuant les dépenses. Nous nous y étions engagés lors de l’examen de ce texte et nous avons donc agi en cohérence. Nous parvenons ainsi à réduire le déficit public – je ne parle pas là des missions que nous avons refusées.
Pourquoi avons-nous refusé certaines missions, mes chers collègues ? Il ne s’agit pas d’une toquade ; ces missions concernent des secteurs où ce qui manque, ce sont non pas les crédits, mais la réforme et le courage de la mettre en œuvre.
Absence de réforme sur l’immigration : c’est pour cela que nous avons rejeté les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».
Notre agriculture est dans une très mauvaise passe, comme de nombreux rapports sénatoriaux d’information l’ont souligné. Nos alertes sont récurrentes et c’est pourquoi, là encore, nous avons refusé les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » : ce n’est pas que nous n’avons pas besoin d’argent pour notre agriculture, pour la moderniser et pour la rendre plus bio et plus écologique, la raison, c’est que vous ne travaillez pas à la moindre réforme, monsieur le ministre.
Pourtant, nous vous avons fait des propositions, dont certaines étaient bienvenues. Je pense à la suggestion de Christine Lavarde, qui visait à éviter 500 millions d’euros de dépenses pour acheter des voitures chinoises et permettait d’améliorer à la fois le déficit public et le déficit commercial, pour un double bénéfice. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Sophie Primas. Très bien !
M. Jérôme Bascher. Monsieur le ministre, nul n’ignore sur ces travées que vous recourrez au 49.3 : nous ne sommes pas des garennes de six semaines. (Sourires.) Avant de terminer, je souhaite donc appeler votre attention sur quelques points qu’il nous faut retenir.
Bien évidemment, il y a l’augmentation de la dotation globale de fonctionnement et le filet de sécurité tel que le Sénat l’a proposé et qui a reçu l’aval de tous les territoires : l’AMF, l’Assemblée des départements de France (ADF) et Régions de France.
Il y a aussi le mécanisme de contribution de la rente inframarginale des installations électriques, notamment avec des tarifs revalorisés à 145 euros le mégawattheure pour le biogaz. Nous vous avions vivement alerté sur le sujet et les entreprises continuent d’y travailler avec vous, je le sais, et je vous sais attentif sur ce point, monsieur le ministre.
Nous vous avons aussi alerté au sujet de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP). Si nous avons gelé cette taxe, c’est que l’augmenter en période d’inflation risquerait de créer un effet « gilets jaunes » : la crise avait éclaté à la suite de l’augmentation de la taxe carbone et de la hausse des prix du carburant. La logique sera la même pour l’électricité.
Enfin, nous restons très attachés au FCTVA.
Dans les quelques secondes qui me restent, je tiens à mentionner le taux réduit de TVA pour les chevaux ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Emmanuel Capus. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après trois semaines de discussion, de jour comme de nuit, vingt-six débats sur les missions et les comptes spéciaux et plus de 2 500 amendements examinés, nous achevons l’examen du premier budget de ce nouveau quinquennat.
Puisque ces moments sont partagés, je tiens à remercier, au nom du groupe Les Indépendants – République et Territoires, la commission des finances et le Gouvernement de leur engagement. Celui-ci a permis la bonne tenue des débats et a contribué à la qualité de notre travail.
Cela vaut particulièrement pour vous, monsieur le ministre chargé des comptes publics, et pour vous aussi, monsieur le rapporteur général. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Vous avez passé ici de longues heures et vous avez toujours pris le plus grand soin pour répondre à nos questions et à nos interpellations. Cela améliore grandement la qualité de nos débats.
Je tiens également à remercier le président de la commission des finances (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.), qui n’a pas ménagé son temps, mais qui a su ménager le nôtre, en invitant régulièrement nos collègues les plus prolixes à davantage de concision.
Nos débats ont été riches lors de l’examen de la seconde partie, comme ils l’avaient été lors de la discussion de la première partie. Nous avons pu débattre sur des sujets importants pour les collectivités territoriales et pour les élus locaux.
Je pense notamment à la mise en place du fonds vert. Cet outil sera à la disposition des acteurs de terrain. Il permettra de faire avancer la transition écologique par des actes plutôt que par des polémiques. C’est cela, l’écologie du réel ; c’est cela, l’écologie de l’action.
Nous avons également renforcé les dispositifs pour aider les collectivités à faire face à l’inflation. Aujourd’hui, le coût de l’énergie est l’angoisse majeure des élus locaux. S’ils savent pouvoir compter sur l’État, ils attendent désormais des actes.
Je ne reviens pas sur les dispositifs votés en première partie, notamment le filet de sécurité, dont les conditions d’éligibilité ont été supprimées, et l’indexation de la DGF sur l’inflation. Ces mesures répondaient aux inquiétudes des collectivités.
Toutefois, comme je l’ai déjà dit à la fin de la première partie, ces mesures ne sont pas ciblées sur les collectivités qui en ont le plus besoin. C’est pourquoi notre groupe a déposé plusieurs amendements visant à encadrer ces dispositifs, non pas pour pénaliser certaines collectivités, mais bien pour soulager les finances publiques dans leur ensemble.
C’est dans ce même esprit que nous avons abordé l’article 40 quater. Il réintroduisait dans le projet de loi de finances, l’article 23 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, en y instaurant des contrats de confiance, nouvelle version adoucie des contrats de Cahors. (M. Loïc Hervé s’exclame.) Ces accords visent à maîtriser l’évolution des dépenses locales et à renforcer le crédit de la France. Ce n’est pas rien.
Notre groupe a cependant clairement exprimé, au moment de l’examen du projet de loi de programmation des finances publiques, ses réserves vis-à-vis de mécanismes contraignants. Ces réserves persistent, notamment à cause des sanctions, qui sont trop sévères pour les collectivités.
Toutefois, nous pensons plus opportun d’améliorer les solutions proposées par le Gouvernement, plutôt que de les rejeter en bloc. Aussi avons-nous proposé de conserver le mécanisme de suivi des dépenses, tout en supprimant les pénalités associées.
Nous aurions ainsi préféré que le Sénat puisse aboutir à un mécanisme de contrôle des finances locales sans mesures coercitives,…
M. Loïc Hervé. Ce serait mieux !
M. Emmanuel Capus. … car c’est là que le bât blesse.
J’espère que, dans le cadre de la navette parlementaire, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous aboutirons à un accord sur ce sujet, qui concerne à la fois les collectivités et nos finances publiques.
À ce propos, je me réjouis que la Haute Assemblée ait pu réduire le déficit public de 0,2 point de PIB. Certes, c’est moins que l’objectif que le Sénat s’était fixé lors de l’examen du projet de loi de programmation des finances publiques, mais c’est une avancée probante que notre groupe salue.
Mme Frédérique Puissat. C’est grâce à la mission « Travail et emploi » !
M. Emmanuel Capus. D’ailleurs, la réduction du déficit est, formellement, bien supérieure à 0,2 point de PIB, mais cette hausse est en trompe-l’œil. En effet, le budget sur lequel nous devons nous prononcer est amputé de certaines missions, et non des moindres. Or cette carence brouille le message politique que nous envoyons.
Quel est le message envoyé à nos agriculteurs, qui comptent sur notre soutien, lorsque le Sénat ne vote pas les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » ?
Mme Sophie Primas. Que nous ne sommes pas contents !
M. Emmanuel Capus. Quel est le message envoyé à nos élus locaux, qui comptent aussi sur notre soutien, lorsque le Sénat ne vote pas les crédits de la mission « Cohésion des territoires » ?
M. Loïc Hervé. Nous avons voté la mission « Relations avec les collectivités territoriales » !
M. Emmanuel Capus. Quel est le message envoyé à tous nos compatriotes, qui souhaitent que notre politique migratoire soit à la fois plus juste et plus ferme, lorsque le Sénat ne vote pas les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » ? (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)
Rejeter ces missions, c’est convenir qu’il y a un problème. Certes, je l’entends bien, mais cela ne dit rien de la solution souhaitée. Cela dit juste ce que nous ne voulons, pas ce que nous voulons. (Mêmes mouvements.)
En conséquence, le texte ne nous paraît pas parfaitement équilibré à ce stade. C’est pourquoi…
M. Loïc Hervé. Vous allez le voter !
M. Emmanuel Capus. … les élus du groupe INDEP s’abstiendront majoritairement, certains votant néanmoins en faveur du texte.
Pour conclure, je dirai un mot sur les communes nouvelles.
Mme Françoise Gatel. Très bien !
M. Emmanuel Capus. Sur l’initiative de notre collègue Françoise Gatel, le Sénat a envoyé un message clair : il faut de toute urgence pallier la baisse de dotations qui menace certaines communes nouvelles. Le dispositif retenu par le Sénat est peut-être à améliorer techniquement, mais j’espère que nous parviendrons à une solution de compromis qui répondra aux attentes des élus locaux. Je pense notamment aux communes de Doué-en-Anjou et de Segré-en-Anjou, dont la situation n’est tout simplement pas tenable.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Charité bien ordonnée commence par soi-même !
M. Emmanuel Capus. Il y a urgence pour elles, mais cela vaut aussi pour les autres communes concernées. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Breuiller, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Daniel Breuiller. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après 2 600 amendements et des dizaines d’heures de débat, je voudrais dire, en particulier à M. le ministre et à M. le rapporteur général : « Merci pour ce moment ! » (Sourires.)
Ce projet de loi de finances procède de choix qui ne nous conviennent pas. D’inspiration libérale, baissant l’impôt des entreprises, refusant toute nouvelle contribution de la part de ceux qui accumulent richesses et dividendes et donnant moins à ceux qui ont peu, il accentuera un peu plus les inégalités et les écarts de revenu sans cesse plus grands dans notre pays.
Selon l’Insee, les mesures sociales et fiscales intervenues en 2020 et 2021 profitent surtout à la moitié la plus aisée de la population : « Elles induisent une augmentation du niveau de vie allant jusqu’à 470 euros annuels en moyenne pour les personnes entre les 7e et 8e déciles, contre 90 euros pour les 50 % les plus modestes. »
L’inflation actuelle accentuera encore cette réalité brutale, car elle pénalise bien plus les catégories modestes et moyennes.
La suppression de la CVAE, privant l’État de 8 milliards d’euros de recettes, en pleine période de crise, serait immanquablement répercutée sur les ménages, via la TVA et l’endettement, et contribuerait ainsi à l’affaiblissement du service public, le bien commun de ceux qui n’ont pas de patrimoine. C’est pourquoi nous nous y sommes opposés.
Dans sa philosophie, notre projet politique, celui de la sobriété, est structuré par la volonté de garantir à tous une qualité de vie et par le fait de demander plus d’efforts à ceux qui accumulent toujours plus – plus de richesse, plus de biens, plus de dividendes –, et, bien sûr, qui polluent également plus.
Si l’immense majorité de nos amendements a été rejetée par la majorité sénatoriale, notre groupe a tout de même tenté d’exposer les termes possibles d’un avenir socialement plus juste, désirable et durable.
Sur la mission « Enseignement scolaire », qui concerne 12 millions d’élèves, nous avons voté la hausse indispensable de 3,7 milliards d’euros de crédits. Toutefois, la crise est d’une profondeur qui va bien au-delà du simple sujet budgétaire.
Le budget de la mission « Économie » traduit une politique très généreuse d’aides non conditionnées, trop fortement, voire essentiellement, destinées aux grands groupes, et dont l’on ne se sert pas comme d’un outil efficace de la bifurcation écologique, ce à quoi s’essayent les États-Unis.
La hausse des crédits de la mission « Justice », que nous avons approuvée pour indispensable qu’elle est, ne suffira pas à remettre à flot un système à bout de souffle.
Sur le volet de la sécurité civile, notre déception est grande : les moyens ne sont pas à la hauteur, car les conséquences du dérèglement climatique sont et seront chaque année plus graves.
Les crédits de la mission « Santé » ne suffiront pas. L’hôpital public s’effondre, les déserts médicaux s’étendent, nombre de Français renoncent aux soins. La santé mentale est au projet de loi de finances ce que la psychiatrie est à la médecine : un parent pauvre et délaissé. Il faudrait pourtant aider les adolescents, qui sont nombreux à être en souffrance psychique. Leurs souffrances et celles de leurs familles sont si grandes !
Ce projet de loi de finances n’a pas non plus pris suffisamment la mesure de la détresse de nombreux étudiants. Nous avons proposé plus de justice fiscale pour les bourses insuffisantes : cela a été rejeté.
Rejetées aussi toutes les mesures visant à permettre aux jeunes de se loger et de vivre au pays, malgré la démultiplication des Airbnb et des résidences secondaires, et l’envolée de la spéculation immobilière.
Rejetées encore les aides aux autorités organisatrices de mobilité, partout en France, alors que d’autres pays européens s’y engouffrent. Comment peut-on consacrer des milliards d’euros pour faciliter les déplacements automobiles et, simultanément, refuser des aides pour améliorer les transports en commun ? Monsieur le ministre, la TVA à 5,5 % sera-t-elle maintenue ?
Nous avons défendu l’augmentation du versement mobilité, demandée par Valérie Pécresse, mais refusée par la majorité sénatoriale. La désorganisation des transports va coûter cher. Elle coûtera cher à la planète, cher aux usagers, mais aussi aux entreprises, car les salariés ne pourront pas assurer leurs horaires de travail avec un système désorganisé.
Le Gouvernement a fait la sourde oreille durant tous nos débats. Faire payer 90 euros aux usagers d’Île-de-France, alors que les conditions de transport sont épouvantables et se dégradent, c’est inacceptable.
Dans le champ culturel, l’avenir de l’audiovisuel public reste incertain et les menaces que, au nom de la sécurité des jeux Olympiques, vous faites peser sur la saison 2024 inquiètent un secteur culturel déjà fortement fragilisé malgré un effort budgétaire réel.
Nous craignons la baisse des budgets locaux pour la culture, alors qu’ils réalisent 9,8 milliards d’euros d’investissement, soit les trois quarts de l’investissement public.
Si les collectivités territoriales se retrouvent face à ce choix, ce n’est pas de gaieté de cœur. Ce projet de loi de finances pourrait, grâce à des amendements sénatoriaux, préserver leur capacité d’action, avec l’indexation de la DGF sur l’inflation et un bouclier énergie simplifié et étendu. Monsieur le ministre, respecterez-vous cela ?
Avec l’article 40 quater, vous avez décidé de passer au-dessus de tous les votes de l’Assemblée nationale et du Sénat. Cela témoigne d’une défiance à l’encontre des collectivités et du Parlement. Les collectivités ont besoin de confiance, pas de contrats.
Enfin, en matière environnementale, nous sommes loin du compte. Il aurait été possible de faire, au fond, le même effort que celui que vous fîtes pour le bouclier carburant, ou mieux encore, celui que vous avez fourni face au covid-19, car la crise est d’une ampleur similaire.
Au lendemain de la COP27 et à la veille de la COP15 sur la biodiversité, la continuité budgétaire à peine améliorée est un contresens historique. Le report d’une véritable rénovation thermique pénalisera de nombreux foyers, portera atteinte à nos objectifs en matière d’émissions de CO2 et fragilisera notre balance commerciale par la dépendance aux fossiles.
La défense des écosystèmes, de la biodiversité et de la forêt, la préservation de la ressource en eau, l’adaptation de notre agriculture vers l’agroécologie doivent être érigées en grandes causes nationales. C’est une nécessité pour nous, pour nos enfants et pour nos petits-enfants.
Enfin, ce budget est rendu insincère par le choix de la majorité sénatoriale de supprimer des missions entières : plus d’aides personnelles au logement (APL), plus de passeports et de cartes d’identité, plus d’aides aux agriculteurs, plus d’hébergements d’urgence, plus de politique migratoire… Pour afficher une baisse de la dépense publique, vous laisserez donc le Gouvernement décider seul.
Pour notre part, nous ne voterons pas ce budget, qui privilégie les baisses d’impôt aux urgences sociales et écologiques. En outre, monsieur le ministre, toutes vos interventions n’ont fait qu’annoncer votre décision de le « 49.3iser » dès la semaine prochaine. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées des groupes SER et CRCE. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Didier Rambaud, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Didier Rambaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a un an, une motion tendant à opposer la question préalable a été adoptée, excluant ainsi tout débat sur les différentes missions budgétaires du projet de loi de finances pour 2022. Notre assemblée a alors été privée des nocturnes budgétaires hivernales. Certains en sont peut-être nostalgiques vu le nouveau record du nombre d’amendements discutés cette année, que ce soit en première partie avec 1 741 amendements discutés ou en seconde partie.
Mes chers collègues, ce projet de loi de finances pour 2023 a été l’occasion d’adopter des mesures positives pour notre pays, pour les ménages, les services publics et les collectivités territoriales.
Pour commencer, le pouvoir d’achat des ménages a bénéficié de l’indexation du barème de l’impôt sur le revenu qui représente 6,2 milliards d’euros.
Ce budget est également au service des missions régaliennes, grâce à des efforts considérables en faveur du ministère de la justice, dont le budget est en augmentation de 8 % pour la troisième année consécutive.
Le ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse bénéficie quant à lui de la revalorisation des salaires des enseignants, l’objectif étant que le salaire minimum soit de 2 000 euros net par mois en début de carrière.
Enfin, ce budget montre que le Gouvernement est à l’écoute des collectivités, puisqu’il prévoit l’augmentation en 2023 de la dotation globale de fonctionnement de 320 millions d’euros. Après des années de baisse – 14 milliards d’euros au total, ce dont le maire que j’ai été entre 2001 et 2017 se souvient douloureusement –, puis de stabilisation entre 2017 et 2022, la DGF augmente pour la première fois depuis treize ans : je veux une fois encore le rappeler en cette période si délicate pour les collectivités territoriales.
M. Didier Marie. L’inflation est à 7 % !
M. Didier Rambaud. Cependant, force est de constater que, à l’issue de son examen au Sénat, le projet de loi de finances pour 2023 est dénaturé. C’est la raison pour laquelle le groupe RDPI s’abstiendra sur l’ensemble du texte, comme il s’est abstenu sur la première partie.
En réalité, dès l’examen de cette première partie, les fondations de ce budget pour 2023 étaient méconnaissables. Les amendements adoptés sur l’indexation de la DGF et sur le filet de sécurité y sont pour quelque chose. La suppression ubuesque de la réforme de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises enfonce définitivement le clou.
Vous avez rejeté des amendements de suppression de la réforme de la CVAE, puis improvisé un dégrèvement entre les réunions de commission et l’examen du texte en séance pour ensuite rejeter l’article que vous aviez pourtant modifié et justifier ce report de la mesure à après les sénatoriales ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Le Gouvernement vous proposait pourtant, en supprimant la CVAE, une mesure qui bénéficierait à 530 000 entreprises et dont 25 % des gains seraient fléchés vers l’industrie.
Chers collègues, je m’interrogeais déjà sur la cohérence de la majorité sénatoriale ; en cette fin de période automnale, tout en saluant la courtoisie et l’écoute du rapporteur général, je constate que mes demandes sont visiblement restées lettre morte.
Dénaturé sur le fond en première partie, le projet de loi de finances l’est tout autant d’un point de vue budgétaire en seconde partie. Arrêtons-nous un instant sur le bilan de l’examen des missions « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », « Cohésion des territoires », « Immigration, asile et intégration » et « Administration générale et territoriale de l’État », confirmé encore hier soir par celui de la mission « Aide publique au développement » et l’adoption d’un amendement de suppression de 200 millions d’euros.
Les crédits de ces missions pourtant primordiales dans l’ossature budgétaire ont été rejetés, avec pour résultat 33,7 milliards d’euros d’économies en trompe-l’œil. Si le projet de loi de finances était adopté tel qu’il est issu du Sénat, il n’y aurait plus de financement pour les aides personnelles au logement (APL), pour les maisons France Services ou pour les aides au logement des personnes en difficulté.
Nous sommes tous ici d’accord pour maîtriser la dépense publique, mais mon groupe n’approuve absolument pas les cibles choisies pour réaliser ces économies.
En votant des économies non structurantes, le déficit s’établirait à 3,7 % du PIB, mais ce chiffre est factice : il reflète tout simplement la suppression sèche de politiques publiques qui sont pourtant essentielles !
Cela étant, je tiens à saluer l’adoption d’un certain nombre d’amendements, issus du groupe RDPI, qui sera positive pour les territoires ultramarins.
Ainsi, Wallis-et-Futuna disposera de 450 millions d’euros supplémentaires pour financer le remplacement des huit générateurs d’hémodialyse. À Mayotte sera prorogée la majoration des seuils de revenus fiscaux de référence, en dessous desquels les contribuables modestes ou âgés peuvent bénéficier des allègements de taxe foncière sur les propriétés bâties.
En Guadeloupe, le taux de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux appliquée aux centrales géothermiques électrogènes, essentiel par exemple pour la commune de Bouillante, sera augmenté.
Des mesures plus générales ne doivent pas être oubliées. Je pense à la prolongation de plusieurs dispositifs de défiscalisation en faveur des collectivités d’outre-mer jusqu’en 2029, à l’augmentation de 4 millions d’euros des crédits dédiés à la lutte contre l’habitat insalubre. Je pense encore au relèvement, de 205 euros à 400 euros, de la franchise de taxation appliquée à l’octroi de mer et à la TVA pour les biens faisant l’objet de petits envois non commerciaux, ce qui constitue, de nouveau, une mesure de soutien au pouvoir d’achat des ménages.
Compte tenu de l’adoption de ces amendements, les sénateurs ultramarins du groupe RDPI voteront en faveur du projet de loi de finances pour 2023. Néanmoins, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous comprendrez qu’une majorité des membres de ce groupe s’abstiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)