M. Rémi Féraud, rapporteur spécial. Cet amendement vise à supprimer l’article 41 A.
Cet article, introduit par le Gouvernement, lorsqu’il a engagé sa responsabilité via le recours au 49.3, à l’Assemblée nationale, institue un comité de gestion chargé de gérer et de diriger les établissements scolaires actuellement placés en gestion directe par l’AEFE.
Il a suscité une certaine émotion ces dernières semaines et nous proposons de le supprimer pour deux raisons.
D’une part, pour une raison de fond : nous estimons que le dispositif proposé aurait des effets extrêmement importants sur la gestion de l’enseignement français à l’étranger et sur l’équilibre entre les établissements en gestion directe et l’Agence elle-même. En outre, même si cette évolution était opportune, je ne pense pas qu’il soit indiqué d’en décider par le biais d’un article d’une loi de finances non discuté par l’Assemblée nationale et, qui plus est, sans aucune concertation préalable avec les acteurs concernés.
D’autre part, il y a une raison plus juridique. Ce dispositif se borne à réviser les modalités de la gouvernance de l’AEFE et de ses relations financières avec les établissements. C’est donc sans incidence sur les dépenses de l’État, si bien que le Conseil constitutionnel pourrait censurer cet article comme n’ayant aucun lien avec le domaine des lois de finances.
Voilà pourquoi nous proposons de supprimer l’article 41 A.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° II-211.
M. Ronan Le Gleut, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. Défendu !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° II-358.
M. Claude Kern, rapporteur pour avis de la commission de la culture. La commission de la culture rejoint la position de la commission des finances et de la commission des affaires étrangères sur ce point.
M. le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, pour présenter l’amendement n° II-1254 rectifié.
Mme Hélène Conway-Mouret. Le cœur de notre réseau est constitué aujourd’hui par les établissements placés en gestion directe et par les établissements conventionnés. Il n’est aucunement nécessaire de changer les règles pour agrandir le réseau et atteindre l’objectif de doublement des apprenants, parce que cela se fait au gré des besoins et de la création d’établissements partenaires.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Colonna, ministre. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée sur cet amendement.
Je note effectivement que la forme du comité de gestion proposé est fragile juridiquement. Les établissements en gestion directe ne disposent pas de la personnalité morale, ils font donc juridiquement partie de l’AEFE et il n’est pas possible de prévoir que certains services de l’AEFE soient gérés par une structure qui lui serait extérieure.
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
M. Olivier Cadic. Je voterai contre ces amendements.
Les comptes des établissements en gestion directe sont consolidés, lorsqu’ils sont présentés au conseil d’administration.
L’article 41 A permet de faire la transparence sur les flux financiers au sein de ces établissements ; et nous parlons de centaines de millions d’euros ! Il permet ainsi de garantir le contrôle de l’action du Gouvernement, ce qui est bien au cœur de nos missions.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-1, II-211, II-358 et II-1254 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. L’amendement n° II-1244, présenté par Mme Conway-Mouret, MM. Leconte, Chantrel, Temal et Kanner, Mmes Carlotti et G. Jourda, MM. Roger, Todeschini, M. Vallet, Vallini, Vaugrenard, Gillé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 41 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er juin 2023, un rapport portant sur les possibilités d’autoriser l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger à recourir à l’emprunt pour le financement de ses projets immobiliers.
La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret.
Mme Hélène Conway-Mouret. L’un des principaux obstacles au développement de notre réseau éducatif à l’étranger réside dans l’incapacité de l’AEFE à emprunter pour financer ses investissements immobiliers. À cela s’est ajoutée en 2017 la suppression de la garantie de l’État ; c’est donc la double peine !
Pour accueillir davantage d’élèves, comme le souhaite le Président de la République, les établissements auront besoin d’ouvrir des classes et donc d’agrandir les bâtiments.
Or l’AEFE est soumise à la loi de programmation des finances publiques, qui interdit aux organismes divers d’administration centrale de recourir à des emprunts de plus de douze mois, et au contrat d’objectifs et de moyens 2021-2023, qui prévoit la fin de la possibilité pour l’opérateur de recourir aux avances de l’Agence France Trésor à partir de 2023.
Plusieurs pistes permettraient de financer les opérations immobilières de l’AEFE et d’étendre ainsi le réseau d’enseignement français à l’étranger. Cet amendement tend à demander au Gouvernement de présenter un rapport sur ce sujet.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Action extérieure de l’État ».
Aide publique au développement
Compte de concours financiers : Prêts à des États étrangers
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Aide publique au développement », ainsi que du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers ».
La parole est à M. le rapporteur spécial. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Michel Canévet, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons à présent les crédits de la mission « Aide publique au développement ».
Avant d’entrer dans le détail, je souhaite rappeler quelques éléments d’ordre général. Les crédits demandés – environ 8 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 5,9 milliards d’euros en crédits de paiement – ne représentent qu’une partie de l’aide publique au développement. En 2022, la France se situe au cinquième rang des pays donateurs après les États-Unis, l’Allemagne, le Japon et le Royaume-Uni. Le montant global de l’aide, qui s’élève à 13,1 milliards d’euros, représente 0,51 % de notre revenu national brut (RNB).
Pour mémoire, la loi de programmation du 4 août 2021 relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales fixe pour ce poste de dépenses un objectif de 0,7 % du RNB en 2025. Il nous faudra sans doute revoir cet objectif, devenu trop ambitieux au regard des contraintes qui pèsent désormais sur nos finances publiques. En effet, pour atteindre un tel niveau, nous devrions accroître l’aide publique au développement de 10 milliards d’euros en deux ans, ce qui semble trop élevé. Je note d’ailleurs que le Gouvernement semble avoir lui-même révisé ses ambitions, comme Mme la ministre s’en est ouverte auprès de nos collègues de la commission des affaires étrangères.
En ce qui concerne les pays bénéficiaires, l’aide publique au développement de la France est principalement tournée vers l’Afrique. Je profite de cette occasion pour indiquer que, désormais, la France n’engage plus de crédits comptabilisés comme de l’aide publique au développement en Chine, comme c’était encore le cas naguère. De plus, si la Turquie perçoit 41,4 millions d’euros, il s’agit de crédits versés pour financer le mécanisme d’accueil des réfugiés syriens.
Vous le savez, le principal opérateur de l’aide publique au développement en France est l’Agence française de développement (AFD), dont le portefeuille d’activités correspond à un montant d’environ 12 milliards d’euros.
Cet opérateur ne perçoit pas de subventions de fonctionnement de la part de l’État, mais il perçoit des crédits qui compensent à la fois la part concessionnelle des prêts accordés et les subventions versées sans contrepartie.
L’AFD et ses tutelles négocient en ce moment le prochain contrat d’objectifs et de moyens (COM), dont l’un des buts principaux sera de resserrer le nombre des indicateurs de suivi, afin de rendre le pilotage plus stratégique ; cette idée nous semble intéressante.
Par ailleurs, notre rapport présente pour la première fois quelques développements sur l’aide engagée par les collectivités territoriales. Si elle reste encore modeste, avec un montant d’environ 145 millions d’euros, cette aide est en progression depuis 2018.
Mon collègue Jean-Claude Requier, qui va me succéder à cette tribune, dira quelques mots pour présenter plus précisément les crédits des programmes qui composent cette mission et le compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers ».
Toutefois, je souhaite vous rappeler qu’au nom de la commission des finances nous porterons un amendement visant à réduire de 200 millions d’euros crédits de la mission « Aide publique au développement ». Nous préciserons davantage notre intention au moment de la discussion de cet amendement, mais je souhaite dire dès à présent que notre objectif est d’assurer la participation de la mission à la maîtrise des comptes publics.
L’aide publique au développement est, certes, une politique de puissance, mais elle est, avant tout, une politique de solidarité, dont la philosophie repose sur le désintéressement. Ainsi, l’APD, au sens où l’entend l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), ne peut pas être liée à l’obtention de faveurs de la part des États que nous aidons.
Le contexte budgétaire qui est le nôtre nous oblige à prioriser nos efforts afin de privilégier nos concitoyens et nos intérêts en tant que puissance. Pour cette raison, si nous devons préserver les moyens de la sécurité, de la défense, de la diplomatie, de la santé et de l’éducation, nous devons en tirer les conséquences sur l’ampleur de la politique de solidarité que nous menons à l’égard du reste du monde.
Sous réserve de l’adoption de l’amendement de la commission, je vous invite à adopter les crédits de la mission « Aide publique au développement » et ceux du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers ». (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. François Bonhomme applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et UC.)
M. Jean-Claude Requier, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, mon collègue Michel Canévet vient de l’indiquer, les crédits de la mission « Aide publique au développement » s’élèvent à 8 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 5,9 milliards d’euros en crédits de paiement.
En 2023, ce budget augmente très fortement. En effet, les autorisations d’engagement connaissent une hausse de 1,4 milliard d’euros et les crédits de paiement de plus de 819 millions d’euros.
Le programme 209, « Solidarité à l’égard des pays en développement », qui relève du ministère des affaires étrangères, concentre les hausses les plus importantes. Ainsi, le montant des crédits demandés augmente de 837 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 383,1 millions d’euros en crédits de paiement, afin notamment de renforcer les capacités de gestion de crise et de soutenir les politiques de santé au niveau mondial, comme cela était déjà le cas en 2022.
En matière de santé, les crédits augmentent de 336,4 millions d’euros en autorisation d’engagement, en raison de la mobilisation de 256,7 millions d’euros pour la reconstitution du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, et du financement consacré à l’alliance Gavi, à hauteur de 94,7 millions d’euros.
Par ailleurs, la création d’un mécanisme de réserve pour les crises majeures explique une hausse de 270 millions d’euros des crédits demandés sur ce programme. Cette enveloppe viendra compléter les 460 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement déjà consacrés aux opérations de gestion et de sortie de crise. La création de ce mécanisme de réserve paraît bienvenue, puisqu’elle permettra de donner aux responsables de programmes des marges de manœuvre pour financer des dispositifs d’urgence sans mettre en cause le financement d’opérations déjà engagées.
Toutefois, nous nous interrogeons sur les garanties qui seront apportées par le Gouvernement pour que ces crédits ne constituent pas une réserve de budgétisation par temps calme et qu’ils donnent bien lieu à des annulations ou à des reports en fin de gestion. En outre, nous estimons que le montant demandé est relativement élevé compte tenu des autres crédits disponibles pour faire face à l’urgence.
Pour cette raison, et afin de financer les mesures d’économies demandées à la mission, l’amendement de la commission des finances, que nous présenterons tout à l’heure, vise à diminuer de 100 millions d’euros les crédits de cette enveloppe.
Sur le programme 110, qui, lui, relève du ministère de l’économie et des finances, le montant des crédits demandés pour 2023 connaît une forte augmentation, de 632 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 475 millions d’euros en crédits de paiement. Cette hausse s’explique surtout par la persistance d’un important besoin de crédits pour participer aux cycles de refinancement des fonds internationaux. Par ailleurs, les effets de la hausse des taux d’intérêt sur le coût des opérations de bonification de prêts jouent aussi un rôle.
En effet, afin de permettre à l’AFD de prêter à des taux concessionnels aux bénéficiaires de l’aide au développement, l’État prend en charge, par le versement de crédits de bonification, la différence entre le coût de financement de l’AFD et le taux auquel elle prête à ces pays.
Or, dans le contexte de remontée des taux d’intérêt mondiaux, les coûts de financement de l’AFD ont augmenté, alors même que, pour être considérés comme concessionnels, les taux proposés doivent rester inférieurs à un seuil fixé par l’OCDE.
Ainsi, afin de maintenir le niveau d’aide publique au développement permis par les prêts de l’AFD, le ministre de l’économie et des finances a pris la décision d’accroître le montant des crédits affectés à la bonification des prêts de 390 millions d’euros en 2023. En outre, des crédits importants sont demandés au titre du programme 110, afin de participer à la reconstitution des ressources de divers fonds internationaux, tels que le Fonds vert pour le climat.
Enfin, le programme 365 est consacré à la recapitalisation de l’AFD. Comme l’année dernière, les 190 millions d’euros demandés correspondent à une opération de conversion de ressources financières de l’AFD en crédits budgétaires. Cette opération est totalement neutre pour les finances publiques en comptabilité nationale. Il ne s’agit ni d’accroître les engagements de l’État envers l’AFD ni de lui permettre d’augmenter son volume d’activité, figé à 12 milliards d’euros.
Comme l’a indiqué notre collègue Michel Canévet, sous réserve de l’adoption de l’amendement que nous vous présenterons, la commission des finances, par la voix de ses rapporteurs spéciaux, vous invite à adopter les crédits de la mission « Aide publique au développement » et ceux du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers ». (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mme Sylvie Vermeillet et M. Marc Laménie, ainsi que M. Michel Canévet, rapporteur pour avis, applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Hugues Saury, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il y a en réalité deux aspects dans cette importante augmentation des crédits de la mission « Aide publique au développement » soulignée par les orateurs précédents.
D’un côté, cette hausse reflète la volonté, manifestée à l’unanimité lors du vote de la loi du 4 août 2021, de faire de la solidarité internationale une composante à part entière de notre action extérieure, au même titre que notre diplomatie et notre défense. La finalité en est simple : lutter de manière préventive contre les causes profondes des désordres mondiaux que sont les crises, les conflits ou encore les déplacements de populations.
La progression des crédits en dons de l’Agence française de développement permettra ainsi de renforcer cette indispensable politique de solidarité internationale. Concrètement, ce sont des crédits supplémentaires pour l’éducation, pour la santé, ou encore pour l’agriculture, avec une concentration sur les pays d’Afrique subsaharienne.
D’un autre côté, la progression des crédits est aussi à la mesure d’une situation mondiale qui se dégrade fortement, avec de multiples crises politiques, sociales et alimentaires, de l’Afrique subsaharienne à l’Afghanistan, en passant par le Moyen-Orient. D’où la forte augmentation de l’enveloppe budgétaire « Gestion et sortie de crise », qui passe de 297 millions en 2022 à 730 millions d’euros en 2023. Il s’agit d’un effort de rattrapage salutaire, car, malgré cette évolution considérable, la France ne figure qu’au septième rang des vingt-sept bailleurs européens.
Il faut souligner que nos instruments d’aide humanitaire et d’aide au développement sont également mis en œuvre en Europe dans la crise actuelle. Outre notre aide humanitaire, l’Ukraine a ainsi bénéficié d’un prêt de 300 millions d’euros de l’AFD dès avril 2022. Il faut se féliciter de cette réactivité, qui montre que l’Agence peut être un instrument politique capable de mettre en œuvre rapidement les priorités du Gouvernement. L’AFD a d’ailleurs également apporté une aide significative à la Moldavie. Les crédits en hausse nous permettront donc de poursuivre ce soutien aux États européens agressés par la Russie.
L’augmentation de ces différents budgets peut paraître excessive à un moment où il nous est demandé de faire des économies, mais la politique d’aide au développement est un élément majeur de notre action extérieure et de l’influence française. Son rôle premier est, certes, de venir en aide et au soutien de peuples défavorisés, mais elle a aussi pour objectif d’offrir des perspectives locales là où l’aspiration des populations est de rejoindre nos économies pourtant fragilisées.
Au total, ce budget de l’APD pour 2023 devrait donc permettre à notre pays de montrer son meilleur visage sur la scène internationale. Vouloir le réduire considérablement serait révélateur d’une vision étriquée là où nous devons, au contraire, nous déployer. Au moment où nos adversaires attaquent notre image par tous les moyens et sur tous les continents, l’APD nous donne un point d’appui pour développer un contre-discours offensif.
Cette approbation globale ne doit cependant pas nous empêcher d’être vigilants sur certains sujets, en particulier la mise en œuvre complète des orientations de la loi du 4 août 2021, qui sera évoquée plus précisément par mon collègue rapporteur pour avis Rachid Temal.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Rachid Temal, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les crédits de la mission « Aide publique au développement » s’inscrivent dans la continuité de la loi du 4 août 2021 d’orientation et de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales.
Cette loi doit beaucoup au travail et à l’engagement du Sénat. Il est temps d’en tirer un premier bilan. Pour ce faire, je concentrerai mon propos sur quatre points.
D’abord, je dois signaler que le Gouvernement a fait le choix de modifier la trajectoire budgétaire et financière adoptée dans le texte. En effet, l’objectif des 0,7 % du revenu national brut, prévu en 2025, est reporté à 2030. Il serait intéressant d’en connaître les raisons, mais aussi les conséquences sur les programmes d’action.
Ensuite, je veux insister sur la gouvernance. Nous lançons là un véritable SOS pour le comité interministériel de la coopération internationale et du développement (Cicid), tant de fois annoncé, mais jamais réuni depuis février 2018. Cette situation est inacceptable et elle empêche toute discussion parlementaire sur le contrat d’objectifs et de moyens de l’AFD pour la période 2023-2025. Rappelons que le dernier COM a été validé six mois avant la fin du précédent…
Par ailleurs, je m’interroge sur des dispositions qui sont au cœur de la volonté du législateur et dont l’application est encore parfois « brumeuse ». Je pense par exemple aux droits et à la protection de l’enfance, disposition législative, qui, je le rappelle, n’est pas une option. Je pense aussi aux objectifs fixés en matière de rapport dons-prêts, de part d’aide bilatérale et de concentration de l’aide programmable sur les pays prioritaires : le compte n’y est toujours pas.
Nous regrettons également que, cette année encore, moins d’un tiers de la taxe sur les transactions financières soit consacré au développement, qui est pourtant la raison d’être de cette taxe. En revanche, nous nous félicitons des avancées concernant les biens mal acquis. La ligne budgétaire y relative sera prochainement abondée, avec notamment le règlement des affaires relatives à la Guinée équatoriale et à Rifaat al-Assad.
Enfin, je terminerai par la commission d’évaluation, qui a été l’objet de longues discussions avec l’Assemblée nationale. Je note avec satisfaction que le Gouvernement a déposé un amendement à ce sujet. La raison l’a enfin emporté, puisque le dernier point de blocage, qui concernait la présidence, a sauté. Je rappelle que la dévolution de cette fonction au Premier président de la Cour des comptes était la position de mon groupe, et d’autres, dès 2021. Que de temps perdu !
Madame la ministre, sous réserve de ces quelques remarques, et compte tenu de l’effort budgétaire accompli, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l’adoption des crédits de cette mission.
M. le président. Dans la suite de notre discussion, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Nicole Duranton. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. François Bonhomme applaudit également.)
Mme Nicole Duranton. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’aide publique au développement se compose de deux programmes principaux : le programme 110, « Aide économique et financière au développement », placé sous la responsabilité du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ; le programme 209, « Solidarité à l’égard des pays en développement », qui, lui, est piloté par le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Conformément à la trajectoire financière tracée, les crédits de paiement affectés à ces deux programmes sont en augmentation de plus de 17 % par rapport à la loi du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 et atteignent 5,9 milliards d’euros.
Cette augmentation, qui intervient dans une période post-crise sanitaire, durant laquelle la maîtrise des dépenses de l’État est redevenue une priorité, témoigne de la volonté de la France de rester un soutien fort et fiable des pays en voie de développement. Ce choix est rendu nécessaire par le contexte international, mais c’est aussi un choix politiquement courageux au regard du contexte politique national que l’on connaît.
Oui, la France a ses propres enjeux, ses propres urgences et, sans doute, une partie de nos compatriotes voudraient voir se tarir et même disparaître ces crédits vers l’étranger ; c’est du moins ce que laissent penser les résultats des dernières élections, mais il faut combattre cette tentation du repli et de l’indifférence. Il s’agit non pas simplement d’approuver l’augmentation des crédits de l’APD, mais de la revendiquer.
La hausse de 46 % de l’aide économique et financière au développement va permettre à la France de continuer à accorder des taux d’emprunt très bas aux pays en développement.
Certains reprochent au Gouvernement ce choix de préférer les prêts plutôt que les dons ou les subventions, mais il importe de responsabiliser les États, car il n’y a pas d’« argent magique », pour reprendre une formule du Président de la République.
Pour autant, l’engagement de la France dans l’aide internationale doit rester financièrement soutenable. Le périmètre « OCDE » de l’APD s’élève en 2022 à 14,8 milliards d’euros, soit à environ 0,55 % du revenu national brut. Soyons réalistes : vu l’inflation, il sera impossible de tenir l’objectif de 0,7 % pour 2025, comme il est recommandé par l’ONU. En effet, cela se traduirait par une hausse de 6,6 milliards d’euros par rapport à 2022.
Aussi, ce texte vise une cible intermédiaire de 0,61 %, qui semble adaptée. Cela n’enlève rien à la volonté de contribution de la France, comme en témoigne la hausse spectaculaire des crédits de « gestion et sortie de crise », qui passent à 730 millions d’euros, soit une augmentation de 146 %. Voilà un chiffre éloquent !
Il faut aussi souligner l’augmentation des fonds consacrés à l’aide humanitaire, qui atteignent 642 millions d’euros, contre 500 millions d’euros l’an passé.
Soyons donc fiers de ce budget, qui est, certes, davantage tourné vers l’aide humanitaire que vers le développement, mais qui a le mérite de s’adapter véritablement aux besoins de l’instant.
Notre aide humanitaire programmée va en effet atteindre 635 millions d’euros : 200 millions d’euros mis en œuvre via le fonds d’urgence et de stabilisation, notamment pour l’Irak – je m’en réjouis en tant que présidente du groupe d’amitié France-Irak –, mais aussi pour la Syrie, la Libye, le Yémen, l’Afghanistan ou encore la zone subsaharienne ; 160 millions d’euros pour l’aide alimentaire programmée ; 200 millions d’euros affectés aux contributions humanitaires volontaires aux Nations unies ; 75 millions d’euros pour le Food and Agriculture Resilience Mission (Farm), qui doit répondre spécifiquement aux problèmes alimentaires mondiaux provoqués par le conflit ukrainien. Autant d’efforts budgétaires qui permettent à la France d’occuper la septième place parmi les vingt-sept pays de l’Union européenne en matière d’aide humanitaire.
Pour que la France maintienne un niveau d’engagement qui lui permette de peser dans les arbitrages et de faire entendre sa voix dans le concert européen et international, le groupe RDPI est favorable à l’adoption des crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – MM. Olivier Cadic et Claude Kern applaudissent également.)