Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps de l’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Éric Gold.
M. Éric Gold. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme certains l’ont rappelé, la mission « Plan de relance » a été créée par la loi de finances initiale pour 2021 en réponse aux conséquences économiques de la crise sanitaire.
Nous pouvons le reconnaître, le plan de relance historique pour redresser l’économie a bénéficié à bon nombre de particuliers, entreprises, associations, collectivités ou administrations. Nous avons toutes et tous des exemples en tête dans nos territoires respectifs. (M. Jean-Baptiste Lemoyne le confirme.)
En somme, il s’agit d’investissements d’ampleur, qui sont venus en aide à celles et ceux qui contribuent au développement économique, social et écologique de proximité.
À l’origine, en 2021, ce sont 36,2 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 21,8 milliards d’euros en crédits de paiement qui ont été âprement acquis dans le cadre d’un plan de relance annoncé à 100 milliards d’euros, qui comprenait aussi d’importants allégements fiscaux, ainsi qu’un volet européen qui prévoyait, pour la France, quelque 40 milliards d’euros.
Le groupe RDSE a toujours salué de telles politiques publiques ambitieuses, qui répondent à des attentes tangibles des forces vives de la Nation.
La guerre en Ukraine et le régime de sanctions, cumulés avec les traces persistantes de la crise sanitaire, ont un effet massif sur la conjoncture, ce qui pourrait rendre nécessaire un nouveau plan de relance. Mais la lucidité budgétaire, a fortiori avec la remontée spectaculaire du coût de la dette publique, nous contraint malheureusement à y voir un idéal peu vraisemblable.
Concernant les projections pour 2023, ce sont 4,4 milliards d’euros, uniquement en crédits de paiement, qui marquent la continuité des prévisions de départ, pour honorer les restes à payer. Il y a donc peu de surprises, mais l’interrogation vient en effet de la gestion des crédits non consommés en raison d’un report.
Nous le savons, ce report s’explique en partie par l’envol des prix des matériaux, qui grève nettement l’investissement.
Tout est donc justifié, mais nous partageons le doute autour de la pertinence du transfert d’une partie de ces crédits vers d’autres missions du budget général, pour 1 milliard d’euros environ en autorisations d’engagement et 1,3 milliard en crédits de paiement. En effet, cela contribue à introduire de la confusion entre l’accompagnement financier qui relève du plan de relance, qui a été conçu sur une période donnée, et une mission qui relève de politiques publiques classiques.
Au sujet des programmes 362 sur l’écologie, 363 sur la compétitivité et 364 sur la cohésion, nous n’avons pas d’observations supplémentaires, puisqu’ils suivent des trajectoires ordinaires.
Toutefois, certains dispositifs liés à l’aménagement du territoire et au logement comme MaPrimeRénov’ basculent dans des missions de droit commun. Cela met en évidence une volonté d’inscrire dans la durée ces outils aux ambitions louables, mais nous pouvons effectivement regretter un manque d’évaluation de leur efficacité avant leur prolongation.
S’agissant des crédits de la mission « Investir pour la France de 2030 », ils sont sensiblement plus importants.
Je me souviens de l’amendement adopté l’année dernière à l’Assemblée nationale, qui prévoyait plus de 30 milliards d’euros en autorisations d’engagement, un montant inédit pour un simple amendement budgétaire.
Les « plans d’investissements d’avenir », comme on les appelait jusqu’à présent, devraient conserver la même architecture, avec une priorité donnée à la recherche et à l’innovation. À l’heure de la réindustrialisation de nos territoires et de l’urgence climatique, le bon usage de ces crédits est plus que jamais nécessaire. Faisons en sorte qu’ils soient bien concentrés sur les projets les plus innovants et non dispersés comme c’est trop souvent le cas.
En somme, le groupe RDSE porte un regard favorable sur les crédits de ces missions, nonobstant les divers points de vigilance que je viens d’évoquer. (MM. Michel Canévet, Jean-Baptiste Lemoyne et Franck Menonville applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à M. Serge Babary. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Serge Babary. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui les crédits dédiés aux missions « Plan de relance » et « Investir pour la France de 2030 ».
La vocation du dispositif France Relance était de prendre le relais des mesures de soutien aux entreprises mises en œuvre depuis mars 2020. Ces mesures de soutien de masse ont été difficiles à mettre en œuvre, et je regrette que certaines entreprises, dont la situation était atypique, en soient toujours exclues.
La mission « Plan de relance » a été créée par la loi de finances pour 2021 afin d’aider les entreprises à faire face aux conséquences économiques de la crise sanitaire. Il s’agissait de passer de l’urgence à la relance économique.
La mission a alors été dotée d’une enveloppe de 100 milliards d’euros, dont 40 milliards financés par l’Union européenne, à engager d’ici fin 2022, avec deux objectifs : permettre à la France de retrouver son niveau d’activité d’avant crise et la préparer aux enjeux de demain.
L’ensemble des autorisations d’engagement ont bien été ouvertes en 2021 et 2022. Le présent projet de loi de finances n’ouvre donc, sur cette mission, que des crédits de paiement.
Au mois de février dernier, nous étions tous réunis dans ce même hémicycle pour débattre de l’opportunité et de l’efficacité des aides versées au titre du plan de relance.
J’avais alerté Mme Pannier-Runacher, alors ministre déléguée chargée de l’industrie, sur les difficultés rencontrées par les TPE et PME : application trop stricte des critères, complexité des dossiers, manque de transparence et d’individualisation.
Le meilleur exemple de cette complexité est l’annonce, il y a quelques jours, d’un plan à venir pour la rénovation des bâtiments scolaires. Cette annonce prend acte de l’échec du déploiement du plan France Relance en ce domaine, alors que 950 millions d’euros étaient réservés à la rénovation des bâtiments publics, notamment scolaires.
Si je prends acte des efforts du Gouvernement pour simplifier les démarches, je maintiens certaines de ces critiques, en particulier celles relatives à la complexité des dossiers et à l’absence de flexibilité.
Je souligne enfin l’importance d’améliorer le suivi et le contrôle de ces aides.
Le débat organisé au Sénat faisait suite au rapport du comité d’évaluation du plan France Relance d’octobre 2021. Ce rapport soulignait que, si l’objectif de relance de l’investissement industriel en sortie de crise semblait atteint, le court terme avait prévalu sur la transformation structurelle de l’industrie française.
Or, depuis cette évaluation, rien ! Aucun nouveau rapport n’a été rendu public. La dernière action de ce comité, au mois de février dernier, a consisté à lancer plusieurs appels à projets pour évaluer le dispositif « Plan de relance » – autrement dit, des appels à projets pour évaluer d’autres appels à projets…
Il est indispensable de disposer rapidement des évaluations des dispositifs passés afin d’en tirer tous les enseignements.
Au mois d’octobre 2021, voilà un peu plus d’un an, le Président de la République détaillait les grandes ambitions de son nouveau plan d’investissement France 2030, destiné à préparer la France de demain, en faisant émerger les futurs champions industriels.
Ce plan d’innovation et de réindustrialisation de 30 milliards d’euros sur cinq ans, complétés par 4 milliards d’euros investis en fonds propres, a pour objectif d’assurer l’indépendance stratégique du pays.
La mission budgétaire « Investissements d’avenir » qui accueillait les fonds dévolus au programme d’investissements d’avenir (PIA) a alors été transformée en une nouvelle mission « Investir pour la France de 2030 ».
M. Bruno Le Maire l’a affirmé, France 2030 est le pari d’une révolution de méthode, fondée à fois sur l’agilité, la vitesse, la prise de risque et le pari de l’excellence.
La semaine dernière, dans une interview au journal Les Échos, M. Bruno Bonnell, secrétaire général pour l’investissement, a affiché des objectifs extrêmement concrets : produire 2 millions de véhicules électriques en France d’ici à 2030, ainsi que des biomédicaments, des avions bas-carbone, des microlanceurs spatiaux, un robot sous-marin pouvant aller à 6 000 mètres de profondeur ou encore former un million de personnes aux compétences de demain.
On ne peut évidemment que souscrire à ces objectifs, même s’ils semblent bien lointains. Alors que les Français sont confrontés à une pénurie de Doliprane et d’amoxicilline, envisager la fabrication en France de biomédicaments me semble un peu audacieux.
Dans le présent projet de loi de finances, la mission « Investir pour la France de 2030 » est dotée de 262,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 6,09 milliards en crédits de paiement.
Le 18 novembre dernier, Mme la Première ministre a annoncé son souhait d’accélérer le déploiement de ce dispositif.
Cette accélération traduit une prise de conscience de la part de l’exécutif de la guerre commerciale en cours et constitue une réponse aux mesures protectionnistes américaines contenues dans la loi sur la réduction de l’inflation, qui cherchent à attirer les entreprises étrangères désireuses de réduire leur facture énergétique grâce à une enveloppe significative de 370 milliards de dollars.
Elle s’inscrit dans un contexte de hausse probable des taux et de déficit de liquidités.
Mme la Première ministre s’est également engagée à simplifier les démarches des entreprises et à simplifier le dispositif. Je souscris pleinement à ces objectifs d’investissement et de renforcement de notre souveraineté industrielle.
Je regrette néanmoins le manque de lisibilité de ces plans un peu fourre-tout, qui se succèdent et conduisent les collectivités à endosser un rôle d’alerte et de démarcheur auprès des PME et TPE de leur territoire. Il est important que, en dépit de ces différents plans, les entreprises puissent avoir un interlocuteur unique.
Enfin, je suis inquiet de la place de la France en Europe, quand l’Allemagne annonce, elle aussi, un plan d’aide massif susceptible d’entraver la concurrence.
Pour ces raisons, le groupe Les Républicains votera ces crédits, mais nous resterons vigilants sur leur bon emploi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Franck Menonville. (MM. Michel Canévet et Jean-François Husson, rapporteur spécial, applaudissent.)
M. Franck Menonville. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la pandémie nous a cruellement rappelé l’urgence du long terme. Ce n’est pas le moindre des paradoxes : il n’aura fallu que quelques mois pour qu’un virus déstabilise le monde entier, mettant ainsi en exergue notre manque d’anticipation, nos fragilités et nos trop fortes dépendances.
Reconnaissons-le aujourd’hui, pendant de trop nombreuses années, voire des décennies, nous avons négligé l’effort qui consiste à investir, en adoptant une vision de long terme, et privilégié la perspective de retour immédiat et de court-termisme.
La crise sanitaire nous a ramenés à ce besoin de projection dans l’avenir et de vision stratégique de long terme. C’est tout le sens que doit porter France 2030, plan lancé voilà plus d’un an, qui vise à bâtir une stratégie d’investissement financier, de développement économique et d’innovation scientifique, bien au-delà des cycles électoraux.
Cette projection dans le temps long doit pouvoir rassembler au sein de notre assemblée, de la gauche à la droite, pourvu qu’elle respecte la tradition française des plans quinquennaux. C’est donc dans cette longue tradition chère au général de Gaulle qu’il est important d’inscrire ce programme France 2030.
En définissant trois axes de travail – mieux produire, mieux vivre et mieux comprendre – et dix objectifs ambitieux, le Président de la République a présenté, en octobre 2021, les priorités pour orienter le développement stratégique de la France pendant les dix prochaines années.
Cette projection répond aux attentes des investisseurs comme des industriels. Les 54 milliards d’euros inscrits dans la mission « Investir pour la France de 2030 » – une somme considérable au regard de la plupart des autres missions – visent précisément à matérialiser ces ambitions.
Talleyrand aurait dit : « Quand je me regarde, je me désole ; quand je me compare, je me console. » En l’occurrence, pour la France, c’est tout l’inverse : « Quand on se regarde, on se console ; quand on se compare, on se désole » ! En effet, la France demeure encore bien loin des objectifs de Lisbonne, qui engagent tous les pays européens à consacrer 3 % de leur PIB à la recherche et à l’innovation.
La Chine vient d’atteindre cet objectif. D’autres pays, comme les États-Unis ou Israël, ont compris depuis bien longtemps que telle était la condition même de leur développement et de leur souveraineté économiques.
Le succès de France 2030 ne résidera pas seulement dans le montant des crédits qui y seront consacrés chaque année. L’efficacité du plan tiendra en grande partie à notre capacité d’apporter des financements ad hoc aux entrepreneurs. Bien évidemment, les régions devront y être étroitement associées.
À cet égard, je tiens à saluer le rôle joué par le secrétaire général pour l’investissement, qui a fait naître beaucoup d’espoirs. Mais malgré toute l’énergie déployée, de nombreux entrepreneurs perdent patience dans les files d’attente qui se sont constituées au guichet du SGPI. Nous ne devons pas les décevoir.
Le succès de France 2030 dépendra donc de l’exécution des programmes de financement. Aussi, je rejoins le rapporteur spécial de la commission des finances sur la nécessité de renforcer les mesures de performance et de suivi. De tels mécanismes éclaireraient le travail parlementaire et nous ne pouvons qu’y être favorables.
Il serait toutefois intéressant que la performance du dispositif soit aussi mesurée du point de vue des entrepreneurs, c’est-à-dire des usagers du mécanisme. Cela nous permettrait de vérifier que nous ne retombons pas dans les travers de procédures administratives à rallonge.
En attendant de telles évolutions, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera les crédits de ces missions.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, investir pour la France en 2030, quel grand sujet !
Je vous le dis sans ambiguïté : je suis favorable à un plan d’investissement pour 2030 fort et ambitieux, mais je déplore les orientations qui ont été prises dans ce budget.
Quelle France voulons-nous pour 2030 ? Le Gouvernement se targue d’un plan France 2030 de soutien aux innovations écologiques. Pourtant, le plan est loin de répondre aux enjeux. Avion bas-carbone, réacteurs nucléaires Small Modular Reactors (SMR)…, votre vision de l’avenir, ce sont des technologies censées répondre aux enjeux climatiques.
Vous faites fausse route si vous pensez que les gains technologiques suffiront à répondre aux crises climatiques. On ne peut pas durablement épuiser les ressources de la planète au-delà de leur capacité à se renouveler.
En 2030, dans l’Hexagone, le mercure pourrait, selon Météo-France, dépasser régulièrement les 50 degrés Celsius. L’objectif de limiter l’augmentation des températures à 1,5 degré est déjà jugé par les scientifiques comme impossible à tenir. Il est donc urgent d’agir autrement.
Au travers de nos amendements, nous voulons accompagner une véritable bifurcation du tissu économique français, en donnant à la France les moyens de devenir la première économie de la transition et en accompagnant les entreprises dans la durée pour transformer leur modèle d’affaires en profondeur.
Nous souhaitons conditionner les aides de la mission « Investir pour la France de 2030 » au respect de véritables engagements écologiques. Bien sûr, cette mission y contribue dans certains domaines. Je pense en particulier aux crédits destinés à renforcer le potentiel de recherche et d’enseignement supérieur.
Avec le plan France 2030 – c’était déjà le cas pour le plan France Relance –, les contreparties, en revanche, ne sont pas au rendez-vous. Les aides d’État doivent être conditionnées à l’absence de versement de dividendes ou de licenciements non justifiés.
En effet, les entreprises du CAC 40 ont rémunéré leurs actionnaires à hauteur de 80 milliards d’euros au titre de l’exercice 2021 et risquent de battre ce record au titre de l’exercice 2022. Dans le même temps, elles ont annoncé 62 500 suppressions d’emplois, dont 30 000 en France. Pourtant, 100 % des entreprises du CAC 40 ont bénéficié d’aides d’État sans aucune contrepartie.
Quelle France voulons-nous en 2030 ? Des stratégies d’innovation uniquement orientées vers la dématérialisation, la technologie et la domotique ?
Il n’y a pas, d’un côté, les tenants de la modernisation et du progrès et, de l’autre, les « Amish » qui s’y opposent. L’innovation, la création et la sobriété peuvent se conjuguer, mais votre approche, au travers de ce plan, monsieur le ministre, ignore trop cette exigence.
Il est vrai que nous ne sommes pas convaincus que les métavers ou les NFT (Non Fungible Tokens), ces jetons non fongibles, soient la meilleure cible d’investissement d’avenir pour la culture et pour l’humain d’une manière générale.
Nous défendons un modèle de consommation compatible avec la transition écologique et il nous semble indispensable de continuer à soutenir les projets alimentaires territoriaux et les solutions low tech, plutôt que de flécher tous les crédits vers les projets des start-up de la Food Tech ou de l’Agri Tech, souvent trop consommateurs en énergie et en matière pour être généralisables.
France 2030 devrait soutenir fortement la recherche dans les domaines de la gestion de la ressource en eau et de la défense des écosystèmes, domaines bouleversés par la crise climatique et pourtant essentiels à l’humanité comme à la planète.
France 2030 devrait aussi travailler à la création d’un service public national de la dépendance. Il devrait soutenir un véritable plan de reconstruction de l’hôpital public pour le préparer aux défis de demain.
Les conditions de travail de l’ensemble des professionnels du soin et de l’accompagnement continuent à se dégrader. Pour sauver l’hôpital public, la réouverture de lits et services, des dotations de fonctionnement suffisantes, l’accès à la formation, l’amortissement de l’inflation pour 2022 et 2023 sont urgents.
Seuls ces investissements permettront le choc d’attractivité tant attendu pour ces métiers, un choc nécessaire pour que notre service de santé public redevienne un des plus performants au monde.
Investir pour la France de 2030, c’est aussi donner les moyens à nos hôpitaux de poursuivre leurs recherches, en s’appuyant sur des équipements performants.
Voilà quelques pistes pour un plan d’avenir et d’urgence à la fois social et écologique, une dimension que je ne retrouve pas dans cette mission.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voilà réunis pour examiner les crédits des missions « Plan de relance », mission dotée de 100 milliards d’euros, et « France 2030 » – 54 milliards d’euros – qui, avec le plan d’urgence – 240 milliards d’euros –, forment un continuum. Ces dépenses, d’un niveau considérable, constituent des investissements.
Investissements en capital humain, d’abord. Vous évoquiez l’activité partielle, monsieur le rapporteur spécial. Il fallait effectivement garder les talents et les compétences pour, ensuite, relancer l’économie.
Investissements dans nos territoires ensuite : quand on regarde le plan de relance – je rejoins mon collègue Éric Gold sur ce point –, on constate que c’est la première fois depuis bien longtemps qu’autant de collectivités, d’entreprises et de ménages sont aidés et accompagnés de la sorte, grâce à ces crédits.
Investissements, enfin, dans les technologies du futur, au travers de France 2030.
Le plan de relance a été une formidable révolution copernicienne à l’échelle européenne. Souvenons-nous des efforts qu’il a fallu déployer pour que nous puissions débloquer cette enveloppe de 750 milliards d’euros, pour que l’Europe puisse emprunter, pour qu’on obtienne des emprunts mutualisés. Ces efforts nous permettent d’abonder le plan de relance national de 40 milliards d’euros. Tout cela s’est fait rapidement et nous permet de frapper fort.
Il est vrai que le périmètre de la mission diffère légèrement de celui du plan de relance en lui-même. S’agissant de ce dernier, 90 % des crédits ont été engagés et il ne reste plus pour cette année que 4,4 milliards d’euros de crédits de paiement.
Je me réjouis qu’un certain nombre d’actions soient reprises dans des missions de droit commun. Cela montre que l’État est de retour, au travers d’un certain nombre de politiques, que ce soit pour l’aménagement du territoire, avec le fonds Friches, pour le tourisme ou encore pour la rénovation des bâtiments publics.
À l’échelle locale comme à l’échelle nationale, les résultats sont là : les trains de nuit sont relancés, la régénération des petites lignes ferroviaires est en cours et le chômage est à 7,3 %.
Quelques mots maintenant sur France 2030. Les crises ont mis en exergue le besoin de rebâtir notre souveraineté, de réindustrialiser, de sortir de nos dépendances, bref, de réintégrer la compétition mondiale, de l’innovation à l’industrialisation.
France 2030, c’est se rapprocher du futur ! Les 54 milliards d’euros représentent un investissement massif, il est nécessaire pour faire émerger les champions nationaux des technologies de demain.
Cette mission est par ailleurs dotée d’une boussole, avec dix objectifs, six leviers et des indicateurs d’impact. Tout cela permet de préparer l’avenir et 8,5 milliards d’euros sont d’ores et déjà investis dans 1 800 projets, qui ont été sélectionnés à l’issue de 50 appels à projets.
France 2030 irrigue également nos régions et nos territoires.
M. Jean-François Husson, rapporteur spécial. C’est magique !
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Ce n’est pas de l’argent magique, monsieur le rapporteur spécial. La France va simplement pouvoir aller de l’avant.
Je le vois dans ce beau département de l’Yonne au travers des projets qui se concrétisent, que ce soit à Pont-sur-Yonne, à Toucy ou encore à Auxerre, en particulier en matière de systèmes constructifs bois.
Je veux remercier pour tout cela les opérateurs qui sont à l’œuvre sur le terrain : l’Agence nationale de la recherche, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), la Caisse des dépôts et consignations (CDC), Bpifrance… Ils étaient déjà à l’œuvre pour déployer les PIA et ils continuent d’accompagner les projets.
Je remercie également Bruno Bonnell, secrétaire général pour l’investissement.
Tout cela a été rendu possible grâce à la maquette dans laquelle nous avons intégré les projets. Certes, il faut peut-être faire évoluer certaines choses, monsieur le rapporteur spécial, mais nous devons conserver le pragmatisme qui nous a guidés jusque-là.
Action, réaction ! C’est comme cela que l’on marque des points !
M. Jean-François Husson, rapporteur spécial. Il a perdu le contrôle ! (Sourires.)
M. Jean-Baptiste Lemoyne. En l’occurrence, c’est la France qui marque des points, alors continuons dans ce sens.
Pour toutes ces raisons, le groupe RDPI votera ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – MM. Franck Menonville et Éric Gold applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Raynal. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Claude Raynal. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Plan de relance », créée temporairement en 2021, avait vocation à permettre le déploiement de 100 milliards d’euros de crédits, qui avaient été annoncés par le Gouvernement dans le contexte de la crise sanitaire afin de relancer l’économie.
Si nous avions pu, alors, contester le bien-fondé de la ventilation initiale des crédits ou le choix des actions à financer comme, de façon un peu emblématique pour nous, la suppression de 10 milliards d’euros par an d’impôts de production, l’importance de cette mission budgétaire est désormais bien réduite.
Selon France Stratégie, à la fin de l’année 2021, 72 % des crédits de l’enveloppe de France Relance avaient été engagés et 42 % décaissés ; à la fin du mois d’août 2022, 90 % des crédits étaient engagés.
En 2023, nous sommes donc sur une « queue de comète », avec des crédits de paiement de 4,4 milliards d’euros, puis un peu plus de 3 milliards d’euros d’ici à 2025.
Dans ces conditions, ne serait-il pas pertinent, monsieur le ministre, de fondre cette mission avec la mission « Investir pour la France de 2030 » dans le projet de loi de finances pour 2024 ?
Cette préconisation a d’autant plus de sens que de nombreuses mesures de France Relance ont été pérennisées au-delà du plan. Ainsi en est-il de la part de MaPrimeRénov’ financée par le plan de relance, du fonds Friches, désormais intégré au fonds vert, du bonus écologique de 7 000 euros à destination des ménages modestes, de la prime exceptionnelle à l’apprentissage ou encore des nouveaux appels à projets en faveur de la décarbonation de l’industrie, autant de projets qui se poursuivent aujourd’hui sur d’autres lignes budgétaires.
Je voudrais dire quelques mots au sujet de l’évaluation, qui pose un certain nombre de difficultés.
Le comité d’évaluation, dont Jean-François Husson et moi-même en tant que représentants de la commission des finances sommes membres – il est vrai que nous devrions y participer un peu plus –, n’a plus de président depuis cet été, puisque Laurence Boone a été appelée à d’autres fonctions. Nous regrettons cette situation.
En outre, la crise ukrainienne et ses conséquences rendront sans doute moins discernables les effets directs du plan de relance. Des actions très diverses s’entremêleront et distinguer ce qui relève du plan de relance et d’autres politiques sera très difficile.
Cela étant, nous disposons aujourd’hui de premières évaluations et la publication d’un nouveau rapport est annoncée pour les prochaines semaines.
En ce qui concerne MaPrimeRénov’, le rapport du comité d’évaluation publié en octobre 2021 montre que l’impact de la mesure sur les passoires thermiques est bien trop limité par rapport aux sommes engagées. Il serait donc nécessaire de modifier substantiellement ce dispositif.
Pour ce qui concerne la mission « Investir pour la France de 2030 », qui comprend à la fois les PIA et le plan France 2030, la gestion des autorisations d’engagement et des crédits de paiement est profondément divergente. Cela correspond à la nature même de ces projets qui, une fois engagés, se déploient durant plusieurs années.
Notons cependant que des crédits relatifs au PIA3, programme qui a été décidé en 2017 et qui devait se terminer à la fin de 2020, sont encore ouverts en 2023. Ce retard est sans doute dû à la crise sanitaire.
Au-delà de ces considérations générales, la commission des finances aura naturellement à cœur, par la voix de ses rapporteurs spéciaux Jean-François Husson et Thierry Meignen, d’analyser chaque année la progression de la consommation de ces crédits tout à fait exceptionnels en faveur de l’innovation et de l’investissement industriel.
Pour ma part, je n’ai aucun doute sur le fait que la France saura engager dans des délais raisonnables les quelque 54 milliards d’euros de crédits disponibles au titre de France 2030 et du PIA4.
En réalité, la véritable question n’est pas de savoir si les crédits seront engagés – un président de la commission des finances ne devrait pas s’exprimer ainsi, mais reconnaissons qu’en France on sait très bien dépenser l’argent… La question est plutôt de savoir si nous saurons identifier les bons projets et les pousser en avant.
Saurons-nous – ce n’est pas notre point fort – abandonner rapidement tout projet qui ne tiendrait pas ses promesses ? Serons-nous, dans dix ou quinze ans, au rendez-vous des meilleures technologies innovantes ? C’est en fait à cet horizon que nous pourrons juger de la qualité de la gouvernance mise en place.
En tout état de cause, ces programmes, dont les pères ont été à un moment Alain Juppé et Michel Rocard, doivent être poursuivis et amplifiés, si nous voulons que notre pays participe, demain comme hier, à la compétition technologique que se livrent les grandes puissances économiques.
Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera les crédits de ces missions. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit également.)