Mme la présidente. L’amendement n° II-565 rectifié, présenté par Mme Schillinger, MM. Haye, Gattolin, Hassani, Iacovelli, Lévrier, Rambaud, Patient, Rohfritsch, Dagbert, Patriat, Bargeton et Buis, Mme Cazebonne, M. Dennemont, Mmes Duranton et Havet, MM. Kulimoetoke, Lemoyne, Marchand et Mohamed Soilihi, Mme Phinera-Horth, MM. Richard, Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Ce rapport prévoit un chapitre consacré à la situation spécifique des orphelins des incorporés de force pendant l’occupation des territoires du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle.
La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Monsieur le rapporteur spécial, je salue votre décision ; je connais votre intérêt approfondi pour les questions mémorielles.
Ce n’est pas une demande de rapport pour le plaisir. Il s’agit de préciser, de dénombrer.
La situation évolue. Les survivants de la Seconde Guerre mondiale sont en train de disparaître. Une nouvelle génération d’anciens combattants apparaît, avec, par conséquent, de nouveaux pupilles de la Nation. Il est donc important d’avoir un état des lieux et une mesure permanente.
C’est d’ailleurs le sens de l’amendement que je présente avec certains collègues alsaciens de mon groupe. Nous proposons de consacrer un chapitre aux « malgré-nous » au sein du rapport demandé au Gouvernement.
Le grand historien Pascal Ory, spécialiste de la période, explique que l’occupation allemande de l’Alsace et de la Moselle, entre 1939 et 1945, a été si violente qu’elle a, paradoxalement, davantage contribué à la pleine intégration de cette région au sein de la pleine culture et intégrité nationales françaises que des siècles de tentatives en ce sens.
Ainsi, plus de 113 000 Alsaciens et 31 000 Mosellans ont été enrôlés de force de 1939 à 1945, surtout à partir de 1942. Il est indispensable, à la suite de la reconnaissance engagée par le général de Gaulle en 1963, des malgré-nous – ces personnes forcées de combattre contre la France dans l’armée de l’Allemagne nazie –, de reconnaître pleinement leurs droits et de connaître leur nombre exact.
Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur Gattolin.
M. André Gattolin. Tel est le sens de cette demande d’ajout, qui rendra ce rapport encore plus utile.
Je vous invite donc à approuver notre amendement n° II-565 rectifié.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc Laménie, rapporteur spécial. Comme nous pouvons évoluer positivement, j’émets un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Patricia Mirallès, secrétaire d’État. Avis évidemment favorable.
Il manquait dans ce rapport des précisions sur les orphelins des habitants des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle incorporés de force par l’armée allemande. Ces derniers peuvent se voir attribuer la qualité de pupille de la Nation si la mention « Mort pour la France » a été apposée sur l’acte de décès de leur parent.
En outre, leur sort spécifique justifie qu’une attention distincte soit portée à leur situation.
Il paraît donc pleinement justifié de leur consacrer un chapitre dans le rapport sur les conditions dans lesquelles l’État, au travers de son opérateur, l’Office national des combattants et victimes de guerre, assure le dénombrement et le soutien des pupilles de la Nation et des orphelins de guerre.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Patricia Mirallès, secrétaire d’État. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie d’avoir adopté ce budget si important pour nos anciens combattants, au regard du sacrifice qu’ils ont accompli pour la Nation. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».
Culture
Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Culture » (et articles 41 quater et 41 quinquies).
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Vincent Éblé, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le montant global des crédits demandés dans le cadre du présent projet de loi de finances pour la mission « Culture » s’élève à plus de 3,7 milliards d’euros, soit une progression dépassant 7 %. Celle-ci est supérieure à l’hypothèse d’inflation retenue voilà quelques semaines pour 2023 dans le projet de loi de programmation des finances publiques (LPFP), qui devrait cependant rapidement être remise en cause si l’on observe le niveau d’inflation déjà constaté et les perspectives à court terme.
J’aborderai dans un premier temps le programme 131, « Création », dont la dotation, majorée de 10 %, dépasse 1 milliard d’euros. Cette progression des crédits peut être saluée en première analyse, dans un contexte de reprise délicate de l’activité culturelle. Cependant, elle ne lève pas toutes les inquiétudes de l’ensemble du secteur, confronté à un effet ciseaux entre, d’un côté, le redémarrage progressif, mais lent, de l’activité et, d’un autre, la hausse du coût des dépenses contraintes, notamment énergétiques.
Pour les opérateurs de l’État, ces surcoûts ne seront pas intégralement compensés par la loi de finances, ce qui devrait induire une réduction des marges artistiques de 30 % en 2023 et de 50 % en 2024. La fermeture de certains opérateurs à la rentrée 2023 est malheureusement une hypothèse crédible, faute de pouvoir produire certains spectacles.
De plus, la perspective des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 constitue une source supplémentaire d’anxiété, car la probabilité d’annulations de festivals et de concerts est renforcée, en raison du manque de forces de l’ordre et de sociétés privées pour en assurer la sécurité.
Je relève en outre que l’action du ministère dans le domaine de la création peut paraître brouillée. La multiplication des objectifs assignés – seize sous-actions pour les actions nos 01 et 02 – et le recours soutenu à la labellisation fragilisent en effet sa lisibilité. J’observe par ailleurs le caractère résiduel, pour ne pas dire marginal, qu’elle peut revêtir dans les territoires, où elle se résume à un financement complémentaire des politiques territoriales.
Pour conclure sur ce programme, je m’attarderai sur deux mesures.
La première porte sur la poursuite du programme de commande publique « Mondes nouveaux », mis en place dans le cadre du plan de relance. Ainsi, 10 millions d’euros seront dédiés à ce dispositif, qui vise notamment à faire entrer la culture dans des zones où elle n’est plus assez présente : les espaces ruraux, les périphéries urbaines ou encore les cœurs de ville dégradés. Il conviendra d’être vigilant sur la réalité de l’accompagnement des artistes, de la complémentarité du dispositif avec le « 1 % artistique » et sur le droit de suite que le ministère doit avoir sur les œuvres ainsi financées, notamment dans le domaine des arts visuels.
La deuxième mesure concerne les quelque 12,7 millions d’euros qui abondent le soutien à l’emploi, dont 7 millions d’euros sont fléchés vers le fonds national pour l’emploi pérenne dans le spectacle (Fonpeps). Cette progression des crédits s’inscrit dans une trajectoire haussière révélatrice d’une sous-budgétisation constante depuis 2019. Dans ces conditions, nous nous interrogeons sur la fiabilité de la prévision budgétaire pour 2023.
Je me concentrerai à présent sur le programme 175, « Patrimoines », qui devrait être doté de 1,1 milliard d’euros en 2023, soit une progression de plus de 7 % par rapport à 2022.
Ce financement est complété par des soutiens hors budget, qui mobilisent nos concitoyens : les dons pour Notre-Dame de Paris, dont le montant, qui s’élève à 849 millions d’euros, devrait dépasser le coût des travaux, estimé à quelque 703 millions d’euros ; le loto du patrimoine, pour lequel le ministère dégèle la réserve de précaution chaque année. Ce jeu, comme l’augmentation prévue des crédits du fonds incitatif et partenarial, vient d’ailleurs compenser la tendance à la baisse des crédits déconcentrés.
Près de la moitié de la progression des crédits dédiés au programme 175 relèvent de mesures destinées à tenir compte de l’inflation et de la hausse des coûts. Sur les 37,4 millions d’euros dédiés à cet objectif, deux tiers environ sont fléchés vers les opérateurs. La majoration des coûts est déjà constatée dans plusieurs chantiers encadrés par l’État.
En ce qui concerne les chantiers, justement, nous avons noté que l’année 2023 devrait être marquée par l’ouverture de la cité de la francophonie à Villers-Cotterêts. Le coût du chantier était initialement évalué à 185 millions d’euros, avant d’être porté à 209 millions d’euros. Sa réalisation n’a d’ailleurs été permise que par la mise en place du plan de relance.
Cette expérience coûteuse doit servir de point cardinal dans la réflexion à mener sur d’autres grandes opérations d’investissement. Je pense en particulier à l’aménagement du site de Clairvaux, doté de 15 millions d’euros en autorisations d’engagement pour 2023, ce qui représente un début assez modeste – chacun pourra en convenir – au regard du coût global de l’opération.
Au-delà de la hausse des dépenses contraintes, nous relevons une hausse importante des prix d’acquisitions des œuvres les plus importantes qui ont vocation à enrichir les collections publiques. Les prix d’adjudication dans les ventes aux enchères s’établissent désormais très régulièrement à des niveaux quatre à dix fois supérieurs, voire davantage à ceux des estimations.
Enfin, si la reprise de la fréquentation des établissements recevant du public dédiés au patrimoine a été plus importante que prévu en 2022, l’horizon ne semble pas pour autant totalement dégagé en raison de plusieurs incertitudes : l’effet de l’inflation sur les dépenses culturelles, l’absence de retour de certaines clientèles, notamment les touristes chinois, et la perspective de leur fermeture le temps des jeux Olympiques et Paralympiques en 2024.
Mon collègue rapporteur spécial Didier Rambaud présentera dans quelques instants les crédits des programmes 224 et 361. (Applaudissements sur des travées du groupe SER et au banc des commissions. – M. Marc Laménie applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur spécial. (M. Julien Bargeton applaudit.)
M. Didier Rambaud, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2023 prévoit une majoration de la dotation du programme 361, « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », d’environ 6,5 % en crédits de paiement en plus par rapport à 2022. Les crédits devraient ainsi atteindre environ 800 millions d’euros.
Les moyens financiers dédiés aux établissements d’enseignement supérieur culturel et à l’insertion professionnelle devraient progresser de 32 millions d’euros en crédits de paiement, afin de répondre à quatre objectifs : la réévaluation des bourses sur critères sociaux ; le renforcement des subventions de fonctionnement et d’investissement des écoles d’art et d’architecture ; la mise en œuvre des grands projets d’investissements de ces mêmes écoles ; enfin, le soutien aux établissements territoriaux d’enseignement supérieur, qui cible notamment le statut des enseignants au sein de ces écoles.
Une question demeure sur la dynamique baissière du taux d’insertion professionnelle des étudiants issus du domaine du spectacle vivant. Afin de répondre à ce défi, il convient de mettre en place un véritable accompagnement, en déclinant le modèle du Jeune Théâtre national (JTN), associé au Conservatoire national supérieur d’art dramatique de Paris et au Théâtre national de Strasbourg, qui organise des rencontres et des auditions, prend en charge une partie des jeunes artistes engagés à la suite de celles-ci, programme des maquettes de premiers spectacles et élabore un annuaire des artistes issus des onze écoles nationales d’art dramatique.
Par ailleurs, 13 millions d’euros sont fléchés vers des investissements structurants au sein des écoles de la création et du patrimoine. Cet apport doit être salué. Cela ne doit toutefois pas nous empêcher de rappeler l’importance des restes à payer des chantiers couverts par le programme 361.
J’en viens maintenant à un dispositif auquel je suis attaché : le pass Culture. Déployé dans toute la France depuis mai 2021 et étendu en 2022 aux jeunes de 15 ans et plus, ainsi qu’aux élèves à partir de la quatrième, le pass Culture sera ouvert aux jeunes de sixième et cinquième en 2023.
De plus, quelque 208,5 millions d’euros sont prévus en 2023 pour financer le dispositif, qui est aujourd’hui, rappelons-le, le deuxième opérateur du ministère de la culture, après la Bibliothèque nationale de France. Plus de 2,1 millions de jeunes sont actuellement inscrits sur l’application, et 14 millions de réservations de produits culturels ont été opérées via le pass, pour un montant total de 235 millions d’euros. Concrètement, 87 % des jeunes concernés ont acquis un bien culturel par cet intermédiaire.
Le pass Culture est un dispositif qui, à mes yeux, est pertinent, et je continuerai de le soutenir !
Madame la ministre, je reste toutefois attentif à sa mise en œuvre, comme vous le savez, pour que son efficacité puisse être améliorée. Le pass ne peut pas se résumer à une simple plateforme d’achats de biens et de services ; il doit être éditorialisé en vue de mettre en place un véritable parcours culturel.
Lors des prochains mois, nous allons vérifier avec mon collègue Vincent Éblé que le pass ne sert pas au financement d’achats liés au parcours scolaire. Nous allons également veiller à ce qu’il contribue à faire évoluer les pratiques culturelles. L’accent pourrait ainsi être mis sur l’accès au spectacle vivant, par exemple.
J’en profite également pour tordre le cou à quelques rumeurs qui circulent actuellement : non, le pass Culture n’est pas éligible aux parcs de loisirs !
Pour en revenir aux pistes d’amélioration du pass Culture, nous devons, je le crois, renforcer l’accès des jeunes non scolarisés à celui-ci. Seuls 3,7 % des inscrits sur l’application ont déclaré ne pas être scolarisés. Or ce ratio est plus faible que le taux de jeunes non scolarisés par rapport l’ensemble de la population visée.
N’oublions pas les zones rurales et périurbaines, où l’offre culturelle n’est – hélas ! – pas la même et où des questions liées à la mobilité se posent ; j’ai eu l’occasion de vous le dire.
En tout état de cause, le pass Culture ne doit pas résumer l’effort de l’État en faveur de l’éducation artistique et culturelle. Autrement dit, la montée en charge budgétaire de l’application ne doit pas s’effectuer au détriment des moyens qui lui sont traditionnellement dédiés. Nous ne pouvons que déplorer le fait que les indicateurs rattachés au programme mettent d’ailleurs en avant une réduction de la part des enfants et adolescents ayant bénéficié d’une action d’éducation artistique et culturelle, ainsi qu’une baisse de l’effort en faveur des territoires prioritaires.
Je reviendrai enfin sur le programme 224, « Soutien aux politiques du ministère de la culture », qui devrait être doté d’environ 810 millions d’euros en 2023. À l’instar de l’exercice précédent, la masse salariale du ministère devrait croître en 2023 et ainsi atteindre 516 millions d’euros. Il convient de noter que 67 % de cette progression résulte de mesures catégorielles, comme le plan de rattrapage indemnitaire pluriannuel, qui doit permettre de renforcer l’attractivité du ministère de la culture et d’éviter des vacances de postes prolongées.
Le projet immobilier Camus, lancé en 2019, qui prévoit la rénovation des locaux et l’aménagement de nouveaux bureaux au sein du ministère de la culture, devrait, en 2023, passer de sept à trois sites. Initialement établi à 36,6 millions d’euros, le budget prévisionnel, après avoir été actualisé en 2022, est désormais porté à 55,43 millions d’euros.
Pour l’exercice 2023, la dotation numérique du ministère devrait continuer de progresser : 26,52 millions d’euros seront ainsi dédiés au renforcement de la transformation numérique et de la cybersécurité et à la mise en place d’outils permettant de renforcer et de fiabiliser le suivi économique de l’activité des secteurs qu’il subventionne, en ciblant notamment la fréquentation au sein des opérateurs ou la dynamique du spectacle vivant.
La mise en place de ces systèmes d’information devrait contribuer à faciliter la gestion des crédits dédiés aux établissements subventionnés et permettre une meilleure prévision budgétaire.
Cela étant, compte tenu des moyens supplémentaires dédiés à la culture, que je souligne une nouvelle fois, la commission des finances a décidé d’approuver les crédits de la mission « Culture ». (M. Julien Bargeton applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme Sabine Drexler, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le monde du patrimoine appréhendait le niveau des crédits en 2023 après les aides exceptionnelles dont il a bénéficié pendant la crise sanitaire. Nous sommes satisfaits de constater que l’État maintient son effort, tant ce secteur nécessite des investissements qui s’accommodent mal d’un financement par à-coups.
Le niveau de l’inflation reste néanmoins un motif d’inquiétude, tant pour les musées que pour la poursuite des chantiers de restauration, car le budget pour 2023 n’en compense que partiellement les effets.
À cet égard, la commission de la culture regrette que les crédits destinés à la restauration des monuments historiques ou à la rénovation des équipements patrimoniaux des collectivités territoriales ne soient pas revalorisés, à l’exception du fonds incitatif et partenarial. Compte tenu de l’effet ciseaux auquel les collectivités sont confrontées et des problèmes d’ingénierie qu’elles rencontrent, il aurait été utile qu’elles soient davantage accompagnées.
Madame la ministre, nous souhaitons vous interpeller sur la situation préoccupante des effectifs des services déconcentrés chargés du patrimoine. Elle ne leur permet plus d’assurer correctement leur mission de conseil et d’expertise auprès des collectivités territoriales et des propriétaires privés. Il est urgent de recruter et de revaloriser l’attractivité de ces postes.
Nous sommes également préoccupés par le faible niveau des crédits alloués à l’architecture et aux sites patrimoniaux remarquables (SPR) face aux enjeux de régénération des centres anciens et de transition écologique et énergétique.
Il ne faudrait pas que le patrimoine soit la victime collatérale de ces politiques, faute d’avoir vu suffisamment tôt à quel point il constituait un levier aussi bien pour la revitalisation que pour la sobriété énergétique. Nous sommes convaincus que la réhabilitation du bâti ancien, constitue, sur le plan du développement durable, l’avenir de la construction.
Madame la ministre, parmi vos priorités figure à juste titre la transition énergétique de votre ministère. Si nous saluons les efforts destinés à améliorer les performances des bâtiments des opérateurs, nous pensons que votre action doit aller plus loin, dans la mesure où il est aujourd’hui avéré que la transition telle qu’elle est amorcée va affecter la pérennité de tout le patrimoine dont votre ministère est pourtant chargé d’assurer la préservation.
Madame la ministre, les dispositions de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et résilience, vont entraîner ni plus ni moins la disparition des caractéristiques architecturales françaises, car ni les nouvelles modalités de calcul du diagnostic de performance énergétique (DPE) ni les solutions de rénovation thermique préconisées ne sont adaptées au bâti d’avant 1948.
Sans vouloir soustraire le patrimoine aux impératifs de transition écologique, nous sollicitons votre intervention pour que les travaux de rénovation énergétique ne se traduisent ni par la perte du patrimoine ni par celle du savoir-faire de notre pays et encore moins par un gaspillage d’argent public.
Il est urgent d’engager un travail interministériel pour mieux concilier la préservation du bâti ancien et la transition écologique.
Nous avons identifié dans notre avis budgétaire plusieurs leviers d’action. Madame la ministre, nous espérons vraiment pouvoir compter sur votre engagement pour les mettre en œuvre très rapidement, car de nombreuses maisons, partout en France, ont déjà fait les frais de ce malentendu réglementaire. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
Mme Sylvie Robert, rapporteure pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la nouvelle progression des crédits des programmes « Création » et « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » constitue évidemment un réel soulagement.
Madame la ministre, nous vous remercions d’être parvenue à convaincre l’ensemble du Gouvernement que le secteur culturel devait rester une priorité en 2023.
Le secteur de la création a encore besoin d’être accompagné. Si les collectivités publiques l’ont très largement soutenu pendant la crise sanitaire, sa situation demeure fragile. Il faut dire qu’il est affecté depuis sept ans par des crises successives : d’abord, les attentats de 2015 ; ensuite, la pandémie de covid-19 ; enfin, la hausse des prix de l’énergie.
Malheureusement, aucune de ces crises n’est encore véritablement surmontée : la vague d’attentats s’est traduite par un relèvement durable et considérable des coûts de sécurité des établissements ; les effets de la crise sanitaire restent encore très tangibles, aussi bien en matière de fréquentation que de recrutement, avec une véritable crise des vocations observable dans l’ensemble des différents emplois. À cela s’ajoutent les changements profonds des comportements des publics, qui mettent de plus en plus à mal les modèles économiques traditionnels des établissements publics comme privés.
Dans ce contexte, nous comprenons que la crise énergétique et l’inflation généralisée cristallisent les inquiétudes, puisqu’elles affectent non seulement les dépenses des établissements, mais également leurs recettes. Les Français réduisent leurs dépenses de loisirs, le mécénat est en baisse et les collectivités territoriales sont tentées de réduire leurs engagements financiers pour compenser la hausse de leurs dépenses.
Pour faire face à ces difficultés, nous vous savons gré d’avoir choisi de faire porter la priorité en 2023 sur l’emploi et sur le renforcement des marges artistiques des établissements. Leurs marges de manœuvre sont effectivement réduites et la hausse de leurs tarifs ou encore la révision à la baisse de leur programmation auraient des effets désastreux tant sur la fréquentation que sur la création.
Il reste néanmoins désormais à accompagner cet effort financier par un renforcement du dialogue entre votre ministère, les acteurs culturels et les collectivités territoriales. Il s’agit d’un besoin essentiel pour ce secteur, qui doit disposer de visibilité très en amont du fait des contraintes de leurs programmations. C’est vrai aussi pour les crédits d’impôt ; nous aurons l’occasion d’en débattre. L’affaire des possibles annulations de festivals en 2024 du fait des jeux Olympiques aurait pu être évitée si des concertations préalables étaient intervenues.
La commission de la culture est convaincue que le soutien à la création, à l’éducation artistique et culturelle et aux établissements d’enseignement passe par un meilleur dialogue et par le développement de nouvelles modalités de contractualisation avec les collectivités territoriales.
Nous avons ainsi émis un avis favorable sur l’adoption des crédits de la mission « Culture ». (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER. – M. Laurent Lafon applaudit également.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps de l’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Sonia de La Provôté. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Laure Darcos applaudit également.)
Mme Sonia de La Provôté. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, c’est une longue période chahutée que le monde de la culture traverse depuis trois ans. Si quelques éclaircies ont pu parcourir son ciel, les nuages s’amoncellent de nouveau et, avec eux, leur cortège d’inquiétudes.
En 2020, commençaient la crise sanitaire, les confinements, les restrictions et la cruelle sanction de ne pas faire partie des « essentiels ». Depuis, et parce qu’il a fallu qu’elle nous manque pour que cela soit enfin compris, la culture est considérée comme un bien vital.
Or la guerre aux portes de l’Europe, l’inflation, la crise climatique, le retour prudent et différent des publics, nous oblige à anticiper, de crainte que, de nouveau, des pans entiers de la vie culturelle nous quittent.
Les budgets examinés aujourd’hui sont pleinement concernés par ces crises, et nous saluons ici, le réel effort budgétaire accompli, madame la ministre. C’est un marqueur de la reconnaissance du rôle majeur joué par la culture dans cette bien rude période. Néanmoins, des inquiétudes demeurent, pour aujourd’hui comme pour demain. Comme cela a été souligné par nos deux rapporteures, Sylvie Robert et Sabine Drexler, nous savons tous que cette situation nécessitera à coup sûr un suivi budgétaire attentif pour réagir à temps via des projets de loi de finances rectificative.
De grands défis attendent votre ministère en 2023, qui affecteront aussi bien le programme 175, « Patrimoines », que le programme 361, « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », et le programme 131, « Création ».
Le principal défi est celui de la hausse de l’inflation et du coût de l’énergie. L’hypothèse de +4,3 % est déjà caduque et la hausse des crédits, de 7 % pour le programme 361, de 7 % pour le programme 175 et de 10 % pour le programme 131, devrait en être atténuée d’autant.
Le soutien aux opérateurs est en progression. Mais l’estimation du surcoût énergétique le rend déjà bien insuffisant. Pour les établissements d’enseignement supérieur d’art, les conservatoires ou les écoles d’architecture, le constat est le même. En matière de patrimoine, en plus de ce surcoût, il faut faire face à une forte hausse du prix des matières premières utilisées dans les chantiers.
La réalité rattrape vite les établissements et les structures culturels. Elle s’impose à leurs arbitrages budgétaires et met ainsi en péril la programmation artistique, les horaires et les durées d’ouverture, le calendrier des créations, les tarifs et les délais des chantiers ; des annulations, des reports et des fermetures sont envisagés. À ces mesures extrêmes devra répondre un soutien extrême.
Par ailleurs, s’agissant du volet relatif aux ressources humaines, on constate, sur le terrain, le manque criant, au sein des festivals et des établissements culturels, de métiers – techniques, administratifs ou artistiques – indispensables à leur fonctionnement. Dans l’enseignement, le constat est le même. Les écoles d’architecture ont besoin de moyens supplémentaires, car des formations initiales et continues devront être mises en place pour répondre aux défis de la mise aux normes énergétiques.
Dans les directions régionales des affaires culturelles (Drac), le déficit d’attractivité est mis en exergue. Ainsi, des postes sont vacants dans le secteur du patrimoine. Par exemple, sur douze postes ouverts à la sortie de l’école de Chaillot, seuls quatre sont pourvus. Le recours aux contractuels ne pallie pas les manques.
À cette crise de la ressource en matière de professionnels s’ajoute celle qui est liée au coût des revalorisations salariales dues à l’inflation. Le ministère fait un réel effort pour compenser, quel que soit le secteur. Mais tout l’écosystème culturel, dans sa très grande diversité de statuts et de métiers, n’en bénéficiera pas : les collectivités et les acteurs privés sont eux aussi concernés. Les arbitrages ne vont pas toujours vers la compensation, et l’offre culturelle dans sa diversité en est fragilisée.
Outre ces deux sujets, madame la ministre, trois autres nous alertent.
Le premier concerne l’éducation artistique et culturelle et le rôle du pass Culture.
En ces temps où les choix budgétaires sont complexes, on ne peut que s’étonner du montant de ce dispositif, qui représente 25 % du programme 361. Cela détonne singulièrement avec la sobriété budgétaire qui s’impose aux acteurs de la culture ! La société par actions simplifiée (SAS) pass Culture ne connaît pas la crise…
Ensuite, si la part collective est une avancée pour faciliter l’accès à des actions culturelles dans les établissements scolaires du second degré, elle interroge sur son usage et sa mise en œuvre.
En matière d’éducation artistique et culturelle (EAC), le pass a une logique d’offre, à laquelle les établissements répondent : on crée la demande alors que l’EAC est avant tout un projet, une médiation vers la culture. C’est pourtant cette médiation, entre enseignants, élèves, structures, créateurs et collectivités, construite dans le temps, qui fait la réussite de l’EAC.
La labellisation proposée tend à exclure certaines actions ou artistes et à diminuer les interactions avec les collectivités. La simplification à l’extrême du process de commande confine à une ubérisation de l’EAC.
Nous ne souhaitons pas que celle-ci se résume au pass Culture, la transformant en un système d’achat dans une boutique d’actions, d’artistes et d’événements.
Le deuxième point concerne les festivals.
Ces derniers subissent une difficile loi des séries : la crise sanitaire, la crise énergétique, les surcoûts de programmation, la crise climatique, et maintenant la menace d’annulation ou de décalage liés aux jeux Olympiques (JO). À tout cela s’ajoute le retour hésitant du public.
Le « fonds festivals » ne suffira pas. Les organisateurs attendent enfin la nomination d’un référent au ministère et de référents dans les Drac. Ils entendent être défendus lors de tous les arbitrages à rendre qui les concernent.
Si les festivals les plus grands et les plus solides parviennent, non sans difficultés, à tenir, tous les autres sont en danger. Or, par leur nombre, leur diversité et leur présence dans tous les territoires, ils sont des moteurs de la vie culturelle, singulièrement durant la période estivale.
Les JO sont évidemment un rendez-vous exceptionnel et une fierté pour notre pays, mais les festivals ne doivent pas en être la victime désignée à cause d’un manque de moyens logistiques ou de compétences phagocytées par ce grand événement.