M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que la conférence des présidents a fixé pour l’examen de cette mission, ainsi que du compte financier et de l’article qui lui sont rattachés, une durée maximale de deux heures et trente minutes. Si, à une heure et demie, au moment où la séance doit être levée, nous n’avons pas terminé la discussion, il faudra alors la reprendre à la fin de cette semaine ou de la semaine prochaine.
Or il reste plus d’une heure de temps prévu pour la discussion générale et 21 amendements doivent ensuite être examinés.
Je recommande par conséquent à chacun de veiller au respect de son temps de parole.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Serge Babary, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je concentrerai mon propos sur les crédits relatifs aux volets commerce, artisanat et consommation de la mission « Économie ».
Étonnamment, celle-ci ne contient plus aucun crédit directement consacré au commerce ! C’est une tendance que nous observons depuis plusieurs années et sur laquelle nous avons régulièrement alerté le Gouvernement ; désormais, ce problème est tout à fait tangible. Par ailleurs, les annonces faites récemment par le Gouvernement – censées tirer les conclusions des Assises du commerce – sont trop frugales pour véritablement aider le commerce, notamment rural, à retrouver son dynamisme…
La commission des affaires économiques vous proposera donc un amendement tendant à rétablir le fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce (Fisac), afin que les territoires disposent d’un outil concret, utile et demandé par tous les élus, pour soutenir le commerce et l’artisanat.
La proportion de communes n’ayant plus aucun commerce de proximité est passée, je le rappelle, de 25 % à 60 %. Cette situation est dramatique, car elle pénalise l’économie, le lien social et la qualité de vie de nos concitoyens.
Nous avons également concentré les travaux de notre commission sur la situation de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.
Nous le savons tous, les missions, essentielles, de cette administration se sont accrues avec le temps. C’est une direction centrale, fondamentale pour l’ensemble des secteurs qui nous intéressent, notamment en matière de lutte contre la concurrence déloyale. Or la DGCCRF fait face aujourd’hui à une situation ubuesque : au cours du dernier quinquennat, une trentaine de lois et d’ordonnances lui ont confié de nouvelles missions !
Devant une telle extension de son champ de compétences, un principe élémentaire de bonne administration voudrait que ses moyens fassent, eux aussi, l’objet d’une attention soutenue du Gouvernement. Eh bien, il n’en est rien ! Au contraire, ce gouvernement et le précédent ont drastiquement diminué ses effectifs, pour une baisse totale de 15 % en dix ans ! Cet effet de ciseau, incompréhensible et incohérent, cause des situations alarmantes.
Le récent rapport d’information de nos collègues Fabien Gay, Françoise Férat et Florence Blatrix Contat – un rapport transpartisan ! – en donne des exemples très frappants : s’agissant du contrôle des informations apportées aux consommateurs, la DGCCRF ne dispose plus que de 145 inspecteurs pour l’ensemble du territoire, soit, au niveau régional, un seul inspecteur dans les Hauts-de-France et huit en Bretagne…
Sans surprise, une telle hémorragie a conduit la DGCCRF à diminuer fortement le nombre de ses contrôles, au détriment des consommateurs et des PME.
Certes, pour la première fois depuis longtemps, 13 ETPT supplémentaires sont prévus, mais au regard de l’hémorragie subie depuis dix ans, c’est l’épaisseur du trait…
Monsieur le ministre, pouvez-vous vous prendre, devant nous, l’engagement de donner à la DGCCRF les moyens de recruter, l’an prochain, le nombre exact d’agents dont elle a besoin ?
En tout état de cause, la commission a adopté un amendement tendant à augmenter l’ensemble des moyens budgétaires de la DGCCRF de 5 millions d’euros.
Voilà, mes chers collègues, les éléments que je souhaitais porter à votre connaissance au nom de la commission des affaires économiques. (Applaudissements au banc des commissions et sur des travées du groupe UC. – M. Marc Laménie et Mme Martine Berthet applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis. (Mme Daphné Ract-Madoux applaudit.)
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je concentrerai mon propos sur le plan France Très haut débit et sur l’Agence nationale des fréquences (ANFR).
Le plan France Très haut débit est désormais doté de presque toutes les autorisations d’engagement indispensables à sa réalisation. Les objectifs sont quasiment atteints : 82 % des éligibles au très haut débit étaient raccordés en juin 2022, soit plus de 35 millions de locaux, parmi lesquels 75 % sont raccordables à la fibre optique.
Cependant, à y regarder de plus près, l’activation effective des réseaux fibrés n’est pas aussi rapide que le suggèrent les indicateurs. À peine plus de 16 millions de foyers sont abonnés à la fibre optique, sur les 26 millions d’entre eux qui seraient raccordables. Par ailleurs, 670 000 foyers ne pourront être raccordés d’ici à 2025, une telle opération étant jugée « complexe ».
Le Gouvernement a certes prévu une enveloppe de 150 millions d’euros en autorisations d’engagement pour les années 2022 et 2023 afin de financer l’appel à projets de l’Agence nationale de la cohésion des territoires dédié à ces raccordements complexes. Les opérateurs estiment pour leur part qu’il faudrait plus de 300 millions d’euros par an, jusqu’en 2025.
Nous devrons donc veiller à ce que cette enveloppe budgétaire pluriannuelle soit suffisante dans les années à venir, c’est-à-dire au moins dans le projet de loi de finances pour 2024.
Ces considérations budgétaires doivent être appréhendées au regard de la qualité du service rendu aux usagers. En effet, nous observons que, pour des raisons économiques, nombre d’opérateurs privilégient le déploiement aérien des réseaux fibrés au détriment de leur enfouissement. Aujourd’hui, plus de 500 000 kilomètres de lignes, principalement situées dans les zones rurales, sont ainsi rendus vulnérables aux crises climatiques.
Dans un contexte de dérèglement environnemental et de dégradation de l’entretien des lignes téléphoniques, ces choix économiques de court terme se font aux dépens de la résilience et de la durabilité de ces réseaux stratégiques. Notons que l’enfouissement des réseaux est systématique chez nos voisins, notamment en Allemagne !
S’agissant de la gestion des fréquences, l’ANFR remplit des missions croissantes dans la perspective des jeux Olympiques et Paralympiques et de la mise en œuvre de la loi visant à renforcer le contrôle parental sur les moyens d’accès à internet – sujet qui nous tient particulièrement à cœur au Sénat. Les moyens de l’ANFR sont d’ores et déjà renforcés et le seront encore, petit à petit, dans les années à venir.
Toutefois, monsieur le ministre, la suppression, à compter du 1er janvier 2023, de la « taxe de brouillage » votée l’année dernière est, à notre sens, une mauvaise idée, car ce dispositif était simple, efficace et dissuasif. Il permettait à l’ANFR de faire appliquer la réglementation relative aux fréquences radioélectriques. Nous connaissons pourtant toutes les difficultés qui peuvent se poser en la matière. Dans le contexte actuel, il serait pertinent de rétablir cette taxe forfaitaire. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Viviane Artigalas et Mme la présidente de la commission des affaires économiques applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Franck Montaugé, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Comme l’an dernier, les crédits de la mission « Économie » représentent, en valeur, bien peu en comparaison des montants colossaux des dispositifs du plan de relance, des programmes d’investissements d’avenir (PIA) successifs, ou encore du plan France 2030.
Cette mission n’intègre plus les moyens dédiés à la politique industrielle, en dehors de la compensation carbone des entreprises électro-intensives ; les montants consacrés à celle-ci augmentent de près de 856 millions d’euros cette année et représentent environ 40 % des crédits du programme 134.
C’est un effort budgétaire considérable, pour lequel il n’existe pas d’alternative réelle aujourd’hui. Pourtant, il est urgent d’investir dans la modernisation et la décarbonation de notre industrie, d’autant que la concurrence entre l’Union européenne et le reste du monde est exacerbée.
La pandémie étant derrière nous, les aides du plan de relance, c’est fini ! Du reste, le montant des aides énergétiques mis à part, le budget qui nous est présenté pour 2023 signe un retour à la normale.
Je crains toutefois que nous n’ayons pas tiré les leçons des années que nous venons de vivre.
En premier lieu, ce texte ne prévoit aucun dispositif généraliste de soutien à l’investissement industriel pour prendre le relais de ceux qui ont été mis en œuvre au moment de la relance. Nous risquons donc de vivre un véritable creux en matière de transition industrielle. Par ailleurs, comme la crise énergétique remet directement en cause les capacités de production de la France et de l’Union européenne, nous devons avoir une vision de long terme et non prévoir des boucliers tarifaires les uns à la suite des autres ; une telle réponse n’est pas durable ! Le Gouvernement doit contribuer à la réforme structurelle du marché européen de l’énergie.
En deuxième lieu, une plus grande résilience de nos chaînes d’approvisionnement et de notre tissu industriel est cruciale. Ainsi que l’a recommandé notre commission dans son rapport Cinq plans pour reconstruire la souveraineté économique, je vous proposerai, au travers de l’amendement n° II-90, de financer la réalisation d’une cartographie détaillée de l’approvisionnement de l’industrie française et de ses vulnérabilités, préalable à toute stratégie de réindustrialisation ciblée et efficace.
En troisième lieu, la politique industrielle reste bien trop concentrée géographiquement. La création de nouveaux territoires d’industrie est nécessaire. Il nous faut renforcer cet outil de politique industrielle horizontale, qui couvre plus largement notre territoire que les appels d’offres ciblés du PIA ou du plan France 2030. C’est pourquoi je vous proposerai d’adopter l’amendement n° II-89, qui vise à assurer un financement budgétaire pérenne, sur quatre ans, du programme Territoires d’industrie.
Enfin, au-delà de la crise, qui semble être derrière nous, il ne faut pas relâcher nos efforts en matière d’accompagnement des entreprises industrielles. Je vous proposerai donc, par l’amendement n° II-91, de renforcer les moyens de Business France, car il me semble essentiel d’accentuer l’effort d’internationalisation des entreprises industrielles françaises en cette période charnière, porteuse de risques, mais également d’occasions favorables.
En conclusion, j’émets, au nom de la commission des affaires économiques, un avis favorable sur les crédits de la mission « Économie », que je conditionne toutefois à l’adoption des trois amendements que je viens d’évoquer. (Applaudissements au banc des commissions et sur diverses travées des groupes RDSE, UC, GEST et CRCE. – MM. Franck Menonville et Marc Laménie applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Michel Houllegatte, rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a émis un avis favorable sur les crédits relatifs à l’aménagement numérique du territoire compris dans le programme 343, « Plan France Très haut débit », de la mission « Économie ».
Nous lancerons toutefois cette année un appel à la vigilance sur le déploiement de la fibre optique, notamment sur trois points qui ont déjà été évoqués à cette tribune.
Premièrement, l’objectif de couverture de 80 % du territoire par la fibre optique, d’ici à la fin de l’année 2022, semble en bonne voie. De plus, le fort dynamisme des déploiements dans les réseaux d’initiative publique laisse également espérer l’atteinte de la cible dans un futur proche. Cependant, le ralentissement des déploiements en zone d’initiative privée est inquiétant : le nombre de logements rendus raccordables a par exemple chuté de 54 % par rapport à 2021 en zone Amii et de 47 % en zone très dense. Je rappelle que la zone Amii n’est couverte en fibre qu’à 87 %, alors que les opérateurs devaient initialement assurer une couverture intégrale avant la fin de l’année 2020.
Si les pouvoirs publics ne disposent pas de leviers d’intervention en zone très dense, l’Arcep – cela a été dit – a la responsabilité de rappeler les opérateurs aux engagements qu’ils ont pris s’agissant des zones Amii, en ayant recours à ses pouvoirs de sanction, si nécessaire.
Deuxièmement, pour les raccordements complexes, 150 millions d’euros ont été prévus par le Gouvernement afin d’apporter une rallonge financière via un mécanisme d’appel à projets animé par les collectivités territoriales dans les zones d’initiative publique. Ces moyens supplémentaires sont nécessaires, mais loin d’être suffisants : les raccordements complexes, caractérisés par un déficit de génie civil sur la partie terminale du raccordement, représenteraient de un à deux millions de prises ; les besoins financiers dépasseraient un milliard d’euros. Surtout, la pertinence même de cet outil est sujette à interrogation.
Monsieur le ministre, plutôt que de lancer un appel à projets, ne serait-il pas préférable d’instituer un dispositif de financement pérenne, permettant une péréquation entre les territoires, conformément aux principes fondateurs du plan France Très haut débit ?
Troisièmement, concernant la résilience des réseaux numériques, une réflexion doit être engagée sur les effets du dérèglement climatique sur les réseaux de fibre, qui sont en majorité installés par voie aérienne – cela a déjà été rappelé. Plus largement, il nous faut anticiper les dépenses liées à l’exploitation et à la maintenance des réseaux, qui sont particulièrement élevées en zone d’initiative publique. Or le plan France Très haut débit ne prévoit, pour l’heure, aucun mécanisme de solidarité financière entre les territoires sur ce point. Comme les déploiements de réseaux progressent, il convient à présent de réfléchir aux actions nécessaires pour assurer leur fonctionnement dans la durée. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Marc Laménie applaudit également.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps de l’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Daphné Ract-Madoux.
Mme Daphné Ract-Madoux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui les crédits de la mission « Économie ». À ce titre, je tiens à saluer le travail de qualité réalisé par nos collègues rapporteurs spéciaux Thierry Cozic et Frédérique Espagnac, tout comme celui qu’ont réalisé Anne-Catherine Loisier, Serge Babary et Franck Montaugé, rapporteurs pour avis de la commission des affaires économiques, et Jean-Michel Houllegatte, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Ce travail est déterminant, à l’heure où le Parlement joue plus que jamais un rôle vital.
La mission « Économie » permet de mettre en œuvre des réformes décisives pour rendre nos entreprises plus compétitives, pour favoriser l’emploi et pour dessiner les contours d’une vision économique stratégique. Elle est le rouage clef permettant de faire fonctionner à plein régime la locomotive France sur les rails de l’économie mondialisée.
Dotée de près de 3,9 milliards d’euros, cette mission, que l’on veut ambitieuse, a toutefois subi une diminution de ses crédits de paiement de plus de 3 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2022.
Avec mes collègues de l’Union Centriste, je salue cependant la poursuite de l’effort de soutien à la modernisation de l’économie et à sa transformation écologique et numérique.
La mise en œuvre du plan France 2030, la montée en charge de l’Agence nationale des fréquences, ou encore l’attribution de moyens importants au soutien des entreprises électro-intensives sont autant de témoignages des ambitions de notre pays.
Mes chers collègues, je m’attarderai sur trois dispositifs qui me semblent fondamentaux pour l’avenir de notre économie.
Premièrement, la crise énergétique exigeait une réponse à la hauteur des enjeux. Ainsi, les 360 millions d’euros supplémentaires dédiés au mécanisme de compensation carbone en faveur des entreprises électro-intensives, mis en œuvre par la direction générale des entreprises (DGE), sont cruciaux pour compenser les effets de la hausse du prix de l’électricité. Nous devons nous en féliciter.
Face à la crise énergétique et aux inconnues qu’elle emporte, nous devons accompagner nos entreprises pour leur donner des garanties et maintenir leur carnet de commandes et leur compétitivité.
Deuxièmement, la stabilisation des crédits et des emplois de la DGCCRF est à saluer ; nous pourrons ainsi continuer de compter sur l’efficacité et la performance de ses services. En 2023, son plafond d’emplois augmentera de treize ETPT, conformément aux recommandations formulées par la mission d’information sénatoriale en 2022. Lui octroyer 5 millions d’euros supplémentaires en autorisations d’engagement, comme nous y invitent les rapporteurs spéciaux, enverrait un signal fort pour la sanctuarisation des moyens de cette administration.
Troisièmement, Business France joue depuis de nombreuses années un rôle décisif pour accompagner nos entreprises sur les marchés internationaux. Dans l’attente du nouveau contrat d’objectifs et de moyens que cet opérateur doit signer avec l’État, il était indispensable d’envoyer un message clair à nos entreprises en renforçant les moyens de cet acteur clef, à l’heure où notre balance commerciale est plus que jamais déséquilibrée. C’est désormais chose faite, grâce aux crédits de cette mission et au travail des rapporteurs pour avis de la commission des affaires économiques, qui actent une hausse de plus de 15 millions d’euros des moyens de cette agence, après quatre années de baisse.
À ce propos, je soutiens pleinement l’amendement du rapporteur pour avis tendant à ajouter 8 millions d’euros aux moyens dédiés à l’accompagnement de la transformation numérique de nos entreprises.
Monsieur le ministre, si les ambitions de cette mission sont à saluer – ce pour quoi nous la voterons –, nous ne vous donnerons pas pour autant carte blanche. J’aimerais ainsi attirer votre attention sur trois points.
Tout d’abord, concernant le plan France Très haut débit, dans les zones peu denses, les engagements ne sont pas tenus et les crédits ne sont pas à la hauteur. Pour les zones Amii et Amel, le compte n’y est tout simplement pas, mes chers collègues ; or c’est la compétitivité des territoires ruraux qui est en jeu ! L’Arcep doit se saisir de son pouvoir de sanction pour assurer un déploiement optimal des réseaux et l’atteinte des objectifs. Cela passe par des moyens adaptés et un soutien affirmé.
Ensuite, cette mission a un parent pauvre : les chambres de métiers et de l’artisanat. Elles voient, dans ce texte, leurs ressources diminuer de près de 15 millions d’euros à cause de la baisse du montant des recettes de la taxe pour frais de chambre de métiers et de l’artisanat, qui passerait de plus de 200 millions d’euros à 188 millions d’euros ; ce n’est ni acceptable ni envisageable ! Ces chambres jouent un rôle décisif dans la promotion de notre artisanat d’excellence, véritable vitrine de la santé économique de nos territoires.
Nous avons d’ailleurs voté ce matin, à la quasi-unanimité, un amendement visant à maintenir leurs crédits ; je forme le vœu qu’il soit conservé dans le texte final.
Je profite de cette occasion pour réaffirmer tout mon soutien à l’ensemble des réseaux consulaires, dont il faut sanctuariser les ressources, car ils jouent un rôle décisif en accompagnant quotidiennement le développement de nos entreprises.
Enfin, en dehors des crédits exceptionnels liés aux enjeux énergétiques, les crédits ordinaires liés à l’industrie au sein de cette mission se situeront, en 2023, à un niveau similaire ou inférieur à celui des années précédentes.
Je suis certaine que le ministre Roland Lescure, en cette semaine de l’industrie, conviendra que ce n’est pas une bonne nouvelle à l’heure où nos organisations syndicales et patronales tirent la sonnette d’alarme quant au risque, de plus en plus grand, de désindustrialisation de notre pays.
Vous l’avez compris, monsieur le ministre, avec mes collègues de l’Union Centriste, nous saluons votre vision stratégique et nous nous félicitons des crédits attribués pour faire face au défi énergétique, à la réforme de La Poste, ou à la promotion de nos entreprises à l’étranger.
Cependant, nous devons continuer à être ambitieux en matière tant industrielle que numérique à l’heure où ces défis structurels conditionnent la compétitivité de notre pays et de son économie.
M. Michel Canévet. Bravo !
Mme Daphné Ract-Madoux. C’est donc avec vigilance et exigence que nous voterons cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Marc Laménie et Mmes Maryse Carrère et Micheline Jacques applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Guylène Pantel.
Mme Guylène Pantel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme cela a été souligné à de nombreuses reprises au cours de l’examen du projet de loi de finances pour 2023, nos échanges s’inscrivent dans un contexte atypique.
Les effets de la guerre en Ukraine et les conséquences de la crise sanitaire ont un retentissement certain sur les données conjoncturelles aux niveaux régional, national, européen et international. Nous en avons, toutes et tous, conscience dans cet hémicycle ; nous le mesurons au contact des artisans, commerçants et chefs d’entreprise de nos territoires respectifs.
Du fait de l’augmentation des prix de l’énergie et des problèmes d’approvisionnement, qui handicapent la production, les intentions d’investissements sont revues à la baisse, par crainte d’une aggravation de la situation.
L’évolution des crédits de la mission « Économie » suit inévitablement ces phénomènes, ce qui doit, avant tout, être salué. L’effort financier dans ce champ ô combien important doit répondre aux besoins du tissu économique et notamment du secteur de l’industrie, pourvoyeur d’emplois de qualité et contribuant aux dynamiques locales.
Au sujet du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés », nous reconnaissons les bienfaits qu’il a pu apporter, ces derniers mois et ces dernières années, aux structures touchées par les crises. Nous observons, comme les rapporteurs, une forte variabilité du solde de ce compte d’une année à l’autre, mais cela s’explique en grande partie par le fonctionnement pluriannuel du compte, qui met en exergue des prêts dont le remboursement est lissé sur plusieurs années. Nous comprenons donc qu’il s’agit en partie de dispositifs répondant à des besoins identifiés sur une période bornée.
Dans les sept programmes concernés, nous partageons l’avis des rapporteurs spéciaux sur le programme 861. En effet, les 50 000 euros ouverts en autorisations d’engagement et crédits de paiement sont quelque peu anecdotiques ; nous jugeons assez peu pertinent de continuer à les faire figurer dans cette section, sans naturellement remettre en cause l’utilité d’un tel outil d’accompagnement.
Le programme 862 nous paraît quant à lui particulièrement significatif, tant il constitue un véritable filet de sécurité. Il permet en effet à l’État d’octroyer des prêts ponctuels aux entreprises en restructuration qui rencontrent des difficultés pour accéder au marché du crédit, via le FDES. Nous soutenons donc le maintien des 75 millions d’euros ainsi ouverts en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. Nous approuvons aussi l’amendement des rapporteurs spéciaux visant à prolonger d’un an le dispositif de prêts participatifs pour les petites entreprises.
Nous partageons également leur volonté de supprimer le programme 868, portant sur le développement du commerce avec l’Iran, qui s’avère totalement anachronique, notamment en cette période où l’on constate une forte répression du régime des mollahs iraniens sur la population, en particulier sur les femmes.
Par ailleurs, une discussion a eu lieu sur le programme 869, « Prêts à la société concessionnaire de la liaison express entre Paris et l’aéroport Paris-Charles de Gaulle ». Nous nous interrogeons sur les 200 millions d’euros ouverts en autorisations d’engagement pour couvrir les surcoûts du nouveau report de la livraison des travaux et les 348,4 millions d’euros ouverts en crédits de paiement pour suivre le rythme de décaissement du prêt. Au-delà de l’intérêt du projet, que nous ne remettons nullement en cause, l’explosion des coûts et le non-respect des délais de mise en service de l’infrastructure sont clairement à déplorer. Nous resterons donc vigilants quant à l’avenir de ce projet, pour qu’il ne continue pas éternellement à grever le budget d’année en année.
Enfin, au sujet des autres programmes, comme les prêts octroyés dans le cadre des investissements d’avenir, nous n’avons pas d’observations supplémentaires, dans la mesure où ils suivent des trajectoires ordinaires.
En somme, le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen porte un regard favorable sur cette version du compte de concours financiers. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Micheline Jacques. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Micheline Jacques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous prie d’excuser M. Patrick Chaize, qui aurait dû intervenir dans cette discussion et m’a prié de le remplacer.
La mission « Économie » est aujourd’hui un ensemble de crédits disparates et dispersés qui n’est plus représentatif des politiques économiques menées aujourd’hui, désormais largement financées par des crédits et des mesures extrabudgétaires, ce qui nuit grandement à la clarté des débats et au contrôle parlementaire du budget de l’État.
Parmi cet ensemble de crédits sans grande cohérence, je note toutefois deux points d’intérêt.
Le premier concerne la compensation des déficits des quatre missions de service public du groupe La Poste.
Pour 2021, le coût net cumulé de ces quatre missions est évalué à 1,69 milliard d’euros, pour un niveau cumulé de compensations de 1,12 milliard d’euros, dont 520 millions d’euros pour le service universel postal, 174 millions d’euros pour la contribution à l’aménagement du territoire, 88 millions d’euros pour le transport et la distribution de la presse, et 338 millions d’euros pour l’accessibilité bancaire.
Ces montants sont élevés, mais ils sont à la hauteur de l’importance des services publics postaux, comme le rappelaient, dans leur rapport d’information, Patrick Chaize, Pierre Louault et Rémi Cardon.
Si nous nous satisfaisons des compensations budgétaires pluriannuelles pour ces quatre missions de service public, des incertitudes demeurent pour les années à venir.
Sur la mission de contribution à l’aménagement du territoire, la baisse des impôts de production et la suppression progressive de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises doivent être prises en compte : c’est le cas dans le présent projet de loi de finances.
Une compensation budgétaire complémentaire d’environ 66 millions d’euros sera nécessaire dans le projet de loi de finances pour 2024 afin de maintenir le niveau de la compensation. Je rappelle qu’il est vital de pérenniser les 17 000 points de contact postaux.
Sur le service universel postal, les modalités d’attribution du « bonus » de 20 millions d’euros doivent être clarifiées rapidement, au regard de l’entrée en vigueur de la nouvelle gamme de services postaux au 1er janvier 2023. Dans la loi de finances pour 2021, le Gouvernement avait fait le choix d’accorder par défaut ce « bonus », alors même que les indicateurs de qualité de service n’étaient pas connus. La qualité de service n’est pourtant pas une option : c’est une exigence, une demande des collectivités territoriales, des entreprises et des usagers, dont les mécontentements sont réels.
Il y a un autre domaine dans lequel la qualité de service est primordiale : celui des télécommunications, ce qui m’amène au second point d’intérêt de cette mission « Économie ».
Les avancées du plan France Très haut débit sont satisfaisantes et les objectifs devraient globalement être atteints d’ici à 2025. La France demeure tout de même le premier pays de l’Union européenne en matière de déploiement des réseaux de fibre optique, même si certaines parties de notre territoire sont très en marge de ces déploiements, en particulier Mayotte.
À cet égard, nous disposons de très peu d’informations sur les moyens financiers alloués au nouvel appel à projets visant à développer les réseaux d’initiative publique dans ce département encore trop éloigné des politiques publiques.
Dans certaines zones et sur certains réseaux anciens, la qualité de service n’est pas au rendez-vous. Les mécontentements sont réels et le secteur des télécommunications manque d’un régulateur fort et exigeant. Sommes-nous en train de confondre vitesse et précipitation ?
Le plan France Très haut débit est doté de toutes les autorisations d’engagement nécessaires à sa réalisation.
Nous devons donc désormais faire très attention à la qualité du service rendu : c’est l’objet de deux propositions de loi que Patrick Chaize a récemment déposées, la première relative à la qualité et à la pérennité des réseaux et la seconde relative à l’entretien des lignes téléphoniques.
D’un point de vue budgétaire, l’enjeu se situe désormais au niveau du financement des raccordements complexes. Leur bonne réalisation permettra à la fois l’atteinte des objectifs du plan France Très haut débit et la bonne fermeture du réseau cuivre à l’horizon 2030.
Si une enveloppe de 150 millions d’euros est prévue sur deux ans, les besoins sont plutôt estimés à 300 millions d’euros par an jusqu’en 2025. Je rejoins ainsi notre rapporteure pour avis Anne-Catherine Loisier, car nous devrons veiller à la reconduction d’une enveloppe budgétaire suffisante au financement des raccordements complexes au-delà de 2023.
En jeu, il y a l’accès au très haut débit jusqu’au dernier mètre et jusqu’au dernier abonné. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)