Mme la présidente. L’amendement n° 708, présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Il est créé une cotisation exceptionnelle sur les dividendes des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes privés lucratifs.
Le taux de cette contribution est fixé à 8,55 %. Elle est reversée intégralement à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie. La contribution est assise sur l’ensemble des dividendes distribués dans les entreprises mentionnées au premier alinéa, réalisés en France ainsi que de ceux dont l’imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions. Un décret fixe la date et les modalités d’application du présent article.
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Les enquêtes menées à la suite du scandale Orpea, complétées par les audits des organisations syndicales, ont mis au jour les pratiques délétères des Ehpad privés à but lucratif : rationnement de la nourriture et des fournitures médicales, transfert de charges entre sections au détriment des financements publics pour doper la rentabilité financière, pression sur le personnel, opacité quant aux profits tirés de la spéculation immobilière, etc.
Alors que les personnes éligibles à l’aide sociale à l’hébergement ont droit à une place à moindre coût, de nombreux établissements privés à but lucratif limitent le nombre de ces places, voire les suppriment entièrement.
À l’issue des travaux de la mission d’information du Sénat, il apparaît que les taux de profit insolents de ces grands groupes privés à but lucratif, supérieurs à la moyenne du CAC 40, sont rendus possibles par des mécanismes de prédation appuyés sur les dotations publiques et par l’industrialisation de l’accompagnement des personnes âgées.
Ainsi, sans aucune prise de risque, compte tenu de l’évolution démographique du pays, des profits sont engrangés au détriment des usagers et des contribuables, par le recours à l’optimisation fiscale.
Par cet amendement, nous proposons de taxer à 8,55 %, soit la part patronale de la cotisation vieillesse plafonnée, les dividendes des actionnaires de ces grands groupes et de reverser le produit de cette contribution à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA).
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. L’ensemble du Sénat a été choqué par les révélations du livre de Victor Castanet et la commission des affaires sociales a lancé une mission d’enquête, menée par Michelle Meunier et Bernard Bonne. Nous souhaitons que ses préconisations très importantes soient reprises, autant que possible. Le Gouvernement a quant à lui décidé de mesures, concernant en particulier le contrôle des établissements.
Pour autant, je suis défavorable aux propositions que vous avancez.
L’amendement n° 708 vise à créer une cotisation exceptionnelle sur les dividendes des Ehpad privés à but lucratif dont le produit serait affecté à la CNSA. Celle-ci s’en satisferait probablement, elle pourrait ainsi faire plus de propositions que n’en contient ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Toutefois, il me paraît nécessaire de travailler avec les partenaires sociaux et les collectivités territoriales à l’identification des recettes potentielles de la branche autonomie, avant de mettre en place diverses contributions par voie d’amendement.
Du reste, dans ce cas particulier, l’alourdissement des prélèvements obligatoires pesant sur les Ehpad pourrait être répercuté sur la facture à la charge des résidents, ce que vous ne souhaitez sans doute pas.
L’avis est donc défavorable.
L’amendement n° 770 rectifié bis vise à instaurer une cotisation spécifique sur les revenus générés par les Ehpad privés à but lucratif et à affecter son produit à la CNSA.
L’avis est défavorable, pour les mêmes motifs : cette disposition risque de nuire aux résidents.
Mme Laurence Cohen. N’importe quoi !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. À la suite des rapports préparés par l’Assemblée nationale et le Sénat, le Gouvernement a choisi de privilégier des mesures de transparence, voire la confiscation de sommes exagérément versées dans le cas où les établissements concernés auraient mal utilisé l’argent public pour les raisons extrêmement choquantes que ces travaux ont révélées.
Nous préférons ce contrôle accru, qui sera discuté très bientôt dans le cadre de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, et nous émettons un avis défavorable sur tous les amendements qui tendent à instituer des prélèvements supplémentaires.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 770 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 937 rectifié bis est présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon.
L’amendement n° 1097 rectifié ter est présenté par Mme Meunier, MM. Jomier et Kanner, Mmes Lubin, Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Jasmin, Le Houerou, Poumirol et Rossignol, MM. Chantrel et P. Joly, Mme G. Jourda, MM. Mérillou, Redon-Sarrazy et Stanzione, Mmes Artigalas et Briquet, MM. Cozic et Marie, Mme Monier, MM. Montaugé et Pla, Mme Préville, MM. Sueur et Tissot, Mme Carlotti, MM. Devinaz, Gillé, Kerrouche, Temal et J. Bigot, Mme Bonnefoy et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 313-1-3 du code de l’action sociale et de la famille, il est inséré un article L. 313-1-… ainsi rédigé :
« Art. L. 313-1-…. – Une redevance solidaire est appliquée à l’ensemble des établissements relevant du I de l’article L. 313-12 du code de l’action sociale et des familles dont l’autorisation d’activité prévoit un pourcentage de places habilitées à l’aide sociale inférieur à 50 % afin de financer le soutien à l’investissement des établissements médico-sociaux par la branche autonomie. Cette redevance est assise sur une part des bénéfices réalisés par l’opérateur sur la section hébergement, dont le niveau est fixé par décret. Le produit de cette redevance est affecté à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie. »
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 937 rectifié bis.
Mme Raymonde Poncet Monge. Nous ne souhaitons donc pas taxer à 8,55 % des dividendes pourtant supérieurs à ceux qui sont versés en moyenne par les entreprises du CAC 40. À un tel niveau de profit, il ne me semble pourtant pas que cela aurait conduit à augmenter le prix de l’hébergement.
Cet amendement a quant à lui pour objet de créer une redevance applicable aux Ehpad dont l’autorisation d’activité par les pouvoirs publics prévoit un pourcentage de places habilitées à l’aide sociale inférieure à 50 %, afin de financer le soutien à l’investissement des établissements et services médico-sociaux (ESMS) de la branche autonomie, pour lesquels ces places habilitées représentent plus de 50 % de l’offre, sinon la totalité.
L’autorisation d’activité en question engendre de facto la perception de dotations publiques issues de la branche autonomie par l’opérateur, lui permettant de financer principalement le salaire des soignants, à travers la section soins. Les opérateurs publics et privés peuvent donc en bénéficier.
Les Ehpad qui ne sont pas majoritairement agréés à l’aide sociale peuvent fixer librement leurs tarifs sur la section hébergement, ce qui leur permet de dégager les profits pointés du doigt dans le rapport d’information sur le contrôle de ces établissements.
Le présent amendement vise à traduire dans la loi l’une des propositions dudit rapport : le versement d’une redevance par les Ehpad commerciaux. Ceux-ci doivent participer au financement de l’adaptation de notre société à l’enjeu démographique.
Un système de contribution solidaire serait appliqué sur les bénéfices réalisés par ces opérateurs sur leur budget hébergement, dont les recettes seraient directement affectées au budget d’investissement de la CNSA – cette affectation conditionne la recevabilité de cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour présenter l’amendement n° 1097 rectifié ter.
Mme Michelle Meunier. Il s’agit de créer une redevance solidaire pour les Ehpad privés à but lucratif, afin de limiter leurs bénéfices. En effet, dès lors qu’ils sont autorisés à ouvrir, ces établissements perçoivent de l’argent public.
Une telle disposition existe dans d’autres domaines d’activité, comme les sociétés routières. Elle reprend l’une des propositions de la mission d’information du Sénat.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Nous sommes d’accord, le scandale Orpea doit nous conduire à davantage contrôler et pénaliser les dérives.
Pour autant, faut-il instaurer une redevance solidaire ? C’est un peu difficile à accepter, parce que cela jetterait l’opprobre sur l’ensemble des établissements privés à but lucratif, alors qu’ils ne sont pas tous responsables des agissements constatés.
En outre, une telle mesure présente des risques d’effets indésirables, notamment d’une répercussion du poids de ce prélèvement sur les tarifs, au détriment des résidents.
Mme Michelle Meunier. Mais non !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. J’émets donc un avis défavorable sur ces amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Nous avons tous été scandalisés par les révélations concernant certains Ehpad privés à but lucratif ; celles-ci ont suscité une grande émotion. Au sein de la commission des affaires sociales, nous étions tous sidérés. Nos collègues ont produit un excellent rapport, contenant des recommandations qui me paraissaient avoir recueilli l’unanimité. Et voilà que la rapporteure générale semble douter de leur bien-fondé. Je ne comprends plus !
Nous essayons d’encadrer le secteur, d’avancer des propositions pour lui imposer le respect d’une certaine éthique. Un point devrait nous réunir, quelle que soit notre couleur politique : il est inadmissible de faire du profit sur les personnes âgées.
Or dès qu’une proposition vise à renouer avec l’humain, avec l’éthique, on la refuse, parce que cela conduirait à jeter l’opprobre sur les établissements ! C’est n’importe quoi !
Les personnes âgées sont maltraitées dans un certain nombre d’Ehpad, mais on va réfléchir à mettre en place des contrôles, alors même qu’il n’existe pas de moyens humains et financiers pour les mener efficacement. En parallèle, on ne pourrait taxer ceux qui se sont engagés à titre lucratif dans la réalisation d’une mission de service public bien juteuse et dont ils tirent des profits. C’est inadmissible !
Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.
Mme Monique Lubin. Madame la rapporteure générale, il n’est pas question d’appliquer la disposition proposée à tous les établissements. Prétendre le contraire est un prétexte pour refuser toute mesure et se contenter d’annoncer que l’on va contrôler plus.
Mais nous savons bien que les moyens pour cela n’existent pas !
Mme Laurence Cohen. Ni les moyens financiers ni les moyens humains !
Mme Monique Lubin. On nous explique que l’on va en dégager, mais nous en doutons, et c’est un euphémisme : je n’ai aucune confiance à ce sujet.
Le scandale Orpea a révélé non seulement les tarifs exorbitants imposés aux familles, qui ne correspondaient absolument pas aux prestations rendues, mais aussi la spoliation de l’argent public, de l’argent de la sécurité sociale et des départements. Ces gens ont osé prendre l’argent des départements pour le thésauriser !
Pourtant, nous allons continuer à répondre en annonçant l’envoi de contrôleurs. Pardonnez-moi, mais il ne me semble pas que cela effraie beaucoup les personnes concernées.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Bonne, pour explication de vote.
M. Bernard Bonne. Je ne saurais me prononcer contre les propositions que nous avons inscrites dans le rapport, mais, selon moi, un amendement ne permettra pas de traiter cette question importante.
Mme Laurence Cohen. Alors, que devons-nous faire ?
M. Bernard Bonne. Nous avons évoqué une éventuelle redevance – et non une sanction – concernant les établissements privés commerciaux, à partir du moment où ils sont autorisés à ouvrir.
S’agissant d’un secteur commercial, c’est une possibilité, mais, à mon sens, nous ne pouvons en décider aujourd’hui par un simple amendement. La situation exige que notre analyse aille un peu plus loin.
Nous avions écrit cela parmi nos propositions, lesquelles avaient en effet été approuvées à l’unanimité de la commission des affaires sociales, mais le problème est trop important pour agir ainsi, au risque de donner le sentiment d’imposer une punition à tous les opérateurs privés. Nous devons réfléchir à la manière de ne viser que certains d’entre eux.
Je souhaite bien entendu exécuter les sanctions et accentuer les contrôles, mais je suis défavorable à cet amendement.
Mme Laurence Cohen. Quels moyens humains et financiers seraient-ils consacrés aux contrôles ?
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.
M. Philippe Mouiller. Quelques mots pour revenir sur l’état d’esprit du texte concernant les contrôles.
Dans cette partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement a repris certaines des préconisations du rapport Meunier-Bonne.
La commission des affaires sociales en a, quant à elle, repris beaucoup : ces mesures sont dans le texte.
Globalement, le Sénat a donc tenu compte du contexte issu de l’affaire Orpea, en mettant en place des outils basés sur le contrôle.
Nos collègues tendent à généraliser les pratiques pointées du doigt et à considérer que tous les acteurs privés seraient dans le collimateur. Or nous avons besoin d’éléments plus précis pour éclairer la situation.
Mme Laurence Cohen. Les résidents souffrent, mais ce n’est pas grave !
M. Philippe Mouiller. À entendre Mme Lubin, cette redevance permettrait de contrebalancer le manque d’efficacité des contrôles. Quel drôle d’état d’esprit ! Je préfère que nous inscrivions les moyens nécessaires et que nous proposions au Gouvernement le suivi de ces contrôles par la commission des affaires sociales, qui a les capacités de les évaluer.
Exiger une taxe pour solde de tout compte me paraît être le signe d’une réflexion par trop limitée.
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Je partage certaines des interventions de mes collègues ; quoi que nous décidions, il faut faire un geste !
Mme Laurence Cohen. Oui !
M. Pascal Savoldelli. Heureusement, nos administrations travaillent bien ; la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a ainsi mené un millier de contrôles des Ehpad privés à but lucratif entre 2019 et 2021 et a conclu que leurs pratiques commerciales étaient majoritairement malhonnêtes. Il faut maintenant envoyer un signal ; c’est d’autant plus nécessaire que ces structures ont besoin d’une habilitation de l’État pour fonctionner.
Je n’ai donc pas le sentiment qu’il s’agit d’une taxe de plus : l’État doit se faire respecter par ces sociétés privées à but lucratif, son habilitation et les responsabilités que celle-ci impose face à l’opinion publique doivent être honorées. À ce titre, on pourrait presque parler d’amende plutôt que de redevance.
Savez-vous quelle est la conclusion de cette étude révélant les comportements frauduleux d’un millier d’Ehpad ? « Il faut appeler les familles à la vigilance » ! On ne peut pas répondre cela aux citoyens sans nous contraindre nous-mêmes à faire preuve de la même vigilance. (Mme Laurence Cohen applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Henno, pour explication de vote.
M. Olivier Henno. Nous partageons tous de réelles interrogations quant à ce modèle d’établissement à but lucratif. Pour celles et ceux qui ont participé aux auditions de la mission d’information, ce sont d’ailleurs un peu plus que des interrogations.
L’instauration de cette redevance est-elle le bon choix pour autant ? En assimilant celle-ci à une amende, je crois que vous avez démontré que non, monsieur Savoldelli.
Je partage les craintes de Mme la rapporteure générale. Si l’on applique cette redevance sans en avoir mesuré toutes les conséquences, ce seront les résidents et leurs familles qui la paieront directement. Ce serait aller un peu vite en besogne, sans traiter le problème à la racine.
Mon groupe suivra l’avis de la commission.
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Je vous invite à lire l’exposé des motifs de notre amendement, madame la rapporteure générale : ne sont visés que les Ehpad privés à but lucratif dont le pourcentage de places habilitées à l’aide sociale est inférieur à 50 %, c’est-à-dire le sous-marché très lucratif qui peut fixer et faire évoluer ses tarifs d’hébergement librement.
Orpea a par exemple des contrats d’hébergement indexés sur l’inflation. En raison de ces contrats en or, les tarifs d’hébergement de ses établissements augmenteront de 6 % l’année prochaine. Nul doute que le groupe se portera bien !
Nous ne jetons pas l’opprobre sur tous les établissements privés, mais seulement sur ceux qui segmentent le marché pour bénéficier de la niche la plus lucrative et qui ne veulent pas assumer la solidarité des lits d’habilitation sociale. Celle-ci est prise en charge à 98 % par les établissements publics et à 80 % par les établissements privés à but non lucratif qui, eux, peinent à équilibrer leurs comptes.
Comme je l’ai indiqué, le privé lucratif bénéficie d’une profitabilité supérieure à celle des entreprises du CAC 40.
Dans ces conditions, taxer ces établissements qui n’assument pas la solidarité des lits d’habilitation sociale ne revient pas tout à fait à jeter l’opprobre sur tout le privé lucratif ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées des groupes CRCE et SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Je suis contre le fait que des établissements accueillant des personnes âgées puissent faire des bénéfices, mais j’estime que c’est à l’État qu’il revient de restreindre ces derniers. Ne pourrait-on instaurer un plafonnement des bénéfices réalisés ?
En tout état de cause, à l’instar de Bernard Bonne, j’estime qu’une telle décision ne peut être prise par voie d’amendement.
Mme Laurence Cohen. Ce n’est jamais le moment !
M. Daniel Chasseing. Il est scandaleux qu’il existe des Ehpad à but lucratif, et je répète, il faut que nous parvenions à mettre un terme à cette situation. (M. Jean-Luc Fichet applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Milon, pour explication de vote.
M. Alain Milon. Il faut distinguer la redevance et les sanctions.
En ce qui concerne la redevance, nous savons que la CNSA aura besoin d’argent pour ses investissements futurs. Cela appelle une réflexion, mais celle-ci ne peut être menée dans le cadre du présent débat.
Quant aux sanctions qu’évoquait notre collègue sur les travées d’en face, elles ne doivent être prises sous forme d’amendes qu’à l’encontre des escrocs. Or les gestionnaires d’Ehpad ne sont pas tous des escrocs, y compris dans le secteur privé.
Je propose donc de rejeter ces amendements identiques au profit d’une réflexion portant à la fois sur une redevance conçue comme une participation solidaire des Ehpad privés à la mise en place de la branche autonomie – celle-ci permettra de financer des Ehpad publics ou privés – et sur un système de sanctions visant les escrocs qui gèrent leur Ehpad d’une manière inadmissible – pour ne pas dire horrible – comme ce fut le cas pour Orpea.
M. René-Paul Savary. C’est la sagesse.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour explication de vote.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Je souscris aux propos de la rapporteure générale, d’Alain Milon et de Bernard Bonne : il me paraît prématuré de légiférer dans ce domaine.
Pour autant, j’estime moi aussi qu’il faut agir pour limiter ces profits indus. C’est d’ailleurs l’une des préconisations formulées par la mission sénatoriale qui a travaillé sur ce sujet.
Qu’adviendra-t-il des recommandations de cette mission sénatoriale, monsieur le ministre ? Devons-nous déposer une proposition de loi ? Dans ce cas, la soutiendrez-vous ? Au contraire, le Gouvernement prend-il l’engagement de présenter un projet de loi tenant compte des conclusions de notre mission ?
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Permettez-moi de revenir sur l’argument selon lequel il serait nécessaire de différer l’adoption d’une telle disposition au motif qu’il s’agirait d’une réforme d’ampleur.
Par le passé, des collègues de la majorité sénatoriale ont souhaité réformer le système de retraite par amendement… (Sourires.)
M. Alain Milon. Voilà six ans que nous déposons un tel amendement !
M. René-Paul Savary. Six ans !
M. Bernard Jomier. Nos propositions ne relèvent tout de même pas du même ordre de grandeur. Donnez-nous en acte, mes chers collègues !
Par ailleurs, la vraie question qui est posée est celle de la place du privé à but lucratif dans le système médico-social et des méthodes de régulation dont on use.
Cette question relativement vaste appelle plusieurs niveaux de réponse – nous en sommes bien d’accord. Faut-il exclure un premier niveau de réponse pour autant ? La proposition de nos collègues n’est pas une attaque contre tout un système, mais un mode de régulation de la profitabilité de ces établissements. Elle vise simplement à instaurer une borne supérieure aux bénéfices des établissements qui s’exonèrent de la participation à la solidarité par l’habilitation à l’aide sociale.
C’était du reste une des propositions, très raisonnable et modérée, du rapport de Michelle Meunier et de Bernard Bonne. Si ce rapport s’était limité à cette proposition, cela n’aurait pas révolutionné la question qui nous est posée ! Pourquoi ne pas l’appliquer ?
Personne ne cherche à stigmatiser l’ensemble du privé à but lucratif, même si nous pourrons débattre du bien-fondé de celui-ci. En tout état de cause, nous pouvons déjà instaurer une borne.
Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour explication de vote.
Mme Michelle Meunier. L’année dernière à la même époque, lorsque nous présentions ce type d’amendements, la ministre au banc nous répondait que ce n’était pas le bon texte et qu’il y aurait bientôt un projet de loi à l’occasion duquel nous pourrions débattre de nos propositions.
Aujourd’hui, ce sont nos collègues de droite, avec qui nous travaillons le plus souvent de façon consensuelle au sein de la commission des affaires sociales, qui nous font ce genre de réponse.
Il est lassant de se voir opposer cet argument de timing. J’estime au contraire que cette mesure a pleinement sa place au sein du PLFSS. Nous proposons en effet de nouvelles recettes pour la CNSA, au travers d’une mesure que vous avez caricaturée en prétendant qu’elle visait l’ensemble des Ehpad, madame la rapporteure générale, alors que seuls les établissements dont le pourcentage de places habilitées à l’aide sociale est inférieur à 50 %, c’est-à-dire ceux qui sont réellement lucratifs, le sont.
Délibérons, mes chers collègues !
Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Ce débat m’interpelle, mes chers collègues, car de nombreux établissements privés que je connais – certains anciens présidents de département parmi nous ont d’ailleurs permis leur agrément – rendent un service considérable. Les résidents y sont bien traités et y contractent peu de complications. Or le secteur public n’aurait pas été en mesure de financer un certain nombre de ces établissements. Ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain !
Par ailleurs, qu’en est-il des cliniques privées ? Faut-il attendre qu’un livre sorte, pointant le mouton noir parmi les moutons blancs, pour que nous prenions dans l’émotion des mesures vis-à-vis de ces établissements, qui, eux aussi, rendent un service complémentaire à celui du public ?
Le dossier est un peu plus large que l’approche retenue par les auteurs de ces amendements identiques. C’est pourquoi je vous invite à ne pas voter ces derniers, mes chers collègues, au profit d’une réflexion qui nous permettra de trouver une solution consensuelle.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Roland Lescure, ministre délégué. J’ai été interrogé sur les suites que le Gouvernement comptait donner au rapport sénatorial sur le contrôle des Ehpad, notamment sur les procédures qu’il envisageait de mettre en place et les moyens qui leur seraient alloués.
Les sous-parties du premier chapitre de la première section du rapport sénatorial s’intitulent « Contrôler tous les Ehpad dans un délai de 24 mois » et « Imposer un choc de transparence ». L’article 32 du PLFSS, dont vous débattrez prochainement, prévoit de rendre effectifs ce choc de transparence et ces contrôles.
En parallèle, dans le PLFR pour 2022 que nous présenterons dans les jours qui viennent, nous affectons 80 nouveaux équivalents temps plein (ETP) aux agences régionales de santé. Les moyens seront donc au rendez-vous.
L’objectif – je le répète – est d’accroître les contrôles de manière que tous les Ehpad soient contrôlés dans les vingt-quatre mois.
L’article 32 prévoit de plus la possibilité de confisquer des sommes indûment reçues, au profit notamment de la CNSA, la fameuse cinquième branche, y compris à la demande des présidents de conseils départementaux ou des communes.
Nous appliquons donc un certain nombre de recommandations du rapport du Sénat, que nous avons apprécié à sa juste valeur, et nous y consacrons les moyens nécessaires pour que les horreurs que nous avons découvertes il y a maintenant quelques mois ne se reproduisent plus.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 937 rectifié bis et 1097 rectifié ter.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)