M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour présenter l’amendement n° 31.
Mme Céline Brulin. En complément des arguments qui viennent d’être développés, je commencerai, sur une note positive, par saluer cet article : il est bien moins néfaste, en effet, que son homologue de la précédente loi de programmation, qui prévoyait la suppression de 50 000 emplois dans la fonction publique. Certains esprits fous pensaient même, à l’époque, que l’on pouvait en supprimer jusqu’à 120 000 ! Les crises sont passées par là, et nombre d’entre eux sont revenus à la raison…
Comme cela vient d’être dit, non seulement on ne peut pas prévoir, à l’issue des crises que nous venons de vivre, quels seront, dans quelque domaine que ce soit, les besoins de l’État et de ses opérateurs, mais, de surcroît, un certain nombre de lois de programmation prévoyant déjà des créations d’emplois, quoique en nombre insuffisant, ont déjà été adoptées ou sont en cours d’adoption : je pense au projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi), que nous venons d’examiner, à la loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030, à la loi relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025.
Cela signifie que, pour respecter cette trajectoire de stabilité, il va falloir supprimer des emplois dans certains secteurs pour en créer dans d’autres. Il serait dangereux d’inscrire ainsi, à l’aveugle, à l’instant t, un tel principe dans la loi.
Je rappelle que nous avons voté à l’unanimité, ici même, une proposition de loi encadrant l’intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques. Ce texte prévoit notamment la réinternalisation d’un certain nombre de compétences au sein de l’État. L’article 10 paraît contradictoire avec l’atteinte d’un tel objectif ; nous en proposons donc la suppression.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Contrairement aux auteurs de ces deux amendements, je ne suis pas tout à fait convaincu que l’augmentation indéfinie des emplois publics puisse être considérée comme un outil incontournable de toute politique publique, alors que les problèmes à résoudre sont souvent locaux et qu’il faut plutôt une action de proximité, en lien avec les collectivités locales, pour répondre aux attentes de nos concitoyens.
Dans certains cas, il faudra davantage d’effectifs ; dans d’autres, une organisation différente des services publics pourra donner satisfaction. Je ne suis pas sûr qu’il faille ne jamais remettre en question les pratiques sédimentées… Cette remarque vaut évidemment pour les services publics.
Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Madame la sénatrice Brulin, il est vrai qu’il y a un changement par rapport à la précédente loi de programmation des finances publiques : l’objectif fixé pour les cinq prochaines années, c’est la stabilité de l’emploi public. Pour autant, cela ne signifie pas que tout est figé.
Nous avons d’ores et déjà annoncé des créations d’emplois importantes, notamment dans les secteurs régaliens. Nous avons ainsi annoncé la création de 8 500 postes de magistrats et de personnels de justice supplémentaires dans les cinq ans à venir afin de poursuivre le réarmement du ministère de la justice. Ces créations de postes s’accompagnent d’une augmentation budgétaire massive : le budget du ministère de la justice a déjà augmenté de 40 % ces cinq dernières années.
Nous avons annoncé, par ailleurs, 8 500 postes supplémentaires de policiers et de gendarmes, dont 3 000 dès l’année prochaine.
Ces ministères cumulent déjà à eux deux 17 000 créations d’emplois dans la fonction publique, ce qui signifie en effet qu’il y aura des suppressions de postes dans d’autres ministères. Et c’est le ministre du budget, c’est-à-dire le principal pourvoyeur de suppressions de postes dans la fonction publique d’État ces dernières années, qui vous parle.
C’est l’énorme effort accompli par Bercy, fruit de diverses modernisations – apport du numérique, mise en œuvre du prélèvement à la source, suppression de certains impôts, comme la taxe d’habitation et la contribution à l’audiovisuel public –, qui a permis pareils redéploiements.
Il y aura donc bien des évolutions, puisque des créations sont prévues ; globalement, sur la durée du quinquennat, nous souhaitons néanmoins que les effectifs de la fonction publique restent stables.
Je suis d’ailleurs un peu surpris, je dois le dire, qu’aucun amendement n’ait été déposé pour prévoir des suppressions de postes dans la fonction publique, par cohérence avec la trajectoire adoptée par la majorité sénatoriale.
Si l’on fait le compte des divers amendements adoptés, on obtient en effet un total de 37 milliards d’euros d’économies supplémentaires. Or, pour réaliser ne serait-ce qu’un quart de ces économies, il faudrait supprimer 200 000 postes de fonctionnaires, l’usage étant de considérer que 10 000 postes de fonctionnaires représentent 500 millions d’euros – je souhaitais insister sur cet enjeu de cohérence.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Husson, rapporteur. Le texte initial du Gouvernement prévoyait que l’objectif était « la stabilité » des schémas d’emplois. La commission des finances du Sénat, quant à elle, a adopté un amendement tendant à préciser que l’objectif était « au plus la stabilité ». Il s’agissait donc de fixer un plafond d’emplois, où il faut entendre, monsieur le ministre, qu’il serait utile de réfléchir à une réduction des effectifs.
J’ai déjà eu l’occasion de le dire, tous les ministères doivent analyser leurs ressources humaines. Dans certains cas, il faut mettre à la disposition des équipes de nouveaux moyens et moderniser leurs outils de travail afin de leur permettre de gagner du temps. À cet égard, j’ai observé des choses assez intéressantes dans le cadre d’une mission d’information relative à la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales : des moyens très importants ont été mis en œuvre et produisent des effets, nous conduisant à recommander des redéploiements d’effectifs au cours des cinq prochaines années.
Comme je l’ai dit en commission, le ministère de l’éducation est le mieux doté de France. Or, avec moins d’élèves et plus d’enseignants, notre pays est presque en queue de peloton dans les évaluations du Programme international pour le suivi des acquis des élèves (Pisa). Dès lors, ne faut-il pas poser la question de la répartition des effectifs et réfléchir à un autre développement ? Ce n’est pas un gros mot…
Nous y reviendrons lorsque nous discuterons des effectifs de la fonction publique, qui sont très nombreux. Je rappelle que 30 % seulement des 150 000 sorties annuelles de la fonction publique sont liées à un départ à la retraite. La responsabilité de l’exécutif est d’y réfléchir, monsieur le ministre.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 5 et 31.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 18, présenté par MM. Breuiller, Parigi, Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
I. – Remplacer les mots :
au plus la stabilité globale
par les mots :
une évolution raisonnée
II. – Compléter cet article par les mots :
selon les besoins réévalués annuellement
La parole est à M. Daniel Breuiller.
M. Daniel Breuiller. Monsieur le ministre, vous connaissez la sagesse légendaire des écologistes ! (Sourires.) Fidèles à cette réputation, nous avons déposé un amendement de grande sagesse, dont l’objet est de prévoir une évolution raisonnée des schémas d’emplois de 2023 à 2027.
Vous avez évoqué la création de 8 500 postes dans la justice et dans la police, mais les opérateurs de l’État auront aussi besoin de recruter des agents. Je pense à Météo-France, face aux événements climatiques, ou à l’Office national des forêts, qui connaît actuellement un mouvement social ; on demande à ses agents d’équilibrer leur budget par la vente, alors qu’ils n’ont plus les moyens de gérer la forêt et que l’on vient de vivre des incendies dramatiques.
Il sera nécessaire également d’augmenter les effectifs des services instructeurs des projets d’énergies renouvelables, d’au moins 100 équivalents temps plein selon France énergie éolienne (FEE), afin d’atteindre les objectifs qui seront fixés, du moins l’espérons-nous, dans le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, dont nous entamerons la discussion demain matin.
Il faut pouvoir être réactifs, en matière de ressources humaines, afin de répondre aux besoins. Le Gouvernement le sait bien, d’ailleurs, qui a accru de 174 millions d’euros, soit 3,4 %, malgré tout, les moyens humains de la structure gouvernementale.
Nous proposons donc un amendement modéré, pour une évolution raisonnée des schémas d’emplois. Le Parlement conserve de toute façon la main au moment des votes budgétaires ; mais il s’agit d’indiquer très clairement que ce n’est pas en supprimant des postes que l’on pourra satisfaire l’ensemble des besoins qui se font jour, compte tenu de la multiplication des aléas et des crises.
M. le président. L’amendement n° 54 rectifié, présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. Capus, Malhuret et Guerriau, Mme Mélot et MM. Lagourgue, Wattebled, Grand et A. Marc, est ainsi libellé :
Remplacer les mots :
stabilité globale
par les mots :
réduction de 5 %
La parole est à M. Emmanuel Capus.
M. Emmanuel Capus. Ce débat est important : nous sommes au cœur du sujet.
La position du groupe Les Indépendants – République et Territoires est claire, logique et cohérente depuis toujours : nous ne pourrons pas atteindre notre objectif de réduction du déficit en maintenant la stabilité des emplois publics sur le quinquennat. En cela, nous rejoignons ce que dit M. le ministre, qui a raison.
Le présent amendement vise à baisser de 5 % le nombre d’emplois de l’État et de ses opérateurs sur le quinquennat. Cet objectif correspond peu ou prou à l’engagement qu’avait pris le candidat Macron en 2017, à savoir supprimer 120 000 postes dans la fonction publique. J’ai bien compris que cet engagement avait disparu lors de la dernière campagne présidentielle et que telle n’était pas la proposition actuelle du Gouvernement.
Toutefois, le groupe Les Indépendants ne voit pas comment il sera possible de réduire notre déficit si nous ne nous fixons pas un objectif ambitieux en matière de réduction de notre dépense publique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Je demande au sénateur Breuiller de bien vouloir retirer l’amendement n° 18.
Faut-il faire un peu de sémantique ? Je connaissais l’agriculture raisonnée, mais non l’évolution raisonnée des emplois de l’État en fonction des besoins ! (Sourires.) Je l’interprète de la manière suivante : si les besoins sont réévalués annuellement, cela sous-entend qu’ils ont vocation à augmenter – en d’autres termes, le raisonnement se fait toujours à la hausse.
Pour ma part, je considère qu’il peut aussi, bien sûr, se faire à la baisse. Sinon, c’est un plancher qui est défini – le cas échéant, il faut le dire – en dessous duquel on ne descend jamais.
Sur l’amendement n° 54 rectifié, qui vient d’être présenté par le sénateur Capus, j’émets en revanche un avis de sagesse. Monsieur le ministre, vous disiez attendre pareil amendement ; vous voyez que vous n’avez pas eu à attendre longtemps ! Cette proposition s’inscrit dans le droit fil des engagements qui furent pris par le vainqueur de l’élection présidentielle de 2017, réélu en 2022. Certes, il n’a pas tenu sa promesse de 2017 ; à charge pour lui, désormais – cela l’honorerait ! –, de mettre en œuvre l’engagement, qu’il n’a pas pris en 2022, de réduire les effectifs des ministères en fonction, bien entendu, de leurs capacités.
Je le redis, 30 % seulement des 150 000 sorties annuelles de la fonction publique sont liées à un départ à la retraite. Pour ce qui est des autres, une juste proportion reste à trouver. Comme je vous l’ai dit précédemment, monsieur le ministre, la responsabilité de l’exécutif est de réfléchir à cette question, étant entendu qu’il faudra aussi que vous mobilisiez des moyens cohérents avec les actions que vous préconisez.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Sur l’amendement n° 18 de M. Breuiller, l’avis du Gouvernement est défavorable.
Je le répète, je défends, au nom du Gouvernement, la stabilité de l’emploi public pour les cinq ans à venir.
M. Jean-François Husson, rapporteur. Pour les quatre ans qui restent…
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Il est vrai que le candidat Macron avait pris, en 2017, un engagement de réduction du nombre de postes de fonctionnaires, assorti d’un objectif chiffré. Ce n’est pas qu’il n’a pas tenu son engagement ; c’est qu’il a assumé de revenir sur son engagement, comme il l’a dit après la crise des « gilets jaunes », marquée par la question de la présence des services publics dans les territoires – là n’était pas le seul mot d’ordre, la rémunération du travail étant également un enjeu très fort.
Or la présence des services publics dans les territoires passe aussi par des fonctionnaires présents au contact de nos concitoyens, les accompagnant dans leurs démarches. Nous avons donc assumé de sortir de cet objectif chiffré. Néanmoins, quand les réformes de structure nous en donnent la possibilité, nous redéployons un certain nombre de postes.
Je l’ai dit, nous prévoyons de créer 8 500 postes dans la justice, 8 500 postes dans la police et la gendarmerie ainsi que 3 000 postes dans nos armées, en attendant la future loi de programmation militaire, qui prévoira probablement des créations de postes pour les dernières années du quinquennat.
Ces 20 000 créations de postes seront gagées sur des suppressions de postes dans d’autres ministères : nous faisons donc déjà un effort. J’imagine qu’au travers de l’amendement que vous proposez, monsieur le sénateur Capus, vous souhaitez mettre en débat, ce qui est sain, la question de l’emploi public ; mais j’imagine aussi que vous ne visez pas une baisse de 5 % des postes dans la justice, la police ou la gendarmerie, ni, d’ailleurs, dans les armées.
M. Jean-François Husson, rapporteur. Laissez les élus décider !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Monsieur le rapporteur général, je ne vous interpelle pas quand vous prenez la parole !
La question que je vous pose, monsieur Capus, est simple : où prenez-vous ces 5 %, qui correspondent à 125 000 postes de fonctionnaires ? Dans quels ministères les supprimez-vous ?
Nous avons eu ce débat pendant la campagne présidentielle, puisqu’une candidate, Mme Pécresse, proposait de supprimer 120 000 ou 150 000 postes de fonctionnaires. Et pendant toute la campagne s’est posée la question : dans quels ministères ? Dans quelles administrations ? Nous n’avons jamais eu la réponse… C’est que, j’y insiste, la question est complexe, car nos concitoyens nous demandent davantage de services publics ou de meilleurs services publics pour assurer un certain nombre de missions.
Nous pensons qu’il est possible de faire mieux avec une stabilité de l’emploi public, en créant des postes pour la sécurité des Français, pour la justice, pour nos armées, ce qui signifie qu’il faudra en supprimer ailleurs.
M. Jean-François Husson, rapporteur. Mieux, ce n’est pas plus d’agents !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Mais dire qu’on va supprimer 125 000 postes de fonctionnaires sans préciser où ne me semble ni justifié ni crédible.
Je demande donc le retrait de l’amendement n° 54 rectifié ; à défaut, l’avis serait défavorable.
M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.
M. Vincent Capo-Canellas. M. Breuiller évoque dans l’objet de son amendement « les effectifs de Météo-France ». Nous examinerons ce point lors de l’examen de la deuxième partie du PLF – en tout cas, je l’espère –, mais je veux rappeler qu’un petit changement a eu lieu cette année, une évolution qui va dans le sens souhaité par notre collègue : six équivalents temps plein supplémentaires sont prévus.
Vous le voyez, les choses peuvent parfois se faire par le jeu des compensations, et il arrive que le Sénat et la commission des finances soient écoutés. J’avais présenté un rapport sur ce thème l’année dernière. Gardons à l’esprit qu’il est possible d’y arriver !
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Ce moment est important : 125 000 emplois sont en jeu – les choses ont été dites.
Les chiffres pour 2023 sont les suivants : 1,9 million d’emplois pour l’État, 489 000 pour ses opérateurs. Monsieur Capus, vous proposez une baisse de 5 %. Si j’ai bien compris – j’écoute avec attention vos propos et ceux des membres de votre groupe –, vous soutenez la loi de programmation. Mais il semble y avoir un problème, car le ministre, qui vient de vous répondre, a la sincérité de dire ce qu’il fait de son côté. J’ai vérifié, il a raison : la loi de programmation militaire, c’est à peu près 6 000 emplois ; la loi de programmation du ministère de l’intérieur, 8 500 policiers et gendarmes ; la loi de programmation de la recherche et de l’enseignement, à peu près 5 200 recrutements.
M. Pascal Savoldelli. Au total, 19 700 postes, disons 20 000 pour arrondir !
Mais alors comment faire ? Voter votre amendement, mon cher collègue, ce serait supprimer la moitié des emplois publics dans certains domaines ! Ne nous racontons pas d’histoires : il y a une cohérence, une logique, un projet – quant à savoir si ce sont les vôtres, monsieur le ministre, c’est un autre problème.
Je vais vous dire ce qui va se passer : on supprimera des emplois, par exemple dans l’enseignement et la recherche, pour que ces emplois, qui étaient publics, deviennent des emplois privés. Car la demande sera là et le besoin continuera de s’exprimer !
L’adoption de cet amendement aurait des conséquences extrêmement graves pour la cohésion de notre pays ; c’est un nouveau projet de société qui est promu, celui de privatiser tout ce qui a de la valeur ajoutée. Voilà, les choses sont dites ! À vous de voir, mes chers collègues, si cela vous convient.
Pour notre part, nous pensons qu’une série de services rendus à nos concitoyens relèvent du secteur marchand et n’ont pas leur place dans le secteur public, mais qu’il est d’autres services qui, eux, doivent relever uniquement du service public. En adoptant cet amendement, nous supprimerions près de la moitié des emplois publics dans des domaines que je qualifierai non pas de régaliens, mais d’essentiels.
Ce vote est donc important et mérite, pour la peine, un scrutin public !
M. le président. La parole est à M. Daniel Breuiller, pour explication de vote.
M. Daniel Breuiller. Je ne retirerai pas mon amendement.
M. le ministre demande que l’on précise quels seraient les 125 000 emplois supprimés. Je me permets de lui retourner la question : puisque les différentes lois de programmation prévoient 25 000 nouveaux emplois, quels seront les 25 000 emplois supprimés dans les autres services publics d’État ?
M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.
Mme Françoise Gatel. Ce débat est intéressant. Je me méfie toujours des effets d’annonce, surtout quand ils sont quantitatifs. De la quantité à la qualité, la conséquence n’est pas toujours bonne ; nous devons donc être vigilants.
Je ne partage pas tout à fait le propos de notre collègue Pascal Savoldelli : il ne s’agit pas forcément de rendre privés des emplois publics. Il a ainsi pu arriver qu’aient lieu des transferts de fonctions vers les collectivités ; ainsi dans le domaine de l’urbanisme ou dans celui de la délivrance des titres de l’état civil, précédemment gérés par l’État et transférés aux collectivités, lesquelles ont dû créer les emplois afférents.
Je le répète, nous devons être vigilants quant aux annonces de suppression d’emplois.
En revanche, il me paraît important, monsieur le ministre, qu’une évaluation de l’ajustement des effectifs aux objectifs et aux évolutions de l’organisation soit réalisée. Dans notre pays, on a toujours tendance à entériner ce qui existe. Or, par exemple, comme vous l’avez vous-même dit, nous avons aujourd’hui des besoins supplémentaires en matière de sécurité alors que l’on pensait que ceux-ci allaient diminuer. La société bouge, nos besoins aussi. L’État doit procéder à des évaluations, avant tout qualitatives, des services que rend sa fonction publique, aux fins d’une meilleure adéquation des moyens aux besoins.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Ces amendements renvoient à des problèmes bien réels auxquels nous sommes confrontés depuis un certain nombre d’années – pas seulement depuis cinq ou sept ans, mais depuis plus d’une décennie. Auparavant, il existait des directions départementales de l’équipement, des directions départementales de l’agriculture et de la forêt ; tout a été regroupé.
Des services de l’État aidaient autrefois les élus de proximité, en particulier dans les petites communes, à faire des devis, par exemple. Désormais, quand on est maire d’une petite commune, on se retrouve – il faut le dire – relativement isolé.
Monsieur le ministre, vous avez évoqué les créations d’emplois à venir, notamment en matière de sécurité intérieure ; c’est une priorité. Mais pour former un gendarme ou un policier, il faut du temps.
Des transferts ont malgré tout été faits, depuis pas mal d’années, en direction de la fonction publique territoriale. Il existe des polices municipales ; quant aux communautés d’agglomération et aux communautés de communes, elles ont reçu un certain nombre de compétences. Dans la fonction publique d’État, comme dans la fonction publique territoriale et dans la fonction publique hospitalière, il convient de disposer de moyens humains. (M. Jean-Marc Boyer applaudit.)
M. Vincent Segouin. C’est vrai.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
Monsieur le ministre, nous passerons ensuite au vote, car le temps file…
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Nous irons plus vite sur d’autres parties du texte, monsieur le président. La discussion sur notre fonction publique est fondamentale, car il y va du sens que l’on donne à l’État, des priorités qu’on lui assigne et de la manière dont on répond aux problèmes que rencontrent les Français dans leur vie quotidienne. Le sujet mérite donc ce débat, qui est majeur.
Si je tente de synthétiser nos échanges, je dirai que nous sommes tous d’accord sur un point : l’organisation de notre fonction publique et la répartition de ses effectifs entre les différentes administrations n’ont pas à être immuables. Pour reprendre les propos de Mme Gatel, les besoins des Français évoluent, la société bouge, et il doit y avoir aussi des évolutions, y compris en fonction des priorités politiques que l’on se donne.
En ce qui concerne la sécurité, nous voulons doubler le temps de présence de nos forces de l’ordre sur la voie publique à l’horizon 2030 et créer 200 brigades de gendarmerie supplémentaires, fléchées notamment vers les zones rurales et les villes moyennes ; cela nécessite davantage d’effectifs, en l’occurrence 8 500 postes sur le quinquennat, dont 3 000 dès l’an prochain.
Nous voulons continuer de réarmer le ministère de la justice pour que les sanctions soient prises plus rapidement ; cela aussi demande des créations de postes : 8 500 postes de magistrats et de greffiers.
Nous voulons continuer de renforcer nos armées ; il y faut au moins 3 000 postes.
Ces besoins existent, on le sait. La position que le Gouvernement défend, et elle me semble équilibrée, c’est la stabilité de l’emploi public sur le quinquennat. Des efforts devront donc être faits dans d’autres ministères ; on me demande de dire où et comment.
Dans certains ministères, des réformes de modernisation continuent d’être menées, ce qui permet de redéployer des effectifs.
Bercy est un bon exemple : le prélèvement à la source a permis de diminuer les postes consacrés au recouvrement de l’impôt ; la suppression de la taxe d’habitation et de la contribution à l’audiovisuel public permet d’alléger un certain nombre de fonctions ; le recours croissant à l’intelligence artificielle pour les contrôles fiscaux – plus de 50 % des contrôles sont aujourd’hui orientés par l’intelligence artificielle – libère aussi des effectifs.
Dans d’autres ministères, la modernisation et la numérisation permettent de dégager des marges.
Par ailleurs, la poursuite de l’amélioration de la situation de l’emploi dans notre pays, en vue d’atteindre le plein emploi à l’horizon 2027 – nous y travaillons : c’est ce qui motive nos réformes –, devrait s’accompagner d’efforts chez certains opérateurs, notamment Pôle emploi. La convention qui lie Pôle emploi à l’État prévoit d’ailleurs qu’une baisse donnée du nombre de chômeurs entraîne une réduction, chiffrée à due proportion, des effectifs de l’opérateur.
Dans certains ministères, on le sait, les créations de postes nécessaires seront moins importantes. Pour reprendre un exemple qui a déjà été évoqué, celui du ministère de l’éducation nationale, 500 000 élèves de moins sont attendus dans l’enseignement scolaire d’ici cinq ans. En d’autres termes, à taux d’encadrement égal, il faudra moins de créations de postes.
Tout cela permet de « gager » les 20 000 ou 25 000 créations prévues sur le quinquennat pour le domaine régalien.
En revanche, j’avoue que je vois mal aujourd’hui comment supprimer 125 000 postes, comme le proposent les auteurs de l’amendement n° 54 rectifié, qui défendent une baisse de 5 %, sans affecter l’accès aux services publics dans les territoires.
Pour cette raison, je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 54 rectifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Je rappelle que la commission s’en remet à la sagesse du Sénat et que l’avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)