M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour la réplique.
Mme Laurence Cohen. Le diagnostic, il est connu. C’est l’ordonnance qui est mauvaise !
Vous nous dites que vous accordez des millions d’euros supplémentaires, mais les professionnels vous demandent à grands cris d’embaucher et vous disent que vos solutions ne sont pas bonnes !
Pour sa part, notre groupe n’a pas voté les budgets austéritaires qui mettent l’hôpital à genoux. Quand allez-vous rehausser l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) à hauteur de l’inflation ? Vous ne le faites même pas en 2023 !
Vous n’écoutez pas les professionnels, vous n’écoutez pas les parlementaires et vous dites : « Tout va bien ! ». Or cela va très mal !
Il faut que vous agissiez de toute urgence. Il n’y a rien de pire que de devoir trier les patients et de choisir entre deux enfants !
Mme Laurence Cohen. La responsabilité n’est pas du côté des professionnels de santé : elle est du côté du Gouvernement.
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Laurence Cohen. Nous rencontrons les professionnels : ils sont très en colère contre vous. Agissez ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées des groupes SER et Les Républicains.)
fréquentation des cinémas
M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Julien Bargeton. Ma question s’adresse à Mme la ministre de la culture.
Madame la ministre, la baisse de fréquentation des salles de cinéma, d’environ 25 % par rapport à 2019, inquiète les professionnels du secteur. D’autres évolutions, comme la consommation de films ou de séries sur les plateformes à domicile, les inquiètent également.
Le cinéma français doit certainement se réinventer, mais nous devons le préserver. Simone, Les Harkis, Novembre, Un Beau Matin, L’Innocent : la rentrée montre la vitalité, la diversité et la singularité du cinéma français.
Son système repose sur la mutualisation, les films à succès finançant les films plus fragiles. N’oublions pas que le cinéma d’auteur est né en France dans les années 1950, en réaction au cinéma américain, plus industriel, qui faisait appel aux têtes d’affiche. N’oublions pas non plus que les films dits « du milieu », qui font aussi la spécificité du cinéma en France, souffrent beaucoup.
« La photographie, c’est la vérité, et le cinéma, c’est vingt-quatre fois la vérité par seconde » disait Jean-Luc Godard. Pour que cette vérité émerge, il faut choisir une mise en scène, il faut un chef opérateur, il faut des comédiens, des dialogues écrits ou des silences, des ellipses. Il faut de la qualité. (Marques d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jérôme Bascher. Et la question ?
M. Julien Bargeton. Madame la ministre, quelles appréciations portez-vous sur les évolutions en cours, qu’elles soient structurelles ou conjoncturelles ? Quelles perspectives pouvez-vous offrir aux professionnels ? Enfin, comment redonner aux Français l’envie de rejoindre les salles obscures et garantir le financement de notre système unique ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Laurence Rossignol applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture.
Mme Rima Abdul-Malak, ministre de la culture. Monsieur le sénateur Julien Bargeton, je vous remercie de nous donner l’occasion de parler de cinéma en ce jour où nous lançons une campagne de communication pour soutenir les salles. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Duplomb. Question téléphonée !
M. Jérôme Bascher. Allô, allô !
Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Nous avons tous une bonne raison d’aller au cinéma – je suis sûre que c’est aussi votre cas, mesdames, messieurs les sénateurs.
Le but de cette campagne, qui doit durer un mois, est de mobiliser nos citoyens et de leur donner envie d’aller en salle voir les films en grand. À plus long terme, je suis persuadée que nous avons tous de bonnes raisons de croire en l’avenir du cinéma.
En effet, la France reste une nation de cinéphiles. Certes, nous avons perdu un quart du public par rapport à l’avant-covid, mais c’est bien pire ailleurs. La fréquentation a ainsi diminué de 60 % en Italie, de 50 % en Corée du Sud, de 40 % en Espagne ou en Allemagne. Notre filière résiste, et les Français demeurent cinéphiles.
Par ailleurs, l’État accompagne le nouvel élan de la jeunesse, en finançant partiellement avec le pass Culture 2,5 millions de places : 76 % des jeunes interrogés disent aller plus régulièrement au cinéma grâce à lui. Enfin, la filière se réinvente et reste très mobilisée.
Dans les années 1980 et 1990, on nous prédisait la mort du cinéma avec l’avènement de la télévision. La fréquentation avait chuté à 110 millions de spectateurs, avant de doubler par la suite, grâce aux efforts de la filière, qui s’est réinventée, et de l’État, qui a été à ses côtés.
Le soutien de l’État à la filière du cinéma n’a jamais été aussi fort, avec un arsenal unique au monde : 300 millions d’euros pendant la crise sanitaire, 500 millions d’euros d’aides annuelles versées par le Centre national du cinéma (CNC), 100 millions d’euros de crédits d’impôt et 350 millions d’euros dans le cadre du plan France 2030.
Je le dis à notre jeunesse : il y a énormément de bons films à voir en famille pendant les vacances de la Toussaint. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.) Allez au cinéma, beaucoup d’émotions vous attendent ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
transports en commun et suppression de ter
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Laurence Rossignol. Monsieur le ministre chargé des transports, 11 000, c’est le nombre de TER supprimés dans les Hauts-de-France depuis le 1er janvier dernier ; 129, c’est le nombre de trains retirés dans les Hauts-de-France pendant les vacances de la Toussaint, au prétexte que les élèves ne se déplacent plus pour des raisons scolaires ; trois heures et demie, c’est le temps pendant lequel ont attendu, la semaine dernière, des usagers à la gare du Nord, avant de s’entasser dans le dernier train de vingt-trois heures trente.
Je vous parle là de trains supprimés, cette malédiction qui s’abat sur les voyageurs quand ils arrivent en gare, à Paris, Beauvais, Lens, Saint-Quentin ou ailleurs ! Je vous parle de ma région, mais la même situation prévaut partout en France, y compris en Île-de-France.
Monsieur le ministre, les usagers quotidiens du train sont des salariés, qui utilisent ce moyen de transport pour se rendre de leur lieu de travail à leur domicile. S’ils prennent le train, le métro ou le RER, c’est parce qu’ils ne peuvent pas se loger là où ils travaillent ou qu’ils ne peuvent pas travailler là où ils vivent. Ils ont accepté cette distance parce qu’il y avait une offre de transports collectifs, laquelle constitue un élément structurant de leur organisation de vie.
L’imprévisibilité de ces transports a donc pour conséquence de désorganiser totalement leur existence. Elle met leur emploi en danger et insécurise les parents, qui ne savent jamais à quelle heure ils pourront aller chercher leurs enfants à l’école. Et j’ai une pensée toute particulière pour ces femmes qui prennent le train à Creil le matin ou le soir pour aller faire le ménage dans les bureaux.
Les conséquences sont multiples : maltraitance des voyageurs, report sur la voiture et augmentation des émissions de CO2, désorganisation du travail et de l’économie française…
Monsieur le ministre, il y a urgence ! Que faites-vous ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes CRCE, GEST, UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.
M. Clément Beaune, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports. Madame la sénatrice Rossignol, je souscris à vos propos sur les « galères » vécues par un certain nombre de nos concitoyens dans les Hauts-de-France, ainsi que dans d’autres régions confrontées à des difficultés spécifiques dans les transports publics.
La priorité que j’ai décrite il y a quelques minutes, en réponse au sénateur Fernique, n’est pas théorique : nous avons augmenté cette année les moyens pour le réseau et les transports du quotidien.
Toutefois, pour répondre à une situation difficile, il faut que nous nommions les choses de manière précise et que chacun assume ses responsabilités.
Nous parlons de transports régionaux. Il y a donc une situation spécifique aux Hauts-de-France, dont je discuterai de nouveau prochainement avec le président de la région, Xavier Bertrand. J’ai également évoqué le sujet avec Jean-François Rapin, ici même au Sénat, il y a une semaine. Chacun doit être prêt à investir les moyens nécessaires, en particulier la région, qui a la responsabilité d’organiser les trains express régionaux. Il faut le dire !
L’État interviendra pour soutenir un certain nombre de projets, en particulier le réseau express métropolitain, à propos duquel j’ai échangé avec le président Damien Castelain pour résoudre le problème de la livraison du train Alstom dans les prochains mois.
Nous agissons pour notre part sur ce qui relève de notre responsabilité. J’aurai en fin de semaine une réunion avec le PDG de la SNCF, car des questions d’offre se posent du côté de l’opérateur, et je veux que l’État joue pleinement son rôle. Mais chaque situation est spécifique.
Ainsi, les suppressions de train pour les vacances que vous avez évoquées dans les Hauts-de-France tiennent pour beaucoup à des pénuries de recrutement. Je ne me résous pas à ce que cette situation perdure dans les mois à venir. Il faut accélérer les recrutements, et la SNCF a lancé un plan exceptionnel de 440 recrutements pour les seuls TER de la région Hauts-de-France.
En travaillant ensemble – région, État et opérateur SNCF –, nous améliorerons la situation dans les prochains mois. Oui, madame la sénatrice, vous avez raison, c’est difficile, mais chacun doit assumer ses responsabilités financières, d’organisation et de moyens. (M. François Patriat applaudit.)
problèmes de prédation
M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Maryse Carrère. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Monsieur le ministre, les Français se sont découverts depuis quelques années un engouement croissant pour le tourisme en montagne, un environnement au mode de vie si particulier.
S’agissant de l’autre versant, celui de la vie montagnarde, la loi Montagne a permis de déployer des politiques adaptées à l’altitude.
En matière d’agriculture, la loi pose ainsi un double principe : celui, général, de la préservation de l’activité contre les préjudices causés par les actes de prédation, et celui de la régulation, pour maintenir l’existence de l’élevage. Si des mesures ont été mises en place, notamment après la réintroduction de l’ours dans les Pyrénées en 2018 et la propagation du loup sur l’ensemble du territoire, le malaise des éleveurs persiste en même temps que les prédations.
L’été dernier, le loup était à peine identifié dans le massif du Hautacam, dans les Hautes-Pyrénées, que l’on comptait déjà 26 attaques et 43 brebis tuées, malgré la grande réactivité des services de l’État, que je salue – ils se sont très tôt tenus aux côtés des éleveurs.
Il en est de même dans l’Hérault, en Lozère, dans les Alpes-de-Haute-Provence et dans de nombreux autres départements touchés de plein fouet par la prédation du loup.
Aujourd’hui, le problème des prédations demeure, malgré les demandes fortement relayées par le Sénat. Face à l’ampleur du phénomène, l’Association nationale des élus de la montagne a adopté jeudi dernier une motion rappelant l’obligation de défense de l’agropastoralisme et une meilleure gestion des grands prédateurs. Ne l’oublions pas, l’agropastoralisme est une activité agricole d’excellence qui joue un rôle de régulation de la végétation, en même temps qu’elle contribue au développement de l’activité économique et touristique.
Aussi, monsieur le ministre, ma question sera simple : quelles mesures nouvelles comptez-vous prendre pour répondre à la demande des éleveurs, dont l’activité pastorale continue d’être menacée ? Nos éleveurs sont aujourd’hui à bout. Ils attendent des décisions fermes et efficaces ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Madame la sénatrice Carrère, je vous remercie de poser cette question sur l’équilibre entre l’agropastoralisme et, en particulier, la présence du loup.
Comme vous le savez, j’étais en fin de semaine dans le Doubs et les deux départements de la Savoie, notamment pour discuter de cette question prégnante. J’ai rencontré un éleveur dont le troupeau venait d’être victime d’un prédateur et j’ai pu mesurer son sentiment de détresse, d’impuissance et d’incompréhension face à cette menace.
Je veux rappeler aussi que le pastoralisme est un modèle exemplaire en matière de tourisme et de biodiversité. Il faut préserver le loup, mais aussi les autres formes de biodiversité qui sont garanties par les activités de pastoralisme et d’agriculture extensive.
Comment pouvons-nous agir ? Tout d’abord, le Président de la République a pris cet été des engagements dans votre département, madame la sénatrice : au niveau européen, nous travaillons sur le statut de l’espèce à partir de données scientifiques ; à l’échelon national, une seconde brigade loup sera créée.
Avec mes collègues Christophe Béchu et Bérangère Couillard, je travaille aussi sur ce sujet dans le cadre du plan national loup, qui prévoit notamment une simplification des procédures de prélèvement et d’indemnisation. Trop souvent, cette dernière ne tient pas compte de l’ensemble des préjudices subis, se limitant aux animaux tués et oubliant les disparitions d’animaux ou la perte génétique – un élément important.
Il faut également travailler à un dénombrement qui fasse consensus, pour pouvoir effectuer dans de bonnes conditions le prélèvement de 19 % de la population recensée. (Mme Frédérique Puissat proteste.)
Nous devons enfin nous pencher sur le statut des patous, qui pose des questions juridiques pour les éleveurs quand ces chiens viennent, ici ou là, mordre un touriste.
Madame la sénatrice, Christophe Béchu, Bérangère Couillard et moi-même entendons bien tracer le chemin qui permettra de préserver l’agropastoralisme. Nous le devons aux éleveurs et à la biodiversité – à toute la biodiversité ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC.)
absence de diffusion de tf1 par canal+
M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Raymond Hugonet. Ma question s’adresse à Mme la ministre de la culture.
Madame la ministre, depuis le 2 septembre dernier, le groupe Canal+ a cessé de diffuser les cinq chaînes du groupe TF1 à la suite d’un différend commercial concernant le renouvellement du contrat de leur distribution.
La justice a eu l’occasion de se prononcer à deux reprises sur ce différend, qui pénalise tout particulièrement les foyers situés en zone rurale et en zone de montagne, car ils reçoivent la télévision numérique par satellite.
En considérant que la loi ne crée aucune obligation de reprise des chaînes de la TNT, la télévision numérique terrestre, à la charge de Canal+, et qu’aucun contrat écrit signé avec le groupe TF1 n’obligeait Canal+ à mettre à disposition ces chaînes, la cour d’appel de Paris a, certes, clarifié la situation du point de vue du droit, mais elle n’a pas résolu les difficultés rencontrées par des millions de Français.
Le Gouvernement est resté très discret depuis deux mois sur cette situation, tandis que l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), qui a proposé plusieurs fois sa médiation, estime qu’elle n’a pas les moyens juridiques d’imposer un compromis.
Dans ces conditions, que comptez-vous faire, madame la ministre, pour permettre aux Français qui en sont aujourd’hui privés d’accéder à la TNT ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture.
Mme Rima Abdul-Malak, ministre de la culture. Monsieur le sénateur Hugonet, je partage vos préoccupations. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Vous l’avez dit, cette situation résulte d’un différend commercial et d’une négociation qui n’aboutit pas. Il ne m’appartient pas de m’immiscer dans cette dernière (Marques de déception sur les mêmes travées.), mais, en tant que ministre de la culture, je suis évidemment très attentive à l’accès de tous à l’offre gratuite de la TNT.
Dès le début de ce conflit, j’ai écrit au président du groupe Canal+, en appelant à son sens des responsabilités et de l’intérêt général, pour éviter de priver des millions de Français de l’accès aux cinq chaînes du groupe TF1. Pour l’instant, toutefois, la négociation n’a toujours pas abouti.
Vous avez rappelé les décisions de justice et les déclarations de l’Arcom, monsieur le sénateur. Une modification de la loi sera probablement nécessaire à l’avenir pour éviter que ce type de situation ne se reproduise et que des téléspectateurs ne soient pris en otage par ces négociations. Nous y travaillerons ensemble, je l’espère, mesdames, messieurs les sénateurs.
À court terme, je sais que les discussions ont repris avec Canal+ après la nomination de M. Rodolphe Belmer à la tête de TF1. Espérons collectivement que les deux groupes parviendront à un accord qui permettra de rétablir au plus vite l’accès aux chaînes gratuites de la TNT. (M. François Patriat applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour la réplique.
M. Jean-Raymond Hugonet. Madame la ministre, l’adage dit que l’espoir fait vivre, et vous nous appelez en l’occurrence à espérer… Mais la réalité est simple : la loi de 1986, modifiée à plus de 80 reprises, qui sous-tend tout l’écosystème de l’audiovisuel, est aujourd’hui à genoux.
Votre collègue Franck Riester, ici présent, avait commencé à porter une réforme malheureusement rapidement abandonnée en rase campagne pour cause de covid…
Nous sommes prêts, au Sénat, à travailler sur cette loi de 1986 pour la revisiter, car nous devons la mettre à jour en raison de l’émergence des plateformes numériques et des nouveaux usages des chaînes de télévision. Nous vous appelons à engager ce chantier, madame la ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Franck Menonville applaudit également.)
rayonnement de la france à l’international et place dans l’union européenne
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Jean-Marc Todeschini. Ma question s’adresse à Mme la secrétaire d’État chargée de l’Europe.
Pendant que les médias français étaient occupés par le feuilleton du 49.3 à l’Assemblée nationale, les conclusions du dernier sommet européen étaient à la limite de la débâcle pour la France, consacrant l’échec de cinq ans de politique européenne française, pourtant présentée comme le projet phare du Président de la République.
Les Allemands et une partie des pays européens ont fait prévaloir leur point de vue sur le prix du gaz et nous renvoient aux problèmes de maintenance de nos centrales nucléaires.
L’accord de principe sur un bouclier antimissile entre plusieurs pays européens autour de l’Allemagne, dont l’Otan, l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord, s’est félicitée, nous laisse isolés sur le concept d’une Europe de la défense, malgré le conflit en Ukraine.
En ce qui concerne le spatial, l’Allemagne s’oppose au principe de préférence européenne et développe seule, en mer du Nord, un projet de « port spatial » dédié aux microlanceurs.
Force est de constater le recul de notre influence en Europe, où la France se voit en même temps reprocher une certaine arrogance.
Les dissensions dans le couple franco-allemand sont telles qu’il a fallu pour la troisième fois reporter le sommet entre nos deux pays, qui devait se tenir aujourd’hui à Fontainebleau.
Ces multiples alertes doivent être entendues. L’Allemagne est au centre du jeu européen depuis le Brexit et regarde désormais plus vers l’est et vers les Balkans que vers Paris. Elle défend ses intérêts et s’affirme comme le leader de l’Union européenne, au sein de laquelle les pays du Nord lui sont acquis depuis longtemps.
Madame la secrétaire d’État, quelles leçons tire la France de cette situation ? Comment nous éviter un isolement sur le plan international et au sein de l’Union européenne ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de l’Europe.
Mme Laurence Boone, secrétaire d’État auprès de la ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée de l’Europe. Monsieur le sénateur Todeschini, nous n’avons absolument pas la même vision des choses. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER et Les Républicains.)
Je vous rappellerai pour commencer que l’Europe est confrontée, en raison de la guerre en Ukraine, à des enjeux communs en matière d’énergie et de défense, qui se déplaceront ensuite vers d’autres domaines économiques, y compris le spatial.
Ces enjeux communs se reflètent également avec le changement géostratégique, en particulier l’évolution de la position de la Chine. Tous les pays font face à ces enjeux, mais de façon différente.
Durant la crise de la covid-19, les économies de services étaient les plus affectées. Aujourd’hui, avec la crise de l’énergie, ce sont les économies manufacturières qui le sont au premier chef. L’Allemagne, en particulier, fait face à des conditions très difficiles de fourniture d’énergie – elle doit en trouver ailleurs qu’en Russie – et de prix.
Face à ces enjeux, que faisons-nous ? Lors du Conseil européen, le Président de la République a invité le chancelier Scholz à discuter. Et c’est lui qui a réussi à unifier les positions, pour que nous ayons à la fin du Conseil un communiqué qui étudie toutes les mesures énergétiques pouvant être spécifiques à chaque pays.
C’est aussi parce que ces problèmes de défense, d’énergie et de réorganisation du monde ne vont pas se résoudre en un claquement de doigts que le Président de la République a invité le chancelier Scholz à venir déjeuner. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Michel Savin. Nous sommes sauvés !
Mme Laurence Boone, secrétaire d’État. D’ici aux 60 ans du traité de l’Élysée, nous allons travailler ensemble, pour converger sur tous ces sujets.
Toutefois, voyez-vous, ce sont des efforts qui demandent plus que des paroles : ils exigent des actions et du travail.
M. Hussein Bourgi. On les attend !
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, pour la réplique.
M. Jean-Marc Todeschini. Madame la secrétaire d’État, il vous semble difficile de me répondre. À vous entendre, « tout va très bien, madame la marquise »…
Il faudrait relire le discours que le Président de la République avait prononcé à propos de l’Europe à la Sorbonne. Vous dites que tout va se résoudre autour d’un déjeuner. Mais, tous les médias le disent clairement, on ne parle du couple franco-allemand qu’en France. Pour le reste, c’est l’Allemagne qui mène le bal.
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Jean-Marc Todeschini. Le Président de la République avait utilisé l’expression d’« encéphalogramme plat » à propos de l’Otan.
J’ai peur que, aujourd’hui, ce soit également l’encéphalogramme plat pour le projet européen. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
islamisme à l’école
M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour le groupe Les Républicains. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Max Brisson. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale.
Depuis Aristide Briand, la religion ne peut faire obstacle à la loi. La République a peu à peu donné à la laïcité une dimension singulière dans l’enceinte de nos écoles.
Pourtant, le mois dernier, tout comme on publie les chiffres du chômage, vous annonciez, monsieur le ministre, 313 atteintes à la laïcité, qui sont en réalité autant de violations de la loi.
À défaut de nous rassurer, vous affirmez ne pas avoir la main qui tremble. Vous rappelez que les équipes Valeurs de la République ont été renforcées, tout comme la formation des professeurs. Enfin, vous annoncez un plan de communication sur les réseaux sociaux pour réduire l’action des influenceurs.
Face à un projet politique radical, celui de l’islamisme, ne pensez-vous pas plutôt qu’il faudrait d’abord appliquer la loi dans toute sa rigueur ?
La semaine dernière, un proviseur parisien l’expliquait dans une interview : on sanctionne un collégien qui fume, mais des élèves qui portent des tenues religieuses, c’est plus compliqué, faute d’un cadre précis.
M. Philippe Tabarot. Tout à fait !
M. Max Brisson. Aussi, monsieur le ministre, ma question est simple : quand allez-vous donner à tous les chefs d’établissement de France un cadre et des instructions précises pour qu’ils aient la certitude, face à ces violations de la loi, d’avoir le soutien de leur hiérarchie ? Il faut appliquer la loi, toute la loi, rien que la loi ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – Mme Cathy Apourceau-Poly et MM. Daniel Chasseing, Christian Bilhac et Hussein Bourgi applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Pap Ndiaye, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur Brisson, en la matière, vous avez raison, la boussole, c’est la loi de 2004. Celle-ci, je le répète, doit être appliquée de façon ferme et stricte. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Vous avez évoqué les équipes Valeurs de la République : nous parlons de plusieurs centaines de personnes à l’échelle du territoire, que nous renforcerons encore cet automne. Vous avez aussi rappelé nos efforts de formation des enseignants.
Des sanctions ont déjà été prises contre des élèves récalcitrants ; d’autres le seront au terme des procédures engagées. Nous allons d’ailleurs, après vérifications, préciser les choses en matière de sanctions. Celles-ci peuvent aller jusqu’à l’exclusion définitive des élèves concernés, et des mesures de cette nature ont déjà été prises.
Vous avez également mentionné la question des réseaux sociaux. Sur le plan juridique, il est délicat de s’attaquer directement à ces comptes et ces influenceurs néfastes, qui ne veulent de bien ni aux élèves, ni à l’école, ni à la République. Mais nous sommes très actifs sur cette question, et je vais prochainement recevoir un certain nombre de dirigeants de ces réseaux sociaux pour les mettre face à leurs responsabilités. Nous serons très vigilants en la matière.
La laïcité, c’est une question de sanctions – vous avez rappelé mes propos : je n’aurai pas la main qui tremble –, mais aussi de pédagogie.
Nous devons mener la bataille pour faire comprendre que la laïcité est une liberté, la possibilité d’une transmission de savoirs sans interférence, la garantie de l’émancipation et de l’éducation des futurs citoyens de la République. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Jean-Paul Prince applaudit également.)