M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Vincent Delahaye.)
PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Corinne Féret.
Mme Corinne Féret. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici réunis pour débattre d’une proposition de loi dont l’objectif est de créer les conditions nécessaires à la mise en place de comités sociaux et économiques à La Poste.
Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain a toujours été opposé à l’installation de ces comités, qui regroupent les anciennes institutions représentatives du personnel – délégués, comités d’entreprise, CHSCT – en une seule instance.
En 2017, lors du vote de la loi d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social, qui précisait les grands objectifs et les différents thèmes sur lesquels porteraient les futures ordonnances, nous avions exprimé de sérieuses craintes. Nous redoutions en particulier qu’il soit porté atteinte à la représentation des salariés. Nous ne sommes pas beaucoup trompés !
Notre pays souffre d’une dégradation générale du dialogue social, ainsi que d’un manque de lien, d’une perte de proximité entre les IRP et les salariés qu’elles représentent.
Force est de constater, dans le même temps, que les questions de santé et de sécurité au travail passent très souvent au second plan, avec la disparition des CHSCT. On ne peut pas dire que les choses aillent dans le bon sens. Depuis l’ordonnance du 22 septembre 2017, les entreprises ont regroupé leurs instances – dont les CHSCT – au sein de CSE. Dans la fonction publique, la loi du 6 août 2019 a substitué les comités sociaux aux comités techniques.
Nous sommes donc contraints de légiférer, mais pas n’importe comment, car La Poste n’est pas n’importe quelle entreprise. Dans les faits, elle est atypique, puisqu’elle est devenue en 2010 une société anonyme tout en continuant à accomplir des missions de service public et d’intérêt général très importantes pour la population, comme le service universel postal, ou le transport et la distribution de la presse. La Poste porte le premier réseau commercial de proximité, si important dans nos territoires.
Le personnel de La Poste jouit d’une pluralité de statuts et dispose d’une représentation et d’un droit syndical dérogatoires, qui sont le fruit de l’histoire et de la singularité de cette entreprise.
Lors de nos récentes auditions, nous avons compris que le projet de la direction de l’entreprise, présenté aux organisations syndicales le mois dernier, prévoit de passer de 145 comités techniques à 28 CSE et qu’il faudra passer de 637 CHSCT à 121 CSSCT.
Tout semble déjà acté, avec un mot d’ordre : faire vite et en finir avec la proximité, à l’instar de ce qui s’est passé dans de trop nombreuses entreprises.
Je rappelle que nous sommes assemblés aujourd’hui pour mettre en place le cadre qui permettra de représenter et de défendre près de 170 000 salariés et fonctionnaires, auxquels s’ajoutent des intérimaires toujours plus nombreux, représentant actuellement quelque 10 000 équivalents temps plein par an.
La Poste, c’est une forte diversité de métiers, répartis sur des sites multiples. Ce qui se prépare est la réforme la plus importante à ce jour d’instances représentatives du personnel d’une entreprise dans le cadre des ordonnances de 2017. Les services de cette entreprise ont vocation à couvrir l’ensemble des territoires métropolitains et ultramarins, six jours sur sept. Ce n’est pas rien !
Les sénateurs que nous sommes, tous attachés à leur département, ne doivent pas considérer le vote de cette proposition de loi comme une simple formalité.
Il ne faudrait pas, par exemple, que la mise en place de ces CSE augure d’une politique déplorable en matière d’emploi dans cette entreprise. Les choses n’allant pas dans le bon sens, il est à craindre que la force syndicale ne soit affaiblie dans le cadre du nécessaire dialogue social.
En pratique, il y aurait de nouvelles suppressions de postes, qui se traduiraient inévitablement par la fermeture de bureaux de poste et de points de contact, et par une accélération de la désertification postale que nous constatons sur nos territoires.
La Poste comptant un nombre non négligeable de fonctionnaires et ne bénéficiant pas encore d’une culture d’entreprise privée aboutie, le passage aux CSE y provoque déjà, légitimement, beaucoup d’inquiétudes.
Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain estime qu’il faut laisser un peu plus de temps à la négociation et que le calendrier proposé est trop serré, même après l’adoption en commission d’un amendement tendant à le prolonger. Il faut laisser le temps nécessaire à la conclusion d’accords ambitieux et protecteurs.
Je le répète, La Poste n’est pas n’importe quelle entreprise. Rien de bon ne s’y fera sans un minimum d’ancrage territorial, qui doit être inscrit dans la loi.
Avec le passage aux CSE et la réduction du rôle des IRP et des représentants du personnel, nul ne peut nier qu’il sera plus difficile de conduire des échanges avec ces derniers. La proximité, essentielle pour une bonne représentation des salariés, sera mise à mal.
J’ai une pensée toute particulière pour les territoires ultramarins, dont l’éloignement et les spécificités sont totalement ignorés à ce stade.
Par voie d’amendement, nous proposons d’envisager la mise en place d’un droit syndical de transition durant la première mandature des CSE. C’est un sujet important, en particulier parce que plus de 1 000 représentants syndicaux vont voir leur détachement prendre fin à la date de mise en place des CSE.
Tant de questions restent en suspens, et pas des moindres : je pense, par exemple, au devenir des activités sociales et culturelles, dont le budget est aujourd’hui géré par le Cogas. Les rémunérations sont faibles, notamment pour les facteurs et les guichetiers. Il serait préjudiciable que le cadre que nous mettons en place aboutisse à un effondrement de l’offre sociale, accru par de possibles disparités entre CSE.
Nous avons déposé quelques amendements pour améliorer ce texte et poser les bases de discussions futures entre la direction de La Poste et les représentants actuels du personnel. Cependant, pour toutes les raisons que je viens d’exposer, cette proposition de loi n’est pas acceptable pour nous en l’état. Nous voterons donc contre son adoption. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi du groupe Union Centriste visant à accompagner la mise en place de comités sociaux et économiques à La Poste a pour objectif de procéder à la réforme des institutions représentatives du personnel de cette entreprise, afin de soumettre l’ensemble de son personnel aux dispositions du code du travail relatives aux CSE.
Actuellement, La Poste dispose d’institutions représentatives du personnel spécifiques, qui sont le résultat de l’histoire de l’entreprise et de la prise en compte des spécificités de ses missions. On y observe notamment une forte proximité des instances avec le personnel.
La Poste n’a été concernée ni par l’ordonnance de 2017 ni par la loi de 2019, qui ont fusionné les instances représentatives du personnel au sein des entreprises et de la fonction publique. Cette proposition de loi vise à mettre fin à cette exception.
Celle-ci est pourtant le résultat de l’histoire de La Poste et notamment de l’ouverture à la concurrence du marché du courrier par la directive européenne du 20 février 2008, dite troisième directive postale, qui a entraîné la transformation du service public postal en société anonyme à capitaux publics et, par conséquent, provoqué la coexistence de fonctionnaires, de salariés de droit privé et de contractuels de droit public. Cette diversité de personnel a entraîné la création d’institutions représentatives du personnel spécifiques à La Poste.
L’application aveugle des ordonnances de 2017 à La Poste va diviser par trois le nombre d’instances sociales et réduire les prérogatives des délégués du personnel. L’adoption de la présente proposition de loi entraînerait le passage de 637 CHSCT à 121 CSSCT et de 145 CT à 28 CSE, dont un unique CSE pour l’ensemble des outre-mer.
Cet éloignement des représentants syndicaux de proximité néglige l’enjeu de prévention des risques professionnels, alors que La Poste est l’entreprise publique qui a connu le plus grand nombre de suppressions d’emplois : 146 175 emplois disparus en vingt ans !
Le personnel subit des conditions de travail dégradées, l’explosion du recours à la sous-traitance et des réformes à marche forcée ; dès lors, la prévention des risques professionnels devrait être la priorité de la transformation des instances de représentation du personnel.
La prévention des risques professionnels à La Poste a fait l’objet, entre 2007 et 2014, de 60 expertises. Leurs auteurs y décrivent un système au vu duquel, en leurs termes, il serait difficile « de ne pas faire de lien avec France Télécom, tant on retrouve de ressorts identiques ».
Le remplacement des CHSCT par des CSSCT réduira les prérogatives des représentants du personnel, qui ne disposeront plus de la capacité de réaliser des expertises et d’ester en justice. La situation sociale à La Poste, avec la perte de milliers d’emplois par an et une restructuration permanente, nécessite la préservation d’instances de proximité et le maintien des CHSCT.
Nous refusons de cautionner une organisation dont les experts pointent les risques pour la santé des salariés.
Notre groupe est profondément attaché à La Poste. Malgré les choix stratégiques de la direction de généraliser la sous-traitance et l’ubérisation, elle demeure le premier employeur de France après l’État, avec 210 000 agents qui accomplissent une mission de service public sur l’ensemble du territoire national.
Nous participons au quotidien aux luttes menées pour maintenir ouverts les bureaux de poste dans nos communes, car nous sommes convaincus de l’importance du service public. Nous voterons donc contre votre proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Henno. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Laurent Burgoa applaudit également.)
M. Olivier Henno. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je veux saluer aujourd’hui le travail de notre commission des affaires sociales et, en particulier, celui qui a été accompli par sa présidente et par notre collègue rapporteure de ce texte, Brigitte Devésa, que je tiens à féliciter pour son excellent rapport : c’était son premier, mais ce ne sera sûrement pas son dernier ! Je remercie aussi l’auteur de cette proposition de loi, Denise Saint-Pé, pour sa juste intuition.
Le 1er janvier 2023, une page de l’histoire de La Poste se tournera, avec la fin du célèbre timbre rouge, dont l’existence remonte à 1849. Sans cultiver la nostalgie, mes chers collègues, reconnaissons que le timbre rouge et la voiture jaune de La Poste, tout comme la voiture bleue d’EDF, c’est la France qu’on chérit et qu’on aime ! Ce timbre rouge laissera la place à un code à huit caractères, que les utilisateurs devront télécharger en ligne avant de le recopier sur leur enveloppe. Certains y verront une anecdote ; d’autres, comme moi, un exemple d’une mutation qui bouleverse et met fin, peu à peu, aux codes d’une institution qui nous a précédés et qui, je l’espère, nous survivra.
Pour cela, mes chers collègues, nous devons nous saisir de la question sociale, en favorisant toujours la préservation d’un dialogue vivant et renforcé, si fondamental pour les salariés et dont l’intérêt dans le contexte que nous vivons actuellement n’est plus à souligner.
De manière plus globale, je veux vous faire partager mon inquiétude sur les bouleversements des services de La Poste, notamment dans les territoires ruraux. Depuis une dizaine d’années, les évolutions ont été nombreuses. Elles découlent certes du contexte européen, mais aussi et surtout des changements qui ont eu lieu dans la gestion de La Poste. L’entreprise se transforme et accélère la diversification de ses activités au détriment, parfois, d’une ruralité où le sentiment d’abandon est de plus en plus fort.
Or les Français demeurent très attachés à La Poste. Cette entreprise est, pour chacun de nous, le symbole du dynamisme local. À l’inverse, lorsqu’un bureau ferme, c’est souvent le signe d’un village qui se meurt. Ces symptômes sont révélateurs de fractures territoriales malheureusement de plus en plus marquées dans notre pays et d’une forme de déclassement.
Dans ce contexte difficile, c’est avec une volonté affirmée que le groupe Union Centriste soutiendra cette proposition de loi, qui exprime les valeurs que nous partageons, notamment par la confiance qu’il accorde aux partenaires sociaux et par leur valorisation au sein du monde de l’entreprise.
Ce texte a pour but de rendre applicables à l’ensemble du personnel de La Poste les dispositions du code du travail relatives au droit syndical, à la négociation collective et aux institutions représentatives du personnel, sous réserve d’adaptations justifiées par la situation particulière des fonctionnaires. Le groupe Union Centriste croit à la démocratie sociale et même au solidarisme !
M. René-Paul Savary. Très bien !
M. Olivier Henno. Les entreprises sont utiles pour produire de la richesse, bien sûr, mais elles ont une responsabilité sociale et environnementale. Il est donc essentiel de pérenniser le dialogue entre les salariés, les partenaires sociaux et le patronat. On ne peut espérer l’amélioration d’un système sans passer par la concertation et, plus encore, la négociation – c’est ce qu’on peut appeler le modèle rhénan.
Il m’apparaît également essentiel, dans un souci d’égalité, que le cadre légal de la représentation syndicale dans une société anonyme comme La Poste ne diffère pas de celui qui est applicable aux autres sociétés anonymes, même lorsqu’une petite partie des collaborateurs est sous contrat public, comme c’est le cas aujourd’hui.
Nous ne doutons pas que, dans une entreprise au dialogue social riche et nourri, les intéressés sauront transiter du droit d’exception au droit commun, en veillant à ce que cela se fasse au bénéfice de chacun. C’est du moins ce que nous attendons toujours du paritarisme. La transformation du paysage des IRP va donc dans le bon sens.
Nous sommes conscients que la mise en place de CSE à La Poste constitue un chantier de grande ampleur, qui engage un changement structurel majeur, avec le passage au droit syndical applicable aux entreprises privées. Les partenaires sociaux doivent être en mesure de négocier la mise en place d’un cadre de dialogue social ambitieux, prenant notamment en compte le défi de la proximité et les besoins de nos territoires, en particulier dans les outre-mer.
Les salariés de droit privé représentent aujourd’hui plus des deux tiers des quelque 170 000 collaborateurs de La Poste.
Plutôt que d’avancer à marche forcée, ce texte donne du temps pour migrer vers les CSE ; c’est d’autant plus vrai après l’adoption par la commission d’un amendement tendant à ajouter trois mois à la période de transition prévue dans le texte initial. Le temps de la préparation au changement est donc garanti. Le dialogue et la négociation pourront avoir lieu, dans l’intérêt de tous.
Nous posons à présent un cadre ; les partenaires sociaux disposent des outils nécessaires pour faire vivre le dialogue, tant au niveau du siège de l’entreprise que dans ses nombreux établissements.
Simplicité doit rimer avec efficacité et proximité, comme dans toutes les filiales de La Poste et comme à la Banque postale, déjà dotée de CSE.
Le slogan de la dernière campagne de publicité de La Poste était : « La proximité, c’est un métier ! » Ce n’est pas non plus une posture, c’est une vocation, et c’est justement celle de La Poste – tel est le sens de ce texte, que nous voterons. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Laurent Burgoa applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Guylène Pantel.
Mme Guylène Pantel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce n’est pas sans nostalgie pour les années que j’ai passées au sein de cette grande maison qu’est La Poste que je m’exprime aujourd’hui au nom du groupe RDSE. L’exercice d’un métier dans l’une des innombrables activités du groupe La Poste est une expérience qui apporte de la rigueur, fait naître des rencontres et procure un sens aigu du service public. Je tiens donc à saluer l’engagement quotidien des salariés pour faire vivre les valeurs originelles de l’entreprise.
Cet aspect de la relation entre le salarié et la structure est très important, tant il conditionne le climat social en son sein, ce qui nous amène au sujet qui nous réunit aujourd’hui, l’évolution des institutions représentatives du personnel à La Poste.
L’ouverture de ce chantier devenait urgente, au vu de l’impossibilité pour l’entreprise de bâtir un modèle de dialogue social fondé sur les dispositions du code du travail en matière de comités sociaux et économiques ou sur celles du code général de la fonction publique relatives aux comités sociaux d’administration.
La pluralité des statuts des membres du personnel fait en effet que ceux-ci relèvent tantôt du droit privé, tantôt du droit public – résultat d’une succession de lois ayant complexifié le modèle pour répondre aux injonctions du néo-libéralisme et aux impératifs de rentabilité dans un marché concurrentiel.
Après avoir exposé ce problème, insoluble avec la législation en vigueur, notre collègue Denise Saint-Pé s’est saisie de ce sujet avec justesse pour garantir la continuité durable de la représentation du personnel de La Poste.
La prorogation des mandats des membres des comités techniques et des CHSCT jusqu’à la proclamation des résultats électoraux aux CSE est une mesure de bon sens pour éviter une période blanche d’absence de dialogue et de négociation.
Cependant, malgré l’avis défavorable de la commission, je souscris aux amendements de nos collègues du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain visant à faire correspondre le processus de constitution de cette nouvelle instance avec une année civile, pour faciliter la préparation du budget du Cogas.
Les autres dispositions de la proposition de loi concernant les droits syndicaux ou la protection des salariés détenant un mandat électif au sein d’une IRP correspondent peu ou prou à notre conception d’un rapport équilibré entre les employeurs et les employés.
Néanmoins, nous devons rester vigilants pour que la centralisation associée à la mise en place des CSE ne soit pas synonyme d’une perte de proximité des représentants du personnel vis-à-vis des salariés et des enjeux directement associés au travail. C’est d’autant plus vrai que La Poste ne fait pas exception à la tendance au développement d’outils de gestion inspirés des pratiques du secteur privé. La sociologue Nadège Vezinat décrit cette forme de rationalisation des activités dans son ouvrage Les métamorphoses de la Poste. Les salariés doivent donc continuer à avoir voix au chapitre pour concourir aux destinées de l’entreprise.
En somme, malgré ces quelques points de vigilance, la majorité du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen votera ce texte. (Mme Colette Mélot applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Mouiller. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce texte, essentiellement technique, vise à appliquer à La Poste, premier employeur en France après l’État, la réforme du dialogue social que nous avons votée en 2017, favorisant et simplifiant l’exercice des responsabilités syndicales au moyen d’une nouvelle organisation.
Des comités sociaux et économiques ont été créés pour fusionner les missions précédemment confiées aux délégués du personnel, aux CHSCT et aux comités d’entreprise. Suivant ce modèle, une fusion des comités techniques et des CHSCT au sein des CSE a été opérée pour la fonction publique en 2019.
Nous nous penchons aujourd’hui, sur l’initiative de notre collègue Denise Saint-Pé, sur la situation particulière de La Poste et procédons à son adaptation, devenue urgente à la veille d’élections professionnelles.
Le parcours historique de La Poste explique le particularisme de la représentation de son personnel. À l’origine, elle était centrée sur son activité d’envoi du courrier et son régime de représentation du personnel, défini en 1990, était celui d’une entreprise publique. Depuis lors, le développement d’autres activités, notamment bancaires, l’a conduite à devenir une société anonyme, à partir de 2010, dotée de capitaux publics et restant chargée d’une mission nationale de service public.
Le résultat de cette construction de La Poste est que les deux tiers de ses effectifs relèvent du secteur privé, tandis qu’un tiers appartient au secteur public. Les uns et les autres sont régis par des règles distinctes et soumis à un dispositif hybride de représentation du personnel. Les CSE n’ont pas été créés. Cette situation, qui ne tient pas compte d’une évolution majeure du dialogue social, n’a pas d’équivalent. Il ne serait donc pas judicieux de la laisser perdurer.
La proposition de loi prévoit une période de transition, qui permettra à la société de préparer la réforme en préservant la qualité de son dialogue social.
Les mandats actuels arrivant à échéance le 31 janvier prochain, les instances actuelles ne disposent plus de base légale à partir de cette date. Le texte initial prévoyait la prolongation des mandats jusqu’aux élections et au plus tard jusqu’au 31 juillet 2024. Notre rapporteure, Brigitte Devésa, dont je salue le travail et qui a été à l’écoute attentive de tous, a procédé à de nombreuses auditions ; elle a notamment entendu les dirigeants des organisations syndicales de La Poste. Ces échanges l’ont conduite à reporter la date de fin de mandat des élus actuels au 31 octobre 2024, afin de laisser davantage de temps aux négociations en cours. Je pense que ce nouveau délai est satisfaisant et qu’il n’y a pas lieu de le repousser davantage. D’ailleurs, comme l’a rappelé la rapporteure, les syndicats ont signé à plus de 54 % l’accord de méthode, ce qui devrait apaiser les inquiétudes formulées sur certaines travées.
La proposition de loi rend ensuite applicables à La Poste les dispositions du code du travail concernant notamment le droit syndical, la négociation collective et les institutions représentatives du personnel. La société sera dotée de CSE.
Ce nouveau cadre se justifie par la présence de 67 % de salariés au sein de la société. Hormis le syndicat Sud-PTT, les organisations syndicales sont favorables à la mise en place des CSE : la CFDT et la CGT l’ont bien précisé en audition.
Bien évidemment, la proposition de loi veille à prendre en considération la situation particulière des fonctionnaires, puisqu’elle crée un organisme les représentant, le conseil des questions statutaires, qui pourra être consulté sur les projets de lois et de règlements. Par ailleurs, les commissions administratives paritaires sont maintenues pour traiter des questions d’ordre individuel.
En matière de représentativité, la réforme, calée sur les dispositions du code du travail, sera plus exigeante, puisqu’elle fixe un seuil de 10 % des suffrages exprimés lors des élections aux CSE. Pour adopter des accords collectifs, la règle de l’accord majoritaire remplacera le vote des syndicats ayant obtenu au moins 30 % des suffrages. Nous avions déjà validé ce dispositif en 2017.
La mise en place des CSE dans une société d’une telle ampleur, présente sur tous nos territoires, n’ira pas sans difficulté. En commission, notre rapporteure a rappelé plusieurs points de vigilance, parmi lesquels l’enjeu de la proximité, tout particulièrement dans les territoires d’outre-mer.
Nous voterons donc pour l’adoption du présent texte, mais nous serons particulièrement attentifs aux solutions proposées par La Poste dans les mois à venir. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
Mme Colette Mélot. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, chacun le sait, La Poste n’est pas une entreprise comme les autres !
Mme Cathy Apourceau-Poly. Eh non !
Mme Colette Mélot. C’est le fait, d’abord, de son histoire. Issue des relais de poste créés par Louis XI pour le transport des messages royaux, l’administration des postes en France trouve véritablement son origine au XVIIe siècle, avec la création de la poste aux lettres, dirigée par le surintendant général des postes.
La Poste est aussi une entreprise singulière par le statut juridique pluriel de son personnel, dû à l’évolution de l’entreprise depuis la réforme de 1990 et l’emploi, à la fois, de fonctionnaires régis par des statuts particuliers, de salariés de droit privé et d’agents contractuels de droit public.
Elle se distingue également par ses nombreux secteurs d’activité : elle est opérateur de services postaux, mais aussi prestataire de téléphonie mobile, banque, assurance, fournisseur de services numériques, ou encore agent de commerce en ligne.
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui a pour objet de réformer les institutions représentatives du personnel de La Poste afin de soumettre au code du travail tous les membres de son personnel, qu’ils soient de droit privé ou de droit public. Il s’agit ainsi d’accompagner la mise en place des comités sociaux et économiques à La Poste.
En 2017, les CHSCT ont disparu au profit des CSE. Or la loi du 6 août 2019 de transformations de la fonction publique disposait que les dispositions du code du travail relatives aux CHSCT continueraient à s’appliquer à La Poste jusqu’au prochain renouvellement des IRP.
Néanmoins, aucune disposition ne précise à l’heure actuelle le cadre qui s’appliquera à la fin des mandats en cours au sein de ces instances.
C’est pourquoi l’auteur de ce texte a souhaité, à l’article 1er, prolonger les mandats des membres des CHSCT et des comités techniques de La Poste jusqu’à la mise en place des CSE et au plus tard jusqu’au 31 juillet 2024.
Je partage la position de la commission, qui a décidé de reporter au 31 octobre 2024 cette date limite pour la prolongation des mandats actuels et l’application des dispositions relatives aux CHSCT, afin de favoriser la négociation et la transformation du dialogue social à La Poste.
L’article 2 de la proposition de loi instaure les comités sociaux économiques à La Poste ; là encore, je me réjouis que la commission ait reporté au 31 octobre 2024 la date butoir de leur mise en place.
Enfin, son article 3 prévoit d’appliquer à La Poste, à titre transitoire, des dispositions du code du travail en vertu desquelles l’entreprise et les organisations syndicales pourront préparer la mise en place des CSE et l’organisation des élections professionnelles.
Madame la ministre, mes chers collègues, l’instauration de comités sociaux et économiques à La Poste constitue un chantier à la fois vaste et complexe en raison de la diversité des statuts de son personnel. Le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera en faveur de cette proposition de loi nécessaire, telle que modifiée utilement par la commission. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC.)