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Évolution de la formation de sage-femme
Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Mme le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Écologiste – Solidarités et Territoires, de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à faire évoluer la formation de sage-femme (proposition n° 224 [2021-2022], texte de la commission n° 16, rapport n° 15).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Madame la présidente, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, votre assemblée se prononce cette après-midi sur une proposition de loi inscrite à l’ordre du jour du sénat sur l’initiative du groupe Écologiste – Solidarités et Territoires.
Le Gouvernement accueille favorablement la mise à l’ordre du jour de cette proposition de loi. Elle est le fruit, vous le savez, d’une initiative parlementaire à l’Assemblée nationale sous la précédente législature. Le groupe Agir ensemble, qui était le mien, avait défendu cette proposition visant à mieux reconnaître les spécificités de la profession de sage-femme, qui joue un rôle essentiel dans l’accès à l’offre de soins de premier recours.
Je tiens d’ailleurs à souligner l’implication de l’ordre des sages-femmes, aux côtés de l’ensemble des ordres réunis dans le cadre du Clio santé (comité de liaison des institutions ordinales des professions de santé), dans la signature, le mercredi 12 octobre dernier, d’un accord prévoyant des solutions concrètes en matière d’accès à la santé pour nos concitoyens.
Face à la situation d’urgence que nous connaissons, cet accord apporte des solutions inédites en vue de libérer du temps médical et de répondre aux besoins des Français dans tous les territoires, grâce au développement de l’interprofessionnalité.
Le fruit de ce travail collectif constitue une avancée majeure, qui s’inscrit pleinement dans la démarche de refondation engagée par François Braun et moi-même dans le cadre du CNR santé – le volet santé du Conseil national de la refondation –, lancé au Mans le 3 octobre dernier.
L’amélioration de l’attractivité des professions de santé figure parmi les propositions des ordres. Il s’agit de mieux valoriser les compétences des professionnels de santé au moyen de leur formation initiale et continue.
Il s’agit aussi de garantir une démographie des professionnels de santé cohérente avec les besoins de la population. C’est une nécessité, et cette proposition de loi constitue une partie de la réponse, car elle accomplit un nouveau pas vers l’intégration universitaire de la formation initiale des sages-femmes.
L’inclusion des formations paramédicales et de maïeutique dans l’université permettra le développement de la recherche, par exemple en sciences infirmières, en réadaptation et en maïeutique.
L’objectif est que tous les étudiants en santé apprennent à coopérer dès les bancs de l’université et bénéficient des mêmes droits et des mêmes services que les étudiants inscrits dans un cursus licence-master-doctorat (LMD).
Nous avons avancé sur ce sujet depuis la loi du 21 juillet 2009, même s’il reste encore du chemin à parcourir. En particulier, la transformation de plusieurs facultés de médecine en facultés de santé a accéléré les rapprochements avec les écoles de maïeutique.
La loi d’organisation et de transformation du système de santé du 24 juillet 2019 a ouvert la voie à des expérimentations en la matière et relancé le processus d’intégration universitaire des écoles de maïeutique.
La création d’une section du Conseil national des universités en 2019 constitue une étape supplémentaire dans le renforcement du caractère universitaire de la formation. Une mission relative à l’universitarisation des formations en santé, en lien avec les services des ministères de la santé et de l’enseignement supérieur, sera prochainement confiée à Mme la professeure Christine Ammirati. L’inspection générale de l’enseignement supérieur et de la recherche sera également mandatée sur ce sujet.
La création d’un statut de maître de stage universitaire en maïeutique prévue par l’article 1er bis constitue une réponse aux besoins d’encadrement des étudiantes et des étudiants. Il est essentiel cependant que ce statut fasse l’objet d’un travail plus large, à des fins d’harmonisation avec les autres professions.
En ce sens, un groupe de travail relatif à la maîtrise de stage universitaire associant les acteurs de la formation et les représentants tant des étudiants que des employeurs sera lancé cet automne par la direction générale de l’offre de soins (DGOS).
La rédaction du troisième alinéa de cet article sur la formation du maître de stage universitaire a pu susciter des interrogations au sein de la communauté universitaire. Nous travaillons sur ce sujet en lien étroit avec la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Je tiens ici à dissiper d’éventuelles inquiétudes. Les conditions de l’agrément des sages-femmes sont renvoyées à un décret en Conseil d’État. Même si la rédaction actuelle précise qu’elles comprennent « une formation obligatoire auprès de l’université de leur choix ou de tout autre organisme habilité », il ne s’agit pas en réalité d’élargir au-delà des centres de formation actuels.
Votre commission l’avait d’ailleurs utilement souligné lors de ses débats : la rédaction prévue à l’article 1er bis reprend les dispositions de l’article L. 4131-6 du code de la santé publique qui concernent la filière de médecine. En cohérence, dans le cadre de l’élargissement de la maîtrise de stage universitaire à la filière de maïeutique, il est plus adapté de maintenir ce dispositif.
Le code de la santé publique a été modifié par la loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé, dite loi OTSS, pour permettre, aux universités de former des praticiens agréés maîtres de stage des universités, au-delà des organismes habilités par l’Agence nationale du développement professionnel continu. Finalement, ce sont bien les universités qui donneront les agréments aux maîtres de stages universitaires.
J’en viens à la création d’un troisième cycle d’études de maïeutique prévue par cette proposition de loi.
Vous le savez, les missions des sages-femmes, progressivement élargies depuis 2009, couvrent désormais le suivi de prévention et de contraception des femmes tout au long de leur vie, tant en ville qu’à l’hôpital.
Le suivi de la santé de la femme, le suivi des femmes avant et après leur accouchement s’est par ailleurs ouvert sur une prise en charge en ville. Ces nouvelles missions justifient une adaptation de la formation initiale.
Le Gouvernement soutiendra la proposition de loi, telle qu’elle résulte des travaux de votre commission. Par des amendements de Mme la rapporteure, la commission des affaires sociales a choisi de reporter l’entrée en vigueur de la réforme à la rentrée universitaire 2024, c’est-à-dire aux étudiants qui entrent en première année de parcours accès santé spécifique (Pass) et de licence avec accès santé (LAS) à la rentrée universitaire de 2023.
Le Gouvernement partage pleinement cette analyse : le maintien du dispositif actuel aurait conduit à embarquer dans la réforme les étudiants actuellement en deuxième et troisième années de premier cycle. Il était judicieux de décaler son entrée en vigueur pour gérer dans de bonnes conditions l’harmonisation des différents cycles de formation entre eux, la préparation des terrains de stage supplémentaires et l’impact de l’« année blanche » en 2028.
Le Gouvernement soutiendra cette proposition de loi, d’ailleurs saluée par les représentants de la profession. À l’issue de son examen à l’Assemblée nationale, elle avait fait l’objet d’un soutien unanime des députés. Je formule le vœu qu’il en soit de même au Sénat. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Émilienne Poumirol applaudit également.)
Mme le président. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Raymonde Poncet Monge, rapporteure de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons a été adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale en novembre, comme par la commission des affaires sociales du Sénat le 5 octobre dernier.
« Merci pour les femmes ! ». Cette phrase, lancée par des sages-femmes lors de la dernière audition, témoigne de la forte attente de la profession quant à l’adoption de ce texte visant à faire évoluer la profession de sage-femme. Cette phrase, nous la leur adressons en retour : merci aux sages-femmes !
Les sages-femmes, ce sont à près de 97 % des femmes mobilisées pour la santé des femmes. Lors des auditions, à de nombreuses reprises, une question a été posée par des sages-femmes : « Pourquoi si peu de considération ? Est-ce parce que nous sommes des femmes qui prennent soin des femmes ? »
En France, le champ de compétences des sages-femmes est le plus important d’Europe et n’a cessé de s’étendre ces dernières années. Notre pays reconnaît depuis plus de deux siècles le caractère médical de la maïeutique et confie aux sages-femmes des responsabilités plus importantes qu’ailleurs. En opérant un accompagnement global des femmes et des familles, les sages-femmes pratiquent un métier du care, du « prendre soin ».
Connues pour leur présence en salle de naissance, elles effectuent aussi la surveillance gynécologique, le suivi prénatal et postnatal, celui du nouveau-né, et cela en maîtrisant la frontière entre physiologique et pathologique.
Malgré ces avancées majeures contribuant à asseoir son rôle, la profession vit actuellement un profond mal-être : depuis trop longtemps, elle a la conviction, qu’elle a exprimée ces derniers mois à plusieurs reprises, de ne pas être reconnue.
Les conditions de travail des sages-femmes à l’hôpital se dégradent. Le taux d’encadrement y est toujours fixé par des décrets de périnatalité de 1998, qu’il serait temps de réviser. Leur formation ne s’est pas suffisamment adaptée et demeure établie sur un modèle hospitalier et régional correspondant à celui des professions paramédicales.
Leurs conditions de rémunération et leur statut ne correspondent pas, de l’avis de toutes les organisations représentatives de la profession, aux responsabilités aujourd’hui exercées. Il faudrait que la courbe des rémunérations reflète celle de l’élargissement des compétences.
L’attractivité de la formation en maïeutique et de la profession semble d’ailleurs se dégrader. Lors de la rentrée 2022, environ 20 % des places offertes en deuxième année de maïeutique sont restées vacantes. Les étudiantes font état d’une formation incomplète, dont l’intensité serait pourtant bien supérieure à celle d’autres formations médicales ; 70 % d’entre elles déclarent souffrir de symptômes dépressifs.
Or la profession de sage-femme, à l’hôpital comme en ville, est essentielle à la santé des femmes et à la santé publique partout sur le territoire. À cet égard, le récent rapport sur la santé périnatale de Santé publique France fait état « d’une situation préoccupante de la santé périnatale de façon globale en France » et rappelle que l’état de santé de la petite enfance et de l’enfance conditionne la santé à l’âge adulte.
Avec la présente proposition de loi, si nous ne résolvons pas l’ensemble des difficultés auxquelles la profession est confrontée, nous posons les jalons d’une meilleure reconnaissance de la profession.
Ainsi, nous entendons en premier lieu renforcer le caractère universitaire de la formation en maïeutique. L’article 1er vise à achever l’intégration universitaire des formations de sages-femmes, lancée par le législateur il y a plus de treize ans.
Ce processus est aujourd’hui à l’arrêt : d’après le ministère, seulement 14 des 35 écoles de sages-femmes sont intégrées à l’université. La majorité des écoles demeurent donc adossées à un centre hospitalier. Ce modèle, qui correspond à celui des formations paramédicales, n’est pas adapté à la profession de sage-femme et ne favorise pas le développement de la recherche en maïeutique.
C’est pourquoi nous substituons à la faculté d’intégration une obligation assortie d’un délai : l’intégration des écoles de sages-femmes à l’université devra être achevée au 1er septembre 2027. Ce délai nous semble nécessaire en regard des nombreux obstacles, y compris en termes de rémunérations, qui localement ont souvent entravé le processus.
La loi fixe également les modalités de cette intégration : point important, les écoles de sages-femmes seront préférentiellement intégrées aux UFR (unités de formation et de recherche) mixtes en santé réunissant plusieurs professions médicales. C’est seulement quand cela ne sera pas possible qu’elles seront intégrées aux UFR de médecine.
Ces dispositions, soutenues par l’ensemble des organisations de sages-femmes auditionnées, permettent de préserver l’autonomie pédagogique et de gouvernance des écoles de sages-femmes tout en favorisant la nécessaire collaboration entre professions médicales interdépendantes. La maïeutique, n’est-ce pas l’art de faire accoucher les esprits ?
Afin d’encourager le recrutement d’enseignants-chercheurs dans la discipline, l’article 3 vise par ailleurs à faciliter la conciliation des activités d’enseignement et de recherche avec le maintien d’une activité clinique, en ambulatoire comme à l’hôpital. Contrairement aux autres professions médicales, les sages-femmes ne bénéficient aujourd’hui d’aucun statut leur permettant de cumuler ces activités.
Malgré l’ouverture en 2019 d’une section maïeutique par le Conseil national des universités, le recrutement de sages-femmes enseignantes-chercheuses reste marginal : au milieu de cette année, notre pays comptait une seule professeure des universités – un second poste est en cours de création – et quelques dizaines de maîtres de conférences. La recherche en maïeutique est peu développée, alors même que la France compte parmi les pays où la formation est la plus longue et où la profession exerce le plus de responsabilités.
La proposition de loi vise en deuxième lieu à renouveler profondément le contenu de la formation des sages-femmes, pour l’adapter aux mutations de la profession. Elle crée un statut de sages-femmes agréées maîtres de stage des universités, inspiré de celui existant pour les médecins généralistes.
Ce statut permettra de mieux encadrer les stages en ambulatoire et d’accompagner leur déroulement en cohérence avec les nouvelles conditions d’exercice de la profession. Le Gouvernement doit cependant également réfléchir à la manière de mieux encadrer les stages à l’hôpital : les personnes auditionnées l’ont fréquemment décrit comme un terrain de stage difficile, et ont regretté le manque de valorisation de la fonction de référent.
Surtout, l’article 2 de la proposition de loi réforme en profondeur le contenu de la formation. Il crée un troisième cycle d’études de maïeutique. Lors d’une audition, une sage-femme le soulignait : « Enfin un troisième cycle, comme pour les autres professions médicales ! »
Parallèlement, une révision de l’ensemble des référentiels de formation est prévue. Les étudiantes obtiendront désormais, à l’issue de leurs études et après la soutenance d’une thèse d’exercice, un diplôme d’État de docteur en maïeutique.
Cette mesure, soutenue par l’ensemble des organisations de sages-femmes que nous avons auditionnées, réduira l’intensité d’études jugées trop denses et enrichira leur contenu, pour mieux tenir compte des nouvelles compétences confiées à la profession comme de la diversification des modes d’exercice. Elle favorisera nettement le développement de la recherche.
Enfin, cette proposition de loi vise à conforter la reconnaissance des sages-femmes comme profession médicale. Le quatrième article invite à modifier la classification des sages-femmes dans deux nomenclatures de l’Insee, l’Institut national de la statistique et des études économiques. La statistique est, elle aussi, traversée par le genre ; bien plus qu’un miroir, elle participe à créer les catégories.
Nombre de sages-femmes auditionnées s’en réjouissent, car, selon les mots d’une d’entre elles, « c’est un peu l’histoire de notre vie de ne pas être dans la bonne case ».
Si la commission a approuvé ces dispositions, elle a toutefois modifié leurs modalités d’application. Le texte imposait la réforme aux étudiants actuellement en deuxième et troisième années d’études, qui se sont engagés dans cette filière sans savoir que celle-ci serait allongée. Surtout, cet échéancier ne permettait pas d’assurer la cohérence du cursus.
Pour tenir compte des inquiétudes tant des étudiants que des enseignants, la commission a adopté deux amendements visant à reporter la réforme à la rentrée universitaire 2024 et à ne l’appliquer qu’aux étudiants qui entreront à compter de cette date en deuxième année.
Ce report facilitera la gestion de l’« année blanche » sans sortie de sage-femme diplômée que la réforme générera nécessairement. Je souhaite qu’il permette également d’établir les nouveaux référentiels de formation, en concertation avec l’ensemble des parties prenantes.
En conclusion, ce texte est à la fois nécessaire et urgent. À cet égard, j’aurais souhaité vous proposer, mes chers collègues, son adoption dans des termes identiques à ceux du texte de l’Assemblée nationale, afin qu’il puisse entrer en vigueur le plus rapidement possible.
Si les inquiétudes partagées relatives au calendrier m’ont conduite à proposer à la commission des affaires sociales de le modifier, je souhaite toutefois que ce texte soit rapidement mis à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.
En votant cette proposition de loi, nous répondons à la huitième proposition du livre blanc des sages-femmes : à la naissance d’une trajectoire professionnelle se trouve la formation.
Mme le président. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Raymonde Poncet Monge, rapporteure. Alors, oui, donnons aux sages-femmes cet élan attendu pour leur reconnaissance et l’attractivité de ce métier. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Laurent Burgoa applaudit également.)
Mme le président. La parole est à Mme Else Joseph. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Else Joseph. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, savez-vous pourquoi l’on dit « sage-femme » ? Non pas parce que la femme serait sage, mais parce que cette personne connaît les femmes. Sachez donc, messieurs, que l’on peut être un homme et une sage-femme. (Sourires.)
Le texte proposé représente une bonne nouvelle pour les sages-femmes. Sa rédaction non seulement reprend les propositions de l’inspection générale des affaires sociales (Igas) sur leur formation, mais prend en compte, d’abord et avant tout, les revendications légitimes formulées depuis des années par celles et ceux qui exercent l’un des plus beaux métiers du monde.
Les missions de cette profession ont évolué : elles vont désormais de la déclaration de grossesse au suivi postnatal, et se situent également hors du champ de la grossesse, avec un pouvoir de diagnostic et un droit de prescription élargis.
Les sages-femmes assurent des responsabilités médicales dans le cadre limité de leur métier et de leurs compétences. Elles peuvent répondre à tous les actes lorsque la mère est en bonne santé.
Cette profession est plus que jamais incontournable. Le législateur a enfin tenu parole, et ce combat a été mené par tous les membres du Parlement.
Loin de son image d’Épinal, la profession de sage-femme, profondément exigeante, suppose une formation longue, qui sera intégrée à l’université après nos débats. Elle concerne autant la naissance que les périodes qui la précèdent et la suivent. À l’instar de certains métiers liés à la santé, la profession de sage-femme mérite d’être honorée d’un parcours universitaire : c’est logique par rapport à nos politiques de santé publique et à notre souci de la cohérence de l’enseignement universitaire.
Pour cette raison, je me réjouis de cette universitarisation, que celle-ci ait lieu dans les UFR de santé ou dans une composante de formation en médecine. Comme il s’agit d’une formation longue, j’approuve la mise en place d’un doctorat, qui pourra couronner ce parcours universitaire.
Dans cette même logique, j’approuve la création d’un troisième cycle d’études pour les étudiants en maïeutique, qui rapproche le parcours des sages-femmes des autres disciplines faisant l’objet d’un troisième cycle, ce qui correspond à notre époque où la spécialisation concerne tous les parcours d’études.
Enfin, nous tenons compte, dans cette proposition de loi, des impératifs propres à ceux qui enseignent, qui pourront exercer conjointement des activités de soins, de recherche et d’enseignement. Cet aspect important se retrouve notamment en médecine, car il est difficile de dissocier la théorie de la pratique, surtout dans le domaine de la naissance. En raison de cette proximité, définir le statut de maître de stage universitaire en maïeutique est pertinent : cela participe d’un accompagnement optimal des étudiants pendant leurs stages.
La reconnaissance de ce statut universitaire ne constitue pas la seule avancée de cette proposition de loi tant attendue.
La place des sages-femmes dans la nomenclature de l’Insee est modifiée. Je me réjouis de les voir classées dans le groupe nouvellement intitulé « Activité des médecins, des dentistes et des sages-femmes » et non plus dans celui des « Autres activités pour la santé humaine », ce qui fragilisait leur positionnement. Vous l’aurez compris, mes chers collègues, ce métier n’est pas éloigné de la médecine. Les sages-femmes doivent devenir des acteurs de référence pour la prévention, et il est urgent que la santé gynécologique des femmes soit une priorité. C’est une juste reconnaissance.
Tous ces dispositifs doivent rendre la profession plus attractive, lui donner plus de visibilité en repensant les carrières et encourager les vocations. C’est nécessaire, comme en témoigne la pénurie dans les hôpitaux.
Ce métier connaît une crise profonde. Les fortes mobilisations du début de 2021 n’ont pas reçu beaucoup d’échos, car les sages-femmes sont peu nombreuses. Je salue l’amélioration représentée par cette proposition de loi, que je vous invite à approuver, mais elle doit être accompagnée d’autres progressions, en particulier en matière de statut et de rémunération. Pourquoi ne pas aller vers un statut de praticien hospitalier ?
Certes, les conditions d’études seront améliorées, mais il ne faut pas oublier les conditions d’exercice de cette profession jeune. Il faut investir dans cette filière où les résultats sont bons.
Comme pour d’autres professions, nous avons besoin d’attirer davantage les sages-femmes dans les zones rurales et périurbaines. Une femme doit pouvoir accoucher au plus près de son lieu de vie et en sécurité.
Les sages-femmes sont pour le Gouvernement un exemple. Madame la ministre, nous connaissons les résistances freinant le déploiement des infirmiers en pratique avancée (IPA). Les sages-femmes, par leur pratique et leur histoire, éclairent le chemin. Au lieu d’ignorer leurs demandes ces dernières années, il fallait les écouter et en faire un exemple.
Grâce à leurs compétences dans le domaine de la santé gynécologique, de l’interruption volontaire de grossesse (IVG) médicamenteuse, instrumentale ou expérimentale, les sages-femmes permettent au quotidien l’accès à des soins essentiels. En augmentant leur champ d’expertise, on répond ainsi à un sujet démographique médical préoccupant. Les sages-femmes l’attendent depuis longtemps ; de nouvelles perspectives vont s’offrir pour elles en matière de recherche et d’exercices du métier.
Les sages-femmes sont indispensables à la santé des femmes. Leur expertise est nécessaire, en particulier pour détecter les violences sexuelles, les maltraitances dans la famille et les personnes vulnérables. N’oublions pas le rôle social joué par les sages-femmes !
Nous ne sommes qu’au milieu du gué. Il reste encore beaucoup à faire pour les sages-femmes et pour les personnes qui bénéficient de leurs soins.
Mme le président. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Else Joseph. Je me réjouis de voir tout le monde, y compris le Gouvernement, soutenir les sages-femmes. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et SER.)
Mme le président. Pardonnez-moi de vous rappeler à l’ordre, mes chers collègues, mais si nous ne terminons pas l’examen de ce texte à vingt heures quarante, celui-ci sera repoussé à une date ultérieure.
La parole est à Mme Colette Mélot. (M. Daniel Chasseing applaudit.)
Mme Colette Mélot. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nos sages-femmes ont une fonction majeure dans notre société : donner la vie. Leur rôle est essentiel pendant la grossesse, l’accouchement et le suivi postnatal. Car n’oublions pas qu’elles réalisent 80 % des accouchements dits « normaux » en France.
Bien que chacun s’accorde sur leur importance tant pour les familles que pour le secteur de la santé, la profession est plutôt mal reconnue. C’est paradoxal alors que leur champ de compétences et leurs revendications, tout naturellement, ne cessent de s’accroître. Le métier évolue continuellement, apportant toujours plus de sécurité pour les parturientes et leurs bébés.
Je tiens à saluer les auteurs de cette proposition de loi adoptée à l’unanimité à l’Assemblée nationale, signe, s’il en fallait, du caractère crucial du sujet que nous examinons. Je remercie le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires de l’avoir inscrite au sein de sa niche parlementaire. La proposition de loi a également été votée à l’unanimité par les membres de la commission des affaires sociales, et je remercie notre rapporteure de son travail visant une application très prochaine de ces nouveaux dispositifs.
Les cinq articles de ce texte constituent une véritable réforme. Ils visent purement et simplement à supprimer le flou qui entoure l’appartenance de la profession au secteur médical ou au secteur paramédical.
Grâce à la création du diplôme d’État de docteur en maïeutique, ce flou n’a plus lieu d’être. Les sages-femmes sont insérées au sein du statut médical. Leur formation fera désormais partie des formations médicales et universitaires, ce qui répond à la principale revendication des sages-femmes.
Je me réjouis de cette avancée, qui est essentielle pour la formation, bien sûr, mais aussi pour l’attractivité et la rémunération de la profession, ainsi que pour l’offre et la qualité des soins prodigués.
Je tiens à encourager le développement de cette formation sur tous nos territoires. Nous sommes nombreux dans cet hémicycle à savoir combien il est important de disposer d’offres de formation implantées sur l’ensemble de l’Hexagone. Les étudiantes et étudiants restent généralement dans les villes où ils ont étudié, y renforçant l’offre de soins.
À l’heure où l’on évoque de manière récurrente les déserts médicaux, cette pratique pourrait contribuer à des avancées significatives dans ce domaine. C’est pourquoi je me félicite également de la création du statut de sages-femmes agréées maîtres de stage des universités. L’accompagnement des étudiantes et étudiants est gage d’une formation complète et de professionnels compétents.
Bien sûr, malgré son caractère essentiel, cette proposition de loi ne sera pas suffisante. Elle apporte cependant une solution adéquate à la situation actuelle : clarifier le statut de sage-femme doit être appréhendé comme la première étape d’une réforme plus profonde.
Cette réforme doit être plus globale et concerner l’ensemble de notre système de santé. Celui-ci a déjà bien évolué, mais les dernières années ont montré que des changements doivent être déployés. Pour cela, nous devons poursuivre nos réflexions et ajouter aux avancées déjà réalisées de nouveaux progrès.
Le groupe Les Indépendants, conscient de l’importance de cette proposition de loi et des améliorations qu’elle engendrera, votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – Mmes Émilienne Poumirol et Christine Bonfanti-Dossat applaudissent également.)