M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 93, 92, 110 et 91 ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. En ce qui concerne l’amendement n° 93, même si je sais que cette remarque risque de hérisser M. Benarroche, il nous a semblé que la mention demandée était superfétatoire.
Sur l’amendement n° 92, pourquoi ce chiffre de 10 000 véhicules ? Le Gouvernement s’expliquera, mais je ne pense pas que cet objectif ait sa place dans un tel rapport.
L’amendement n° 110 est relatif à la taxation des véhicules : le sujet est intéressant, mais il ne peut – et ne doit – pas figurer dans un texte de ce type. Transmettons-le à la commission des finances pour qu’elle étudie le sujet, car ce n’est pas dans un texte d’orientation que l’on doit régler des problèmes de disparités de taxation.
La création de directions de la protection de la forêt et la mise en place de plans départementaux de protection de la forêt contre l’incendie, qui font l’objet de l’amendement n° 91, tendant à alourdir la gouvernance, alors qu’il faut, à l’inverse, la simplifier.
J’émets donc un avis défavorable sur les quatre amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. J’émets également un avis défavorable sur ces amendements, mais je voudrais apporter quelques précisions.
Tout d’abord, vous faites souvent remarquer, monsieur Benarroche, que les collectivités locales manquent de financements pour les Sdis. Je rappelle qu’un quart de leur financement est assuré par l’État.
Par ailleurs, la taxe spéciale sur les conventions d’assurances doit-elle être versée, en miroir, à 100 % aux Sdis ? Actuellement, ce n’est pas le cas, vous le savez tous ; les départements – je ne leur jette pas l’opprobre – ont d’autres problèmes. Peut-être que cette taxation ne serait de toute manière pas suffisante, eu égard au réchauffement climatique, pour couvrir les besoins capacitaires des Sdis.
Le Président de la République a annoncé qu’un travail sera mené sur cette question, qui intéresse particulièrement la Haute Assemblée. Lors de mon audition sur ce texte, le président de la commission des lois a fait intervenir Mme la rapporteure pour avis chargée des questions de sécurité civile dans le cadre de l’examen du budget.
Nous pourrons être associés à ces discussions, mais je ne suis pas certain que l’on puisse ainsi, « à la grosse », fixer un chiffre – 3 000, 5 000, 10 000 ou 20 000 véhicules. Je ne peux pas, monsieur le rapporteur, m’expliquer sur un chiffre que je ne connais pas assez. Il faudra mettre en rapport les capacités avec le réchauffement climatique que nous allons connaître. Nous ne pouvons pas fixer un nombre de camions sans connaître l’ampleur de ce changement climatique sur notre territoire national, y compris ultramarin.
Je rappelle par ailleurs que les directions de la protection des forêts que vous proposez, indépendamment de l’alourdissement de la gouvernance évoqué par M. le rapporteur qu’elles induiraient, dépendraient du ministre de la transition écologique. La gestion des forêts revient au ministère chargé de l’écologie ; la sécurité civile et la protection contre les incendies, au ministère de l’intérieur. Donc, là encore, si cette proposition est entendable, elle n’a pas sa place dans le texte du ministère de l’intérieur.
Enfin, la taxation que vous évoquez, monsieur Benarroche, outre le fait qu’elle dépende de la loi de finances – vous l’examinerez très bientôt –, ce sont en fait des malus écologiques. Ce que vous proposez est paradoxal pour un écologiste : il s’agit d’un allégement de fiscalité pour un camion qui pollue.
Alors peut-être ce camion pollue-t-il parce que nous ne savons pas produire d’équivalent non polluant – c’est une autre question –, mais je fais remarquer à la Haute Assemblée qu’il s’agit non pas d’une taxation pour le bien de l’État, mais bien d’un malus écologique. Doit-on contrôler certains secteurs plus que d’autres quand on est écologiste ? C’est une question intéressante à laquelle je vous laisse réfléchir avec votre groupe.
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Monsieur le ministre, je ne comprends pas très bien lorsque vous me dites que nous ne savons pas ce qui se passera dans les prochaines années en matière de réchauffement climatique. Sincèrement, on nous disait la même chose il y a dix, vingt ou trente ans alors que les chiffres étaient déjà connus et qu’ils sont avérés aujourd’hui…
M. Guy Benarroche. Vous pouvez lire les rapports, notamment ceux du Giec, qui nous annoncent précisément ce qui va se passer, dans le meilleur des cas, au cours des prochaines décennies. Les éléments pour nous permettre de réfléchir, nous les avons !
Par ailleurs, je n’ai pas bien compris, monsieur le rapporteur, ce que vous trouviez superfétatoire concernant l’utilisation des pactes capacitaires. Il me paraît assez clair que nous ne pouvons actuellement les utiliser que pour l’achat initial de véhicules et non pour le renouvellement et l’entretien.
Nous demandons juste que cela soit permis ; je le redis, je ne vois pas ce qu’il y a de superfétatoire.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Ces amendements sont, d’une certaine manière, intéressants, car il est vrai que l’équipement est un problème important pour tous les Sdis. Les incendies de forêts, particulièrement dramatiques cette année, mais aussi les années antérieures, laissent entrevoir les besoins en moyens techniques, en plus des moyens humains – professionnels et volontaires – qui sont indispensables.
Je comprends ces amendements parce que les moyens humains, le mode de fonctionnement et la capacité d’investissement des Sdis et des centres de secours sont variables d’un département à l’autre.
De plus, les Sdis dépendent d’une double autorité – les préfets, d’un côté, et les présidents de conseils départementaux, de l’autre. Leur financement est tributaire de l’ensemble des collectivités territoriales, avec une participation importante des conseils départementaux, des intercommunalités et des communes, pour l’établissement de leurs budgets annuels.
Je me rallierai néanmoins à la position du rapporteur.
M. le président. L’amendement n° 89, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme Vogel et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :
Alinéa 326
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
En dehors de ces événements particuliers, ces nouvelles unités ne pourront pas être déployées pour d’autres opérations de maintien de l’ordre, notamment pour l’encadrement de manifestations.
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Le rapport annexé prévoit la création de 11 nouvelles unités de forces mobiles (UFM) censées venir renforcer – selon les termes employés – les dispositifs liés aux grands événements des années à venir : Coupe du monde de rugby de 2023 et jeux Olympiques de 2024.
Par ailleurs, comme nous l’avons vu précédemment, la discussion de ce rapport n’a pas fait apparaître une volonté de la part du ministre de l’intérieur de modifier la doctrine de maintien de l’ordre que mon collègue Thomas Dossus a décrite et que nous avons eu l’occasion d’étudier lors du travail mené par le Sénat sur les incidents survenus au Stade de France.
Nous nous interrogeons sur l’objectif de ces nouvelles forces mobiles au-delà des deux événements mentionnés. Il va falloir former, entraîner et utiliser ces forces avant ces échéances. Qu’en ferons-nous après ces événements sportifs, alors qu’elles sont destinées – on l’a dit, et c’est écrit – à faire face à des affrontements violents ?
Comment seront-elles déployées ? Seront-elles utilisées lors d’autres événements publics tels que des manifestations ? On ne recrute et on ne forme pas des agents seulement pour deux événements. Certaines de ces unités pourraient-elles être testées, dans le cadre d’exercices, à l’occasion de mouvements sociaux ? Car nous connaissons déjà les résultats de cette doctrine de maintien de l’ordre.
Nous souhaiterions donc obtenir de la part du ministre des précisions sur ces nouvelles unités. Pour notre part, nous proposons que celles-ci ne puissent pas être déployées pour d’autres opérations de maintien de l’ordre, notamment pour l’encadrement des manifestations.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Alors que le ministre a obtenu de haute lutte le financement de onze nouvelles unités mobiles – ce qui est une inversion de tendance par rapport à ce qui se passait jusqu’à présent –, il faudrait décider de ne les dédier qu’à la Coupe du monde de rugby et aux jeux Olympiques et à rien d’autre ?
Compte tenu de tout ce qui se passe dans notre pays, et des problèmes d’autorité et de maintien de l’ordre que nous rencontrons, ce serait une sacrée gestion des ressources humaines !
La commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 94, présenté par MM. Gontard, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéas 335 à 358
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Nous souhaitons supprimer les alinéas 335 à 358 parce que nous considérons que la politique migratoire et la politique d’asile doivent dépendre non plus du ministère de l’intérieur, mais d’un ministère dédié.
La politique migratoire concerne de nombreux domaines de politiques publiques et ne doit plus être envisagée sous le seul angle sécuritaire : elle n’a pas uniquement trait à l’admission sur le territoire, mais également à nos politiques en matière de travail et d’emploi, ainsi qu’à nos politiques sociales, de santé, de logement et d’éducation. Le défi majeur, qui doit être envisagé sous tous ces aspects, est l’intégration.
Aussi faut-il créer un ministère dédié à la politique d’immigration, d’accueil et d’intégration afin de cesser de considérer le phénomène des migrations comme un problème à régler. Il faut passer à une logique d’accompagnement dans l’intérêt des personnes migrantes comme du pays d’accueil.
M. le président. L’amendement n° 95, présenté par MM. Gontard, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 335
Compléter cet alinéa par les mots :
grâce à une politique d’accueil digne, intégrée à l’échelon communautaire
II. – Alinéa 336
Remplacer les mots :
des moyens innovants de contrôle et de surveillance
par les mots :
du rétablissement plein et entier de l’Espace Schengen et d’une solidarité européenne renforcée en matière d’accueil
La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Cet amendement tend à renforcer la solidarité européenne en matière d’accueil.
Depuis 2015, la militarisation aux frontières s’intensifie : doublement d’effectifs en 2020, déploiement de l’opération Sentinelle, renforcement des contrôles, lutte contre le terrorisme… Ces effets d’annonce contribuent à criminaliser l’asile et à pointer l’immigration comme un problème de sécurité nationale. Mais pour quels résultats ?
Il s’agit d’une politique vaine, coûteuse, inefficace et dangereuse, qui détourne – nous l’avons évoqué à plusieurs reprises – les agents de la police aux frontières (PAF) de leur mission de base concernant le trafic de stupéfiants, d’armes et d’êtres humains.
Plus que toute surveillance renforcée grâce à des moyens technologiques de pointe, la sécurisation des frontières françaises ne saurait s’entendre que dans une perspective européenne…
M. Guillaume Gontard. … qui passe par le rétablissement de l’espace Schengen – nous aurons d’autres amendements sur ce sujet –, suspendu depuis 2015, et par une refonte totale de la politique d’accueil de l’Union européenne pour renforcer la solidarité entre ses États membres et favoriser un accueil digne des personnes exilées et réfugiées.
M. le président. L’amendement n° 96, présenté par MM. Gontard, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéas 337 et 338
Remplacer ces alinéas par six alinéas ainsi rédigés :
Œuvrer à la transformation de Frontex
La France soutiendra une refonte de l’agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes Frontex. Au lieu de participer à des refoulements aux frontières contraires au droit international de l’asile, d’opérer dans des pays tiers et de rapatrier des personnes migrantes en situation irrégulière, ses activités devront être recentrées sur le sauvetage en mer et les opérations humanitaires. Elles doivent contrôlées par le Parlement européen, en particulier dans le domaine du respect des droits humains, du droit international et de son devoir de vigilance et d’alerte concernant les refoulements illégaux de migrants.
La France plaidera donc pour le renforcement des actions humanitaires de recherche et d’assistance de Frontex en mer et le soutien des bateaux civils et d’ONG, conformément au droit maritime international.
La France portera les recommandations du groupe de contrôle de Frontex dans son rapport rendu le 21 juillet 2021 et notamment :
- la nomination de 40 officiers de protection des droits fondamentaux et la mise en place d’un mécanisme de surveillance des droits fondamentaux ;
- la création d’un mécanisme efficace de signalement des incidents graves pour la surveillance des droits fondamentaux.
La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Cet amendement porte sur la transformation de l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex).
Forte d’un effectif de 700 personnes et d’un budget de 544 millions d’euros en 2021, Frontex constitue la plus importante agence européenne. Elle devrait bénéficier, à l’horizon 2027, d’un contingent de plus de 10 000 agents opérationnels et d’un budget qui va frôler le milliard d’euros. Son développement exponentiel depuis 2015 pour faire face à l’immigration, notamment avec des agents armés, devrait se poursuivre dans une transparence exemplaire.
Depuis près de deux ans, Frontex fait face à de multiples accusations de la part d’ONG, de médias et de la Commission européenne. Ces attaques, additionnées au rapport de l’Office européen de lutte antifraude (Olaf), ont d’ailleurs poussé son directeur exécutif, M. Leggeri, à la démission le 28 avril dernier.
Ce rapport de l’Olaf, jamais intégralement publié, ferait ressortir plusieurs accusations, notamment un non-respect des procédures, des violations des droits fondamentaux, un manque de loyauté envers l’Union européenne et une mauvaise gestion du personnel de l’agence – rien que ça !
Les accusations d’implication de Frontex dans de mauvais traitements, au moins de manière indirecte, remontent à plusieurs années, et se sont intensifiées depuis 2019, date à partir de laquelle les moyens de l’agence ont été décuplés.
En 2019, plusieurs enquêtes menées par des médias d’investigation ont dénoncé la responsabilité de l’agence qui a toléré des maltraitances de la part de garde-frontières en Hongrie, en Grèce et en Bulgarie. Des accusations portaient également sur des agents de Frontex, lesquels auraient par exemple expulsé des mineurs non accompagnés. L’agence avait alors répondu ne pas avoir « autorité sur le comportement des polices aux frontières locales ».
En octobre 2020, une nouvelle enquête de plusieurs médias rapportait l’implication d’agents de Frontex dans des refoulements illégaux de personnes cherchant refuge en mer Égée. L’enquête révélait notamment qu’un avion de Frontex avait pris des photos montrant comment un navire des garde-côtes grecs repoussait un bateau dans les eaux territoriales turques.
Alors que les refoulements, pratiques illégales au regard du droit international, font désormais partie des stratégies d’éloignement de nombreux États européens – Chypre, Malte, Grèce, Lituanie, Pologne et Espagne –, l’implication de Frontex dans ces mauvais traitements est inacceptable.
La militarisation de nos frontières a tué plus de 44 000 personnes depuis 1993 : celles-ci se sont noyées en Méditerranée, ont été abattues aux frontières, se sont suicidées dans des centres de rétention, ont été torturées et tuées après avoir été expulsées… Cette politique tue.
Dans ce contexte, envisager une véritable intégration du corps des garde-frontières de Frontex à la gestion des frontières extérieures de la France est totalement déraisonnable. Au contraire, la France doit plaider pour une refonte complète de l’agence, qui met en œuvre une politique aussi meurtrière qu’inefficace.
M. le président. L’amendement n° 97, présenté par MM. Gontard, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéas 339 à 346
Remplacer ces alinéas par douze alinéas ainsi rédigés :
Les policiers aux frontières seront dotés de moyens humains et matériels supplémentaires pour que les personnes étrangères arrivant aux frontières terrestres :
- puissent exercer leurs droits et ne fassent pas l’objet de procédures illégales ou de détournements de procédure ;
- soient correctement informées de leur situation, de la procédure applicable et de leurs droits, notamment en ce qui concerne le droit de demander l’asile ;
- puissent bénéficier de l’assistance d’un interprète professionnel et d’une assistance juridique effective à tout moment et dès le début de la procédure (grâce à la mise en place par l’État d’une permanence gratuite d’avocats) et la présence d’un administrateur ad hoc pour les mineurs isolés étrangers ;
- soient traitées dignement et ne fassent plus l’objet de pratiques arbitraires ni de violences ;
- ne soient plus privées de liberté pour des raisons liées au contrôle migratoire.
L’administration sera dotée de moyens humains et matériels supplémentaires pour :
- organiser le sauvetage des personnes en danger notamment en haute montagne et la prise en charge des personnes blessées et/ou malades ;
- étudier individuellement la situation de chaque personne se présentant aux frontières et le cas échéant, justifier en fait et en droit les refus d’entrée et les éventuelles mesures privatives de liberté prises à son encontre ;
- enregistrer les demandes d’asile des personnes exilées et former au respect de la procédure d’asile telle que définie par la loi ainsi que le principe de non-refoulement des demandeurs d’asile, valable y compris aux frontières internes ;
- prendre en charge les mineurs isolés étrangers sur le territoire ;
- permettre à la société civile et aux associations d’exercer réellement leur droit de regard dans les lieux privatifs de liberté conformément au droit européen.
La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Le durcissement croissant des politiques européennes et françaises pour lutter contre un prétendu afflux massif de personnes en situation irrégulière met toujours plus en danger les personnes exilées.
C’est la réalité depuis 2015 à la frontière franco-italienne. Les personnes exilées font ainsi quotidiennement l’objet de pratiques illégales de l’administration française, plusieurs fois condamnée. Ce faisant, cette dernière ne respecte pas la législation en vigueur, met en œuvre des procédures expéditives et viole les droits humains et les conventions internationales pourtant ratifiées par notre pays. Les personnes exilées sont pourchassées dans les montagnes ou sur les chemins de randonnée, sont traquées dans les bus et les trains par les forces de l’ordre.
Face à cette situation, des associations travaillent des deux côtés de la frontière franco-italienne pour faire vivre la solidarité et la fraternité et ainsi redonner aux personnes exilées un peu d’espoir et de dignité.
Nous devons donc réorienter notre politique migratoire et les moyens publics déployés doivent garantir le respect des droits humains fondamentaux.
M. le président. L’amendement n° 98, présenté par MM. Gontard, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéas 347 à 352
Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :
Réouvertures des frontières au sein de l’espace Schengen
En 2023, la France mettra fin aux contrôles aux frontières intérieures du pays, rétablissant ainsi le fonctionnement normal de l’espace Schengen.
La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. L’amendement n° 98 porte également sur l’espace Schengen. Les personnes étrangères font depuis longtemps l’objet de mesures de contrôle et de surveillance. Le fichage est devenu l’outil sans limite au service du contrôle aux frontières.
L’utilisation exponentielle des fichiers destinés à identifier, catégoriser, contrôler n’est en réalité qu’un moyen supplémentaire pour éloigner et exclure. Si le fichage est utilisé pour bloquer les personnes sur leur parcours migratoire, il est aussi de plus en plus utilisé pour entraver les déplacements à l’intérieur de l’Union et l’action de militants européens qui entendent apporter leur soutien aux personnes exilées.
Depuis plusieurs années, le nombre de fichiers de ce type s’est multiplié. Il en existe aujourd’hui près d’une trentaine. Leur complexité tient au fait qu’ils sont nombreux, mais également à leur superposition. De ce maillage opaque naît une certaine insécurité juridique pour les personnes visées.
Parallèlement à la multiplication des fichiers de tout type et de toute nature, ce sont désormais des questions liées à leur interconnexion et à leurs failles qui sont soulevées ainsi qu’aux abus dans leur utilisation, avec notamment des risques d’atteintes aux droits fondamentaux et aux libertés publiques.
La justification est toujours de « protéger les citoyens européens du terrorisme international », mais il n’existe pas véritablement de données ou d’étude sur la manière dont les nouveaux registres de données biométriques et leur interconnexion peuvent contribuer à cet objectif.
L’amendement vise donc à supprimer ces nouveaux fichiers et à demander la réouverture complète des frontières françaises au sein de l’espace Schengen.
M. le président. L’amendement n° 99, présenté par MM. Gontard, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéas 353 à 356
Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :
Coopération européenne renforcée en matière d’asile et d’immigration
La France ambitionne de cesser l’externalisation de la gestion des frontières extérieures de l’Union. Elle plaidera pour mettre un terme aux accords migratoires de sous-traitance avec des pays comme la Turquie et la Libye, maltraitant les personnes réfugiées.
Elle demandera l’abrogation du règlement dit Dublin III et, avec, la logique délétère de tri aux frontières de l’Union. Elle organisera un mécanisme de relocalisation des demandes d’asile entre États-membres en tenant compte des liens effectifs (liens familiaux élargis et linguistiques) et des aspirations des demandeurs et demandeuses d’asile
Elle renégociera l’accord migratoire avec le Royaume-Uni.
La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Cet amendement tend à renforcer la coopération européenne en matière d’asile et d’immigration.
Parmi les différentes formes d’externalisation de la politique d’immigration et d’asile menée par l’Union européenne et ses États, la sous-traitance occupe une place de choix. Cette sous-traitance s’est principalement traduite par des accords – accords de réadmission, clauses de réadmission intégrées dans des accords ou traités commerciaux, économiques ou de coopération –, en contrepartie desquels les pays concernés se voient proposer une assistance financière via différents instruments de financement européens.
Depuis 2002, dix-sept accords ont été conclus entre l’Union européenne et des pays non européens, auxquels s’ajoutent de nombreux accords bilatéraux mis en place par des États membres.
Cette politique de sous-traitance permet à l’Union européenne et à ses États membres d’échapper à leurs obligations internationales en toute impunité et entraîne un risque d’atteinte forte au respect des droits fondamentaux, en particulier le droit d’asile.
Ces atteintes aux droits des personnes migrantes ont été largement documentées, ce qui a mis en lumière une accélération et une aggravation de ces faits depuis cinq ans.
Par ailleurs, le mécanisme de Dublin a montré depuis des années son inefficacité et les injustices qu’il fait peser sur les pays du sud de l’Europe. Ces derniers, parmi les moins prospères de l’Union, doivent assumer la quasi-intégralité de l’effort en matière de politique migratoire.
La France doit promouvoir auprès de ses partenaires européens une politique d’accueil beaucoup plus intégrée et solidaire, autrement dit un régime commun de l’asile européen.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces six amendements ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Que le ministre de l’intérieur, dans une loi d’orientation et de programmation, nous explique comment il peut intégrer le corps des garde-frontières de Frontex à la gestion des frontières extérieures de la France, comment il déploie des matériels innovants basés sur les nouvelles technologies et quels outils de financement il peut utiliser : tout cela est cohérent.
En revanche, je me suis demandé, monsieur Gontard, pourquoi vous déposiez tous ces amendements. Je me suis dit que vous vous entraînez certainement à déposer des amendements pour la prochaine loi sur l’immigration. (Protestations sur les travées du groupe GEST.)
Vous faites ce que le président Sarkozy appelait du training, mais, comme le disait mon professeur de philosophie, c’est totalement hors sujet ! Vous évoquerez Chypre, Dublin, et tout le reste lorsque la loi sur l’immigration sera en discussion au Parlement.
L’avis de la commission est défavorable sur ces six amendements, qui n’ont pas leur place dans ce texte.