M. Rémy Pointereau. Enfin !
M. Roland Lescure, ministre délégué. … y compris en intervenant sur les marchés de produits dérivés, de manière à faire baisser les prix du gaz et d’électricité en 2022 et 2023. Nous nous employons également à simplifier, prolonger et amplifier le dispositif d’aide dit « Ukraine », qui a été utile pour certaines d’entreprises, mais dont, vous l’avez dit, l’ampleur est insuffisante et les critères trop complexes. Nous y travaillons avec nos partenaires européens, car c’est l’échelon pertinent.
À l’échelon local, j’ai demandé aux fonctionnaires présents dans les territoires, les commissaires aux restructurations et à la prévention des difficultés des entreprises, d’agir au plus près de ces dernières afin de les aider à négocier avec leur fournisseur d’énergie, car, vous avez raison, il est hors de question que des entreprises ne se voient proposer aucune offre. Bruno Le Maire, Agnès Pannier-Runacher, Olivia Grégoire et moi-même avons signé une charte avec les fournisseurs d’énergie, lesquels se sont engagés à proposer des offres compétitives à leurs clients si ceux-ci leur en font la demande et à les accompagner dans la durée, dans le cadre de leur devoir de conseil sur la meilleure manière de « dessiner » leur contrat.
Nous intervenons donc à tous les échelons.
Je profite de cette occasion pour en appeler à la solidarité des filières, parce que nous devons tous contribuer à l’appui à notre industrie, qui, je vous rejoins, ne doit pas être la victime collatérale de cette guerre.
M. le président. Il faut conclure.
M. Roland Lescure, ministre délégué. Tout le monde – distributeurs, grands groupes – doit appuyer les filières, afin que l’industrie sorte gagnante de cette crise. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
crise énergétique dans la filière agricole
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Nathalie Goulet. Je plante un deuxième clou dans le cercueil, après la question de Sophie Primas, en plaidant en faveur de la filière agricole, lourdement frappée par la crise énergétique, avec l’augmentation du coût des intrants et la rupture de contrats d’approvisionnement d’énergie, notamment des fournisseurs alternatifs.
Ce secteur semble oublié, comparativement à d’autres, et les agriculteurs ressentent douloureusement cette injustice.
C’est le cas par exemple de la coopérative Biocer, qui compte 280 adhérents dans l’Eure et 26 dans l’Orne, et dont la facture énergétique passerait, si rien n’est fait, de 285 000 euros à plus de 1 million d’euros. C’est insoutenable, Sophie Primas l’a très bien expliqué.
Il en va de même pour la filière équine, chère au président Larcher, et pour les jeunes agriculteurs récemment installés, qui ne peuvent bénéficier des dispositifs en place, mal adaptés à leur situation. N’oublions pas les suicides d’agriculteurs et les nombreux drames personnels !
Notre souveraineté alimentaire, dont vous êtes chargé, monsieur le ministre, est menacée. Quelles mesures allez-vous prendre ou avez-vous déjà prises pour soutenir les agriculteurs dans cette période extrêmement difficile ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Goulet, cette question fait écho à celle de Mme Sophie Primas, mais pour le secteur de l’agriculture et de l’agroalimentaire. Ce secteur présente toutefois deux spécificités, sur lesquelles je reviendrai : sa saisonnalité et l’impossibilité de rompre la chaîne de production.
La situation a été décrite, je n’y reviens pas.
Nous avons travaillé avec vous, madame la sénatrice, sur l’entreprise Biocer, afin de trouver des solutions.
Je vais néanmoins présenter quelques éléments globaux.
À court terme, mon collègue Lescure l’a indiqué, les opérateurs ont signé une charte les engageant à proposer obligatoirement une offre, à conseiller leurs clients et à assurer une certaine modération des tarifs.
Ensuite, à l’échelon européen, nous attendons des réponses, dans les jours qui viennent, sur la décorrélation des prix du gaz et de l’électricité, qui est un levier puissant.
Enfin, nous simplifions l’aide aux entreprises énergo-intensives en l’adaptant mieux à ce qu’est leur réalité, notamment la saisonnalité de l’industrie agroalimentaire. Je pense par exemple à la filière de la betterave, qui a besoin de plus d’électricité ou d’énergie à certaines périodes qu’à d’autres, ce dont le dispositif tenait mal compte. C’est pourquoi nous l’avons ajusté.
Nous avons également massifié le dispositif en doublant le montant alloué à chaque catégorie d’entreprise : de 2 millions d’euros à 4 millions, de 25 millions d’euros à 50 millions et de 50 millions d’euros à 100 millions.
Enfin, madame la sénatrice, sur le moyen et le long terme, comme vous l’avez souligné, nous avons besoin de travailler à réduire notre dépendance à l’égard d’un certain nombre de facteurs de production. Je pense bien évidemment au secteur de l’énergie, et notamment aux intrants azotés. L’Europe s’est mise dans une situation de dépendance telle que nous avons besoin de reconquérir notre souveraineté.
Nous mettons donc en place des mesures de court terme et des mesures d’accompagnement de moyen et de long terme pour l’ensemble des filières agricoles et agroalimentaires. Comme vous le savez, madame la sénatrice, le Gouvernement est pleinement mobilisé, sous l’autorité de Mme la Première ministre. Le ministère de l’agriculture l’est quotidiennement pour essayer de répondre aux besoins de chacune des filières. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, INDEP et UC.)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour la réplique.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le ministre, il faudrait mettre en place, dans chaque région, un guichet unique à destination des entreprises regroupant l’ensemble des acteurs – élus, Banque publique d’investissement (BPI), Mutualité sociale agricole (MSA)… De même, il faut prendre toutes les mesures d’urgence qui s’imposent, notamment pour assurer la protection des individus.
La taxe sur les superprofits, annoncée par Mme la Première ministre, est la bienvenue. Son produit permettra d’améliorer les dispositifs d’indemnisation et, à tout le moins, de soutenir cette filière.
Sachez que nous sommes extrêmement mobilisés. Il y a urgence, notamment à venir en aide aux jeunes agriculteurs, qui ne peuvent, faute d’ancienneté suffisante, bénéficier des boucliers actuellement mis en place. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
revendications des salariés des raffineries pétrolières
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Éric Bocquet. Monsieur le président, madame la Première ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, depuis un certain temps, nos compatriotes regardent avec effarement tourner le compteur des pompes à essence. Et dans le même temps, les actionnaires regardent grimper les chiffres des dividendes avec ravissement.
Les prix des carburants s’emballent, la spéculation sévit et TotalEnergies s’enrichit, y compris grâce à l’argent public du bouclier tarifaire. L’entreprise a enregistré plus de 10 milliards d’euros de bénéfice net au premier semestre de cette année, ce qui valut aux actionnaires, le 28 septembre dernier, de bénéficier d’un dividende exceptionnel de 2,6 milliards d’euros. TotalEnergies deviendra demain TotalBénéfices !
Les salariés des groupes pétroliers demandent légitimement leur part de cette « réussite » et revendiquent une hausse de leurs salaires. La satisfaction des revendications de ses salariés représenterait, pour TotalEnergies, une somme de 140 millions d’euros, soit 1,4 % des profits du seul premier semestre !
Monsieur le ministre, je pense qu’il est temps de faire pression sur les directions des groupes TotalEnergies et ExxonMobil. À l’évidence, leur demander aimablement « un geste de bonne volonté » ne suffit pas. Cela est d’autant plus nécessaire que, face aux salariés, le Gouvernement brandit la menace inacceptable de la réquisition. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SER – Mme Esther Benbassa applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.
M. Olivier Véran, ministre délégué auprès de la Première ministre, chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur Bocquet, de par votre appartenance politique, de par les combats que vous avez menés, je vous sais plus attaché que quiconque ici…
M. Xavier Iacovelli. À la CGT !
M. Olivier Véran, ministre délégué. … à la qualité du dialogue social et au respect des accords obtenus à travers ce même dialogue social. (Murmures sur des travées du groupe Les Républicains.)
Monsieur le sénateur, je vous invite à considérer une situation dans laquelle, d’une part, des syndicats majoritaires obtiennent un accord majoritaire avec un employeur sur une hausse des salaires et, d’autre part, un syndicat non-signataire…
Mme Cathy Apourceau-Poly. Deux syndicats : la CGT et FO !
M. Pascal Savoldelli. Et vous alors ? Vous êtes minoritaires partout !
M. Olivier Véran, ministre délégué. Il me semble non seulement que le dialogue social, c’est le fait majoritaire, mais aussi que les communistes ont toujours respecté cette logique, tout comme le Gouvernement.
Ces deux syndicats minoritaires ont donc décidé non seulement de contester cet accord, mais aussi de bloquer l’outil de travail, c’est-à-dire celui des salariés qui se sont engagés, à travers un accord majoritaire, en faveur de cette hausse des salaires.
Je vous invite à envisager cette situation pour ce qu’elle a d’inhabituel, de non conforme au droit du travail et au droit social. Du point de vue du Gouvernement, cela justifie le recours à des réquisitions, qui n’ont rien d’abusif, mais qui sont nécessaires pour permettre à l’outil de travail, à l’outil productif, de retrouver ses pleines fonctions et ses pleines missions.
M. Emmanuel Capus. Très bien !
M. Olivier Véran, ministre délégué. La Première ministre a d’ailleurs fait le distinguo avec la situation d’un autre groupe au sein duquel aucun accord n’a encore été trouvé.
Croyez en l’engagement du Gouvernement pour faire en sorte que tout le monde se mette autour de la table et discute des conditions d’un accord qui nous permettrait de sortir de cette crise.
Permettez-moi d’insister, monsieur le sénateur : il ne vous est encore jamais arrivé, en tant que parlementaire ou élu local, d’aller contester un accord signé en bonne et due forme par des syndicats majoritaires – et ce dernier mot est important.
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour la réplique.
M. Éric Bocquet. Les salariés des groupes concernés ne demandent pas une hausse de 52 % de leurs revenus, à l’image de celle que le PDG de TotalEnergies s’est octroyée. Ils demandent leur part légitime.
En cette rentrée de forte inflation, la question du pouvoir d’achat est devenue la première préoccupation de nos concitoyens. Comment pourrait-on s’étonner de leurs revendications ?
Vous allez déposer deux amendements au projet de loi de finances visant à dégager, nous dit-on, 200 millions d’euros : c’est très, très loin du compte. Il faut taxer fortement les superprofits pour aider les salariés, les retraités, les entreprises et les collectivités.
Le ministre Bruno Le Maire a déclaré, la semaine dernière, préférer le ciblage au saupoudrage. Sachez que, de ce côté de l’hémicycle, nous préférons le partage au bricolage ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées des groupes GEST et SER. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)
enjeux de santé à wallis-et-futuna
M. le président. Avant de donner la parole à M. Mikaele Kulimoetoke, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, je souhaiterais saluer les élus polynésiens présents dans notre tribune d’honneur. (Applaudissements.)
M. Mikaele Kulimoetoke. Monsieur le président, madame la Première ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier le Gouvernement pour son action, et en particulier le ministre Jean-François Carenco, non seulement pour avoir reçu avec bienveillance la délégation des élus de Wallis-et-Futuna cette semaine à Paris, mais aussi pour l’impulsion qu’il a donnée à la reprise des travaux du quai de Leava, véritable poumon de l’île de Futuna, en réponse à ma demande de juillet dernier.
Je voudrais aussi profiter de cette période de consultations générales pour attirer votre attention sur la situation sanitaire à Wallis-et-Futuna.
Comme vous le savez, monsieur le ministre, depuis 2005, aucune politique de prévention n’a été mise en place par l’Agence de santé, ce qui a permis à des maladies telles que le diabète ou les maladies cardiovasculaires de se développer sur le terrain.
Le rapport de l’inspection générale des affaires sociales (Igas) de 2019 avait pourtant préconisé de mettre l’accent sur la prévention. Mais ce rapport est resté très officieux, et ce au détriment de notre population.
Je souhaite ici m’assurer que la conférence de santé se tiendra au premier semestre 2023 à Wallis-et-Futuna et qu’elle associera toutes les instances locales et l’ensemble de la population.
Par ailleurs, monsieur le ministre, le lancement du volet santé du Conseil national de la refondation (CNR-santé) doit aussi être l’occasion de restaurer le lien de confiance rompu entre la population et l’Agence de santé. Nos sensibilités locales ne sont pas entendues ; les professionnels de santé fuient le territoire.
Je souhaite enfin attirer votre attention sur deux autres situations prioritaires.
Premièrement, celle des dialysés, qui ont besoin du renouvellement des huit générateurs d’hémodialyse devenus obsolètes et d’un véhicule adapté pour leur transport.
Deuxièmement, celle de la concrétisation du projet d’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) dans le cadre d’un copilotage État-territoire.
Monsieur le ministre, au regard de ces éléments, comment le Gouvernement entend-il aider Wallis-et-Futuna à se doter d’un système de santé et d’une organisation des soins adaptée aux besoins de la population ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et de la prévention.
M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Kulimoetoke, dès mon arrivée à la tête de ce ministère, j’ai rappelé mon attachement, que je partage avec Jean-François Carenco, aux territoires ultramarins.
Nous suivons de près les problématiques de l’ensemble des systèmes de santé des territoires d’outre-mer. Bien évidemment, la collectivité Wallis-et-Futuna ne sera pas laissée pour compte dans ces préoccupations.
Les problèmes sont sur le terrain ; j’ai coutume de dire que les solutions s’y trouvent aussi. Dans ce cadre, le volet santé du Conseil national de la refondation, qui a démarré la semaine dernière, aura pleinement son rôle à jouer sur le territoire de Wallis-et-Futuna en associant élus, citoyens et professionnels de santé, sous l’égide de l’Agence de santé. Bien entendu, la conférence de santé trouve sa place dans le cadre de ce CNR-santé.
Vous savez toute l’importance que j’accorde à la politique de prévention. En tant que ministre de la santé et de la prévention, mais aussi en tant que médecin, je ne peux accepter une situation où le manque de prévention ne permet pas de répondre aux besoins de santé de la population : quatre cancers et huit maladies cardiovasculaires sur dix pourraient être évités en s’efforçant de rester en bonne santé, c’est-à-dire en mangeant et respirant correctement et en faisant de l’exercice physique. C’est ce à quoi nous devons aboutir sur l’ensemble du territoire national et, bien évidemment, dans les outre-mer.
En ce qui concerne le rapport de l’Igas de 2019, sachez que nous avons commencé à mettre en place un pôle santé publique et prévention au sein de l’agence, que des personnels ont été recrutés et que les travaux vont enfin démarrer pour mener une politique de prévention plus ambitieuse.
Je vais examiner de plus près la problématique de l’hémodialyse que vous avez évoquée. La construction du centre d’hémodialyse de Futuna a débuté. Elle devrait s’achever à la fin de 2023, ce qui nous permettra d’éviter les évacuations sanitaires entre Futuna et Wallis.
Les problèmes sont sur le terrain ; je suis persuadé que les solutions s’y trouvent aussi, en concertation avec l’ensemble des citoyens et des élus. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
conclusions de la mission d’information sénatoriale sur la compétitivité de notre agriculture
M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Duplomb. Monsieur le ministre, production de pommes divisée par deux, explosion des importations de poulets polonais et de tomates marocaines, chute des surfaces de blé, recul du cheptel laitier faute d’un revenu suffisant pour les éleveurs… C’est incontestable, la ferme France produit de moins en moins.
Depuis 2017, vous prônez la montée en gamme dans tous les secteurs, avec plus de contraintes et de charges, quitte à importer davantage. Depuis le discours de Rungis du Président de la République, voilà quelle est votre politique !
Vous faites fausse route, monsieur le ministre. Vous mettez en danger notre souveraineté alimentaire en condamnant certains de nos concitoyens à n’acheter que des produits importés. On marche sur la tête !
Notre manque de compétitivité est à la racine de nos maux : coût de la main-d’œuvre, surtransposition, suradministration, manque d’investissements, signature d’accords de libre-échange qui condamnent nos agriculteurs au lieu de les protéger. Tout cela sans parler du climat politico-médiatique délétère avec son flot de critiques : voilà le mal français !
Monsieur le ministre, vous devez enfin agir. Que comptez-vous faire pour inverser cette tendance ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains – Mme Françoise Férat applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Duplomb, je voudrais tout d’abord saluer la qualité du rapport d’information que vous avez rendu, avec deux de vos collègues, et qui pose un certain nombre de diagnostics sur les trente-deux dernières années, qui ont vu six présidents de la République et dix-sept ministres de l’agriculture se succéder. Le sujet de la souveraineté est manifestement sur la table depuis longtemps. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Vous soulevez plusieurs questions. Je vais m’efforcer de répondre à certaines d’entre elles, à commencer par celle de la rémunération. Depuis 2017, nous avons essayé, au travers de la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite Égalim 1, corrigée ensuite par la loi Égalim 2, de porter le débat sur la rémunération des agriculteurs. Ces dispositions avaient porté leurs fruits jusqu’à l’arrivée de la crise ukrainienne : pour la première fois en dix ans, la rémunération, qui est la base de la souveraineté alimentaire, en ce qu’elle permet au monde agricole de se maintenir, avait augmenté.
Depuis 2017, nous avons investi massivement. Tout d’abord dans le cadre du plan France Relance, qui touche à son terme : 1,5 milliard d’euros auront été ainsi quasiment intégralement consommés, après la reventilation des dernières enveloppes à laquelle je viens de procéder, pour moderniser l’outil de production. De même, le plan France 2030 consacre près de 3 milliards d’euros à l’innovation, à la recherche et à l’adaptation de l’agriculture.
Monsieur le sénateur, la souveraineté alimentaire passe aussi par la question de l’eau, que vous connaissez bien. Le Varenne de l’eau a mis l’accent sur trois points, à savoir la solidification du système assurantiel, sur laquelle le Sénat a particulièrement travaillé, l’adaptation des pratiques et l’accès à l’eau. Il faut désormais déployer ces projets sur le terrain, car sans eau, il n’y a pas d’agriculture.
Enfin, il nous faut travailler sur deux sujets complémentaires : l’adaptation au dérèglement climatique, qui peut avoir des conséquences sur notre souveraineté, nos modèles de production ayant été singulièrement chahutés l’été dernier ; et le renouvellement des générations, sans lequel il ne saurait y avoir de souveraineté, en offrant de nouvelles perspectives aux jeunes agriculteurs. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour la réplique.
M. Laurent Duplomb. Tout cela, monsieur le ministre, ce sont des mots, et l’on ne voit que bien peu d’action.
Ce qui nous arrive aujourd’hui pour l’énergie nous arrivera bientôt pour l’alimentation. Je ne suis pas énarque, juste paysan. Comme beaucoup de Français, j’en ai marre de cette technocratie abrutissante qui finira, afin de résoudre notre problème de souveraineté, par nous condamner à ne manger qu’un jour par semaine ! Plutôt que la décroissance, il nous faut un vrai choc de compétitivité !
Madame la Première ministre, après le théâtre Guignol du col roulé et de la doudoune, enfilez enfin vos bottes pour comprendre la situation préoccupante de notre agriculture. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Férat applaudit également.)
réforme de la police judiciaire
M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Jérôme Durain. Monsieur le ministre de l’intérieur, la commission des lois du Sénat a décidé la création d’une mission d’information pour examiner l’opportunité de la réorganisation de la police judiciaire (PJ).
On aurait pu imaginer que cette initiative, qui a inspiré l’Assemblée nationale, vous permette de recréer les conditions d’un dialogue serein. Que constate-t-on un mois après ?
La mobilisation de la PJ, que le directeur général de la police nationale (DGPN) a minorée, ne faiblit pas. Fâché par une vidéo, ce dernier a d’ailleurs limogé le patron de la PJ marseillaise. Résultat : la contestation s’étend et devient visible dans la rue.
Vous citez des rapports parlementaires et des ministres pour justifier votre réforme. Mais aucun de ces rapports ni aucun de vos prédécesseurs n’était parvenu à inquiéter l’ensemble de la PJ. Même la PJ parisienne, dont vous rappelez qu’elle n’est pas concernée, soutient le mouvement.
Vous incriminez la proximité des élections syndicales pour justifier ce climat, tout en affirmant que l’ensemble des syndicats soutient votre réforme…
Hier, même les très discrets procureurs généraux ont renouvelé leur opposition à cette réforme, considérant que ce projet constitue une « remise en cause de la place accordée à l’autorité judiciaire gardienne de la liberté individuelle dans un État de droit ».
Monsieur le ministre, n’est-ce pas le moment de revoir votre copie ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur, le Sénat examine en ce moment même, dans un esprit constructif, le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur.
Nous avons déjà eu de longs débats sur cette question, mais il me semble important de revenir sur la réforme nécessaire de la police nationale, souhaitée depuis plus de trente-cinq ans par au moins sept rapports sénatoriaux, de toutes tendances politiques, et engagée sur l’initiative du ministre Joxe.
Le 26 novembre 1990, ce dernier déclarait devant le Sénat – je cite le compte rendu des débats : « Le fait de nommer […] des directeurs départementaux de la police nationale a été accueilli avec curiosité, parfois avec inquiétude, y compris chez certains fonctionnaires de la police nationale, notamment les commissaires.
« Cette expérience ne porte en rien atteinte au principe fondamental selon lequel la police judiciaire est à la disposition de la justice et travaille sous le contrôle du Parquet ou sur les instructions d’une commission rogatoire délivrée par un juge.
« Aujourd’hui, les services de la police judiciaire sont placés sous l’autorité des chefs de service régionaux de police judiciaire et du directeur central de la police judiciaire. Le préfet, en tant que chef de l’ensemble des services de l’État et parfois des services du ministère de l’intérieur dans le département, aura autorité sur eux, dans l’exacte mesure où il peut avoir autorité sur des services de fonctionnaires, jusqu’au moment précis où ces derniers se trouvent placés, de par la loi, sous l’autorité de la justice. À cet égard, rien ne sera modifié. »
Il est vrai que c’est M. Pasqua qui a mis fin à cette excellente réforme… (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour la réplique.
M. Jérôme Durain. Monsieur le ministre, vous me renvoyez à ce qui s’est passé voilà trente ans ; je vous parle d’aujourd’hui.
Notre mission sénatoriale se prononcera au fond, mais, a minima, il y a un problème de méthode. Les policiers ne réagissent pas par corporatisme. Ce qui est en jeu, c’est la séparation des pouvoirs et le modèle français d’enquête.
M. Jérôme Durain. Placer la police judiciaire sous l’autorité du préfet, c’est courir le risque d’abandonner les enquêtes complexes, la lutte contre la criminalité organisée, devant le flux inexorable du quotidien.
Monsieur Darmanin, nous connaissons votre grand talent. Mais aujourd’hui, à part vous, personne ne semble soutenir cette réforme. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
propos du ministre de l’éducation nationale aux états-unis
M. le président. La parole est à M. Jacques Grosperrin, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jacques Grosperrin. Monsieur le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, le 13 juillet dernier, je vous interrogeais en commission de la culture sur mes vives inquiétudes concernant votre ministère et la situation de l’école en France après votre nomination. Je vous demandais de nous rassurer ; trois mois plus tard, mes inquiétudes demeurent.
Le Président de la République a décidé de lancer lui-même l’année scolaire en réunissant les recteurs d’académie. Pensez-vous que l’élan pour transformer l’école doit être si puissant qu’il ne puisse venir que du chef de l’État ? Cette verticalité interroge sur votre rôle et vos marges de manœuvre, tout en posant de nouveau la question : rupture ou continuité après votre prédécesseur ?
Monsieur le ministre, les faits et les réalités vous rattrapent. La rentrée scolaire n’a pas été à la hauteur : il n’y avait pas un enseignant devant chaque classe et d’aucuns étaient même formés en quatre jours.
Les difficultés de terrain se multiplient : désenchantement général des enseignants et hausse des signalements pour atteintes à la laïcité. Votre communication prudente est, là encore, insuffisante.
La communauté éducative a besoin de directives claires, d’une volonté politique ferme et de soutien.
Vos récents propos tenus à l’étranger m’ont également inquiété. Monsieur le ministre, vous avez pensé pouvoir affirmer à New York qu’il y avait des traces d’anti-américanisme dans le discours politique français. Vous avez suggéré l’impossibilité d’évoquer avec nuances les inégalités raciales dans notre pays.
Non, monsieur le ministre, la France n’est pas raciste. Nous sommes, nous aussi, sensibles aux questions d’inégalités. N’abîmez pas à l’étranger nos principes fondateurs. Cessez de vous positionner comme universitaire militant, ne tentez pas de nous imposer un « wokisme de salon », cher à notre président Retailleau, incompatible avec vos responsabilités politiques. Soyez ministre !
Je vous poserai enfin les seules questions qui s’imposent : quelle est votre vision de l’école ? Où voulez-vous emmener les enseignants et nos enfants ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)