compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Françoise Férat,
M. Joël Guerriau.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
La séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Madame la Première ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, j’invite chacun à observer deux principes cardinaux au Sénat : le respect des uns et des autres et le respect, plus mathématique, du temps de parole.
rentrée sociale, grèves et mouvements sociaux
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Patrick Kanner. Madame la Première ministre, nous nous sommes rencontrés pour la première fois, sur votre demande, le 27 juillet dernier. Je vous avais alors fait part de ma grande préoccupation quant à la situation sociale de la rentrée de septembre et vous avais proposé une revalorisation significative du Smic ainsi que l’organisation d’une grande conférence salariale, afin d’anticiper les difficultés financières prévisibles pour l’immense majorité de nos concitoyens. Vous m’aviez répondu que tel ne serait pas votre choix et que vous privilégieriez la solution des accords de branche.
Aujourd’hui, le désordre s’installe, la colère gronde et les premières victimes de cette situation sont les salariés obligés d’utiliser leur voiture. La crise des carburants que traverse notre pays constitue le premier étage d’une crise sociale généralisée installée sur son pas de tir. Les inégalités se creusent et ce n’est qu’un début…
Faire preuve d’autoritarisme en réquisitionnant les salariés sans responsabiliser les employeurs ne permettra pas de revenir à la paix sociale à laquelle nous aspirons tous. Aucune prime, même dite « Macron », limitée dans le temps et dans l’espace, ne remplacera une revalorisation durable des salaires.
Vous n’anticipez plus. Vous ne faites plus que corriger, et mal, au moyen de rustines extrêmement coûteuses pour la solidarité nationale, que vous convoquez pour mieux exonérer les plus aisés de nos concitoyens.
Les pompes à essence s’assèchent, le pouvoir d’achat est siphonné par l’inflation, mais les dividendes, eux, continuent de ruisseler.
Madame la Première ministre, cette situation est absurde : certaines entreprises peuvent tripler leurs bénéfices en profitant de la crise actuelle, sans pour autant augmenter leurs salariés, sans contribuer à l’effort national.
Ma question est donc simple : face à cette aberration, allez-vous choisir le camp de la résignation ou celui du combat pour la justice sociale ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Je vous remercie, monsieur le président Kanner, de vos propos parfaitement équilibrés et modérés… (Sourires sur quelques travées.)
En ce qui concerne les profits exceptionnels, j’ai le plaisir de vous indiquer que, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2023, vous aurez à vous prononcer sur une disposition permettant de taxer les profits exceptionnels, notamment ceux des compagnies pétrolières. (Ah ! sur les travées du groupe SER et applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC. – Mme Monique de Marco applaudit également.) Aussi aurez-vous à cœur, je n’en doute pas, de voter pour cette disposition.
Par ailleurs, je vous précise que, moi aussi, j’échange régulièrement avec des salariés ou des fonctionnaires, avec les Français qui travaillent, de même qu’avec les organisations syndicales et des chefs d’entreprise. Or tous me disent la même chose : les Français veulent vivre de leur travail. Cette conviction, c’est aussi la mienne et c’est celle de mon gouvernement ; le travail, c’est la dignité, c’est l’émancipation.
M. Patrice Joly. Et les salaires ?
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Et c’est bien pour protéger le pouvoir d’achat des Français que nous avons pris des mesures fortes. Je pense notamment au bouclier tarifaire, mesure la plus protectrice d’Europe.
En outre, depuis plus de cinq ans, nous agissons pour que le travail paye toujours mieux. Je pense notamment à la suppression de certaines cotisations sociales ou à l’augmentation de la prime d’activité.
Plusieurs sénateurs du groupe SER. Et les salaires ?
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. J’y viens, messieurs les sénateurs.
De plus, nous avons pris, l’été dernier, des mesures supplémentaires, en revalorisant la prime d’activité, en créant la prime de partage de la valeur et en facilitant le déblocage de l’épargne salariale. Au travers de ces dispositifs, entreprises et salariés avancent ensemble et ces derniers bénéficient des richesses qu’ils contribuent à créer.
Vous me parlez de salaire, monsieur le président Kanner. Or, je vous le rappelle, nous avons, en France, à l’échelon interprofessionnel, le dispositif de salaire minimal le plus protecteur et, à la suite des hausses automatiques, le Smic a été revalorisé, en un an, de 8 %, avec une inflation de 6 % ; or, sauf erreur de ma part, 8 %, c’est plus que 6 %. (Applaudissements sur des travées des groupes RDPI et UC.)
M. David Assouline. En Espagne, c’est 20 % !
M. François Patriat. Le salaire minimal y est beaucoup plus faible !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Naturellement, cette revalorisation automatique du Smic doit conduire les branches professionnelles à revoir leur grille salariale. Depuis le début de l’année, plus de 500 accords de branche sur les salaires ont ainsi été signés, alors qu’il n’y en avait eu que 418 sur toute l’année 2019.
Par ailleurs, le Parlement a adopté l’été dernier, je le rappelle également, une disposition accélérant les négociations dans les branches dont les minima sont inférieurs au Smic.
Ainsi, la dynamique est là. Elle doit sans doute se prolonger, car, je suis d’accord, toutes les entreprises qui le peuvent doivent augmenter les salaires, a fortiori dans la période d’inflation que nous connaissons.
Néanmoins, vous le savez, monsieur Kanner, c’est du dialogue social que viendra la réponse. Pour ma part, j’y crois profondément, mais cela exige de se mettre autour d’une table, de respecter les accords majoritaires et de chercher des compromis, cela ne consiste pas à bloquer le pays.
Donc, oui, mon gouvernement croit au dialogue social, il prend ses responsabilités pour que celui-ci puisse exister et pour que ses résultats soient respectés. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, du RDSE et sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour la réplique.
M. Patrick Kanner. D’abord, madame la Première ministre, vous le savez très bien, pour les ménages les plus modestes, l’inflation n’est pas de 6 %, elle est de 13 % ou 14 %, eu égard à la composition de leur panier moyen.
Ensuite, vous me parlez de dialogue social, mais comment voulez-vous faire comprendre à des salariés de TotalEnergies qui demandent une revalorisation de 10 % – 7 % pour tenir compte de l’inflation et 3 % pour tenir compte des profits de l’entreprise – que leur patron, M. Pouyanné, a augmenté de 52 % son salaire en 2021 afin d’atteindre 500 000 euros par mois ? (Mmes Laurence Cohen et Cathy Apourceau-Poly, ainsi que MM. Vincent Éblé et Victorin Lurel, applaudissent.) Voilà ce qui est injuste et que vous ne combattez pas ! Vous êtes faible avec les forts et forte avec les faibles ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
pénurie de carburant
M. le président. La parole est à M. Éric Gold, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Éric Gold. Monsieur le ministre, les Français vivent depuis maintenant plus de deux ans dans un contexte particulièrement anxiogène, enchaînant crise sanitaire, crise économique, guerre en Europe et inflation générale, tout cela avec une remarquable capacité de résilience, qu’il est important de souligner.
La pénurie de carburant, s’expliquant par les grèves dans les raffineries, mais également par une augmentation mal anticipée de la consommation liée aux remises à la pompe, est venue donner le coup de grâce à une partie de la population, qui ressent particulièrement la fracture sociale et territoriale : ceux des Français qui n’ont aucun accès aux transports en commun et qui n’ont d’autre moyen de locomotion que la voiture.
Bien sûr, il y a eu des comportements irresponsables de la part de certains usagers, qui se sont rués sur les stocks d’essence pour remplir leurs jerricans après avoir rempli leur réservoir ; ce sont sans doute les mêmes qui, naguère, avaient épuisé les stocks de papier toilette, de farine ou de moutarde… Toutefois, la réalité est là et c’est avec elle que l’État doit composer : les stations-service sont prises d’assaut, les Français sont confrontés à des difficultés pour se déplacer et des professionnels ne peuvent plus travailler correctement, y compris dans les services essentiels à la population.
Je sais que ce n’est pas au Gouvernement de discuter des salaires des grévistes – en tout cas, il n’est pas l’acteur principal de ces négociations –, mais il s’agit ici d’évoquer les problèmes d’approvisionnement relatifs à un bien stratégique qui pourraient potentiellement paralyser jusqu’aux services de santé et de sécurité de notre pays. L’État a donc l’obligation de s’en mêler.
Après avoir pris quelques mesures, malheureusement insuffisantes, vous avez annoncé hier que les préfectures pourraient réquisitionner les salariés de certaines raffineries en grève. Pouvez-vous nous préciser comment cette réquisition se déroulera ? Ne craignez-vous pas que la justice vous oppose la liberté fondamentale du droit de grève, comme cela s’est déjà produit en 2010 ? Si tel était le cas, quelles autres pistes pourriez-vous envisager, tout en évitant d’importer davantage de gazole russe, afin de répondre à la demande ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.
M. Olivier Véran, ministre délégué auprès de la Première ministre, chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement. Je vous remercie de votre question, monsieur le sénateur Gold. Vous l’avez dit, le Gouvernement agit là où il le peut et là où il le doit, depuis le début de cette crise sociale, qui conduit à des situations de tension réelle dans de nombreux départements de notre pays et qui pénalise des millions de nos concitoyens pour se rendre à leur travail, faire leurs courses, amener leurs enfants à l’école, voire, vous l’avez dit vous-même, se soigner.
Nous avons d’abord suppléé le carburant qui ne pouvait pas sortir des centres de dépôt en important massivement, notamment depuis la Belgique, du carburant à destination de la région des Hauts-de-France. Nous avons également puisé dans nos réserves stratégiques de carburant et multiplié le recours à des camions-citernes dans une noria organisée de manière à remédier aux difficultés rencontrées par de nombreuses stations-service.
Néanmoins, nous avons conscience que cela ne suffit pas à régler le problème. Aussi, ce que souhaite ardemment Mme la Première ministre depuis le premier jour, c’est que le dialogue social ait lieu dans de bonnes conditions et aboutisse, afin que les blocages cessent.
Il y a deux cas de figure.
Premier cas de figure : le groupe ExxonMobil, qui a notamment des centres de dépôt de carburant situés en Normandie. La CFDT et d’autres syndicats réformistes de ce groupe ont signé avec leur employeur un accord majoritaire. Cet accord n’a pas été respecté ni soutenu par la CGT, qui a annoncé souhaiter continuer le blocage. L’État prend alors ses responsabilités en demandant au préfet de prendre, dans les plus brefs délais, des arrêtés de réquisition, qui devraient être opérationnels aujourd’hui, de manière à débloquer l’accès au dépôt de carburant de Port-Jérôme et à améliorer la situation dans les jours qui viennent.
Second cas de figure : le groupe TotalEnergies, qui a annoncé l’ouverture de négociations et de discussions sur les salaires. La CGT…
Mme Cathy Apourceau-Poly. Et FO !
M. Olivier Véran, ministre délégué. … et FO, en effet, semblent avoir décidé de participer aux premières réunions. Nous restons extrêmement attentifs à l’évolution de ces discussions et aux décisions d’arrêt du blocage, que nous appelons de nos vœux. En l’absence d’une telle décision, là encore – Mme la Première ministre l’a annoncé –, l’État prendra ses responsabilités et décidera des réquisitions nécessaires pour que chacun puisse retrouver un quotidien normal.
Cela prendra évidemment du temps, plusieurs jours, car chacun peut imaginer le temps nécessaire pour rouvrir une raffinerie et extraire le carburant des dépôts, mais la situation s’améliorera de façon visible dans les jours qui viennent. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
coupe du monde de football au qatar
M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Joël Bigot applaudit également.)
M. Thomas Dossus. Madame la ministre, dans un peu plus d’un mois commencera la XXIIe Coupe du monde de football, au Qatar.
Sans préjuger de la sélection finale, il faut admettre que, cette année, nous avons une équipe de très haut niveau ; cette Coupe du monde aurait donc dû être une très belle fête pour la France.
Pourtant, on le voit, un malaise, pour ne pas dire du dégoût, est en train de grandir, y compris chez certains des plus fervents supporters des Bleus. En réalité, nous sommes face à un dilemme : une troisième étoile sur le maillot bleu vaut-elle toutes les compromissions ? Car, des compromissions, il y en a eu et il y en a encore.
En 2010, Kylian Mbappé n’avait que 12 ans, mais, à cette époque, Nicolas Sarkozy œuvrait déjà avec succès pour que la monarchie qatarie se voie attribuer l’organisation de l’événement. Douze ans plus tard, on s’apprête à jouer la plus grande compétition de football sur les cadavres de 6 500 travailleurs qui ont participé à la construction de stades climatisés. Douze ans plus tard, les droits humains n’ont pas progressé au Qatar, les minorités sexuelles sont toujours persécutées, les femmes ne sont pas libres et l’esclavage continue. Douze ans plus tard, le climat prend la trajectoire d’un chaos global et on continue d’organiser de grands événements sportifs dans le déni climatique, en dépit de toutes les alertes, de toutes les catastrophes, de tous les emballements, de tous les drames qui surviennent.
Vous me direz sans doute, madame la ministre, que vous n’êtes pas comptable des compromissions passées, mais la France s’apprête à exporter, demain, son savoir-faire en matière de sécurité, en mettant au service de la dictature qatarie 220 gendarmes et agents de la sécurité civile, tous des hommes, bien entendu, pour ne pas choquer le rigorisme religieux des émirs…
Pourtant, au-delà du rayonnement de nos équipes nationales, le sport français devrait être un réel vecteur d’engagement en faveur des droits humains et du climat.
Ma question est donc la même que celle que je posais à votre prédécesseur voilà quelques mois, à l’occasion des jeux Olympiques au pays du génocide ouïghour : si nos joueurs n’ont pas à assumer les choix politiques de la France, allez-vous, de votre côté, au moins boycotter diplomatiquement cette Coupe du monde de la honte et de la compromission ? Allez-vous enfin engager votre ministère dans une réelle diplomatie sportive au service du climat et des droits humains ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Joël Bigot applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques.
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Dossus, en préambule, je rappelle que la décision de la Fédération internationale de football association (Fifa) d’attribuer la Coupe du monde de 2022 au Qatar a été prise il y a douze ans, dans un tout autre contexte.
Aujourd’hui, l’urgence écologique est, bien entendu, plus prégnante que jamais et nous souhaitons que le Qatar fasse tout ce qu’il doit faire pour tenir l’objectif de neutralité carbone qu’il a affiché pour ce Mondial. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe SER.) Pour cela, ce pays a indiqué pouvoir s’appuyer sur un système ambitieux de transports en commun, d’ailleurs bâti pour l’occasion grâce à l’expertise française, et sur des investissements de tout premier plan dans les énergies renouvelables.
Au-delà de cela, nous voulons évidemment, sur ce chemin vers le Mondial, encourager le Qatar à poursuivre son engagement afin de mettre pleinement en œuvre l’accord de Paris et réduire ses émissions de gaz à effet de serre. Nous sommes d’ailleurs engagés dans des coopérations techniques visant à accélérer les efforts de ce pays dans cette direction.
Nous espérons que le Qatar pourra, dans le cadre de la COP27 de Charm el-Cheikh, soumettre une contribution nationale rehaussée et une stratégie de long terme davantage alignée sur l’objectif de limitation du réchauffement climatique à 1,5 degré.
Pour ce qui concerne les droits humains, notre pays porte ce combat très haut, dans un cadre tant bilatéral que multilatéral, dans l’enceinte de l’Organisation internationale du travail (OIT) ou avec les organisations non gouvernementales, dont Human Rights Watch et Amnesty International. Le Qatar a fait de premiers progrès en 2018 et en 2020, au travers d’une évolution de sa législation, mais ces progrès sont tout à fait insuffisants. Nous veillons donc, lors de chacune de nos interactions avec ce pays, à promouvoir le respect de l’ensemble des droits humains.
Cela étant, vous avez raison, derrière votre question se trouvent bien posées la question du modèle que nous voulons pour les futurs grands événements sportifs internationaux…
M. le président. Veuillez conclure.
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. … et celle des critères devant présider à leur choix, à leur localisation, à leur cahier des charges.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. Je veux faire part de deux espoirs allant dans ce sens.
D’une part, la Fifa appelle de ses vœux le renforcement des critères environnementaux dans les appels d’offres pour les futurs événements…
M. le président. Je vous demande de conclure, madame la ministre !
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. … et, d’autre part, nous avons pris l’engagement de faire de nos jeux Olympiques et Paralympiques les jeux les plus écologiques de l’histoire. (Exclamations sur diverses travées pour signifier à l’oratrice que son temps de parole est épuisé.) Nous tiendrons cet engagement, de la même façon que, dans la foulée du plan de sobriété énergétique porté par la… (M. le président coupe le micro de l’oratrice.)
M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Pierre Louault applaudit également.)
Mme Colette Mélot. Monsieur le ministre de la santé, une autre pénurie menace la France : celle des médicaments.
L’alerte lancée récemment à ce sujet par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé concerne les traitements les plus courants du diabète de type 2, mais c’est l’arbre qui cache la forêt. Depuis janvier dernier, les ruptures d’approvisionnement des officines augmentent de manière constante et sont en passe d’être multipliées par deux. Au-delà des antidiabétiques, les médicaments de lutte contre l’hypertension ou anticancéreux sont également concernés par ces tensions, mais cela touche de plus en plus de médicaments.
De manière plus générale, ce sont les princeps ou les médicaments qui n’ont pas de solution thérapeutique de substitution qui connaissent ces difficultés. Les témoignages émanant du terrain sont clairs : il manque de plus en plus de molécules chez les pharmaciens.
En 2018, déjà, notre collègue Jean-Pierre Decool avait soulevé ce problème à l’occasion d’une mission d’information demandée par le groupe Les Indépendants. Des pistes d’amélioration de notre système avaient été proposées.
Les causes de ces pénuries sont multiples et l’aggravation de la situation est due, en partie, aux fortes tensions déclenchées par la pandémie de covid-19 et, plus récemment, par la guerre en Ukraine.
Beaucoup de nos médicaments proviennent d’Asie. Les matières premières pour les fabriquer sont quasiment toutes hors de l’Union européenne. Nos chaînes de distribution ne sont pas assez efficaces.
C’est un problème de souveraineté pour la France et pour l’Europe ; nous devons produire nos médicaments. Les ruptures de stock et les tensions sur les approvisionnements nous fragilisent. Nous risquons des drames humains. Nous ne pouvons pas l’accepter.
Monsieur le ministre, quelles réponses conjoncturelles et surtout structurelles comptez-vous apporter pour lutter contre ces pénuries ? L’échelon européen n’est-il pas incontournable ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Pierre Louault applaudit également.)
M. Emmanuel Capus. Très bonne question !
M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et de la prévention.
M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Mélot, le médicament est un secteur stratégique, essentiel pour notre pays, qui répond à plusieurs enjeux : renforcer notre capacité d’innovation, développer nos capacités de production en attirant des industries étrangères dans notre pays. En outre, vous l’avez dit, c’est un enjeu de souveraineté nationale et au sein de l’Europe ; il s’agit de garantir un meilleur accès de nos concitoyens aux médicaments, un meilleur approvisionnement, en évitant de telles pénuries.
Le Gouvernement est fortement engagé, derrière le Président de la République, dans le soutien à l’industrie du médicament. À titre d’exemple, des investissements forts en faveur de l’innovation ont été, vous le savez, engagés pour maintenir l’innovation, notamment d’un point de vue financier, avec l’engagement de 10 milliards d’euros dans le cadre, entre autres, du plan France 2030, afin de favoriser l’accès de nos concitoyens aux médicaments très innovants.
Nous respectons, ce faisant, les engagements du Président de la République vis-à-vis de l’industrie du médicament, secteur en forte croissance, et nous allons même au-delà, puisque, l’année prochaine, 800 millions d’euros supplémentaires seront investis dans cette industrie par la sécurité sociale.
Tout cela n’est pas incompatible avec les efforts justes et proportionnés que nous demandons à cette industrie. En effet, si nous devons, en responsabilité, favoriser son développement, c’est bien le budget de la sécurité sociale, c’est-à-dire l’argent des Français, qui paye cette industrie. Or le Gouvernement s’est engagé à ne pas augmenter les impôts et à ne pas diminuer les droits de nos concitoyens.
Cela étant, nous avons entendu les remontées fortes provenant de ce secteur et nous travaillons avec ses acteurs à sa restructuration et aux meilleurs moyens de passer l’année 2023. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
difficultés des entreprises face à la hausse des prix de l’énergie
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Sophie Primas. Ma question s’adressait à Mme la Première ministre, mais c’est, je crois, M. le ministre chargé de l’industrie qui va me répondre.
Monsieur le ministre, mon collègue Serge Babary et moi-même souhaitons vous parler au nom des chefs d’entreprise, issus de tous nos territoires, qui nous ont saisis et qui sont tétanisés par l’explosion des coûts de l’énergie.
Dans la situation dans laquelle nous nous trouvons désormais, il est devenu préférable, pour nombre d’entreprises, de cesser de produire, voire de fermer ses portes, plutôt que de continuer de créer de la richesse, car produire fait perdre de l’argent !
Certaines entreprises ferment leurs usines pendant deux, trois ou quatre mois ; d’autres réduisent leur production de 25 % à 30 %, plaçant leurs salariés en activité partielle. Là encore, c’est notre souveraineté industrielle, économique et même alimentaire qui est en danger. Tous les secteurs sont frappés, de même que toutes les tailles d’entreprises.
Les entreprises sont confrontées à cette alternative folle, les menant dans l’impasse : soit elles signent un contrat à des tarifs non soutenables économiquement, soit elles ne signent rien avant fin octobre, comme le leur a suggéré le Président de la République en septembre dernier, et elles risquent alors de se retrouver sans contrat, c’est-à-dire sans énergie, donc sans activité, au 1er janvier prochain.
En effet, sur le marché, les contrats à terme sont devenus inexistants. Les offres, quand elles existent, ne sont valables que quelques heures et ne sont pas économiquement accessibles. Le marché, sans repères, est devenu imprévisible et personne – personne ! – ne semble vouloir saisir la bride de ce cheval devenu fou…
Les chefs d’entreprise sont seuls. L’un d’eux m’a écrit hier : « Mais qu’attendent-ils ? Nous mourons et nous mourons de mort subite… »
Sans doute, un premier bouclier a été mis en place pour les entreprises électro-intensives et les TPE, mais, vous le savez comme nous, je n’en doute pas, son dimensionnement n’est pas adapté, ses critères d’éligibilité sont trop stricts. Les boulangers qui n’ont pas le bon compteur et dont le four est trop puissant sont en train de fermer…
Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour apporter une solution simple, massive et extrêmement rapide en soutien de nos entreprises ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’industrie.
M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie. Madame la sénatrice Primas, les alertes que vous recevez, je les entends également. Je suis régulièrement sur le terrain et j’ai, moi aussi, rencontré des entreprises, dont certaines, vous les avez évoquées, envisagent effectivement de mettre en place – voire l’ont déjà fait – une activité partielle pour faire face aux hausses explosives du prix de l’énergie.
Je ne sais pas s’il me revient de dompter le cheval, mais je participe, avec mes collègues Bruno Le Maire et Agnès Pannier-Runacher, à l’élaboration de solutions, que nous souhaitons mettre en œuvre dans les jours qui viennent, car on parle non plus de mois ni de semaines, mais de jours.
Ces solutions se déclinent aux échelons européen et national, mais également local.
À l’échelon européen, nous tâchons de découpler les prix du gaz et de l’énergie,…