M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. J’émets un avis défavorable, pour les mêmes raisons que celles que j’ai précédemment invoquées.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Je comprends votre demande, madame la sénatrice. Si le numérique, comme objet d’intervention d’un service public, était la priorité du ministère de l’intérieur, comme la rédaction du texte semble vous en donner l’impression, je serais prêt à voter cet amendement si j’étais sénateur, mais tel n’est pas l’objet du texte, lequel est de prévoir des moyens.
Dans les services de police, où l’on est obligé de photocopier et d’imprimer sans cesse, une grande partie des policiers demande à pouvoir utiliser les outils numériques, à condition que cela soit simple et efficace. Ils gagneraient beaucoup de temps. Le numérique facilite leur travail.
Madame la sénatrice, le numérique est également une aide pour vous : les ordinateurs et les tablettes vous permettent d’améliorer votre travail parlementaire et de vous concentrer sur les choses les plus importantes.
Cela ne changera sans doute pas votre opinion sur l’amendement et sur le texte, mais le numérique est non pas une fin, mais un moyen. Le ministère de l’intérieur a une dette numérique, comme on dit joliment, très importante, qui contribue fortement à la souffrance au travail et aux difficultés que connaissent les agents de police.
Mme la présidente. L’amendement n° 141, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 87
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Concernant ces partenariats industriels, le ministère s’engagera dans une démarche proactive d’enquête auprès de ces entreprises afin de s’assurer qu’aucun de ses contractants ne soit impliqué – de près ou de loin – dans des activités contraires aux droits de l’homme (fourniture d’équipements de surveillance ou de répression à des dictatures par exemple).
La parole est à M. Thomas Dossus.
M. Thomas Dossus. La technologie est amenée à prendre de plus en plus de place dans le quotidien des forces de l’ordre. Pour que cet objectif puisse être atteint, il faut naturellement des marchés publics d’équipement.
Il convient d’adjoindre à la technologie et aux marchés publics un certain nombre de garde-fous indispensables, en raison des dérives que l’on a pu connaître récemment en matière de technologies de surveillance.
Il nous semble que l’éthique des marchés publics du ministère de l’intérieur est primordiale. Nous souhaitons poser un principe clair : aucun marché public avec les entreprises qui ne respectent pas les droits de l’homme.
Notre inquiétude est légitime. Nous avons appris par la presse que l’État a envisagé de signer un contrat avec la société israélienne NSO, connue pour son logiciel espion Pegasus, qui, je le rappelle, fait l’objet d’une enquête du Parlement européen et a été utilisé par de nombreuses dictatures à travers le monde pour ficher et contrôler les opposants politiques et la population.
La signature a été évitée de justesse, sur ordre du Gouvernement. Il n’est toutefois pas normal que ce contrat scandaleux ait été empêché par le fait du prince.
Nous souhaitons donc que le ministère de l’intérieur mette en place une politique proactive d’enquête sur ses contractants, en particulier dans le domaine sensible des nouvelles technologies.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Comme je l’ai dit en commission, cet amendement n’est pas opérant.
Comment le ministère pourrait-il vérifier l’ensemble des activités de ses contractants ? Nous sommes obligés d’émettre un avis défavorable sur cet amendement, tel qu’il est rédigé.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Monsieur le sénateur, ma question est sans doute naïve : connaissez-vous un label qui nous permettrait d’effectuer ces contrôles, à l’instar de ce qui se fait pour les entreprises en matière environnementale ?
M. le rapporteur a raison de dire que cette opération de contrôle éthique est complexe.
Mme la présidente. La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.
M. Thomas Dossus. Je vous invite, monsieur le ministre, à regarder du côté des ONG, comme Amnesty International, qui listent fréquemment les entreprises compromises avec des dictatures, qui font des rapports sur l’état de la police en France et les techniques de maintien de l’ordre. Peut-être pourriez-vous vous tourner vers cette organisation ?
Mme la présidente. L’amendement n° 140, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 88
Rédiger ainsi cet alinéa :
Le ministère de l’intérieur devra s’ouvrir au monde universitaire, dans le respect des libertés académiques, en soutenant des travaux de thèses, de post-doctorat ou en s’associant à des chaires, sans exercer de pression ou tenter d’influencer le contenu de ces travaux. Au-delà des domaines relatifs aux nouvelles technologies de la sécurité, le ministère soutiendra avant tout les recherches ayant lieu dans le champ des sciences sociales, particulièrement celles relatives au renforcement du lien police / population.
La parole est à M. Thomas Dossus.
M. Thomas Dossus. Telle qu’elle était initialement rédigée, la partie relative aux relations entre le ministère de l’intérieur et le monde universitaire comprenait une injonction étonnante à l’égard des universitaires.
Il était ainsi écrit : « le monde universitaire devra lui aussi nouer des partenariats privilégiés avec le ministère de l’intérieur ». Je remercie mes collègues du groupe socialiste d’avoir rectifié cette injonction en commission en affirmant que, au contraire, c’est au ministère de nouer des partenariats privilégiés avec le monde académique.
En suivant la logique de cette correction, je vous propose d’aller un peu plus loin et de rappeler tout d’abord l’existence des libertés académiques dans notre pays, lesquelles sont, je le rappelle, érigées au rang des principes fondamentaux reconnus par lois de la République (PFRLR). À cet égard, nous rappelons que le déroulement des travaux universitaires ne saurait tolérer la moindre ingérence ou tentative d’influence sur les résultats de la part du ministère.
Nous voulons ensuite préciser que le ministère devra soutenir avant tout les recherches ayant lieu dans le champ des sciences sociales, notamment celles qui sont relatives au renforcement du lien entre la police et la population.
Nous estimons que la véritable priorité est dans ce domaine plutôt que dans celui des nouvelles technologies de sécurité. C’est ce champ-là qui doit être investi de toute urgence pour apaiser nos politiques de sécurité. À cet égard, les universitaires peuvent être d’une grande aide, si on les laisse travailler correctement.
Tel est l’objet de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. J’ai accepté en commission l’amendement du groupe socialiste, car il était fondé. Il visait à préciser qu’il appartient au ministère de l’intérieur d’essayer d’avoir des relations avec le monde universitaire.
Or cet amendement vise de nouveau à intenter un procès d’intention au ministère, qui pourrait exercer des pressions ou que sais-je encore ! (M. Thomas Dossus s’exclame.) J’émets donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je suis saisie de sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 18, présenté par M. Sueur, Mme de La Gontrie, M. Bourgi, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte et Marie, Mme G. Jourda, M. Jacquin, Mmes Carlotti, Conconne et Artigalas, MM. Cardon, Cozic et Gillé, Mmes Le Houerou, Meunier, Monier et Rossignol, MM. Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 96, dernière phrase
Supprimer les mots :
et à une réorganisation de la police nationale par filières
II. – Alinéas 136 à 139
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, cet amendement porte sur un sujet que vous savez très sensible : le projet de réforme – contesté – visant à unifier l’ensemble de l’organisation de la police à l’échelon départemental, sous l’égide d’un directeur départemental qui aurait autorité sur l’ensemble des services de police, y compris celui de la police judiciaire.
Nombre de représentants de la police judiciaire ont dit qu’il existait un risque de déconnecter la compétence territoriale de la police du champ d’activité du haut du spectre de la délinquance, notamment la délinquance organisée, le grand banditisme et la délinquance financière, qui intéressent aujourd’hui les directions régionales et interrégionales de la police judiciaire et ne se limitent pas au périmètre départemental.
Monsieur le ministre, vous avez entendu les propos de M. le procureur général près la Cour de cassation et ceux de nombreux professionnels – magistrats et avocats.
D’ailleurs, permettez-moi de faire une suggestion amicale : il aurait été utile que M. le garde des sceaux fût au banc sur un tel sujet. Je pense qu’il ne manquerait pas d’éclairer le débat, mais il n’est pas venu. Nous avons vu le ministre chargé des relations avec le Parlement, qui est parti, mais je lui envoie un message : il serait bon qu’il demande à M. le garde des sceaux d’être également présent sur ce sujet.
Monsieur le ministre, il est normal que vous soyez présent, …
M. Jean-Pierre Sueur. … mais votre collègue pourrait l’être aussi.
Mes chers collègues, vous remarquerez donc que le sujet est tout sauf anodin. C’est pourquoi nous demanderons un scrutin public sur cet amendement, ainsi que sur le suivant.
Mme la présidente. L’amendement n° 19, présenté par M. Sueur, Mme de La Gontrie, M. Bourgi, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte et Marie, Mme G. Jourda, M. Jacquin, Mmes Carlotti, Conconne et Artigalas, MM. Cardon, Cozic et Gillé, Mmes Le Houerou, Meunier, Monier et Rossignol, MM. Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 96, dernière phrase
Supprimer les mots :
et à une réorganisation de la police par filière
II. Alinéa 138
Supprimer cet alinéa.
III. – Alinéa 139
Remplacer les mots :
Cette réforme de l’échelon territorial s’accompagne par une réforme de l’administration centrale, qui
par les mots :
L’administration centrale
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, vous avez pu nous éclairer sur ce sujet très sensible, qui suscite beaucoup d’émoi et de protestations et sur lequel vous avez expliqué tout à l’heure votre philosophie.
Vous avez également annoncé que la mise en œuvre éventuelle de cette réforme n’aurait pas lieu avant le second semestre de l’année 2023.
Dans ces conditions, est-il opportun, pour calmer les esprits, de proclamer dès aujourd’hui, dans un rapport annexé, que cette réforme est nécessaire, inéluctable et qu’elle sera faite ?
Monsieur le ministre, émettre un avis favorable n’enlèvera rien à ce que vous avez dit. Si l’on suit la bonne logique législative – on nous parle toujours de l’article 45 de la Constitution –, il n’est absolument pas nécessaire d’aborder cette réforme dans le rapport annexé, alors qu’aucun des articles du projet de loi ne traite de ce sujet.
Monsieur le ministre, vous voyez bien que si vous souteniez l’un de mes amendements – vous pouvez aussi bien soutenir le n° 19 que le n° 18 (Sourires.) –, le message serait le même dans les deux cas : vous accepteriez, d’une certaine façon, de retirer quelque chose qui aujourd’hui suscite de très grandes préoccupations.
Je pense que cela irait dans le bon sens et favoriserait le dialogue indispensable que nous souhaitons avoir à ce sujet.
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 75 est présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
L’amendement n° 118 rectifié est présenté par Mme N. Delattre, MM. Gold, Guérini et Guiol, Mme Pantel, MM. Artano, Cabanel, Corbisez et Fialaire et Mme M. Carrère.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 136 à 139
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 75.
M. Guy Benarroche. Notre amendement va dans le même sens que ceux que vient de présenter M. Sueur.
Rarement un projet de réforme a suscité l’opposition aussi unanime d’une si grande variété d’acteurs : associations, syndicats de magistrats et d’agents de la police judiciaire ont exprimé un certain nombre d’interrogations et d’inquiétudes sur cette réforme.
La dernière inquiétude en date est liée au limogeage du directeur régional de la police judiciaire de Marseille, Éric Arella, victime de cette opposition générale, pour avoir laissé ses hommes manifester, de façon très calme, leur opposition justifiée.
Comme toujours, cette réorganisation est présentée comme étant une réforme de bon sens, pragmatique.
La commission des lois s’en est inquiétée au point de créer une mission d’information sur le sujet. Notre groupe, à l’instar du groupe socialiste, a proposé de supprimer toute mention de cette réforme dans le texte qui nous est aujourd’hui soumis ; je suis surpris que la commission des lois ne soit pas d’accord avec nos propositions.
Cette réforme fait l’objet de critiques circonstanciées, certains craignant un traitement dégradé de la délinquance.
La direction départementale de la police nationale (DDPN), attachée à la culture du chiffre et du résultat, risque de renforcer le traitement des dossiers relatifs aux petits litiges et aux contentieux de masse, au détriment des dossiers de la grande criminalité.
Il faut craindre également une disparition progressive de la spécialisation de la police judiciaire au profit des missions de la police du quotidien, d’autant plus que les membres de la police judiciaire pourraient être affectés prioritairement à des missions de sécurité du quotidien. Surchargés de dossiers, ces policiers pourraient voir leurs compétences se diluer.
Ces craintes sont renforcées par les résultats des départements ayant déjà expérimenté la réforme ou de ceux dans lesquelles elle s’applique déjà.
Cette réforme, engagée au nom de la politique du chiffre et du tout-sécuritaire, entraînera de façon insidieuse une confusion entre les pouvoirs judiciaires et administratifs, en établissant des liens forts entre les services de police judiciaire et les préfets, conduisant, à terme, à une soumission des services d’enquête au pouvoir exécutif.
Le secteur souffre d’une crise des vocations et ne parvient plus à fidéliser ses agents. La réforme va accentuer le phénomène de départ et la perte d’attractivité de cette vocation.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour présenter l’amendement n° 118 rectifié.
Mme Nathalie Delattre. Cet amendement fait écho aux inquiétudes des acteurs de la police judiciaire sur l’exercice de leur métier. Ils sont soutenus par les magistrats instructeurs, tout autant préoccupés par l’avenir de la filière judiciaire.
Le choix de bâtir un dispositif à l’échelle du département donne le sentiment d’un abandon de l’investigation zonale, interdépartementale et interrégionale, voire internationale, au bénéfice de la seule gestion des affaires courantes.
Monsieur le ministre, j’ai lu avec grand intérêt votre interview dans Le Parisien de dimanche dernier, dans laquelle vous dites que les affaires liées à la criminalité conserveront la même organisation qu’aujourd’hui, que la cartographique restera la même, que les magistrats pourront continuer à saisir le service enquêteur de leur choix.
Pourquoi donc ne pas accepter d’amender votre rapport ou, en attendant de le réécrire, de supprimer les alinéas concernés, puisque ces derniers sont rendus caducs par vos propos rassurants ? Cela permettrait de restaurer plus facilement le dialogue.
Mme la présidente. L’amendement n° 179, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 137 à 139
Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :
Les policiers doivent faire face à de multiples formes de délinquance et d’incivilité qui constituent à l’évidence un cercle vicieux susceptible à tout moment d’entraîner une spirale de la violence. Privés de la légitimité que confère une relation durable avec des habitants, et de la source de renseignements qu’elle constitue, les policiers paraissent uniquement chargés d’interventions ponctuelles dans des conditions ainsi rendues plus dangereuses. Et chaque intervention fait courir le risque d’une montée de la violence.
Briser ce cercle vicieux appelle une démarche de longue haleine, excluant que chaque situation dramatique donne lieu à un revirement de doctrine et à des annonces spectaculaires. Une politique de sécurité axée sur la police de proximité, sans être l’unique remède à des situations dont les causes sont multiples, est le seul moyen d’y parvenir.
Dans cette perspective, la police de proximité assurera des relations de confiance entre la police et les habitants, dont les attentes guident le travail policier. Elle repose sur la territorialisation de l’action et sur l’autonomie des agents, qui recevront à cet effet une formation spécifique. La gestion des effectifs garantira la valorisation de la fonction de policier de proximité ainsi que l’adaptation de la composition des équipes à la situation du territoire.
Ainsi, pour anticiper et prévenir les troubles à l’ordre public, tout en prenant en compte les attentes de la population, dans le cadre de l’article L. 111-2 du code de la sécurité intérieure, la police nationale formera et encadrera des agents de police de proximité. Chaque agent de police de proximité sera responsabilisé à son secteur, dans le cadre d’un maillage territorial bien identifié et cohérent avec le découpage administratif par quartier ou « secteur ».
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. J’ai présenté cet amendement à plusieurs reprises lors de l’examen de notre proposition de loi visant à réhabiliter la police de proximité. Je considère donc qu’il est défendu.
Mme la présidente. L’amendement n° 133, présenté par MM. Breuiller, Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 137
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Dans un souci d’équité territoriale, les maires doivent être informés annuellement des effectifs déployés sur leur territoire et des critères objectivés conduisant à la répartition des forces de l’ordre sur le territoire national.
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Cet amendement de notre collègue Daniel Breuiller est soutenu par l’ensemble de notre groupe. Il a pour objet de mettre fin à une incohérence à laquelle j’ai souvent été confronté en tant que maire, de la même manière que Daniel Breuiller, qui a longtemps été maire d’Arcueil.
Interrogées sur leurs modalités d’intervention, les forces de l’ordre mettent parfois en avant l’insuffisance de leurs effectifs. Or les élus locaux ont peu ou pas d’information sur les moyens humains attribués au commissariat ou à la gendarmerie dont ils dépendent. Cela peut donner l’impression que certains territoires sont plus dotés que d’autres.
Cet amendement vise donc à fournir aux maires, d’une part, des informations précises et régulières sur les effectifs affectés au commissariat ou à la gendarmerie dont dépend leur commune et, d’autre part, les critères objectivés présidant à la répartition des forces de l’ordre sur le territoire national.
Ces critères existent sans aucun doute : on imagine mal une répartition aléatoire des forces de l’ordre. Leur transmission aux élus permettra de mieux appréhender les modalités de répartition et, le cas échéant, d’en débattre.
Mme la présidente. L’amendement n° 171 rectifié, présenté par MM. Favreau, Belin, J.-B. Blanc, D. Laurent, Cuypers et Savary, Mme Dumont, MM. Laménie, Gremillet et Houpert, Mme Goy-Chavent, MM. Cadec, Burgoa et Genet, Mme Garriaud-Maylam et MM. Cambon, Longuet, Somon, Tabarot et J. P. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéas 138 et 139
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Gilbert Favreau.
M. Gilbert Favreau. Il me semble que le trouble qui atteint un certain nombre de professions, notamment les professions judiciaires, fait l’unanimité.
Certes, ce rapport annexé est important, mais il ne s’agit que d’un rapport annexé. Un sujet de cette importance aurait justifié un projet de loi à part entière.
Le risque existe que la réforme envisagée porte atteinte à la séparation des pouvoirs telle que nous la connaissons dans nos démocraties représentatives.
Je pense, et je partage à cet égard l’avis de mon collègue Sueur, qu’il faut prendre un peu de recul sur ce texte.
Par cet amendement, nous ne nous opposons pas définitivement à ce projet de loi, qui a par ailleurs de grandes qualités. Nous pensons juste, compte tenu du doute qui subsiste sur l’organisation du rapport entre la police judiciaire et le pouvoir exécutif, qu’une étude sur cette réforme et un report de sa mise en œuvre sont justifiés.
Il m’a d’ailleurs semblé, à l’issue de l’examen des amendements en commission, que cette dernière n’avait pas adopté un avis définitif sur la question.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Je ne peux pas me lever systématiquement pour donner l’avis de la commission, car je suis dans un état provisoire de mobilité restreinte – je vous remercie de votre compréhension –, mais je vais le faire pour rappeler la position de la commission sur cette très importante question.
La départementalisation de la police envisagée par le ministre est une réforme importante. Il se trouve que mon père était fonctionnaire de police et que j’ai entendu parler de cette réforme dès les années 1990, alors que M. Joxe était ministre – un grand ministre ! – de l’intérieur. Cette réorganisation est de nature réglementaire.
Il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Le ministre pense que l’organisation par filières, ou en silos, de la police nationale pose des problèmes d’efficacité. Pour les résoudre et mettre en place une meilleure gouvernance, il lui semble souhaitable de départementaliser certains de ces silos.
La commission a dit clairement que la police judiciaire présente une spécificité dont il faut tenir compte. J’ai été plus clair encore lors de la discussion générale : la police judiciaire doit rester sous l’autorité du procureur de la République – cela va sans dire, mais il est bon de l’écrire – ; elle doit conserver toutes les affaires sensibles – à cet égard, une mutualisation des moyens ne manque pas de susciter des craintes – ; enfin, la délinquance organisée dépassant de plus en plus les frontières d’un département, comme l’a indiqué le ministre, il faut envisager la création de structures zonales, lesquelles permettraient d’avoir une vision plus globale de certaines filières. Je pense en particulier à la délinquance organisée.
Comme je l’ai dit à mes collègues Nadine Bellurot et Jérôme Durain, chargés par le président de la commission, François-Noël Buffet, d’une mission d’information, telles sont, à ce stade, nos orientations. Il ne m’appartient pas d’aller plus loin en tant que rapporteur, au risque de préjuger les conclusions de la mission, qui organise actuellement des auditions.
De notre côté, nous en avons également organisé, auxquelles M. Durain a assisté, comme des collègues d’autres groupes. Tous ont entendu la Conférence nationale des procureurs de la République, le Conseil national des barreaux (CNB), certains responsables de la police judiciaire, mais aussi le directeur régional de la police judiciaire de Paris, à qui cette réforme ne pose pas de gros problème. Nous avons recueilli toutes les opinions sur cette réforme.
Une mission d’information, je l’ai dit, a été créée. J’ai indiqué à Jérôme Durain et à Nadine Bellurot que, s’ils souhaitaient aller plus loin et reprendre les quatre points que je viens d’évoquer, ou d’autres, nous pourrions adopter un amendement en ce sens.
Or là, il nous est demandé d’aller plus loin et de supprimer la départementalisation dans le rapport annexé, qui est un rapport d’orientation, alors que cette réforme, de nature réglementaire, est l’un des axes majeurs de la gouvernance future qu’envisage le ministre. Cela n’est pas conforme à la position de la commission, qui considère, je le répète, qu’il faut tenir compte des spécificités de la police judiciaire.
Cela suppose très clairement, je l’ai dit, que la police judiciaire reste sous l’autorité du procureur de la République lors des enquêtes ou du juge d’instruction lors des enquêtes préliminaires ; que les affaires sensibles restent exclusivement du ressort de la police judiciaire ; de prévoir un moyen d’enjamber les limites départementales pour faire face à la délinquance organisée, en particulier à ses différents trafics : prostitution, trafic de voitures et de drogue.
Telle est ma position et celle de la commission, qui me conduisent à émettre un avis défavorable sur les amendements visant à supprimer la départementalisation.
Par l’amendement n° 179, Mme Assassi propose une police de proximité, mon raisonnement est le même.
L’amendement n° 133 tend à prévoir que les maires doivent être informés de la répartition des effectifs sur leur territoire lorsque sera modifiée la structure de la gouvernance. C’est au ministre qu’il appartient de définir les modalités d’information des maires, mais il a d’ores et déjà indiqué que les élus seraient informés.
En conclusion, je le répète, j’émets un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements et je rappelle de nouveau la position de la commission : nous prenons acte de la volonté du ministre de mettre en œuvre la départementalisation, sous réserve du respect des spécificités de la police judiciaire et dans l’attente des conclusions de la mission d’information demandée par le président de la commission des lois. (Exclamations sur les travées des groupes SER et CRCE.)