Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Burgoa, sur l’article.
M. Laurent Burgoa. Nous abordons ici un sujet qui m’est cher et qui peut désormais concerner un grand nombre d’entre vous, mes chers collègues. L’été dernier a une nouvelle fois démontré que le réchauffement climatique était une réalité : l’intensité du risque de feu s’accroît d’année en année, partout en France et en Europe.
Par le haut niveau de technicité de ses hommes, comme par la qualité de ses équipements et superstructures, la base aérienne de sécurité civile de Nîmes devrait naturellement s’inscrire comme le centre opérationnel et centre d’expertise européen.
Monsieur le ministre, ce hub européen, positivement gravé dans votre texte, permettra d’accélérer les synergies, les coopérations entre différents acteurs. C’est un signal fort pour notre pays et pour notre continent. C’est aussi un signal attendu par le territoire de Nîmes Métropole, très investi dans le projet européen Nemausus. Cette échelle continentale, inscrite dans votre texte, trouverait avantage à l’évolution du mécanisme européen de protection civile vers la création d’une véritable agence européenne sur notre base nationale.
Dans les semaines à venir, Nîmes Métropole recevra du ministère des armées la propriété de l’aéroport pour mieux porter encore cette dimension continentale, dont a besoin l’œuvre de sécurité civile.
Monsieur le ministre, il faut continuer à défendre ce projet. La France en a besoin, l’Europe en a besoin et le Gard saura y apporter une réponse positive.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Tabarot, sur l’article.
M. Philippe Tabarot. Cet article 1er, concernant l’approbation du rapport annexé, décrit les projets qui seront conduits par votre ministère à partir de 2023. On peut saluer les avancées de cette loi de moyens, notamment – cela a été largement dit – grâce aux apports du Sénat en commission. Mais je souhaite aussi décrier les absences et carences de cette loi sur le sujet de la sécurité dans les transports.
En effet, le texte n’apporte que trop peu de réponses aux 122 170 victimes dans les transports en commun en 2021. Un cap a été franchi, non seulement dans le degré des violences, mais aussi dans leur périmètre. Il y a bel et bien une violence dans les transports en commun.
Comment comprendre que rien de tangible ne figure dans cette loi sur la sûreté dans les transports ?
J’ai déposé des amendements cosignés par plus de soixante-dix collègues. Y figuraient des propositions qui n’ont malheureusement pas passé le filtre de la recevabilité. C’est le signe d’une loi beaucoup trop restrictive, afin d’« éviter des discussions interminables ».
Comment, par exemple, expliquer à nos concitoyens qu’un voyageur contrôlé pour absence de titre de transport dans un train du réseau de transport express régional (TER) pour la trentième fois puisse continuer à narguer en toute impunité les agents de sûreté dans les transports ? Comment leur expliquer que, pour la surveillance des vols à la tire dans un métro, les agents de sûreté ne puissent réaliser des palpations préventives que dans certaines stations, et pas dans d’autres, devenues de véritables refuges pour certains délinquants ? Comment enfin leur expliquer que ces mêmes agents de sûreté ne puissent pas interdire l’accès en gare à une personne ayant un comportement dangereux, susceptible de menacer leur sécurité ?
J’avoue ne pas comprendre pourquoi on s’abandonne à une telle fatalité, véritable preuve d’indifférence ou même, pire, de renoncement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Delattre, sur l’article.
Mme Nathalie Delattre. À ce stade du débat, je souhaite mettre l’accent sur deux sujets : la gendarmerie et la formation.
Les gendarmeries garantissent le maintien de l’ordre dans nos territoires, notamment dans nos communes rurales. Dans un contexte de montée de l’insécurité, ainsi que des violences aux personnes, aux personnes dépositaires de l’autorité publique et aux élus, et des tentatives d’implantation de nouveaux points de deal en ruralité, l’annonce de la création de 200 brigades de gendarmerie est la bienvenue, tout comme celle de la construction de nouvelles casernes, sans oublier la réhabilitation de locaux vétustes.
En effet, un bon équipement valorise et motive les gendarmes dans leur quotidien et les conforte dans leur entourage, lorsqu’ils vivent en caserne avec leur famille. J’ai l’exemple de l’inauguration récente de la caserne de Pineuilh, en Gironde, en tête.
Il faut implanter de nouvelles brigades, en particulier dans les territoires connaissant une poussée démographique, comme mon département. J’espère donc qu’Ambès fera partie des nouvelles implantations.
Je voudrais souligner, et saluer aussi la possibilité pour les élus de disposer de brigades itinérantes. Cela va dans le bon sens !
J’en viens à la formation continue, qui est encore trop négligée. Un nombre important d’agents ne font même pas une formation par an.
Il est nécessaire d’inscrire dans la loi une exigence de périodicité. C’est une proposition que j’avais portée dans un amendement, malheureusement déclaré irrecevable.
La formation continue peut concourir à garantir l’adaptabilité des forces de sécurité intérieure et l’efficacité de leurs interventions.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, sur l’article.
M. Marc Laménie. Cet article 1er a suscité le dépôt d’un nombre important d’amendements. Je souhaite notamment aborder les priorités liées à la sécurité intérieure.
Monsieur le ministre, vous avez évoqué la lutte contre la cybercriminalité, les problématiques de prévention et sensibilisation. Vous avez également insisté sur la proximité des forces de sécurité, avec, en particulier, la création de 200 nouvelles brigades de gendarmerie.
Le département des Ardennes, qui est un département frontalier, au même titre que celui du Nord, a malheureusement connu des suppressions de brigades de gendarmerie au cours des dernières années. J’ai en mémoire – je suis toujours objectif – les avancées significatives de la loi du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (Loppsi).
Les forces de sécurité méritent beaucoup de respect et de reconnaissance : policiers, gendarmes, sapeurs-pompiers. Idem s’agissant des militaires, qui jouent aussi un rôle essentiel.
La notion de proximité est fondamentale. Il est important de rouvrir des brigades pour améliorer le maillage du territoire.
Vous avez largement évoqué les violences intrafamiliales et la nécessité de créer des postes d’intervenants sociaux.
La coopération opérationnelle entre les deux forces et la place de la réserve opérationnelle au sein de la police et de la gendarmerie sont tout aussi fondamentales. N’oublions pas non plus les revendications légitimes de l’ensemble des forces de sécurité.
Recruter de jeunes gendarmes et policiers n’est pas simple, d’où l’importance de tisser des liens avec l’éducation nationale.
Cela étant dit, je suivrai la commission et voterai cet article, qui a suscité de nombreuses réactions et donné lieu à un travail important.
Mme la présidente. L’amendement n° 174, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Cet amendement tend à supprimer l’article 1er.
Ainsi que je crois l’avoir souligné lors de la discussion générale, notre ambition est de restaurer le lien de confiance entre la population et la police et de garantir la sécurité des biens et des personnes comme de nos forces de police. Nous estimons que le rapport annexé ne répond pas à cet objectif.
Je veux préciser que notre groupe sait ne pas s’enfermer dans des postures de rejet ; nous l’avons démontré en déposant un certain nombre de propositions de loi. Je suis particulièrement attachée à l’une d’entre elles : selon nous, réhabiliter la police de proximité pourrait répondre à un certain nombre de préoccupations et nous permettre de nous installer dans un schéma de prévention, dissuasion, puis répression. Nous ne retrouvons rien de tel dans le rapport annexé, d’où notre demande de suppression de l’article 1er.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Avis défavorable. Cet amendement de suppression est contraire à la position de la commission. Son adoption nous priverait d’une discussion très intéressante sur la centaine d’amendements à suivre.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 90, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer dix alinéas ainsi rédigés :
Le Gouvernement restaure une véritable police de proximité, dont la priorité est de rétablir une relation privilégiée avec la population. Il remet en cause l’évaluation chiffrée de la performance policière : le travail de la police nationale, de la police municipale et de la gendarmerie sera évalué en fonction du service rendu aux habitantes et habitants, et non en fonction de la politique du chiffre et de statistiques de la délinquance.
Le Gouvernement mènera une réflexion d’ampleur sur les missions de la police, dans l’objectif de réaffirmer son caractère de service public, mû par les principes d’accessibilité et d’égalité. La restauration de la confiance entre la police et la population sera l’objectif majeur et incontournable de ces réflexions.
L’importance de la distinction claire et étanche entre les missions de police administrative, intervenant en amont de troubles à l’ordre public, et les missions de police judiciaire, intervenant en aval de la commission d’infractions, sera rappelée.
Il revalorise les missions sociales des policiers et gendarmes : des partenariats sont systématiquement mis en place afin de renforcer les liens avec les collectivités territoriales et les différents acteurs œuvrant sur le terrain, des missions sociales pour accompagner les populations vulnérables sont développées, à l’instar de l’opération #Répondreprésent lancée par la Gendarmerie nationale lors de la crise du covid-19. Ces partenariats se traduisent également par l’organisation de rencontres fréquentes entre les habitants et les policiers affectés à leur territoire.
Le Gouvernement évaluera régulièrement la qualité de la relation entre population et habitants, au sein des commissariats de police et des brigades de gendarmerie, à partir d’indicateurs précis et participatifs évaluant la satisfaction des usagers, qui doivent être tout autant pris en compte en termes de carrière, d’avancement et d’évaluation de l’activité policière que les indicateurs traditionnels (taux d’élucidation d’affaires, taux de présence policière sur la voie publique, etc.). À l’échelle locale, la qualité de l’accueil policier devrait faire l’objet d’un « programme d’action local », élaboré en concertation avec les habitants et les élus, adapté à chaque situation qui identifie d’une part les besoins et les attentes des usagers et, d’autre part, les manques et les actions à entreprendre.
Le Gouvernement mettra en place des programmes de formation permettant d’améliorer le professionnalisme de l’accueil. Ces formations devraient notamment porter sur l’acquisition de savoir-faire en communication (accessibilité ; clarté et fiabilité des informations et des échanges) en psychologie/victimologie (empathie, respect et adaptation de la réponse) et en gestion (qualité et facilité des procédures). L’ensemble des forces de police devrait être formé aux méthodes d’accueil, en mettant l’accent, conformément au code de déontologie, sur le traitement respectueux et égalitaire des usagers
Tous les commissariats et brigades seront rendus accessibles aux personnes en situation de handicap.
Les pratiques de contrôle d’identité et de verbalisation seront évaluées à l’aune de leur impact, positif ou négatif, sur la confiance entre la police et la population. Le Gouvernement restreindra les possibilités de contrôle d’identité qui laissent une marge d’appréciation extrêmement large sur l’opportunité de contrôler une personne. La légalité des contrôles d’identité sera conditionnée à la remise d’un récépissé papier nominatif, indiquant le fondement légal du contrôle et les éléments de faits permettant à l’agent de justifier la légalité du contrôle. Un dispositif de suivi des contrôles, interne au service de police, sera mis en place pour permettre aux hiérarchies de prendre connaissance des conditions de leur mise en œuvre.
Une formation sera dispensée aux élèves policiers et gendarmes au sein de leur formation initiale, afin de les sensibiliser au caractère discriminatoire de l’usage de préjugés liés à l’apparence physique des administrés et des justiciables dans l’appréciation de l’opportunité de contrôler l’identité et de verbaliser.
Le Gouvernement refusera tout usage du pouvoir de verbalisation à d’autres fins que celle prévue par la loi. Aussi, cesseront les verbalisations ayant pour objectif informel d’évincer des individus jugés indésirables de l’espace public, ou de les intimider. Les services hiérarchiques prohibent par ailleurs la verbalisation à distance des usagers, qui empêchent le destinataire d’en être informé avant de recevoir l’avis de contravention.
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Parmi les objectifs développés dans le rapport annexé figure en premier lieu le renforcement de la présence des gendarmes et des policiers sur le terrain : en d’autres termes, remettre du « bleu » sur la voie publique, selon l’expression d’Emmanuel Macron.
Mais quelle sera la réelle mission du policier sur le terrain ? Sera-t-il un agent verbalisateur dont la première mission sera de sanctionner, de constater les infractions, de verbaliser, d’écarter les personnes indésirables sur la voie publique ? Alors même que la relation entre la police et la population n’est pas apaisée, il n’y a dans ce rapport aucune contrepartie, aucun contrôle qui permette de s’assurer d’un équilibre entre exercice des missions de sécurité et suivi des missions sociales des agents des forces de l’ordre, ni aucune perspective d’amélioration des liens entre la population et la police.
Nous craignons très clairement que le ministre Darmanin ne déploie plus d’officiers sur le terrain, dans une logique exclusivement répressive.
Le malaise de la police, parallèle à celui de l’institution judiciaire, s’accroît d’année en année. Il est lié à plusieurs facteurs qui s’entretiennent et se renforcent mutuellement : la dégradation des conditions de travail, la politique du chiffre et du résultat, des locaux vétustes, l’augmentation du nombre d’interventions, un management désuet, une confiance rompue avec les citoyens, etc.
Seule une réforme d’ampleur modifiant les prérogatives et missions des polices permettra de revaloriser les métiers.
Le groupe écologiste appelle de ses vœux une grande réforme pour restaurer une police plus territorialisée, s’appuyant sur la connaissance de son terrain, tout en répondant au sentiment d’insécurité des habitants. Nous voulons une police au plus près de la population, qui crée de la confiance et qui soit en contact permanent avec les bailleurs sociaux, les maires, les associations de résidents et de quartier.
Comme l’a indiqué la CNCDH, dans son avis sur les liens entre la police et la population, l’instauration d’un climat de confiance entre les habitants et leur police, notamment dans les quartiers défavorisés, s’avère « plus efficace sur le long terme qu’une approche exclusivement répressive pour prévenir des incivilités de la petite délinquance ».
Sur l’accueil des usagers, le livre blanc de la sécurité intérieure reconnaissait qu’« améliorer la qualité de l’accueil du public est […] l’un des vecteurs premiers d’une relation de confiance entre la population et les forces de sécurité intérieure ». Aussi, il importe que le ministère de l’intérieur prenne un soin particulier à améliorer l’accueil des usagers au sein des brigades et des commissariats. Comme l’indique l’avis déjà cité de la CNCDH, à l’échelon local, « l’amélioration de la qualité de la relation police-habitants ne doit pas seulement être un objectif, mais elle doit être pensée, mise en œuvre et enfin évaluée systématiquement ».
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. M. Guy Benarroche s’est longuement inspiré de la CNCDH pour rédiger son amendement. Je lui avais indiqué en commission qu’il était tout à fait possible d’intégrer une partie des évolutions qu’il appelle de ses vœux. Mais certaines priorités proposées – nous y reviendrons dans le débat ultérieur – sont très problématiques ; je pense par exemple au développement de missions sociales par la police, à la remise de récépissé en cas de contrôle d’identité ou à l’interdiction de verbalisation à distance.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Je ne puis être qu’en accord avec M. le rapporteur. Mais, monsieur Benarroche, je suis tout de même très étonné – le terme « choqué » serait sans doute trop lourd – de votre défiance à l’égard des forces de l’ordre.
M. Guy Benarroche. Pas du tout !
M. Gérald Darmanin, ministre. Dans votre amendement, il est écrit : « Le Gouvernement refusera tout usage du pouvoir de verbalisation à d’autres fins que celle prévue par la loi. ». Si vous avez connaissance de verbalisations que l’on ne dresse pas selon les lois de la République, il faut me dire lesquelles ! Selon vous, les policiers verbaliseraient sans s’appuyer sur des textes réglementaires ou législatifs ? C’est tout de même très étonnant !
Je continue la lecture de votre amendement : « Les pratiques de contrôle d’identité et de verbalisation seront évaluées à l’aune de leur impact, positif ou négatif, sur la confiance entre la police et la population. Le Gouvernement restreindra les possibilités de contrôle d’identité […] ». Je tiens à dire qu’en France, aucun contrôle d’identité n’est réalisé hors de l’autorité judiciaire : soit il y a une réquisition, soit le contrôle est opéré par un OPJ ayant été habilité par un magistrat.
Vous n’avez pas confiance envers les forces de police et de gendarmerie. Ces forces, voyez-vous, sont formées. Elles ne portent pas la même parole que n’importe quel citoyen ; la leur est « supérieure » du fait, justement, de leur statut d’auxiliaires de justice.
Vous évoquiez la souffrance au travail. La pire des souffrances au travail, c’est quand il y a une très forte suspicion de la part des personnes qui sont sous votre autorité. Je pense que de nombreux policiers et gendarmes seraient assez blessés à la lecture de votre amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Monsieur le ministre, sachez que si vous êtes choqué par notre amendement, je le suis tout autant par vos propos. Ils ne résument absolument pas notre pensée. Pour ma part, je ne me suis pas permis de résumer la vôtre d’une manière aussi caricaturale.
Nous proposons la création d’un programme local permettant d’identifier les besoins et les attentes des usagers. Il serait établi entre les habitants et les forces de l’ordre et aurait comme critère la satisfaction des usagers concernant leur accueil, avec une évaluation. Ce n’est pas là l’expression d’une défiance, monsieur Darmanin. C’est une manière de rendre son sens au travail et de nourrir la confiance, ce qui aura une influence, aussi, sur le bien-être au travail des policiers.
Je ne vois pas cette proposition comme une marque de défiance, et de nombreux policiers ne la considèrent pas comme telle non plus.
Il est essentiel que le Gouvernement repense les missions de la police. Les pratiques actuelles, qui sont décriées par certaines associations, et pas seulement par la CNCDH, nous le font penser. La police est le représentant le plus accessible de l’État et des pouvoirs publics, monsieur Darmanin. Elle se doit d’être le reflet des valeurs de notre République ; je peux vous les rappeler, mais vous les connaissez aussi bien que moi, si ce n’est mieux !
L’évaluation de l’impact des pratiques policières, dont vous venez de parler, sur la qualité de la relation entre la police et la population est un angle mort et un impensé de votre politique, monsieur le ministre de l’intérieur. Dès lors, les membres de notre groupe appellent de leurs vœux une véritable prise en compte des choix politiques du ministère de l’intérieur au regard de leurs conséquences sur cette relation. Le renforcement de cette confiance n’est pas seulement au service des citoyens ; il permettra aussi d’améliorer les conditions de travail des fonctionnaires de police et des militaires de la gendarmerie.
Certaines pratiques policières ne font que renforcer la dimension répressive du travail des agents et portent atteinte à la relation entre la police et la population. Je pense, entre autres actes, aux contrôles d’identité ou aux verbalisations systématiques. Les contrôles d’identité, en particulier, représentent une des principales occasions d’interaction entre les forces de l’ordre et certaines catégories de la population. Ils sont à la source de tensions.
Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.
M. François Bonhomme. Je m’étonne toujours de ce genre de propos, qui visent à mettre en accusation, à jeter la suspicion en permanence !
Des groupes très organisés ne cessent de prôner la violence et de mettre en cause la police. D’autres réclament des récépissés à tout-va pour les contrôles d’identité, ce qui alourdirait les procédures et complexifierait la tâche.
Il me paraît totalement contradictoire de dénoncer les violences policières en employant les termes « violences systémiques » et d’alimenter le sentiment de suspicion contradictoire !
Disons-le calmement : nos forces de police et de gendarmerie font partie des organisations les plus contrôlées au monde. La police française n’a pas à rougir de ce qu’elle est et de ce qu’elle fait ! Elle sait répondre de ses actes quand il y a lieu ! Elle sait être sanctionnée !
Encore une fois, je ne comprends pas ce discours totalement contre-productif. Certains ont beau jeu de dénoncer des effets dont la cause est en réalité l’inconséquence de leur propre discours ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
Mme la présidente. L’amendement n° 137, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 17
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
À ce titre, l’utilisation du numérique par les forces doit se faire dans le plus strict respect de la vie privée et des libertés individuelles, collectives et politiques telles que reconnues par la loi et la constitution. L’utilisation des technologies d’identification et de fichage de la population ne peut être qu’une solution limitée dans des objectifs particuliers et qui doit être contrôlée dans sa mise en œuvre par des organismes externes au ministère et indépendants (CNIL, associations de défense des libertés, monde universitaires, etc.).
La parole est à M. Thomas Dossus.
M. Thomas Dossus. J’ai appris aujourd’hui que nous avions le même âge, monsieur le ministre ; certes, j’ai quelques semaines d’avance. Nous avons donc vécu les mêmes évolutions technologiques, nous avons vu les mêmes progrès qui en découlaient, mais nous avons aussi constaté les mêmes dérives.
Le rapport annexé fait la part belle aux nouvelles technologies, mais avec une fascination presque naïve. C’est pratiquement toujours le même argument : de telles solutions permettront de rendre les policiers plus efficaces sur le terrain.
Or, dans ce domaine, comme dans beaucoup d’autres, c’est toujours la même logique : le ministère, qui a rédigé ce rapport, appelle à plus de moyens, plus d’investissements, sans jamais questionner les finalités, les effets induits ou les limites de cette technologie. On nage dans un techno-solutionnisme naïf, presque béat, qui peut très rapidement dériver vers de réels dangers techno-sécuritaires, voire vers l’arbitraire.
Notre rôle de législateur est donc de borner cet enthousiasme, qui peut se révéler dangereux.
Puisque, dans ce rapport annexé, on parle beaucoup de principes et de grands objectifs, je propose d’en ajouter un : l’usage du numérique doit se faire dans le respect absolu de la vie privée et des libertés individuelles, collectives et politiques telles que reconnues par la loi et la Constitution.
Nous connaissons tous ici les dérives que l’usage de la technologie au service de l’ordre peut amener : fichage, surveillance généralisée, reconnaissance faciale, logiciels intrusifs, etc. Ce n’est pas de la science-fiction ! La Chine nous offre en ce moment le parfait exemple, la parfaite démonstration d’une politique techno-sécuritaire autour d’un État sans garde-fou.
Compte tenu des enjeux, des dangers associés à l’usage de cette technologie, ce rappel est à nos yeux loin d’être anecdotique ; il est même fondamental !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. J’ai indiqué ce matin en commission que nous pouvions retenir la première phrase de l’amendement, c’est-à-dire les mots : « À ce titre, l’utilisation du numérique par les forces doit se faire dans le plus strict respect de la vie privée et des libertés individuelles, collectives et politiques telles que reconnues par la loi et la Constitution. »
Mais la deuxième partie de l’amendement introduit, là encore, de la suspicion. Je pense notamment aux allusions au fichage de la population. Nous ne sommes pas en Chine, monsieur Dossus !
M. Thomas Dossus. Pas encore…
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Je voudrais rappeler que les principales avancées obtenues lors de l’examen de la proposition de loi pour une sécurité globale préservant les libertés individuelles l’ont été sur l’initiative du Sénat et avec l’accord du Gouvernement.
Je vous ai dit que nous pourrions retenir votre amendement si vous acceptiez de le rectifier en retirant la deuxième phrase et en gardant uniquement la première. Mais vous avez refusé, car votre intention – nous le voyons bien – va au-delà de ce qui figure dans la première phrase.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?