M. le président. La parole est à M. Stéphane Artano, pour la réplique.
M. Stéphane Artano. Certes, l’État a investi 15 millions d’euros dans un port de croisière, dont aucun acteur local ne voulait. C’était une décision de Manuel Valls, alors Premier ministre, qui n’avait pas tenu compte de l’avis des instances existantes, comme le conseil portuaire. Une telle somme aurait pu être utilisée pour préserver les quais de commerce ou les digues. Or cela n’a pas été le cas.
Plutôt que de s’interroger sur la création d’un grand port maritime à Saint-Pierre-et-Miquelon, posons-nous les questions des investissements structurants visant à sécuriser les approvisionnements de l’archipel.
M. Bernard Fournier. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Marta de Cidrac.
Mme Marta de Cidrac. Ainsi que différents orateurs l’ont rappelé, la préservation environnementale du milieu marin et de sa biodiversité figure parmi les enjeux de notre stratégie maritime. Et n’oublions pas, bien entendu, son importance géopolitique, économique, scientifique ou énergétique.
Détentrice du deuxième domaine maritime mondial, la France possède de nombreux atouts pour bâtir sa stratégie maritime, qui passe également par une prise en compte accrue de nos spécificités ultramarines. Toutefois, leur statut de régions ultrapériphériques (RUP), qui marque leur appartenance à l’Union européenne, est source d’un certain nombre de contraintes liées à l’insularité et à l’éloignement de l’Hexagone. Une législation européenne, certes pertinente pour le continent, leur interdit de traiter et d’exporter des déchets dans leur zone de proximité géographique.
Derrière ce sujet se cachent de sérieuses menaces pour l’environnement et la biodiversité de milieux naturels souvent uniques au monde. Chacun sait à quel point les écosystèmes insulaires sont fragiles : l’histoire est là pour nous le rappeler.
Monsieur le ministre, ces problématiques sont connues. Il est urgent d’agir. Il me semble que beaucoup d’entre nous partagent ce constat. Au-delà du déploiement d’une économie circulaire adaptée à nos outre-mer, quel dialogue comptez-vous engager, notamment à l’échelon européen, pour que nos spécificités ultramarines soient entendues ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. Madame la sénatrice, je suis heureux de constater qu’une élue des Yvelines s’intéresse à l’outre-mer. Mais cela ne m’étonne pas de vous. Si tout le monde faisait de même, on progresserait !
La gestion des déchets dans les outre-mer est un vrai sujet. Voilà quelques mois, j’ai constaté lors d’un déplacement que Mayotte envoyait des déchets en métropole. Ce système est un peu ahurissant.
Le problème est le même que pour de nombreuses décharges implantées le long du littoral français, pas seulement ultramarin. La hausse du niveau de la mer et l’érosion des traits de côte augmentent le risque que ces déchets se retrouvent en mer. Ce n’est pas acceptable. Lors du One Ocean Summit qui s’est tenu à Brest, le Président de la République s’est engagé à traiter le problème des décharges abandonnées sur les littoraux sous dix ans, avec un premier financement de 30 millions d’euros.
Parmi les 55 décharges prioritaires identifiées, 14 sont situées outre-mer. Le travail a débuté, notamment à l’Anse Charpentier en Martinique.
Le sujet principal – vous l’avez souligné –, ce sont les normes européennes. Certains d’entre vous le savent, je me rendrai à Bruxelles les 16 et 17 novembre prochains pour faire appliquer l’article 349 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) en vue d’une sorte de « ratissage » des normes inadaptées. J’ai demandé à mes services d’en lister une vingtaine.
De plus, nous devons travailler partout sur les combustibles solides de récupération (CSR) ; je ne connais pas exactement l’avancée du dossier en Guadeloupe et je sais que des problèmes financiers sont apparus à La Réunion. En plus d’être une bonne mesure, le recours à ces combustibles contribue à faire des économies d’énergie.
Au-delà des mots, il me semble que tous nos concitoyens ultramarins sont favorables au réemploi des objets. Je compte favoriser l’émergence d’une économie circulaire dans tous mes déplacements. Je sais qu’un rapport de la délégation sénatoriale aux outre-mer est en cours sous l’égide de Viviane Malet. Comme d’habitude, d’importantes marges de progrès sont possibles. Nous écouterons tous les points de vue.
M. le président. La parole est à Mme Marta de Cidrac, pour la réplique.
Mme Marta de Cidrac. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. Je compte sur vous pour être un interlocuteur exigeant auprès des instances européennes.
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. La stratégie maritime nationale doit répondre à une double contrainte : assurer notre souveraineté et protéger notre patrimoine. La France doit être en mesure de contrôler ses espaces marins, qui constituent un important facteur de développement.
Il est facile d’oublier que notre territoire s’étend à l’Atlantique nord, aux Caraïbes, à l’océan Indien, à l’océan Pacifique ou encore aux TAAF. Comme vous l’avez rappelé, la quasi-totalité de la ZEE se situe autour de nos territoires ultramarins.
Ces espaces font d’ores et déjà l’objet d’une compétition entre les États, particulièrement dans la région indo-pacifique. Des contentieux territoriaux et maritimes se multiplient à mesure que le centre de gravité du monde se déplace. Dans cette zone, et partout où se trouvent ses intérêts, la France doit maintenir une présence et des capacités crédibles. Compte tenu de l’immensité des espaces maritimes, il semble bien illusoire de penser que la France peut à elle seule développer des capacités militaires semblables à celles de la Chine ou des États-Unis. Notre pays a des moyens bien plus limités.
Toutefois, la voie de la coopération avec les puissances qui partagent nos intérêts nous est ouverte. Je pense à l’accord militaire de soutien logistique conclu au mois de juin dernier entre la France et Singapour. Nos deux pays bénéficient ainsi de leur complémentarité mutuelle.
La France est le seul pays de l’Union européenne à disposer de territoires dans la zone indo-pacifique, mais toute l’Europe y a des intérêts.
Monsieur le ministre, de nouveaux partenariats européens et internationaux sont-ils envisageables pour renforcer notre stratégie maritime et mieux protéger nos ressources outre-mer ?
On entend parfois que le nouveau porte-avions ne se ferait pas. Pouvez-vous également nous rassurer à cet égard ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. Monsieur le sénateur Guerriau, la défense de la souveraineté, notamment mais pas seulement maritime, de nos outre-mer est une priorité ; vous êtes nombreux à l’avoir souligné.
Sommes-nous en mesure d’y parvenir seuls ? Pour partie, oui ! Le ministre des armées, qui connaît bien l’outre-mer, veille à affecter des moyens visant à assurer notre présence dans les outre-mer dans le cadre de la loi de programmation militaire et la définition de notre stratégie militaire.
La question qui se pose – je rencontrerai prochainement le ministre et le chef d’état-major des armées – est celle de l’équilibrage entre une présence terrestre et une présence maritime. La présence terrestre est indispensable en Guyane et sur les îlots du canal de Mozambique. Dans les autres territoires, c’est un accompagnement. Il faut développer la présence du régiment du service militaire adapté (RSMA). Mais, en Guadeloupe, il semble plus utile de renforcer nos forces maritimes que de prévoir la présence massive de troupes de l’armée de terre.
Sébastien Lecornu, qui a d’ailleurs été ministre des outre-mer, m’a confirmé voilà quelques jours que le porte-avions se ferait en coopération avec plusieurs pays européens, comme cela a pu être le cas en matière aéronautique.
Comme je vous l’ai déjà indiqué, je me rendrai à Bruxelles les 16 et 17 novembre prochains pour évoquer l’article 349 du TFUE, la pêche – j’aurai l’occasion de me fâcher devant la Commission européenne –, les RUP et la défense de la biodiversité. J’ai reçu voilà peu l’ambassadrice d’Australie à Paris. Elle est prête à coopérer sur ces sujets et vient d’ailleurs d’ouvrir un consulat général à Nouméa. Avec Catherine Colonna, nous favorisons l’ouverture de consulats généraux de pays amis dans les outre-mer français en vue de renforcer la défense collective de cette richesse française, européenne et mondiale que représentent ces territoires.
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour la réplique.
M. Joël Guerriau. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre.
Je tiens beaucoup à la notion de partenariat, mais je souhaite que notre porte-avions porte haut les couleurs de la France. Je voudrais vraiment être rassuré sur le sujet.
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Monsieur le ministre, le Morbihan s’intéresse aussi aux outre-mer !
Comme vous l’avez souligné, ceux-ci représentent 80 % de la biodiversité française et regroupent 93 % de nos aires marines protégées. Ces zones sont riches d’une biodiversité exceptionnelle, et la valeur des récifs coralliens et des mangroves est inestimable. Pourtant, contrairement aux recommandations de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), ni la pêche industrielle ni le chalutage de grand fond, qui constitue une véritable menace pour la biodiversité, ne sont interdits dans la plupart de nos aires marines. Ces pratiques sont seulement prohibées dans les aires marines strictement protégées. Or la France accuse un retard important dans le déploiement de ces zones. En 2021, lors du One Planet Summit, le Gouvernement s’est fixé l’objectif de 10 % de zones du territoire national sous protection forte en 2030, alors que ce pourcentage s’élève dès aujourd’hui à 39 % pour le Royaume-Uni et à 24 % pour les États-Unis.
Comme l’a rappelé le rapport de la délégation aux outre-mer, ces aires protégées doivent disposer de moyens importants pour être effectives. Or ceux de la marine nationale ou de l’Office français de la biodiversité (OFB) sont aujourd’hui très insuffisants dans les outre-mer. Les parcs naturels marins de Martinique, de Mayotte ou des îles Glorieuses ne comptent qu’un seul agent pour 2 000 kilomètres carrés d’océan.
Monsieur le ministre, alors que la COP15 de la convention sur la diversité biologique des Nations unies débutera dans quelques semaines à Montréal, quels moyens le Gouvernement mettra-t-il en œuvre, en lien avec les collectivités, pour protéger la biodiversité outre-mer et rendre effectif l’objectif de 10 % de ces zones placées sous protection forte ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. Monsieur le sénateur, sur l’objectif, il n’y a aucun souci ; la question porte sur les moyens à mettre en œuvre.
Le rapport entre la France et sa ZEE est extraordinaire dans le monde : il y a – nous venons de l’évoquer – un problème de coopération.
L’armée a obtenu 3 milliards d’euros supplémentaires dans la loi de programmation militaire. C’est considérable. Nous ne pourrons pas faire dix fois plus.
Le principe de l’interdiction totale est à réfléchir. Je préfère une exploitation raisonnée des ressources à une interdiction totale. Je pense à la pêche à la légine dans les TAAF. Privilégions la coopération en vue de fixer des objectifs raisonnables que nous pouvons tenir dans la durée. La réponse réside dans la coopération. Compte tenu du rapport entre la surface de ses terres émergées et celle de ses ZEE, la France n’y arrivera pas seule.
Le canal du Mozambique est le seul endroit où notre souveraineté terrestre est contestée. Nous signerons bientôt avec les Pays-Bas une convention pour régler une contestation portant sur une petite partie de la frontière à Saint-Martin.
M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile.
M. Dominique Théophile. Je salue nos collègues Marie-Laure Phinera-Horth, Annick Petrus et Philippe Folliot pour leur excellent rapport sur la place des outre-mer dans la stratégie maritime nationale. Le travail qu’ils ont fourni est de grande qualité.
Au-delà des recommandations formulées par nos collègues, auxquelles souscrit notre groupe, le rapport met en avant la place prépondérante de la pêche traditionnelle ou artisanale en outre-mer, a fortiori en Guadeloupe, en Martinique et en Guyane.
Malheureusement, ce secteur est confronté à de nombreuses difficultés. Il doit faire face au vieillissement de la profession. En Guadeloupe, 65 % des actifs travaillant dans le secteur de la pêche sont âgés de plus de 50 ans. La dégradation des conditions de travail conduit à une importante perte d’attractivité du métier, qui est amplifiée par de faibles rémunérations, de l’ordre de 500 euros à 600 euros. Enfin, le vieillissement de leur flotte complète le tableau des difficultés auxquelles font face nos pêcheurs.
Sur ce dernier point, le soutien public à l’augmentation des capacités des moyens de pêche est en principe contraire au droit de l’Union européenne. Le Président de la République, Emmanuel Macron, et Jean-Claude Juncker, ancien président de la Commission européenne, s’étaient toutefois engagés à autoriser le financement du renouvellement des flottes de pêche dans les régions ultrapériphériques, lors de la conférence des présidents de RUP organisée à Cayenne en 2017.
Monsieur le ministre, vous avez rencontré au mois de septembre le commissaire européen à l’environnement, aux océans et à la pêche, afin d’attirer son attention sur l’urgence du renouvellement de la flotte de pêche des RUP et sur l’impérieuse nécessité d’aider nos pêcheurs. Pourriez-vous nous indiquer l’état d’avancement des négociations sur cette question, qui suscite une forte attente de la filière ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. Monsieur le sénateur, je vous remercie d’avoir posé cette question, qui est effectivement centrale.
La pêche, ce sont des emplois et de la souveraineté alimentaire. J’ai rappelé tout à l’heure la part qu’occupent les poissons importés dans les outre-mer.
Monsieur le président, si vous le permettez, je prendrai quelques secondes supplémentaires pour détailler la situation en cours à Mayotte. Les réglementations s’additionnent, à tel point que les pêcheurs en pirogue sont contraints d’utiliser des engins de plage, ce qui est interdit, pour pouvoir se rendre dans leurs zones de pêche habituelles. Je me suis mis en colère lorsque j’ai pris connaissance de ce problème, et j’ai donné des instructions claires à la direction générale des affaires maritimes pour que la situation change. Le préfet Thierry Suquet m’a dit qu’il y serait mis un terme très rapidement.
Grâce à l’action du Président de la République, l’État peut verser des aides en vue du renouvellement d’une partie de la flotte dans chaque département et région d’outre-mer. Cela a été confirmé durant la présidence française de l’Union européenne. Malgré cela, le commissaire européen et certains de ses fonctionnaires exigent au préalable un inventaire précis, qui durera cinq ans si l’on veut respecter les normes européennes. L’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer) contribuera à la réalisation de cet inventaire. Le coût sera assez élevé.
Que faire en attendant ? J’ai indiqué au commissaire européen – il est letton – que je préférais les pêcheurs au poisson. Cessons de considérer que les pêcheurs ultramarins seraient là uniquement pour nuire à l’écologie maritime ! Pendant ce temps, des pêcheurs hauturiers provenant d’autres pays ratissent tranquillement au large des côtes de la Guyane, de La Réunion et de Mayotte.
Avec le secrétaire d’État chargé de la mer, Hervé Berville, nous avons décidé d’écrire au commissaire européen en vue d’obtenir une autorisation précise – ou plutôt, dans son esprit, une dérogation aux règles européennes –, territoire par territoire, type de pêche par type de pêche et type de bateau par type de bateau. Le courrier, dont l’élaboration a suscité quelques difficultés, partira demain. Le commissaire européen m’a promis que notre demande serait examinée par le conseil scientifique de la Commission européenne au mois de novembre. Avec mon accord, une collectivité a décidé de verser l’aide avant la décision de la Commission. Le conflit pourrait alors être tranché devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Je trouve insupportable d’en arriver là. Il me semble logique qu’une collectivité aide ses pêcheurs à construire leur bateau. Sans bateaux, pas de pêcheurs.
Je suis plutôt confiant. La discussion avec le commissaire européen a été franche. J’adresserai une copie de cette lettre à tous les députés européens et à tous les parlementaires ultramarins pour qu’ils soutiennent notre demande, qui me semble fondée. C’est une injustice : les bateaux mauriciens et espagnols peuvent ratisser tranquillement au large de Mayotte, tandis qu’on nous interdit de construire des bateaux ! Je vous prie de bien vouloir excuser la fermeté de ma réponse.
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Jourda.
Mme Gisèle Jourda. Quelle place réelle voulons-nous donner à nos outre-mer face aux enjeux géopolitiques d’aujourd’hui ?
Grâce à nos forces de souveraineté outre-mer présentes sur les quatre océans, la France appartient au club très restreint des États disposant d’une présence militaire globale ; elle y figure même à la troisième place.
Ces forces assurent cinq fonctions stratégiques : protection du territoire national ; prévention des conflits ; connaissance et anticipation ; intervention ; dissuasion. Convenons-en : ce ne sont pas des fonctions accessoires.
Pourtant, les forces outre-mer sont placées en bas de la liste des priorités des armées, avec une fatigue criante des équipements et des effectifs en précarisation presque continue depuis la fin de la guerre froide.
Dans un environnement opérationnel contraint par de nombreux défis se profile un risque important de rupture capacitaire, qui pourrait entraîner l’État à ne plus pouvoir remplir effectivement l’ensemble de ses missions et fonctions stratégiques.
Le rapport de mes éminents collègues propose en conséquence de faire des outre-mer la priorité de l’actualisation de la loi de programmation militaire.
Pouvons-nous compter sur vous, monsieur le ministre, pour faire avancer cet aspect des choses ? Est-il prévu d’actualiser et de rééquilibrer, prochainement et rapidement, nos capacités militaires outre-mer pour retrouver cet indispensable socle capacitaire, mais également pour moderniser et adapter nos forces à la géopolitique du XXIe siècle et faire de nos outre-mer de véritables points d’appui ? C’est indispensable.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. À la question : « Pouvez-vous compter sur moi ? », la réponse est oui ! Je me bats au sein du Gouvernement, de même que, en relation avec mon prédécesseur, Sébastien Lecornu, je fais en sorte de renforcer la présence de notre marine militaire outre-mer. J’ai confiance dans le fait que nous allons y arriver. La situation n’est pas aussi dégradée, me semble-t-il, que vous le dites.
Comme une question sur les ports de pêche va bientôt m’être posée, je vous répondrai à cette occasion sur le sujet…
Mme Gisèle Jourda. Peut-on compter sur vous pour faire des outre-mer des points d’appui dans notre stratégie militaire, notamment dans la zone indo-pacifique ?
M. Jean-François Carenco, ministre délégué. Je l’ai dit : M. Lecornu et moi-même sommes en phase sur ce point, en accord avec le Président de la République, qui attache la plus grande importance à la défense de nos territoires situés dans cette zone, de leur domaine maritime, de leurs ports, de leur agriculture. Le message est le même que pour les autres collectivités d’outre-mer : à côté de leur défense militaire, il faut veiller au bien-être de leurs populations.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. Monsieur le ministre, le 4 janvier 2022, le Sénat débattait en séance publique de la souveraineté maritime française. Le mois suivant était publié le rapport qui fonde notre débat d’aujourd’hui ; il est consacré à la place des outre-mer dans cette souveraineté maritime. Ce rapport, particulièrement riche, évoque les différents enjeux, notamment sécuritaires, économiques, énergétiques, environnementaux et climatiques.
Nous considérons effectivement que le combat pour la préservation des océans est important. Mais quel sens donner à notre souveraineté maritime si nous ne portons pas un regard particulier sur ces territoires ?
Ce qui saute aux yeux à la lecture du rapport, c’est l’absence de référence à ceux qui sont en première ligne, c’est-à-dire, notamment, les populations et leurs élus.
Comment donner toute la place aux outre-mer sans répondre à leurs besoins ? Si nous voulons valoriser la présence de la France, il est nécessaire d’agir vite, de donner des moyens humains, capacitaires, et de rassembler l’ensemble des acteurs pour une réelle réflexion stratégique.
Il est important de répondre, avec les élus, aux manques de moyens pour surveiller ces territoires, par exemple en leur octroyant du matériel amphibie, essentiel en cas de catastrophe naturelle, en comblant le manque de frégates de surveillance ou en accélérant l’adaptation aux nouvelles technologies, par exemple par l’utilisation de drones marins.
Monsieur le ministre, je vous ai écouté, mais je veux vous interroger sur ces points.
Comment mettre en œuvre une nouvelle politique de la mer et agir en faveur d’une meilleure protection et gouvernance des océans sans ouvrir son élaboration aux populations et sans renforcer les partenariats régionaux ?
La question de l’ingénierie est abordée dans le rapport. Ne pensez-vous pas que la mise en place d’un organe commun dédié à cette expertise serait utile ? D’autant plus que la Cour des comptes nous pousse à développer les capacités propres d’expertise des collectivités d’outre-mer. Que comptez-vous mettre en place pour y remédier ?
L’abstention a été très forte lors des élections présidentielle et législatives. Ce n’est pas un bon signe…
La mer n’est pas un nouvel eldorado, comme l’indique le rapport. Cette référence aux enquêtes prédatrices doit être abandonnée au profit d’une conception rassembleuse, respectueuse des hommes et des éléments.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. Premier élément de réponse, à la suite de l’appel de Fort-de-France du 7 septembre, je peux vous indiquer que les stratégies pour la création de valeur dans les outre-mer se construiront avec les élus. Des courriers explicitant notre démarche ont été rédigés.
C’est bien dans cette différenciation-responsabilisation des collectivités d’outre-mer que se trouve une partie de la réponse, la mer entrant bien évidemment dans notre stratégie.
Deuxième élément de réponse, une étude prospective sur l’économie bleue dans les départements et régions d’outre-mer vient d’être finalisée. Les orientations qui s’en dégagent seront partagées avec tous les territoires afin d’alimenter nos futurs échanges.
C’est bien à la demande du ministère chargé des outre-mer – je l’indique d’autant plus volontiers que je n’étais pas en fonction à ce moment-là – qu’ont été inscrits dans la stratégie nationale pour la mer et le littoral le tourisme côtier, avec une dimension ultramarine spécifique, le rôle des canaux et des mangroves, notamment pour la défense du climat, et l’aquaculture.
Je le répète, l’étude prospective sur l’économie bleue dans les départements et régions d’outre-mer sera un des éléments des discussions qui vont s’engager à la suite de l’appel du 7 septembre. Néanmoins, et je le dis très honnêtement, je ne suis pas tout à fait certain qu’il faille interroger toute la population sur la présence ou non d’un porte-avions, de corvettes ou de frégates dans les océans. En revanche, l’associer à travers une démarche de responsabilisation-différenciation, ce que nous sommes en train de faire, me semble une évidence, en admettant que la stratégie bleue fait partie d’une stratégie globale.
M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot.
M. Philippe Folliot. Monsieur le ministre, ma collègue Nassimah Dindar, qui a dû s’absenter et qui m’a demandé de la remplacer, souhaitait vous interroger sur un certain nombre de points. En particulier, elle avait prévu de vous poser une question, essentielle à ses yeux, sur l’ouverture des outre-mer à leur environnement régional.
La France est membre d’un certain nombre d’organisations internationales. À cet égard, quelle est la réelle stratégie de notre pays en la matière ? Le Gouvernement a-t-il la volonté d’associer les collectivités territoriales ultramarines aux échanges qui ont lieu au sein de ces différentes instances à l’échelle régionale ?
L’un de vos prédécesseurs a marqué l’histoire de la République : Michel Rocard, alors ministre du plan, avait choisi de soustraire les échanges entre les outre-mer et l’Hexagone au principe de l’exclusif. Pouvez-vous donc nous rassurer quant à la place des collectivités territoriales au sein de ces conférences régionales ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. Monsieur le sénateur, c’est le leitmotiv du Président de la République et de Gérald Darmanin, avec qui je travaille quasi quotidiennement sur ces questions : oui, il faut casser le lien biunivoque entre la France hexagonale et les territoires ultramarins, qui doivent pouvoir exister dans leur environnement !
Néanmoins, il est vrai que les situations diffèrent selon les zones géographiques. Dans le Pacifique, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie disposent déjà de la capacité de nouer des accords, notamment des accords de libre-échange.
En accord avec Mme la Première ministre et le ministre de l’intérieur, nous nous employons, en relation avec les présidents des collectivités concernées, à ouvrir les territoires, nos îles, à leur environnement régional, y compris par des accords, notamment commerciaux, d’État à État.
Quelles seraient les conséquences pour la France d’un accord de libre-échange avec, par exemple, Anguilla ? Il n’y a pas de solution pour les territoires ultramarins s’ils ne sont pas dans leur environnement. Tous les élus que j’ai rencontrés sont d’accord sur ce point.
Je m’en suis entretenu avec Mme Colonna. Je ferai de même demain avec mon collègue chargé du commerce extérieur.
Ce matin, j’ai rencontré François Asselin, le président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), car cela se joue non pas seulement entre les élus des territoires et l’État, mais également avec les chefs d’entreprise, qui doivent y aller « plein pot ». Ont été évoqués des problèmes de normes. Nous travaillons à une modification de l’article 349 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
Le sujet est global. Création de valeur, insertion dans l’environnement, rôle des collectivités, rôle des entreprises : c’est cet ensemble qui est au cœur de la mission que m’a confiée le Président de la République ; à tout le moins, c’est le sens de la feuille de route que m’a tracée M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer, stratégie validée par Mme la Première ministre.
Monsieur le sénateur, je vous communiquerai cette lettre de mission, que j’ai déjà transmise à plusieurs de vos collègues.