compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

M. Pierre Cuypers,

Mme Victoire Jasmin.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Souhaits de bienvenue à une délégation étrangère

M. le président. Madame la Première ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, j’ai le plaisir de saluer, dans la tribune d’honneur, une délégation conduite par M. Hendrik Wüst, ministre-président du Land de Rhénanie du Nord-Westphalie et plénipotentiaire de la République fédérale d’Allemagne chargé des relations culturelles franco-allemandes. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que les membres du Gouvernement, se lèvent.)

La délégation est accompagnée par notre collègue Ronan Le Gleut, président du groupe d’amitié du Sénat, et par M. Hans-Dieter Lucas, ambassadeur de la République fédérale d’Allemagne en France.

Je tiens à souligner l’importance de la coopération étroite, et de longue date, entre le Sénat et le Bundesrat au service de la relation franco-allemande. Nous aurons l’occasion de réaffirmer solennellement cette amitié en 2023, en célébrant le soixantième anniversaire du traité de l’Élysée.

La dimension culturelle devra y occuper une place renouvelée, alors que l’apprentissage et la pratique de la langue, de part et d’autre, tendent à se faire moins fréquents. Nous devons réfléchir à de nouvelles initiatives permettant de conforter des expressions culturelles convergentes. Sans culture partagée, la relation franco-allemande perdrait de sa singularité.

De façon plus générale, il est crucial que nos deux assemblées œuvrent à la nécessaire solidarité entre les États membres de l’Union européenne face aux défis majeurs auxquels elle est aujourd’hui confrontée.

Je pense, en particulier, que la crise énergétique qui sévit aujourd’hui appelle de notre part une réponse commune et solidaire afin de préserver l’unité de la zone euro et la force de nos économies.

Madame la Première ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, en votre nom à tous, permettez-moi de souhaiter à M. Hendrik Wüst et à sa délégation la plus cordiale bienvenue au Sénat français. (Applaudissements.)

3

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. Madame la Première ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Au cours de nos échanges, chacun d’entre vous sera attentif à son temps de parole et veillera au respect des uns et des autres.

mesures d’urgence en matière d’énergie

M. le président. La parole est à M. François Patriat, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. François Patriat. Ma question fera écho à vos propos, monsieur le président, puisqu’elle porte sur les prix de l’énergie. C’est un sujet qui préoccupe et inquiète nos concitoyens, que ce soient les particuliers, les entrepreneurs, les agriculteurs ou encore les maires et l’ensemble des élus locaux.

Je mesure l’effort qui a été fait par le Gouvernement au cours des derniers mois pour faire face à ce défi. Les réponses ont été nombreuses, elles ont été efficaces : je pense notamment au bouclier tarifaire, à la maîtrise des prix de l’énergie ou à la charte des fournisseurs qui a été signée ce matin même.

Cet effort nous a permis, d’une part, de juguler l’inflation – la France est le pays européen ayant le plus bas taux d’inflation – et, d’autre part, de préserver le pouvoir d’achat.

Chacun sait bien que ces mesures à court terme ne suffiront pas. Il faudra la participation de tous, un changement d’attitude, de la sobriété. Il faudra inventer de nouvelles pistes.

Vendredi dernier, les ministres européens en charge de l’énergie, dont Mme Agnès Pannier-Runacher, se sont réunis au sein du Conseil de l’Union européenne et ont abouti à certaines conclusions positives, notamment la mise en place d’une contribution sur les entreprises productrices d’énergie.

Nous ne pouvons pas en rester là. Vous avez évoqué des pistes de travail, monsieur le président. L’essentiel se jouera, pour partie, au Conseil européen qui se tiendra à la fin de cette semaine et qui devra notamment évoquer les questions du prix de l’électricité et d’un plafond pour les prix du gaz. (La question ! sur des travées du groupe Les Républicains.)

Je rappelle que l’effort que j’ai évoqué au début de mon intervention, en particulier les différents boucliers tarifaires mis en place pour les collectivités, les entreprises et les particuliers, coûtera 100 milliards d’euros sur trois ans à notre pays.

Madame la Première ministre, quelles sont les pistes de travail qui seront évoquées par la France vendredi prochain pour relever le défi énergétique ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur François Patriat, je mesure parfaitement l’inquiétude des entreprises et des collectivités face à la flambée des prix de l’énergie. De nombreuses communes, malgré des efforts de sobriété importants, se demandent si elles pourront payer leurs factures et maintenir ouverts tous leurs services publics dans les prochains mois.

Les membres du Gouvernement et moi-même avons échangé avec de nombreux élus locaux et avec les représentants de leurs associations. Tous portent le même message, et le Gouvernement le porte avec eux : cette situation n’est pas tenable. Nous devons agir et nous agissons !

Nous agissons d’abord à la racine pour faire baisser les prix. Ceux-ci ne retrouveront pas les niveaux artificiellement bas que nous avons connus durant la crise du covid-19, mais ils ne peuvent pas non plus rester à des niveaux artificiellement hauts, tirés par la spéculation.

Nous devons ramener les prix de l’électricité à des niveaux cohérents avec les coûts de production. Pour cela, nous agissons d’abord au niveau européen. Nous y travaillons et nous avançons bien.

Vous l’avez mentionné, la Commission européenne a ouvert la porte, lors du Conseil des ministres de l’énergie vendredi dernier, à l’élargissement du dispositif qui a permis de diviser le prix de l’électricité par trois en Espagne. Le Président de la République s’est entretenu cette semaine avec le Chancelier allemand et la présidente de la Commission européenne. Cette dernière a annoncé ce matin que la Commission ferait des propositions pour le plafonnement du prix du gaz lors du Conseil européen ce vendredi.

Nous travaillons en parallèle, au niveau français, à d’autres mécanismes pour ramener les prix à des niveaux raisonnables.

Nous agissons aussi pour protéger les consommateurs. Le bouclier tarifaire, dont j’ai annoncé mi-septembre la prolongation en 2023, est la mesure la plus protectrice d’Europe. La hausse de la facture de l’énergie pour les ménages, mais aussi pour les très petites entreprises et les petites communes, sera limitée à 15 %.

Et je prends un engagement devant vous : aucune collectivité locale, aucune entreprise ne sera laissée dans une impasse. Je pense en particulier aux collectivités les plus exposées, comme celles qui connaissent des activités saisonnières ou qui gèrent de gros équipements. Les ministres chargés de l’économie et de la transition énergétique ont réuni ce matin les fournisseurs d’énergie : les engagements pris vont permettre qu’il n’y ait plus d’entreprise ou de collectivité sans fournisseur d’énergie ; des offres seront faites à chacun et la Commission de régulation de l’énergie (CRE) va publier des indicateurs de prix pour que chacun puisse vérifier que les offres ne sont pas abusives.

Par ailleurs, s’agissant des entreprises, nous allons améliorer les aides exceptionnelles pour les gros consommateurs d’énergie.

S’agissant des collectivités, elles bénéficient d’ores et déjà d’acomptes pour soutenir leur trésorerie et le filet de sécurité mis en place pour traiter les cas les plus difficiles sera renforcé – le Gouvernement présentera prochainement des propositions.

Vous le voyez, monsieur le sénateur, nous protégeons nos compatriotes, nous protégeons nos collectivités, nous protégeons nos entreprises et nous veillerons à ne laisser personne sans solution. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

renvoi du garde des sceaux devant la cour de justice de la république

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Madame la Première ministre, le 3 mars 2017, Emmanuel Macron affirmait publiquement un principe : tout ministre mis en examen devra quitter le Gouvernement. Cet engagement fut repris par Édouard Philippe, Premier ministre, et fut appliqué – François Bayrou se le rappelle, puisqu’il dut quitter sa fonction de garde des sceaux quelques jours après sa nomination.

Quelques années plus tard, nous apprenons – c’était il y a deux jours – que le garde des sceaux, Éric Dupond-Moretti, ici présent, est renvoyé devant la Cour de justice de la République pour des faits commis pendant l’exercice de ses fonctions comme ministre de la justice.

Et… rien ! Simplement la réaffirmation de la confiance que, madame la Première ministre, vous lui accordez. Quel motif explique que le principe affirmé par le Président de la République soit désormais renié ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement. (Exclamations sur plusieurs travées.)

M. Olivier Véran, ministre délégué auprès de la Première ministre, chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement. Je vous remercie pour votre question, madame la sénatrice. Puissiez-vous être aussi prompte à dédouaner une personne qui, une fois mise en examen, serait innocentée que vous l’êtes aujourd’hui, dans cet hémicycle, à demander son exclusion pour le simple motif qu’elle est mise en examen, donc par définition loin d’être condamnée.

Madame la sénatrice, il est souvent fait référence à la jurisprudence du gouvernement Balladur qui avait donné lieu à l’éviction systématique de tout ministre mis en examen. Je ne veux pas vous dire de bêtises, mais il me semble que, sur les quatre ministres contraints à l’époque à la démission, parce que mis en examen, un seul avait été condamné – trois auront donc été privés injustement, en tout cas aux yeux de la justice, de la capacité de servir l’intérêt général et l’État.

M. Rachid Temal. Dites-le au Président !

M. Olivier Véran, ministre délégué. Madame la sénatrice, gardons-nous de jeter un opprobre systématique sur les serviteurs de l’État sous prétexte qu’ils ne partageraient pas nos idées politiques. (Protestations.) Le nuage radioactif qui découle de telles attaques irradie finalement l’ensemble de la classe politique et des serviteurs de l’État. En définitive, c’est la démocratie elle-même qui s’en trouve attaquée et affaiblie. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées des groupes INDEP et UC.)

Le législateur, dans sa grande sagesse, a souhaité modifier la loi pour remplacer le terme « prévenu » par l’expression « mis en examen ». Si vous lisez les comptes rendus des débats du Sénat, on comprend – c’est intéressant – que le mot « prévenu » semblait trop préjuger du fait que la personne était coupable ou responsable de ce qui lui était seulement reproché à ce stade, tandis que l’expression « mis en examen » disait les choses plus justement : on regarde s’il y a lieu ou non de prononcer une culpabilité.

À ma connaissance, personne n’a été condamné dans l’affaire que vous évoquez, madame la sénatrice. Qui plus est, il y a un pourvoi en cassation, ce qui veut dire que, de manière factuelle et à l’heure où je vous parle, M. Dupond-Moretti n’est même plus mis en examen (Protestations sur les travées du groupe SER.) parce que cette mise en examen a été suspendue, en attendant la décision de la Cour de cassation.

J’espère, madame la sénatrice, avoir répondu à votre question. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour la réplique.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Tout d’abord, je note que le ministre qui a répondu au nom du Gouvernement désavoue le Président de la République et Édouard Philippe, Premier ministre. Dont acte ! (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)

Ensuite, je crains – je le dis avec solennité – que vous n’ayez pas très bien compris ce qui est en train de se passer. Nous parlons d’éthique gouvernementale, nous parlons du fait que, tous ici, nous sommes considérés par les citoyens français comme des personnes qui ne sont pas honnêtes. Nous avons besoin de réaffirmer l’éthique en politique !

Je citerai simplement ce qu’a dit François Bayrou, lorsqu’il a démissionné du Gouvernement ; je pense que ce sera la réponse la plus efficace : « Je pars, car je choisis de ne pas exposer le Président de la République et le Gouvernement que je soutiens. » Or c’est exactement ce qui est en train de se passer.

Un garde des sceaux renvoyé devant la Cour de justice de la République pendant l’exercice de ses fonctions, c’est totalement inédit, et cela va alimenter encore plus le populisme ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe GEST. – Mme Laurence Cohen applaudit également.)

prise en charge des surcoûts énergétiques pour les collectivités

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Jean-Pierre Corbisez. Ma question concerne, elle aussi, la situation de nos communes qui doivent faire face à l’augmentation des coûts de l’énergie.

Déjà fortement impactées par l’inflation en 2022, les collectivités locales le seront encore en 2023 avec une prévision au-dessus de 4 %.

La loi de finances rectificative pour 2022 a mobilisé une enveloppe de 430 millions d’euros pour accompagner les collectivités, mais nous savons déjà que cette enveloppe sera insuffisante, même portée à 1 milliard d’euros, d’autant qu’elle vise aussi à compenser l’augmentation du point d’indice des fonctionnaires.

Par ailleurs, la mise en œuvre de cette mesure inquiète fortement les élus locaux. Les clés de répartition entre les différents niveaux de collectivités ne sont pas connues ; les modalités opérationnelles restent floues ; l’évolution de l’épargne brute, l’un des critères retenus, ne pourra être connue qu’avec le compte administratif 2022, c’est-à-dire au mieux en juillet 2023 – comment gérer d’ici là l’impact de la crise énergétique sur la trésorerie de nos collectivités ?

Si la situation en reste là, les élus seront confrontés à des choix cornéliens : augmenter les impôts, diminuer les investissements ou fermer certains équipements. On a parlé des piscines, mais qu’en sera-t-il des salles accueillant les clubs sportifs ou les associations culturelles ou – pire ! – de nos écoles ? Comment préserver tout cela sans mettre en péril les finances des collectivités locales qui, à la différence de celles de l’État, doivent être équilibrées ?

Les collectivités ont déjà largement contribué à l’effort national ; il est temps de leur renvoyer l’ascenseur ! Au minimum, les dotations qui leur sont versées devraient être indexées sur l’inflation, comme le réclame à bon droit l’Association des maires de France (AMF).

Concrètement, monsieur le ministre, quelles mesures d’urgence et de moyen terme – nous devons déjà penser à l’hiver 2023-2024 – entendez-vous prendre pour concrétiser la solidarité avec les communes ? Je rappelle que le Président de la République leur rend hommage à chacune de ses visites au congrès des maires de France… (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées du groupe CRCE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Je voudrais d’abord vous dire, monsieur le sénateur, dans la continuité des propos tenus il y a quelques instants par Mme la Première ministre, que notre action doit être globale.

Nous devons coordonner nos efforts à l’échelle européenne pour faire baisser les prix et éviter que les mécanismes mis en place, comme les boucliers tarifaires, n’alimentent une rente. En outre, nous devons mettre en place un dispositif européen de récupération, comme cela se fait pour partie dans notre pays pour l’électricité.

Ensuite, en ce qui concerne l’année en cours, le comité des finances locales (CFL) a été saisi ce matin du projet de décret qui permettra de répartir l’enveloppe de 430 millions d’euros dont vous avez parlé et qui a été votée cet été. Nous devrons préciser les règles du jeu et aussi prendre en compte, en cette année transitoire, le décalage lié à la date d’adoption des comptes administratifs, le cas échéant par un dispositif d’avance – vous l’avez évoqué également.

Sur ce sujet, il existe en fait trois catégories de collectivités.

D’abord, toutes les communes ayant moins de 10 agents et moins de 2 millions d’euros de budget sont protégées par les dispositifs de bouclier tarifaire, 4 % puis 15 %, que nous avons mis en place.

Ensuite, si les départements et les régions sont également confrontés à l’inflation des prix de l’énergie, ces collectivités le sont dans une moindre mesure que le bloc communal.

Enfin, les communes qui n’appartiennent pas à la première catégorie que j’ai évoquée à l’instant sont davantage concernées, parce qu’elles gèrent souvent des équipements publics importants.

Au-delà de nos efforts visant à faire baisser les prix, nous prévoyons des dispositifs de soutien dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023. Pour la première fois depuis treize ans, l’enveloppe de la dotation globale de fonctionnement (DGF) vous est proposée à la hausse. Je sais que certains aimeraient que ce soit davantage, mais ces 210 millions d’euros marquent une rupture par rapport à la période passée.

Par ailleurs, face à une situation que nous considérons comme n’étant pas tenable, Mme la Première ministre l’a dit, nous sommes en train de finaliser le travail qui permettra de soutenir les communes qui ne sont plus couvertes par un contrat d’approvisionnement négocié avant le début de la crise et auxquelles on propose des tarifs plus élevés, que leur budget ne permet pas de financer. Je rappelle que certaines collectivités sont encore couvertes par des tarifs pluriannuels négociés avant la crise. En tout cas, nous travaillons sur cette question et vous aurez très bientôt une réponse. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Emmanuel Capus applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez, pour la réplique.

M. Jean-Pierre Corbisez. Monsieur le ministre, je vous rappelle qu’il y a peu vous étiez encore maire de cette belle ville d’Angers : auriez-vous accepté de présenter un compte administratif en déficit ? L’inquiétude actuelle des élus locaux va se transformer en colère en juin 2023 au moment du vote du compte administratif, c’est-à-dire à trois mois du renouvellement du Sénat… Je vous laisse imaginer les conséquences !

situation judiciaire du garde des sceaux

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Guillaume Gontard. À écouter à l’instant M. Véran, il est nécessaire et certainement utile de répéter deux fois une citation d’Emmanuel Macron : « Dans le principe, un ministre doit quitter le Gouvernement lorsqu’il est mis en examen. » En avril, il ajoutait que le principal danger pour la démocratie était la persistance de manquements à la probité parmi des responsables politiques.

Le président Macron a conservé cette conduite six semaines, entre mai et juin 2017, le temps d’obtenir une majorité absolue à l’Assemblée nationale…

Depuis, les affaires se succèdent à un rythme effréné. La banalisation est maintenant de mise, allant même jusqu’à la nomination au Gouvernement de personnes lourdement accusées. La République exemplaire est devenue la République des affaires !

Cette semaine, un nouveau cap a été franchi avec la mise en examen du secrétaire général de l’Élysée, une première, et le renvoi du garde des sceaux devant la Cour de justice de la République, une première également !

Madame la Première ministre, connaissant la probité qui est la vôtre, allez-vous enfin l’appliquer à votre gouvernement ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Monsieur le président Gontard, comme j’ai eu l’occasion de le dire hier à l’Assemblée nationale, j’ai pris acte de la décision rendue lundi de renvoyer Éric Dupond-Moretti devant la Cour de justice de la République. Comme chacun d’entre vous, je suis attachée à la séparation de l’exécutif, du législatif et de l’autorité judiciaire. Je ne commenterai donc pas cette décision.

En revanche, je veux rappeler deux éléments fondamentaux pour notre État de droit. Le premier, c’est l’indépendance de la justice – l’un des piliers de notre démocratie.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. On parle du garde des sceaux !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Le second, c’est la présomption d’innocence ; elle aussi protège chacun, elle aussi est primordiale dans un État démocratique. Ces principes n’appellent ni commentaire ni exception.

Dès lors, une seule question se pose : cette situation affecte-t-elle le fonctionnement du ministère de la justice ? (Oui ! sur plusieurs travées.) Ma réponse est claire et se fonde sur plusieurs mois de travail avec le ministre. Le ministère de la justice se réforme, se transforme, avance et il voit ses moyens atteindre des niveaux inédits.

M. Guy Benarroche. Quel rapport ?

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Des réformes profondes s’engagent, notamment à la suite des États généraux de la justice. L’engagement du ministre est résolu, solide et indéfectible.

M. Jean-Pierre Sueur. Cela n’a rien à voir avec le sujet.

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Pour les dossiers où Éric Dupond-Moretti est un justiciable comme les autres…

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Il est garde des sceaux, pas un justiciable comme les autres…

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. … ou pour ceux qu’il a pu connaître en tant qu’avocat, nous avons mis en place un dispositif de déport exigeant et efficace. Ce dispositif me conduit à piloter en direct une série de sujets. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe INDEP.)

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour la réplique.

M. Guillaume Gontard. Madame la Première ministre, je pense que vous n’avez pas bien compris.

Ici, le sujet n’est pas la présomption d’innocence, mais le respect de la parole donnée, qui plus est celui de la parole présidentielle.

Le sujet, c’est de ne pas ternir l’image du gouvernement de la France.

Le sujet, c’est de disposer de ministres à temps plein au service des Françaises et des Français.

Le sujet, c’est la sérénité dans laquelle doit être prise la décision de justice, a fortiori quand le justiciable est le garde des sceaux.

Le sujet, c’est la préservation de l’indépendance de la justice.

Emmanuel Macron nous avait promis l’exemplarité politique, de mise sous François Hollande, mais il nous ramène aux pratiques délétères des présidences de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.), alors que la crise démocratique est plus profonde que jamais, que l’extrême droite est aux portes du pouvoir et que les fascistes l’ont conquis de l’autre côté des Alpes.

Votre responsabilité devant l’Histoire est considérable, madame la Première ministre, et il est encore temps de prendre la bonne décision ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)

conséquences économiques de la hausse des prix de l’énergie

M. le président. La parole est à M. Dany Wattebled, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Dany Wattebled. Depuis trente ans, faute de politiques publiques adéquates, la France fait face à la perte de son industrie. Nous en avons enfin pris conscience ces dernières années et nous avons commencé à prendre des mesures.

Pourtant, face à l’explosion des prix de l’énergie, cette menace est de nouveau d’actualité. Le mégawattheure de gaz naturel redescend difficilement sous la barre des 200 euros. Les prix de l’électricité s’envolent. Après dix ans d’excédents, la balance commerciale de la zone euro a lourdement chuté.

Tous les secteurs sont concernés, du verre à l’aluminium, en passant par le ciment ou l’acier. Aux difficultés, évoquées depuis des mois, des collectivités, des agriculteurs et bien sûr des familles s’ajoutent celles des entreprises. Elles organisent leur activité des prochains mois à la baisse. Les PME annoncent des fermetures.

Aux licenciements s’ajouteront des fragilités importantes sur des secteurs clés et des importations obligatoires en provenance d’autres continents. Notre souveraineté est menacée sur bien des aspects, notamment industriels et alimentaires. Certaines pénuries sont à craindre, ce qui risque de nuire non seulement au pouvoir d’achat, mais aussi à notre puissance économique.

C’est un choc majeur de compétitivité pour l’Europe. L’écart n’est plus entre pays européens, mais entre l’Europe et le reste du monde, ce qui laisse craindre de nouvelles délocalisations.

Alors que l’urgence est à la solidarité européenne, les discussions sur le découplage des prix du gaz et de l’électricité rencontrent des difficultés et des actions unilatérales fragilisent notre ensemble. Je comprends la volonté de nos amis allemands, avec leur bouclier anti-inflation, mais au-delà de cette amitié, nous ne pouvons pas continuellement subir leurs choix en matière énergétique.

Monsieur le ministre, quelles actions comptez-vous mener pour éviter cette catastrophe économique tant au niveau français qu’au niveau européen ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.

M. Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Monsieur le sénateur Wattebled, comme l’a indiqué Mme la Première ministre précédemment, le Président de la République et le Gouvernement sont pleinement mobilisés pour faire baisser les prix de l’énergie sur le marché européen. Des échanges et des réunions extrêmement importantes se sont tenus à cet égard.

Nous avons une responsabilité et notre objectif est d’empêcher que la crise de l’énergie se traduise par des difficultés économiques supplémentaires.

Cet objectif nous anime depuis plus d’un an maintenant et nous avons d’ores et déjà pris des mesures, notamment le bouclier tarifaire ou d’autres plus spécifiques comme sur le tarif de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh), pour soutenir le secteur industriel. Ces mesures ont permis de sauver 45 000 emplois industriels en 2022 dans 150 établissements.

Nous devons continuer à agir, en refroidissant le marché de l’énergie, et la France présente un certain nombre de propositions sur cette question pour découpler le prix de l’électricité de celui du gaz. Bruno Le Maire a annoncé des mesures ce matin même.

Ensuite, nous devons accompagner les entreprises qui sont particulièrement fragilisées, parce que grosses consommatrices d’énergie. Une enveloppe de 3 milliards d’euros a été votée par le Parlement cet été pour soutenir les entreprises qui ne bénéficient pas du tarif réglementé. Les chefs d’entreprise ont à leur disposition un simulateur sur le site internet impots.gouv.fr et les aides peuvent aller jusqu’à 50 millions d’euros. Au départ, les critères étaient trop restrictifs, nous les avons élargis et nous travaillons au niveau européen pour les élargir davantage.

Nous travaillons à d’autres mesures qui pourraient soutenir nos entreprises.

Vous le voyez, depuis un an, nous avons agi et permis à nos entreprises de tenir. Cette action va se poursuivre et s’amplifier. Agir pour les entreprises, c’est agir pour les Français. C’est leur permettre de conserver leur emploi et c’est permettre à notre économie de rester dynamique. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

relations franco-arméniennes