Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Comme vous l’avez rappelé, madame la sénatrice Schillinger, le recours à la télémédecine s’est beaucoup développé depuis le début de la crise sanitaire.
Je crois que nous pouvons utilement nous inspirer de l’expérience danoise que vous citez. Dans un rapport consacré à l’évaluation des mesures appliquées cet été, l’inspection générale des affaires sociales (Igas) a mené un travail de comparaison avec le système danois, dans lequel la régulation préalable est une condition d’accès aux urgences.
Les téléconsultations constituent non seulement un outil intéressant pour favoriser l’accès aux soins dans les territoires les moins bien dotés, mais aussi une facilité supplémentaire pour tous. Le Gouvernement a d’ailleurs soutenu leur développement, puisque celles-ci ont été prises en charge à 100 % du début de la crise sanitaire jusqu’au 30 septembre 2022. En 2021, elles ont représenté environ 5 % du nombre total des consultations des médecins généralistes.
Les mesures prises durant l’été 2022 faisaient suite aux recommandations de la mission flash sur les urgences et les soins non programmés : le recours aux unités mobiles de téléconsultation a ainsi été encouragé. (MM. François Patriat et Julien Bargeton approuvent.)
Lorsque les situations ne relèvent pas de l’urgence vitale, une infirmière se rend au domicile du patient afin d’organiser la téléconsultation et assurer un premier niveau de prise en charge, si nécessaire. Le rapport de l’Igas souligne l’intérêt de ces téléconsultations dans ces situations ; dans 75 % des cas, celles-ci ne sont pas suivies par un passage aux urgences ou par une hospitalisation.
Il convient toutefois de maîtriser le développement de la télémédecine, car une prise en charge physique doit toujours être garantie en cas de soins urgents ou non programmés. Par ailleurs, cette pratique ne doit pas se traduire par une diminution du nombre de médecins implantés dans les territoires au profit d’une pratique exclusivement digitale. Enfin, nous devons lutter contre les dérives nées du recours à la téléconsultation : dans le PLFSS pour 2023, le Gouvernement a limité la prescription des arrêts de travail aux seuls médecins traitants ou à un médecin déjà connu du patient, face aux abus constatés parfois. (Mme Patricia Schillinger et M. François Patriat applaudissent.)
Mme le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou.
Mme Annie Le Houerou. Personnels épuisés et surmenés, accroissement des départs en cours de carrière, difficultés de recrutement : l’hôpital public traverse une crise sans précédent.
Malgré les revalorisations salariales, la dégradation des conditions de travail, à laquelle s’ajoute la difficulté d’accès aux soins en ville, provoque l’engorgement voire la saturation des urgences et la fermeture de services.
La permanence de l’accès aux soins étant menacée au début de l’été, vous avez instauré un plan pour les urgences et pour les soins non programmés. Selon vous, celui-ci regroupait des réponses rapides et fortes. Régulation de l’accès aux urgences, via le 15, plus grande disponibilité demandée à des professionnels déjà très éprouvés, mobilisation des personnels hospitaliers grâce à des majorations de rémunération et recherche d’une meilleure coordination d’acteurs déjà très sollicités : autant de réponses conjoncturelles visant à faire passer l’été à notre système de santé. L’été est passé. Parfois, le pire a été évité, mais cela n’a pas toujours été le cas. Je tiens à témoigner notre grande reconnaissance au personnel soignant pour son dévouement et sa mobilisation sans faille.
Toutefois, les recommandations de la mission flash sont insuffisantes et ne permettent pas d’assurer un fonctionnement sécurisé optimal en vue d’une prise en charge de qualité. Les difficultés rencontrées sont le signe d’une crise du système de soins et de l’hôpital.
Madame la ministre, quelles sont vos propositions afin de garantir un accès pérenne et durable aux soins pour tous, quel que soit l’endroit du territoire national ? Organiser une concertation au travers du Conseil national de la refondation (CNR) dans des réunions rassemblant 400 personnes en vue d’imaginer des solutions innovantes, comme au Mans hier, ne me paraît pas être une méthode efficace.
Nous souscrivons tous à votre diagnostic : il est urgent d’engager la refondation de notre système de santé afin que celui-ci serve d’abord les patients et qu’il permette aux soignants d’exercer sereinement. Madame la ministre, quel est votre calendrier et quelles sont vos priorités d’action ? (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Madame la sénatrice Le Houerou, nous devons répondre à cette question de manière globale, en ne regardant pas seulement le fonctionnement des urgences.
Parce qu’ils se situent à la jonction des difficultés de la médecine de ville en amont et des services hospitaliers en aval, les urgences font face à des tensions majeures reflétant les difficultés de notre système de santé. Afin d’améliorer la situation de manière durable, nous devons mieux répondre à la demande croissante de soins non programmés et non urgents, qui contribuent à l’engorgement massif de nos urgences.
Les services d’accès aux soins (SAS) se déploient progressivement sur le territoire national. Ils ont vocation à aider les citoyens à s’orienter dans le système de santé. Lorsqu’un patient est confronté à un besoin de soins non programmés et qu’il n’a pas accès à son médecin traitant – ou s’il n’en dispose pas –, le SAS facilite un contact téléphonique avec un professionnel. Ce dernier lui fournira un conseil médical, lui proposera une téléconsultation ou l’orientera selon son état de santé vers une consultation de soins non programmés en ville, vers un service d’urgence ou déclenchera l’intervention d’un service mobile d’urgence et de réanimation (Smur).
Lorsque le médecin traitant ou un médecin de proximité n’est pas disponible en première intention, les SAS visent à apporter une réponse pour des besoins en soins urgents ou non programmés sous quarante-huit heures. Ils reposent sur la création, au sein d’un même territoire, d’une chaîne de soins lisible et coordonnée entre les acteurs de santé de l’hôpital et de la médecine de ville. Cela suppose une gestion commune des appels des patients entre les médecins urgentistes et les médecins généralistes, ainsi qu’une mobilisation des médecins généralistes effecteurs prenant en charge durant la journée les patients ayant fait l’objet d’une régulation préalable par le SAS. Il est nécessaire d’accélérer le déploiement des SAS sur l’ensemble du territoire national en 2023.
Nous devons aussi améliorer l’attractivité des métiers afin de favoriser le maintien des professionnels de l’urgence dans leur domaine d’activité. La solution n’est pas unique : nous développerons un panel de mesures qui sera décliné dans chaque territoire. Certes, le CNR a été installé hier devant 400 personnes. Toutefois, la méthode de travail se fonde sur des ateliers qui regroupent 15 à 20 personnes travaillant pour apporter des solutions, comme ce fut le cas vendredi dernier au Mans.
Mme le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Avec plus de 20 millions de passages par an, les services des urgences des hôpitaux sont confrontés à de graves problèmes d’engorgement, en raison d’un manque criant de médecins généralistes et d’une pénurie de personnel hospitalier qui démissionne massivement pour ne plus subir la maltraitance institutionnelle de décennies d’austérité en matière de moyens humains et financiers.
Chaque année, nous formons 10 000 médecins, le même nombre qu’en 1975. Or, madame la ministre, depuis quarante-sept ans, la population a augmenté de 30 %. Les besoins sont plus importants, car celle-ci a vieilli et souffre de polypathologies.
Le Président de la République a confié au docteur Braun – avant que celui-ci ne devienne ministre – une énième mission flash, dont j’avais, avec mon groupe, critiqué l’utilité puisque les constats et les solutions de remplacement sont connus depuis des années. Les rapports, y compris ceux du Sénat, ont tous souligné le désengagement financier de l’État dans les hôpitaux. Or, à entendre le ministre Braun, la boîte à outils comprenant 41 recommandations a permis de sauver le système, alors que ce sont bien les personnels qui l’ont sauvé, au prix d’un épuisement et d’une dégradation subie des conditions de prise en charge des malades. (Mme Marie-Noëlle Lienemann et Mme Émilienne Poumirol approuvent.)
Madame la ministre, que pensez-vous de notre proposition de créer un service public de soins primaires construit autour d’un réseau de centres de santé pluriprofessionnels ? Allez-vous rétablir l’obligation de permanence des soins pour tous les médecins – y compris les spécialistes exerçant dans le privé –, tant en médecine de ville qu’à l’hôpital ? (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER.)
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Madame la sénatrice Cohen, la boîte à outils et ses 41 mesures d’urgence ont permis de tenir bon. Nous l’affirmons avec humilité.
Mme Laurence Cohen. Ce n’est pas grâce à vous, mais grâce au personnel hospitalier !
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. La boîte à outils a permis de tenir bon, grâce à l’investissement des personnels – je crois l’avoir dit très clairement.
La place des centres de santé dans la permanence des soins doit être renforcée. Nous avons commencé à en parler avec leurs représentants qui, s’ils souscrivent au principe d’une participation, mettent en avant deux difficultés.
Premièrement, l’ouverture d’un centre de santé aux horaires de la permanence des soins nécessite une logistique lourde, car il faut également ouvrir l’accueil et les services nécessaires au bon fonctionnement de la structure, même si un seul cabinet médical assure la permanence. Celle-ci pourrait être effectuée dans une maison médicale de garde.
Deuxièmement, la rémunération de l’astreinte : les personnels intervenant dans ces centres de santé sont salariés et les rémunérations sont aujourd’hui versées à l’employeur.
Ces sujets ne sont pas insurmontables. Nous souhaitons travailler en concertation avec les représentants des professionnels de santé en vue de trouver les voies et les moyens afin que les centres de santé soient mieux insérés dans la permanence des soins. Le principe est clair : nous souhaitons que tous les médecins d’un territoire y participent de manière équitable pour mieux partager l’effort et faire vivre cette logique de responsabilité collective.
Mme le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour la réplique.
Mme Laurence Cohen. Madame la ministre, je me réjouis que vous souteniez l’effort des centres de santé. J’espère que vous favoriserez leur développement dans tous les territoires – cela représenterait déjà une première avancée.
J’ai bien noté que vous alliez engager des discussions afin que des gardes soient assurées par des médecins travaillant dans le secteur privé : c’est une bonne chose. Je crois que le décret de 2003, dit Mattei, devrait être abrogé.
Madame la ministre, il faut agir en amont, car 6 millions de Français n’ont pas de médecin traitant. Il faut aussi agir en aval, car la suppression de 4 300 lits en 2021 – correspondant au dernier chiffre que vous avez publié – n’est pas de nature à nous rassurer. Au lieu de vous abriter derrière les 41 mesures de cette mission flash, il faut vraiment aller plus vite et plus loin : il y a urgence ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER.)
Mme le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Jocelyne Guidez. Comme beaucoup l’ont souligné, force est de constater deux réalités : d’abord, l’engorgement des services d’urgence, avec des conséquences en chaîne sur l’hôpital et sur la qualité de vie au travail des soignants ; ensuite, le problème d’accès aux soins dans les territoires.
Face à ces difficultés, je voudrais mentionner le rapport d’Élisabeth Doineau relatif à la proposition de loi visant à répondre à la demande des patients par la création de points d’accueil pour soins immédiats (Pasi).
Madame la ministre, je rappelle que ces Pasi n’auraient pas vocation à ajouter un étage au millefeuille puisqu’ils s’appuieraient sur les structures existantes.
Les dispositions de cette proposition de loi permettraient aux directeurs généraux des agences régionales de santé (ARS) de labelliser pour cinq ans, sur l’initiative des soignants, des structures destinées à prendre en charge des soins non programmés. La création de ces points d’accueil serait soumise à plusieurs conditions, en particulier leur inscription dans un projet territorial de santé ou le projet d’une ou plusieurs communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS).
Les Pasi assureraient une prise en charge intermédiaire entre le cabinet médical et le service d’urgence pour des soins ne relevant pas de l’urgence médicale, comme la petite traumatologie. Ils contribueraient ainsi à la permanence des soins. Le cas échéant, le service d’aide médicale urgente (Samu) pourrait orienter les patients soit vers un Pasi, soit vers les services d’urgence.
Avec mes collègues du groupe Union Centriste, je souhaiterais savoir, madame la ministre, si le Gouvernement conserve, comme le précédent, un avis favorable sur ce dispositif, voire s’il envisage de se l’approprier ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Madame la sénatrice Guidez, il est nécessaire d’améliorer la réponse aux soins non programmés, car celle-ci manque de visibilité pour nos concitoyens, même si les SAS, en cours de déploiement, facilitent l’accès à une consultation de ce type.
La loi développant les Pasi contient des éléments intéressants afin de rendre les solutions de remplacement aux urgences plus visibles.
Il convient cependant de veiller à ne pas spécialiser les professionnels de santé dans la réponse aux soins immédiats. Selon les premiers constats, certains centres de soins immédiats n’assurent pas le rôle du médecin traitant. Or, face au développement des pathologies chroniques, nous devons consolider la place du médecin traitant et le tenir informé.
Les Pasi doivent découler d’un projet d’organisation partagé entre tous les acteurs d’un même territoire. Il paraît important que ces points d’accueil émergent plus particulièrement au sein des CPTS, en étroite articulation, et non en concurrence, avec les organisations ambulatoires et les établissements du territoire.
Il convient aussi d’éviter que ce type de structure ne constitue un appel d’air pour les médecins urgentistes, alors même que les services d’urgence font face à des difficultés de recrutement.
Enfin, pour améliorer la réponse aux soins non programmés, je souhaite que nous puissions trouver des solutions locales favorisant la participation du plus grand nombre de professionnels de santé aux dispositifs de permanence des soins, plutôt que celles conduisant à la spécialisation d’un petit nombre d’entre eux. Notre proposition vise à mieux encadrer les structures qui se spécialisent dans le soin immédiat.
Mme le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin.
Mme Véronique Guillotin. Ma question porte également sur les centres de soins non programmés – ou centres médicaux de soins immédiats (CMSI) –, dont l’installation a commencé dans de nombreux territoires. Ceux-ci prennent en charge sans rendez-vous les patients aux pathologies peu graves. Ils ont à leur disposition du petit matériel technique et évitent, la plupart du temps, un passage aux urgences.
Sur l’initiative du groupe Union Centriste et à l’occasion de l’examen d’une proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale, nous en avions débattu voilà deux ans. À l’époque, je n’y étais pas particulièrement favorable.
Un an après la présentation du plan Ma santé 2022 et alors que le Ségur de la santé était en cours d’installation, nous avions toutes les raisons d’espérer. Depuis, malheureusement, la situation ne s’est pas vraiment améliorée. Ce week-end, une jeune fille de 18 ans a passé plus de trente-six heures aux urgences de l’un des hôpitaux de mon territoire pour un problème de vertèbre seule sur un brancard – je ne parle bien sûr pas d’un lit dans un box. La situation est complexe ; les soignants ont estimé qu’ils n’avaient jamais vécu un week-end aussi difficile.
Dans ce contexte, toutes les initiatives visant à mieux prendre en charge le bon patient au bon endroit doivent être soutenues. Toutefois, le modèle des CMSI divise. Le ministre François Braun n’a d’ailleurs pas caché ses réticences sur le sujet. Certes, ces prises en charge s’effectuent hors parcours de soins – comme aux urgences d’ailleurs. Je reconnais que le modèle économique de ces centres est peu satisfaisant pour le moment et que des professionnels ont parfois renoncé à leur pratique hospitalière pour des conditions de travail plus acceptables.
Je souscris à votre analyse : les CMSI peuvent trouver leur place dans le paysage sanitaire et dans l’offre de soins de chaque territoire à condition qu’une concertation aboutisse à bâtir un modèle pérenne pour ces structures.
Madame la ministre, quelles sont les intentions du Gouvernement pour que les CMSI s’intègrent dans notre système de santé sur le fondement d’un modèle accepté par l’ensemble de la chaîne de soins ? (Mme Marie Mercier applaudit.)
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Madame la sénatrice Guillotin, les CMSI sont relativement similaires aux Pasi évoqués précédemment par votre collègue.
Comme je l’ai déjà dit, leur développement peut être bénéfique : je pense aux centres temporaires, souvent créés durant l’été sur l’initiative de personnels de santé libéraux désireux d’offrir une offre de soins non programmés afin de soulager les tensions dans les services d’urgence.
Toutefois, ces initiatives peuvent également avoir des effets regrettables en spécialisant des ressources médicales sur des prises en charge aiguës et en délaissant les patients ayant besoin d’un suivi chronique. C’est là un véritable écueil : certains médecins exerçant dans ces centres ont clairement refusé de devenir médecins traitants des patients, alors que nous entendons placer ceux-ci au centre des parcours de prise en charge.
Mme Laurence Cohen. Et les six millions de Français qui n’en ont pas ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Les CMSI doivent découler d’un projet d’organisation partagé entre tous les acteurs d’un même territoire. Ces projets doivent s’articuler autour des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) ; sans doute la prise en charge des soins immédiats serait-elle alors plus effective.
Je le répète : ce type de structures ne doit pas constituer un appel d’air pour les médecins urgentistes, alors même que les services d’urgence font face à des difficultés de recrutement. Vous avez d’ailleurs vous-même insisté sur ce point, madame la sénatrice. Nous entendons travailler à un meilleur encadrement de ces structures spécialisées dans le soin immédiat.
Mme le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Dominique Estrosi Sassone. Le 11 juillet dernier, un pic de 310 admissions a été enregistré en une seule soirée au centre hospitalier universitaire (CHU) de Nice. Ce flux a pu être régulé in extremis grâce au filtrage médical efficace du Samu des Alpes-Maritimes : celui-ci a réorienté les patients vers cinq autres hôpitaux du département ou vers des cliniques privées.
De grandes inquiétudes ont plané tout l’été. La saturation quotidienne des services, déjà bien réelle, a été aggravée par la forte affluence estivale. Malgré l’engagement sans faille de l’ensemble des professionnels de santé qui œuvrent avec dévouement pour soigner au mieux toutes les personnes qui se présentent au CHU, la situation reste très préoccupante. L’organisation des services, marquée par les sous-effectifs, fait craindre à tout moment un défaut de vigilance médicale. Les professionnels de santé souffrent d’une charge de travail toujours plus grande. L’inacceptable devient banal, puisque certains patients restent plusieurs heures sur des brancards.
À cela s’ajoutent les violences dont sont victimes les professionnels de santé, principalement en raison du temps d’attente subi par les patients. Plusieurs agressions ont été constatées à l’hôpital Pasteur du CHU de Nice, à l’hôpital Lenval et aussi à Cannes.
Non, madame la ministre, contrairement à ce que vous avez soutenu, notre système de santé n’a pas globalement tenu. Oui, notre système de santé s’effondre. Nous n’avons pas besoin d’un nouveau diagnostic. Que proposez-vous concrètement ? Comment entendez-vous mobiliser durablement les médecins de ville pour épauler les structures hospitalières ? Allez-vous enfin entendre les demandes de SOS Médecins, dont le réseau ne cesse de se déliter dans les territoires ? Pourtant, les structures locales évitent l’embolisation des services d’urgence. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Oui, madame la sénatrice Estrosi Sassone, je le répète : cet été, les urgences ont tenu ! (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains, SER et CRCE.)
La catastrophe annoncée n’a pas eu lieu. Les urgences ont tenu grâce à la forte mobilisation de nos soignants, que je souhaite vivement remercier. Les établissements ont réussi à organiser leur fonctionnement en saisissant non seulement les occasions qui leur étaient offertes afin d’aménager les parcours des patients, mais aussi en utilisant les mesures prises pour valoriser la pénibilité du travail.
Les urgences du CHU de Nice ont fait face à une activité soutenue en juillet et en août, avec en moyenne 230 passages par jour. Ce pic d’activité, auquel s’ajoutent les difficultés rencontrées en matière de ressources humaines, a conduit à la fermeture partielle du service des urgences à Nice durant une durée de cinq heures à une seule occasion, au début du mois de juillet. Comme vous l’avez souligné, la solidarité territoriale a permis un rétablissement rapide des conditions normales de prise en charge : sur les 14 000 passages aux urgences constatés durant la période estivale, moins de 20 patients ont ainsi été réorientés durant ce court moment.
Au niveau national, à la faveur d’une grande campagne de communication, le nombre de passage aux urgences a décru de manière sensible – 5 % – et, en miroir, le nombre d’appels au 15 a augmenté significativement. Tels sont les enseignements les plus marquants du plan que nous avions déployé pour l’été.
Le problème tient non pas aux moyens qui ne seraient pas affectés aux services d’urgence, mais aux postes non pourvus, faute de candidats. Les médecins urgentistes choisissent parfois d’autres modes d’exercice. Il nous faut améliorer les conditions de travail pour favoriser le maintien des personnels en poste, attirer les jeunes médecins et faire revenir ceux qui sont partis.
Je tiens également à souligner les initiatives remarquables instaurées dans plusieurs territoires, en particulier celles favorisant la mobilisation renforcée des professionnels paramédicaux. La télémédecine embarquée, les astreintes d’infirmières libérales et la collaboration entre les professionnels faciliteront la reconquête du temps de soins dans nos territoires. Ces initiatives doivent être fortement soutenues et encouragées à plus grande échelle, car elles contribuent à éviter des passages aux urgences en mobilisant l’ensemble des composantes de notre système de santé.
Mme le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, pour la réplique.
Mme Dominique Estrosi Sassone. Notre système de santé va mal. Il s’effondre ! Il faut guérir le malade avant qu’il ne soit trop tard ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Les services d’urgence hospitaliers sont un maillon essentiel de notre système de soins.
Chaque année, près d’un Français sur six se rend aux urgences. Or les urgences hospitalières se trouvent actuellement dans une situation critique : tout en continuant à assurer une prise en charge de pointe, elles sont confrontées à un personnel soignant souvent en sous-effectif et à la carence de lits d’aval. Faute de lits, les patients embolisent les services d’urgence qui se trouvent déjà sous tension. Le problème se résume ainsi : il convient d’assurer les besoins en santé des Français, l’égalité d’accès aux soins sur l’ensemble du territoire et la prise en charge d’une partie croissante de soins non programmés, en raison d’un manque de médecins libéraux.
Madame la ministre, quelles réponses concrètes entendez-vous apporter afin de remédier à la pénurie d’infirmières conduisant à fermer des lits d’aval par manque de personnel et entraînant une embolisation des urgences ? Que comptez-vous faire pour accroître la présence de médecins et d’infirmières au sein des urgences hospitalières ?
Pour les cas peu graves, comptez-vous privilégier en amont les services de soins non programmés à proximité des urgences ? Une telle solution permettrait de désengorger ces dernières.
Quelle mesure allez-vous prendre afin de recruter davantage de médecins généralistes dans les maisons de santé pluridisciplinaires ? Ne faudrait-il pas obliger des médecins en dernière année de troisième cycle à allonger de six mois la durée du stage ambulatoire en soins premiers en autonomie supervisée (Saspas) dans une maison de santé située dans un territoire déficitaire, avec l’aide d’un médecin référent ? La durée du stage serait portée à un an. Durant les six derniers mois, le classement en médecin assistant offrirait la même rémunération au stagiaire que le médecin référent.
M. François Bonhomme. Voilà une question précise !