Mme Annie Le Houerou. Le présent amendement, dans le même esprit que les précédents, vise à intégrer au sein du groupe d’experts sur le SMIC, qui est chargé de déterminer l’évolution de celui-ci, des représentants des organisations syndicales et des membres des organisations et associations travaillant dans le champ de l’insertion et du travail.
Cela permettrait d’avoir une instance plus représentative de la diversité des expertises nécessaires à une étude plus complète et plus objective. Aujourd’hui, ce groupe est exclusivement constitué d’économistes qui appartiennent tous à la même école de pensée, il rend donc des rapports aboutissant à la même conclusion : une sous-indexation du SMIC.
Cette modification de la composition du groupe d’experts permettrait d’aboutir à une augmentation du pouvoir d’achat des salariés au SMIC.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Les amendements nos 148 et 363 rectifié bis tendent à supprimer le groupe d’experts sur le SMIC ; quant à l’amendement n° 337 rectifié bis, il vise à intégrer à ce groupe d’experts des représentants des partenaires sociaux.
Rappelons d’abord que la composition de ce groupe d’experts n’est pas arrêtée par le Parlement, mais qu’elle relève du pouvoir réglementaire.
La présidente de notre commission, Mme Catherine Deroche, a invité le groupe d’experts sur le SMIC à nous exposer sa vision de l’évolution du SMIC – c’était une réunion très intéressante.
J’imagine que, si les propos alors tenus par M. Gilbert Cette, qui préside ce groupe d’experts, étaient allés dans le sens de ce que veulent nos collègues signataires de ces amendements, ils ne les auraient pas déposés ! De fait, la vision que le groupe d’experts a du SMIC ne va pas dans leur sens. Faut-il pour cette raison changer la composition de ce groupe ?
Pour ma part, je crois plutôt qu’il faut laisser ce groupe d’experts travailler et observer l’évolution des choses. Cela n’empêche pas que des discussions se tiennent par ailleurs entre partenaires sociaux sur l’évolution du SMIC. Tout cela concourt à alimenter nos réflexions.
La commission a donc émis un avis défavorable sur ces trois amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 148 et 363 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 337 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, je voudrais vous remercier, toutes et tous, pour la qualité de nos débats. Nous avons examiné 128 amendements cet après-midi. Je tiens également à remercier Mme le rapporteur pour ses explications, ainsi que M. le ministre, en particulier pour sa courtoisie.
Nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Vincent Delahaye.)
PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
5
Mise au point au sujet d’un vote
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour une mise au point au sujet d’un vote.
Mme Nathalie Delattre. Monsieur le président, lors du scrutin n° 126 sur les amendements identiques nos 118, 168 rectifié et 360 rectifié portant article additionnel avant l’article 1er du projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, M. Jean-Claude Requier et moi-même souhaitions nous abstenir.
M. le président. Acte vous est donné de votre mise au point, ma chère collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
6
Mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat.
Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre Ier du titre Ier, à l’article 4 bis.
TITRE Ier (suite)
PROTECTION DU NIVEAU DE VIE DES FRANÇAIS
Chapitre Ier (suite)
Valorisation du travail et partage de la valeur
Article 4 bis (nouveau)
Après le premier alinéa de l’article L. 2261-26 du code du travail, sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque le salaire minimum interprofessionnel de croissance a augmenté au moins deux fois par application des articles L. 3231-4 à L. 3231-11 au cours des douze mois précédant la conclusion d’un avenant mentionné au premier alinéa du présent article :
« – par dérogation au second alinéa de l’article L. 2232-6, l’opposition d’une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives est exprimée dans un délai de huit jours à compter de la date de notification de l’avenant ;
« – par dérogation au troisième alinéa de l’article L. 2261-19, l’opposition d’une ou plusieurs organisations professionnelles d’employeurs reconnues représentatives est notifiée et déposée dans un délai de quinze jours à compter de la publication par l’autorité administrative de l’avis d’extension de l’avenant ;
« – la durée maximale de la procédure mentionnée au premier alinéa du présent article est fixée par voie réglementaire sans pouvoir excéder deux mois. »
M. le président. L’amendement n° 169, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. La commission des affaires sociales du Sénat explique avoir inséré cet article dans le projet de loi afin de lutter contre la lourdeur des procédures, qui contribuerait à expliquer le retard pris par les branches pour aligner leurs minima salariaux.
La procédure d’examen accélérée ainsi proposée, qui réduit par deux les délais dans lesquels les organisations syndicales majoritaires peuvent s’opposer à l’entrée en vigueur de l’accord, ne permet pas de garantir un délai suffisant pour la consultation des salariés des entreprises concernées et l’obtention d’un mandat pour signer l’accord ou s’y opposer.
Ce n’est pas en accélérant les délais de négociations que les organisations patronales vont accepter de relever les minima de branche, lorsqu’elles s’y opposent depuis des années. Comme l’a fort bien fait remarquer tout à l’heure mon collègue Fabien Gay, 120 à 150 branches professionnelles ont des minima salariaux inférieurs au SMIC.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur de la commission des affaires sociales. La commission est défavorable à la suppression de cet article, qu’elle a introduit dans le projet de loi et qui vise à simplifier la procédure d’extension des accords salariaux.
Cette procédure simplifiée est très bornée dans le temps, puisqu’elle s’appliquera dès lors que deux revalorisations du SMIC auront eu lieu dans les douze derniers mois. Dans ce cas, la durée de la procédure passe de six à deux mois ; les délais de recours pour les organisations professionnelles et syndicales sont également réduits.
L’avis de la commission sur cet amendement est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion. L’avis est également défavorable.
J’aurai l’occasion de présenter dans un instant un amendement qui tend à maintenir la plupart des dispositions adoptées par la commission, mais sans réduire les délais de recours dont bénéficient les organisations syndicales et professionnelles. Nous considérons, sur leur demande, que ces délais de recours doivent être préservés.
Je voudrais par ailleurs apporter une précision. Madame Apourceau-Poly, vous avez repris un argument exprimé par M. Gay tout à l’heure, selon lequel 120 branches auraient des minima salariaux inférieurs aux SMIC. Tel était le cas lors de la transmission de ce projet de loi au Parlement, mais aujourd’hui ces branches ne sont plus que 90 du fait des négociations qui se sont tenues dans l’intervalle.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 170, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le I de l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Cette réduction ne s’applique pas lorsque le salaire minimum national professionnel, mentionné au 4° du II de l’article L. 2261-62 du code du travail est demeuré inférieur au salaire minimum interprofessionnel de croissance durant plus de six mois, à moins que l’entreprise relevant du champ d’application de la branche concernée, justifie, dans ce même délai, être couverte par un accord collectif prévoyant des salaires supérieurs au salaire minimum interprofessionnel de croissance. »
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Notre amendement de suppression de l’article 4 bis introduit par la commission des affaires sociales a été rejeté, mais nous ne désespérons pas, mes chers collègues ! Nous vous proposons un amendement de repli, qui a pour objet de réécrire cet article de manière à aboutir à un relèvement réel des minima de branche au niveau du SMIC.
Au 17 juin 2022, sur les 171 branches du régime général, 120 affichaient une grille salariale comportant au moins un coefficient inférieur au SMIC en vigueur après sa revalorisation de mai dernier, comme l’a souligné notre collègue Fabien Gay.
Par cet amendement, nous proposons de retirer le bénéfice des réductions de cotisations sociales aux branches dont les minima restent en dessous du SMIC durant plus de six mois.
Le Gouvernement n’entend pas augmenter significativement le SMIC, position d’ailleurs partagée par la majorité sénatoriale. Nous assistons à une précarisation de la société et des salariés, le tout dans un contexte d’inflation très élevée. Il n’est pas possible de vivre correctement avec le SMIC ; alors, imaginez ce qu’il en est en dessous ! Les travailleurs et travailleuses concernés ne cessent de le crier pour être entendus.
Là encore, notre amendement paraît bien modéré par rapport aux besoins, mais il nous semble doublement juste, tant par le gain de pouvoir d’achat qu’il permet que vis-à-vis de notre système de protection sociale.
M. le président. L’amendement n° 452, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Après le premier alinéa de l’article L. 2261-26 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le salaire minimum interprofessionnel de croissance a augmenté au moins deux fois par application des articles L. 3231-4 à L. 3231-11 au cours des douze mois précédant la conclusion d’un avenant mentionné au premier alinéa, la durée maximale de la procédure mentionnée au premier alinéa du présent article est fixée par voie réglementaire sans pouvoir excéder deux mois. »
La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Dussopt, ministre. Cet amendement est en discussion commune avec le précédent du fait de son positionnement dans le texte, mais son objet est très différent.
Mme Cohen vous a présenté un amendement de conditionnement des exonérations, sur le modèle de ceux que vous avez rejetés tout à l’heure ; l’avis du Gouvernement est donc défavorable sur l’amendement n° 170.
L’amendement n° 452 est celui auquel j’ai fait allusion dans mon intervention précédente : il vise à maintenir, en cas de double revalorisation automatique du SMIC, les délais raccourcis proposés par la commission des affaires sociales, à l’exception des délais de recours fixés aux organisations syndicales et professionnelles. Nous parlons là de quelques jours seulement, mais ce sont des jours utiles pour que ces organisations puissent faire valoir un éventuel droit de recours.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Il est intéressant de lire l’exposé des motifs de l’amendement n° 170, que vient de nous présenter Mme Cohen. Il y est indiqué que 120 des 171 branches du régime général affichaient une grille salariale comportant au moins un coefficient inférieur au SMIC le 17 juin 2022.
Vous avez eu raison, monsieur le ministre, de rappeler que ce chiffre a évolué depuis lors. Parfois, il suffit de quinze jours pour que les branches fassent passer ces minima au-dessus du SMIC. C’est pourquoi nous avons vraiment besoin d’accélérer la procédure ; tel était bien l’intention de notre commission, en insérant cet article 4 bis dans le projet de loi.
L’avis de la commission sur l’amendement n° 170 est défavorable, car conditionner les réductions de cotisations patronales à la revalorisation des minima de branche ne correspond malheureusement pas à la réalité que vivent les branches.
Quant à l’amendement n° 452 du Gouvernement, vous avez relevé à raison, monsieur le ministre, la présence de deux cliquets dans cet article : en premier lieu, on fait passer la procédure de six mois à deux mois ; en second lieu, on rend un peu plus courts les délais de recours pour les organisations syndicales et professionnelles.
Je propose de ne pas toucher à ce dispositif à ce stade de nos débats ; nous pourrons en discuter en commission mixte paritaire et examiner alors comment les choses se passent. L’avis de la commission sur l’amendement du Gouvernement est donc défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l’article 4 bis.
(L’article 4 bis est adopté.)
Chapitre II
Revalorisation anticipée de prestations sociales
Article 5
I. – Lorsqu’ils font l’objet d’une revalorisation annuelle en application de l’article L. 161-25 du code de la sécurité sociale, les montants des prestations, allocations ou aides individuelles ainsi que les éléments intervenant dans leur calcul ou conditionnant l’ouverture du droit sont revalorisés, au 1er juillet 2022, par application d’un coefficient égal à 1,04. Le coefficient applicable lors de la première revalorisation annuelle postérieure au 1er juillet 2022 du montant de la prestation, de l’allocation ou de l’aide individuelle, ou de l’élément intervenant de son calcul ou dans l’ouverture du droit, est égal au quotient entre le coefficient calculé en application du même article L. 161-25 et 1,04, sauf si le coefficient ainsi obtenu est inférieur à 1, auquel cas il est porté à cette valeur.
Le coût de la revalorisation opérée, en application du premier alinéa du présent I, sur les prestations versées par le régime institué à l’article 3 de la loi n° 2005-5 du 5 janvier 2005 relative à la situation des maîtres des établissements d’enseignement privés sous contrat est à la charge de l’État. Un décret détermine les modalités du calcul du montant des bourses nationales d’enseignement du second degré pour la rentrée 2022.
II. – (Non modifié) Par dérogation au premier alinéa du IV de l’article L. 732-63 du code rural et de la pêche maritime, le montant du salaire minimum de croissance retenu pour le calcul du complément différentiel de points de retraite complémentaire obligatoire dont bénéficient les personnes non salariées des professions agricoles au titre des périodes comprises entre le 1er juillet 2022 et le 31 décembre 2022 est celui en vigueur le 1er juillet 2022.
M. le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin, sur l’article.
Mme Victoire Jasmin. Monsieur le ministre, je voudrais attirer votre attention sur la situation des étudiants, à l’échelle nationale et plus particulièrement dans les outre-mer.
Une vraie question se pose : celle des revenus des étudiants. C’était déjà évident pendant la pandémie, mais la situation s’est exacerbée. L’article L. 821-1 du code de l’éducation donne au Gouvernement la possibilité d’octroyer des bourses aux étudiants. Avec des associations d’étudiants, nous exprimons le souhait que ces bourses soient revalorisées et indexées sur l’inflation.
On a bien vu, pendant les derniers mois, nos étudiants venir en file indienne à la soupe populaire. Beaucoup d’entre eux connaissent de grandes difficultés sociales.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Exactement !
Mme Victoire Jasmin. Il faut vraiment prendre la mesure de ces difficultés. Elles sévissent dans tout le pays, mais la situation est encore pire outre-mer, parce que l’augmentation des prix et du coût de la vie y met en difficulté beaucoup d’étudiants et d’étudiantes. Je souhaiterais vraiment que vous puissiez en prendre la mesure, monsieur le ministre.
Si j’évoque ce problème de la sorte et à ce moment de notre discussion, c’est parce que les amendements que j’avais déposés sur ce sujet ont tous été déclarés irrecevables au titre de l’article 40 ou de l’article 45 de la Constitution. Tout a été déclaré irrecevable !
Je profite donc de cette occasion, monsieur le ministre, pour attirer votre attention sur ce problème : les étudiants ne peuvent pas être la dernière roue du carrosse ! Je compte vraiment sur vous, car vous avez la possibilité de faire quelque chose en faveur des étudiants, à l’échelle nationale et particulièrement dans les outre-mer, où la vie est plus chère de 30 %.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Sautarel, sur l’article.
M. Stéphane Sautarel. Je tiens à intervenir sur cet article, qui procède à la revalorisation anticipée des prestations sociales. C’est l’un des volets majeurs de ce projet de loi.
Si ces mesures sont bien sûr souhaitables, nécessaires et utiles, elles suscitent des interrogations sur deux aspects : d’une part, leur soutenabilité au regard de la dépense publique – je vous épargnerai la litanie des ratios sur nos finances publiques, tout le monde les connaît déjà – ; d’autre part, leur justesse au regard de notre objectif partagé de retour à l’emploi et de valorisation du travail, dans l’intérêt des personnes, de la société en général et de nos finances publiques en particulier.
Nous venons d’examiner les articles 1er à 4 bis. Les mesures de revalorisation du travail qu’ils contiennent resteront assises sur le volontarisme et l’initiative des employeurs et des branches. En revanche, les mesures proposées dans cet article vont s’appliquer de manière globale et indifférenciée.
Mon intervention a pour objet de nous inviter, pour l’avenir, à proposer un nouveau cadre législatif introduisant un différentiel réel, attractif et impératif, permettant d’amplifier l’écart entre les revenus du travail et les revenus de substitution, sans pour autant augmenter le coût du travail pour les entreprises.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, sur l’article.
Mme Corinne Féret. Selon l’Insee, les prix à la consommation ont augmenté de 5,8 % sur un an, ce qui constitue le plus haut taux d’inflation depuis 1985. Ce taux augmente chaque mois de manière constante : 4,8 % en avril, 5,2 % en mai, 5,8 % en juin… À ce rythme, l’inflation pourrait atteindre 8,4 % au début de l’année prochaine. Tout cela a de quoi inquiéter nos concitoyens.
Face à cette inflation galopante, j’entends le Gouvernement s’enorgueillir de protéger les Français. Or il s’agit surtout, dans cet article 5, d’une prise en compte anticipée de l’inflation sur les pensions et les prestations sociales. Vous oubliez de dire, monsieur le ministre, que ce que vous donnez aujourd’hui sera déduit des revalorisations à venir auxquelles les Français auraient eu droit : ce n’est pas un cadeau, c’est une avance !
En raison du niveau de l’inflation, cette revalorisation de 4 % ne redonnera pas réellement du pouvoir d’achat à nos concitoyens et atténuera à peine la perte qu’ils ont subie dans ce domaine. Tel sera notamment le cas pour nos aînés. Le minimum vieillesse continuera d’être inférieur au seuil de pauvreté – ce n’est pas tolérable ! Plus de 10 millions de nos concitoyens vivent sous le seuil de pauvreté. La crise sanitaire est venue aggraver la situation de millions d’hommes et de femmes. Je pense notamment aux familles monoparentales, qui peinent à boucler leur budget au point de grossir les rangs des structures d’aide alimentaire.
Compte tenu de cette situation, la revalorisation anticipée des pensions et des prestations sociales ne peut en aucun cas être acceptée pour solde de tout compte : il nous faut impérativement conserver la possibilité de clauses de revoyure avant janvier 2023, pour un réel soutien à nos concitoyens et une réelle protection de leur pouvoir d’achat.
M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, sur l’article.
M. Philippe Folliot. La revalorisation des prestations sociales et surtout celle des retraites devraient bien sûr faire consensus. Cela dit, dans le droit fil des propos que vient de tenir notre collègue Stéphane Sautarel, j’estime que nous devons quand même nous interroger sur certaines conséquences de cette décision.
Nous sommes aujourd’hui – cela a déjà été dit – dans un pays où le différentiel entre le revenu de celles et ceux qui bénéficient de la solidarité nationale et celui de celles et ceux qui travaillent, en particulier quand leur salaire compte parmi les moins élevés, n’est peut-être pas aussi important qu’il devrait l’être.
Par conséquent, un certain nombre de nos concitoyens ne cherchent peut-être pas un emploi aussi activement qu’il le faudrait. Nous nous trouvons donc face à une situation qui suscite forcément des interrogations, ne serait-ce qu’au vu du nombre des entreprises qui cherchent en vain des collaborateurs, avec toutes les conséquences que cela implique.
Au-delà de ce problème, mon interrogation porte sur le financement de ces mesures. Monsieur le ministre, l’ensemble de ce projet de loi coûtera 20 milliards d’euros. Les mesures spécifiques de cet article vont coûter 4 milliards d’euros à la sécurité sociale et 2,6 milliards d’euros au budget de l’État. Or la situation de nos finances publiques est totalement catastrophique. Financer toutes ces mesures par la dette serait faire preuve d’irresponsabilité collective par rapport aux générations futures.
Dans ce cadre, il me semble important, monsieur le ministre, que vous puissiez nous donner des précisions sur les modalités de financement de toutes ces mesures. Plus précisément, ces mesures vont-elles être financées par un recours massif à l’emprunt ?
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, sur l’article.
M. Marc Laménie. Cet article prévoit une revalorisation anticipée des prestations sociales de 4 % à compter du 1er juillet 2022.
La commission des affaires sociales, dont je salue le travail, a opportunément rappelé dans son rapport les modes de calcul du coefficient de revalorisation des prestations sociales et des pensions de retraite de base – fixé par les lois de financement de la sécurité sociale successives ou figurant pour certaines pensions dans le code de la sécurité sociale. Chaque année, au 1er avril, le montant de revalorisation des prestations familiales ainsi que de nombreux dispositifs est revu.
Aujourd’hui, ces revalorisations sont distancées par l’accélération de l’inflation, ce qui entraîne une érosion du pouvoir d’achat des retraités.
Cet article a donc pour objet la revalorisation immédiate de 4 % de l’ensemble des prestations, qui concernent plus de 18 millions de retraités ainsi que d’autres bénéficiaires. Au total, le coût estimé s’élève à 4,6 milliards d’euros pour la sécurité sociale et à 2 milliards d’euros pour l’État et les collectivités territoriales.
S’agissant du RSA, cette mesure s’élèvera à 365 millions d’euros pour les années 2022 et 2023. Cette solidarité nationale, qui est indispensable et rendue nécessaire par l’augmentation des prix, pose la question de la tout aussi nécessaire compensation par l’État, comme l’a indiqué Mme le rapporteur.
Je citerai aussi la revalorisation des pensions de retraite agricoles, en faisant référence au rapport de 2021 de Mme Cathy Apourceau-Poly. Là aussi, il s’agit d’un problème important.
Sur cet article, je soutiendrai l’avis de la commission.
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, sur l’article.
Mme Valérie Létard. Monsieur le ministre, au-delà du nécessaire débat que nous aurons sur la revalorisation de nombreux minima sociaux et prestations à laquelle nous ne pouvons qu’être sensibles et qui nous mobilise tous, je souhaite vous interpeller sur un sujet qui aurait été frappé par l’article 40 de la Constitution, mais qu’il me semble à ce stade utile d’évoquer. Il relève peut-être de la voie réglementaire, mais j’aimerais obtenir des éclaircissements de votre part.
Les bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) en fin de droits qui n’ont pas de solutions professionnelles doivent solliciter le revenu de solidarité active (RSA) et fournir une déclaration des ressources trimestrielles à l’appui de cette demande.
Je me suis rendu compte que la situation de ces bénéficiaires n’était pas neutralisée au moment de leur demande et qu’ils percevaient, pendant les trois mois suivants, 230 euros par mois, sauf lorsque des présidents de département assuraient le complément par le biais de leurs possibilités réglementaires propres. Cela crée toutefois une disparité de traitement entre les bénéficiaires de l’AAH résidant dans des départements qui, de façon volontaire, ont mis en place une mesure complémentaire et les autres.
Monsieur le ministre, est-il possible de réparer cette injustice – par exemple en complétant un décret existant –, laquelle touche de nombreuses personnes qui, ne bénéficiant plus de l’allocation aux adultes handicapés, perçoivent pendant trois mois un RSA minoré à 230 euros, ce qui ne leur permet pas de vivre décemment ?
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, sur l’article.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le ministre, nous abordons avec cet article la question de la valorisation des prestations sociales, mais il faut également se pencher sur le non-recours, sujet sur lequel Carole Grandjean et moi-même avons travaillé il y a deux ans.
En effet, 34 % des personnes ayant droit au RSA n’en bénéficient pas, car elles ne sont pas en situation de demander cette allocation. Il en est de même pour l’allocation de soutien familial destinée aux parents isolés, comme pour d’autres prestations.
Nous sommes en train d’examiner un texte sur le pouvoir d’achat et n’avons pas évoqué ce sujet. Il est extrêmement important que le Gouvernement continue son travail d’information pour réduire autant que faire se peut ce taux de non-recours, qui est une injustice flagrante.