M. Rachid Temal. Vous êtes ministre depuis cinq ans !
M. Bruno Le Maire, ministre. La priorité absolue est la remise en route des réacteurs qui ont été mis à l’arrêt, et ce pour produire davantage.
La deuxième urgence est de réaliser le programme de six nouveaux réacteurs nucléaires qui a été annoncé par le Président de la République au Creusot. Il s’agit sans doute du défi industriel le plus important qu’EDF a devant elle pour les années qui viennent. Il faudra faire vite, il faudra faire bien, conformément aux instructions données par la Première ministre, qu’Agnès Pannier-Runacher et moi-même mettrons en œuvre.
La troisième urgence, énergétique, vous avez parfaitement raison de le souligner, monsieur le sénateur, est de mettre fin à l’absurdité du modèle européen dans lequel le prix de l’énergie décarbonée est aligné sur le prix des énergies fossiles. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il ne fallait pas l’adopter !
M. Fabien Gay. C’est l’Europe !
M. Bruno Le Maire, ministre. Nous voulons des résultats rapides sur ce sujet. La présidente de la Commission européenne a commencé à bouger, la commissaire Margrethe Vestager également. Nous voulons réformer le marché européen de l’énergie.
Quant à notre stratégie énergétique, elle est très simple. En trois mots, ainsi qu’elle a été rappelée par le Président de République au Creusot : plus de sobriété, plus d’énergies renouvelables et une confiance totale dans l’énergie nucléaire. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour la réplique.
M. Daniel Gremillet. Le 13 janvier 2021, ici même, au Sénat, la ministre chargée de l’énergie indiquait s’agissant d’EDF : « Il y aura un texte spécifique sur ce sujet. » Elle avait préalablement affirmé : « Si cette négociation ouvre le champ des possibles […], jamais elle ne se substituera à la voix des élus de la Nation ni à l’indispensable discussion parlementaire sur l’avenir d’EDF, avant toute réforme. »
Mes chers collègues, EDF, c’est soixante-quinze années d’histoire. N’oublions pas que l’on a légiféré en 1946 pour sa nationalisation ; n’oublions pas que l’on a légiféré en 2004 et en 2010 pour sa modernisation. Aujourd’hui, on ne légiférerait plus ? C’est purement scandaleux !
La stratégie de notre souveraineté énergétique ne peut se réduire à une simple offre publique d’achat (OPA) sur EDF. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC, SER et CRCE.)
suppression de la contribution à l’audiovisuel public
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Catherine Morin-Desailly. Ma question s’adresse à Mme la Première ministre.
Le Gouvernement veut supprimer la redevance, principale source de financement de nos entreprises de l’audiovisuel public et de dizaines de milliers d’emplois, directs et indirects. On parle ici de 3 milliards d’euros.
Cette mesure est malheureusement déconnectée de toute réflexion sur le devenir d’un secteur en plein bouleversement, Mme Bachelot ayant choisi d’enterrer le débat nécessaire sur la réforme audiovisuelle engagé par son prédécesseur. Elle est également déconnectée du contexte lourd et incertain de nos finances publiques.
Cette suppression a lieu désormais dans une certaine opacité, puisque l’on vient seulement de découvrir le rapport de l’inspection générale des affaires culturelles (IGAC) et de l’inspection générale des finances (IGF), commandé au mois d’octobre dernier par votre prédécesseur – rapport, en outre, qui nous arrive, hélas, tronqué !
Cette mesure redonnerait du pouvoir d’achat aux Français : tel est l’argument. Pourtant, il est question de substituer à la redevance une part de la TVA, laquelle est payée par tout le monde, sans distinction de ressources. Rappelons qu’aujourd’hui 5 millions de foyers sont exonérés de la redevance.
Compte tenu des enjeux multiples et complexes, ne serait-il pas sage, comme le réclame l’ensemble d’un secteur très inquiet, de reporter cette décision qui, selon le rapport, n’est pas sans risques juridiques et politiques ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains, SER et CRCE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture.
Mme Rima Abdul-Malak, ministre de la culture. L’audiovisuel public est le premier média des Français, le premier financeur de la création : nous y sommes très attachés. Nous comptons bien le préserver et l’accompagner dans ses mutations et dans ses réformes.
Avec la fin de la redevance, nous supprimons le prélèvement qui pèse actuellement sur 23 millions de Français, et non le financement de l’audiovisuel public, encore moins son indépendance.
D’ailleurs, le Sénat le reconnaît lui-même. En atteste le rapport de Roger Karoutchi et Jean-Raymond Hugonet, qui souligne que la redevance est « à bout de souffle ». En effet, elle s’adosse à une taxe d’habitation qui va disparaître, ainsi qu’à la possession d’un poste de télévision, alors que de plus en plus de Français regardent la télévision sur d’autres écrans.
Qui plus est, vous le savez, cette redevance ne suffit pas à elle seule, puisque, chaque année, l’État ajoute environ 600 millions d’euros pour couvrir le budget de l’audiovisuel public. Le lien direct à la dotation de l’État a par conséquent toujours existé.
L’enjeu est de maintenir l’indépendance et le financement de notre audiovisuel public : nous sommes d’accord sur ce principe fondamental. Il s’agit bien de « maintenir », parce que l’indépendance est pleine et entière : les dirigeants sont nommés non par le Gouvernement, mais par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), régulateur indépendant. Cette instance donne aussi son avis sur les contrats d’objectifs et de moyens, tout comme vous pouvez le faire par le biais des commissions parlementaires.
Surtout, le Gouvernement n’a aucun moyen d’interférer dans les grilles de programmes. L’indépendance éditoriale est une réalité.
Certes, le Gouvernement a récemment proposé un nouveau mode de financement de l’audiovisuel public, mais avec plusieurs garanties : la compensation à l’euro près, le versement de l’intégralité des ressources en début d’année pour éviter une régulation en cours d’exercice, une visibilité pluriannuelle accrue du financement.
Des amendements ont été déposés à l’Assemblée nationale sur cet article. Nous aurons l’occasion d’en débattre ensemble dans l’hémicycle.
Quoi qu’il en soit, je le répète, la ligne du Gouvernement est claire : redonner du pouvoir d’achat aux Français tout en assurant à notre audiovisuel public son financement dans le respect total du pluralisme et de l’indépendance des médias. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour la réplique.
Mme Catherine Morin-Desailly. Madame la ministre, évidemment, vous voulez vous montrer rassurante et nous vous en remercions. Pourtant, où est l’urgence à se précipiter dans une telle réforme, quand on sait que l’on ne dispose pas de toutes les études d’impact sur le sujet ?
À l’heure actuelle, toutes les garanties ne sont pas apportées, qu’elles aient trait à l’indépendance de nos médias publics, pour laquelle il existe des textes européens et une jurisprudence, ou à la prévisibilité et à la dynamique des ressources proposées. C’est ce qu’affirment les présidents des entreprises auditionnées la semaine dernière à l’Assemblée nationale.
Par ailleurs, selon le scénario choisi, nous savons qu’il y aura un impact sur le budget de l’État et sur la dette publique, dont on nous dit que la « cote d’alerte » est atteinte.
Notre groupe refuse la précipitation et le bricolage de dernière minute au détour d’un projet de loi de finances rectificative. Au contraire, il souhaite participer à un travail collectif sérieux, éclairé, sur l’ensemble des études, et que soit redonné du sens politique à cette réforme. Par ailleurs, il appelle, comme l’indique le rapport, à une concertation permettant de fédérer l’ensemble des entités affectées par la réforme, offrant une sortie par le haut, ni plus ni moins, aux parlementaires responsables et constructifs.
Nous souhaitons ce rapport et ce travail de fond. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)
accord de libre-échange
M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Duplomb. Madame la Première ministre, après mon rapport d’information de 2019, qui alertait déjà sur le déclin de la production agricole française, lequel favorise l’entrée toujours plus importante de produits agricoles importés ne respectant pas nos normes ; après l’épisode du covid, qui nous a fait prendre conscience de notre dépendance à l’égard de produits fabriqués à l’autre bout du monde et qui nous a fait redécouvrir l’intérêt majeur d’une alimentation produite en France ; après l’entrée en guerre de la Russie contre l’Ukraine, qui fait flamber les prix des matières premières agricoles à des niveaux jamais égalés et qui nous rappelle l’intérêt majeur de disposer d’une agriculture forte et protégée ; après nous avoir fait croire que vous aviez récemment compris tout cela en nous vantant, par exemple, les bienfaits des clauses miroir et en rebaptisant « ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire » le ministère de l’agriculture, comment pouvez-vous ne pas vous opposer aux accords de libre-échange entre l’Union européenne et la Nouvelle-Zélande ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur des travées des groupes GEST, SER et CRCE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Mme Catherine Colonna, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Duplomb, la Commission européenne est parvenue, le 30 juin dernier, dans le cadre de ses compétences commerciales, à conclure un accord avec la Nouvelle-Zélande. Nous sommes en train de l’évaluer en détail, mais je peux d’ores et déjà vous dire qu’il s’agit d’un bon accord. (Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et CRCE.)
M. Bruno Retailleau. La Nouvelle-Zélande, c’est 5 millions d’habitants !
Mme Catherine Colonna, ministre. D’abord, cet accord facilitera notre accès au marché néo-zélandais, y compris aux marchés publics néo-zélandais, ce qui nous permettra de renforcer nos positions dans nos secteurs exportateurs en matière de biens et de services.
Ensuite, il s’agit de l’accord le plus ambitieux en matière de développement durable que l’Union européenne ait jamais conclu, sur le modèle qui nous conduit désormais à intégrer des clauses environnementales et sociales dans les accords de nouvelle génération. Je ne doute pas que vous y soyez sensible, monsieur le sénateur. Il prévoit notamment des sanctions commerciales en cas de violation des principaux engagements en la matière.
Enfin, c’est un bon accord en ce qu’il protège nos filières agricoles sensibles et soutient nos exportations agricoles et agroalimentaires (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.),…
Mme Marie-Noëlle Lienemann. C’est faux !
Mme Cathy Apourceau-Poly. Il faut arrêter !
Mme Catherine Colonna, ministre. … notamment en protégeant plus de 200 indications géographiques comme le comté ou le jambon de Bayonne, ce qui est loin d’être anecdotique pour nos territoires.
Cet accord sera signé et ratifié par l’Union européenne dans le cadre de ses compétences, après approbation du Parlement européen. Olivier Becht et moi-même nous engageons bien évidemment à venir vous le présenter plus en détail une fois cette approbation acquise. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDSE, ainsi que sur des travées des groupes GEST, SER et CRCE.)
M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour la réplique.
M. Laurent Duplomb. J’en appelle à un sursaut national ! C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, madame la Première ministre, je vous ai adressé cette question en espérant que vous y répondiez.
M. Rachid Temal. Elle n’est pas là ! (Sourires sur les travées du groupe SER.)
M. Laurent Duplomb. Arrêtons, tant qu’il est encore temps, avec ces injonctions contradictoires ! Nous ne pouvons empiler sans cesse critiques, contraintes et normes, qui tuent la compétitivité de notre agriculture, et la livrer, dans le même temps, à une concurrence déloyale.
Vous ne pouvez interdire toujours plus de molécules en France et fermer les yeux sur les produits issus d’une agriculture néo-zélandaise, qui utilise encore de l’atrazine, interdite chez nous depuis 2003 ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et CRCE.)
Madame la Première ministre, réveillez-vous !
Il aurait mieux valu que ce soit vous qui répondiez à ma question, car la France agricole se meurt entre sécheresses, abandon des surfaces cultivées et décapitalisation des troupeaux sur l’ensemble du territoire. Si vous n’arrêtez pas le massacre, vous connaîtrez le même sort qu’avec l’électricité : le black-out alimentaire ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Une sénatrice du groupe Les Républicains. Exactement !
M. Laurent Duplomb. Quand comprendrez-vous enfin la leçon ? (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDSE, ainsi que sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE. – M. Jean-Pierre Decool applaudit également.)
recapitalisation d’edf (ii)
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Franck Montaugé. Monsieur le ministre, mégafeux, pluies diluviennes dévastatrices, sécheresses toujours plus précoces et plus fortes, gelées répétées, grêlons gros comme des boules de pétanque : autant d’illustrations des effets du dérèglement climatique sur lesquels le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) nous avait avertis de rapport en rapport.
La transition de civilisation que nous devons opérer – car c’est bien de cela qu’il s’agit – repose sur la production et l’usage d’énergie décarbonée. Dans cette bataille, la France possède un atout maître : EDF, dont la propriété sera bientôt entièrement publique.
Toutefois, une offre publique d’achat (OPA) ne fait pas un projet industriel. Après avoir passé cinq ans à ne prendre aucune décision à la hauteur des enjeux, le Gouvernement est resté muet sur le rôle qu’il entend faire jouer à cette entreprise dans le contexte extrêmement difficile que nous connaissons aujourd’hui.
Monsieur le ministre, quel est votre projet industriel, social et environnemental pour EDF ? Avez-vous renoncé au découpage de l’entreprise, ce qui est grandement souhaitable ? Comment financerez-vous les investissements nécessaires au grand carénage, aux énergies renouvelables et au nucléaire – existant et programmé –, ainsi qu’aux réseaux ? Comment préserverez-vous le caractère public du parc de production hydraulique ?
Une OPA va exclure, de fait, les citoyens et le Parlement de ce débat national. Pour donner suite aux intentions, que l’on croyait nouvelles, de dialogue que le Gouvernement affichait voilà quelques jours à peine, allez-vous passer par une loi spécifique ? Nous vous le demandons ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER – M. Henri Cabanel applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Montaugé, je partage ce que vous venez de dire sur l’énergie nucléaire. (Marques d’ironie sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Laurence Rossignol. Et sur le reste ?
M. Bruno Le Maire, ministre. À tous ceux qui nous ont expliqué pendant des années que l’on pouvait gagner le combat climatique sans le nucléaire, la réponse est définitive (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains. – Protestations sur les travées du groupe GEST.) : nous ne pouvons pas gagner la bataille du climat sans reconstruire des capacités nucléaires.
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Rouvrez Fessenheim !
M. Bruno Le Maire, ministre. Je rappelle que le Président de la République est le premier à avoir engagé la réalisation de six nouveaux réacteurs nucléaires et que notre majorité est la première à avoir mis sur pied une université des métiers du nucléaire pour redonner ses lettres de noblesse à l’activité de production d’électricité nucléaire et la première encore à avoir dégagé, au travers de France 2030, des moyens de financement aussi importants pour réfléchir aux réacteurs de petite et de moyenne taille et être en pointe des technologies nucléaires.
Oui, nous croyons au nucléaire. Oui, nous continuerons à le défendre et à le développer.
Les 9,7 milliards d’euros nécessaires à notre opération seront financés par un compte d’affectation spéciale du Trésor. Il n’est pas de meilleure illustration de la détermination de l’État à soutenir EDF et à se mettre aux côtés de cette entreprise et de ses salariés pour les années à venir. Nous avons recapitalisé EDF au cours des dernières années et engagé sa renationalisation. Nous nous sommes ainsi donné les meilleures chances pour permettre à ce grand service public de l’énergie de réussir. Nous apporterons les moyens nécessaires aux investissements, soit environ 55 milliards d’euros pour les six nouveaux réacteurs nucléaires.
En ce qui concerne la structure d’EDF, je ne veux laisser planer aucune ambiguïté : nous avions un projet de réforme, qui n’a d’ailleurs jamais consisté à découper EDF – mais ne revenons pas sur le passé. Cette réforme correspondait à un temps où les tensions et difficultés d’approvisionnement étaient moindres.
M. Rachid Temal. Un peu de sérieux !
M. Bruno Le Maire, ministre. La réforme Hercule est caduque. Nous ne reviendrons pas dessus.
Nous voulons marquer, avec la Première ministre, un nouveau départ pour EDF. Cette nationalisation en constitue la première étape. À la direction maintenant, avec l’État, de définir ses priorités. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Gérard Longuet. Au Parlement !
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour la réplique.
M. Franck Montaugé. Monsieur le ministre, vous ne répondez pas tout à fait à mes questions.
De tergiversations en atermoiements, la France vient de perdre cinq ans.
M. Gérard Longuet. Plutôt dix !
M. Franck Montaugé. Pour répondre à ses missions de production, EDF doit rester un groupe intégré sous statut d’établissement public à caractère industriel et commercial.
Pour l’intérêt national général, nous souhaitons qu’EDF ne soit pas entravée dans son développement. Nous sommes donc favorables à la suppression de l’Arenh, ce qui doit aller de pair avec la restructuration des tarifs de l’électricité sur la base du coût marginal complet à long terme. Le prix de l’électricité ne doit plus dépendre des marchés de gros, comme aujourd’hui de celui du gaz naturel.
J’espère que nous aurons un débat au Parlement sur ce sujet extrêmement important. Je vois Mme la Première ministre opiner, nous prenons donc rendez-vous… (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
réforme du corps diplomatique
M. le président. La parole est à M. Damien Regnard, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Damien Regnard. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
C’est par un décret pris en catimini, au cœur de l’été 2018 – le 3 août, précisément –, que le poison a commencé lentement à se répandre.
Ce poison, c’est celui de la République des copains, qui permet à un romancier contemplateur du couple présidentiel, Philippe Besson, d’être nommé consul général à Los Angeles, en lieu et place d’une personne dont le métier est de représenter la France et nos compatriotes à l’étranger.
Depuis lors, madame la ministre, ce poison n’a eu de cesse de miner notre diplomatie, qui pâtit d’une absence de vision, de consultation et de concertation.
Depuis le début de l’année, je me suis rendu dans près de trente pays, soit autant de rencontres avec nos postes diplomatiques. Partout, la même inquiétude monte face à une réforme à la fois injuste et incompréhensible.
Vous avez pris la décision de supprimer le corps diplomatique. Après cinq ans d’une politique d’improvisation constante, vous avez décidé qu’il était désormais possible de s’improviser aussi diplomate. Or on ne s’improvise pas diplomate : c’est une vocation, une carrière que l’on construit au fil des expériences.
Oui, l’inquiétude monte face au manque de considération pour nos diplomates, dont plusieurs dizaines attendent encore leur affectation pour la rentrée. Lorsque vous agissez ainsi, c’est l’image de la France qui est abîmée et la voix de la France qui est affaiblie.
Oui, la France peut se targuer de bénéficier d’un solide réseau, qui a su s’ouvrir largement et se diversifier depuis plusieurs années.
Oui, la France est riche de ce corps diplomatique, de son savoir-faire et de son expertise respectée partout dans le monde. Et si ce corps doit évoluer, cela doit se faire dans l’écoute, le respect et la concertation, sans esprit partisan, mais certainement pas à travers un décret pris discrètement entre les deux tours de l’élection présidentielle.
Madame la ministre, avez-vous conscience de l’image désastreuse que cette réforme injuste renvoie en France comme à l’étranger ? Que comptez-vous faire pour permettre à notre diplomatie de poursuivre sa mission de manière professionnelle et sereine ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur des travées des groupes SER et CRCE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Mme Catherine Colonna, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Regnard, merci d’avoir rendu hommage aux agents du Quai d’Orsay, qui le méritent. (Marques d’ironie sur les travées du groupe Les Républicains.) Tous statuts confondus, ces agents ont le sens du service public chevillé au corps, comme vous l’avez souligné.
Leur mobilisation au service de nos compatriotes et de notre pays est connue. Elle a tout particulièrement été appréciée lors des crises récentes – pandémie, Afghanistan, Ukraine… –, lorsqu’il s’est agi de protéger nos compatriotes.
Nous avons tous relevé qu’une partie de ces agents a fait grève, le 2 juin dernier, dans un ministère qui n’est pas coutumier du fait.
M. Rachid Temal. C’est même historique !
Mme Catherine Colonna, ministre. Ma responsabilité est d’en tenir compte. Je vais agir dans trois directions.
Je vais tout d’abord mettre en œuvre la réforme de la haute fonction publique, qui ne concerne pas que le Quai d’Orsay. Je l’expliquerai mieux, en montrant les opportunités qu’elle représente en termes de mobilité interministérielle, en consolidant les garanties obtenues par mon prédécesseur, Jean-Yves Le Drian, et en démontrant que quelques contre-vérités n’ont plus lieu de courir.
La mise en extinction des corps des ministres plénipotentiaires et des conseillers des affaires étrangères ne signifie pas, monsieur le sénateur, l’extinction ni des métiers ni des carrières diplomatiques. Le Quai d’Orsay continuera de recruter les meilleurs profils et les diplomates pourront y dérouler des carrières sur la durée.
M. Jacques Grosperrin. Les amis, oui !
Mme Catherine Colonna, ministre. Je compte ensuite examiner la question des missions et des moyens, à la fois budgétaires et en emplois, dans un contexte international où les missions n’ont cessé de croître – climat, santé, biens publics mondiaux, protection des Français…
Enfin, je lancerai une concertation sur l’avenir de notre diplomatie pour réfléchir, notamment avec vous, à l’outil diplomatique dont l’État et les Français ont besoin. Il s’agira d’un exercice important. Nous aurons besoin de vous, de votre regard, de vos idées et de votre exigence pour réussir cette concertation que je souhaite inclusive et positive. (M. Alain Richard applaudit. – Applaudissements sur des travées du groupe INDEP.)
avenir de la fonderie sam en aveyron
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Anglars, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Claude Anglars. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué chargé de l’industrie.
Monsieur le ministre, le 12 juillet dernier, le Président de la République s’est félicité d’avoir recréé 120 sites industriels et d’avoir mis fin à la désindustrialisation de la France.
Toutefois, une conclusion inverse s’impose. En effet, le directeur de MH Industries, dont la volonté doit être saluée, vient de renoncer à déposer une offre de reprise de l’usine de l’ex-SAM (Société aveyronnaise de métallurgie), à Viviez-Decazeville, en Aveyron, faute d’un engagement de Renault et de sécurisation du financement.
Les 333 salariés licenciés et leurs familles, les habitants et leurs élus se battent depuis des mois contre le démantèlement de l’outil de production et la fuite des savoir-faire de la métallurgie aveyronnaise.
Le bassin de Decazeville, par la volonté des collectivités locales, porte en effet un projet industriel réel pour l’avenir de son territoire. MH Industries proposait la reprise du site, avec de véritables perspectives de diversification afin de ne plus dépendre du client unique Renault.
Pourquoi l’État n’est-il pas au rendez-vous ?
Hier, monsieur le ministre, vous avez déclaré que le repreneur s’était retiré à cause d’une commande insuffisante du client historique et d’une relation client-fournisseur dégradée. En tant que représentant de l’État, actionnaire de Renault, vos propos ne sont pas acceptables : l’État serait-il complice d’une quelconque sanction ?
Évidemment, vous me répondrez que l’équation économique est peu viable, que l’État et votre prédécesseur ont assuré un suivi constant et que les anciens salariés sont accompagnés dans leur retour à l’emploi ou dans leur reclassement.
Monsieur le ministre, ne nous dites pas que les perspectives de réindustrialisation sont bonnes, en particulier en Aveyron : tout un bassin d’emploi souffre et la Mecanic Vallée est fragilisée.
Monsieur le ministre, que dites-vous aux élus locaux qui sont désemparés ? Quelles sont vos solutions pour assurer la transition et l’innovation industrielle des fonderies dans les territoires ruraux ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)