M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Émilienne Poumirol. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le scandale des Ehpad Orpea, dont nous commençons à peine à percevoir l’ampleur aujourd’hui, met en lumière les dérives de la privatisation des secteurs de la santé et du médico-social.
Dans une tribune parue dans Le Monde le 9 février dernier, François Crémieux, directeur général de l’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille, alerte sur le risque de rachat par le groupe privé Ramsay Santé des centres de santé actuellement gérés par la Croix-Rouge.
La Croix-Rouge est un acteur du secteur privé dit non lucratif, qui gère partout en France des établissements de santé et des Ehpad. Elle incarne par son histoire une tradition humaniste éloignée de tout intérêt financier. En véritables auxiliaires de l’État, les centres de santé de la Croix-Rouge sont les garants d’une offre de soins accessibles à tous.
Ramsay Santé, issu du rachat et de la fusion de grandes entreprises du secteur de la santé, est le deuxième fournisseur de soins privé en Europe et le premier en France. Pour ce grand groupe à but lucratif, la santé est un investissement, qui doit notamment rapporter des dividendes à ses actionnaires.
Selon une étude de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), les établissements de santé privés sont davantage fréquentés par les catégories sociales les plus aisées.
Face à ces inégalités d’accès à la santé dans notre pays, on ne peut se résoudre à voir des centres de santé associatifs repris par des groupes privés à but lucratif.
Monsieur le ministre, quel modèle de santé voulons-nous en France ? Alors que la crise du covid a mis en lumière les grandes difficultés de nos hôpitaux publics, les secteurs de la santé et du médico-social vont-ils être vendus aux groupes privés ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Je vous remercie pour votre question, madame la sénatrice Émilienne Poumirol. Vous m’interrogez sur le rachat de groupes privés non lucratifs par de grands groupes privés à but lucratif dans le champ du sanitaire et du médico-social. Vous souhaitez savoir ce que j’en pense et si je considère que c’est bien ou non.
Indépendamment de ce que je pense de ce sujet, je rappelle d’abord que la possibilité pour un acteur privé d’en racheter un autre relève du lien contractuel entre eux. L’État n’a pas à intervenir. Même si je voulais empêcher cette vente ou ce rachat, je n’aurais pas la possibilité juridique de le faire.
Ensuite, notre système sanitaire et médico-social repose sur deux jambes : le secteur public et le secteur privé ; l’hôpital et le libéral. La qualité des soins et de l’accueil, la vocation est partout présente chez tous les soignants. Nous nous rejoindrons sur ce point. Les missions se recoupent pour la plupart d’entre elles, même s’il existe des différences entre le secteur privé et le secteur public, qui justifient d’ailleurs des grilles tarifaires distinctes.
Pour ma part, je souhaite que le secteur public et le secteur associatif privé non lucratif gardent toute leur place dans l’offre de soins et dans l’offre médico-sociale sur le territoire français. Je ne me résous pas, je vous le dis en toute franchise, à voir d’immenses groupes privés, portés par des fonds de pension, souvent étrangers, racheter, établissement par établissement, ce qui fait une partie du capital social de notre nation, surtout quand c’est la solidarité nationale qui règle les soins.
C’est pourquoi nous réévaluons, année après année, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, le financement des soins, des soignants – nous l’avons fait lors du Ségur de la santé –, afin de maintenir l’attractivité du secteur public.
Le public a de l’avenir dans les secteurs de la santé et du médico-social, le privé non lucratif également. Le privé lucratif a évidemment sa place dans notre offre de soins. Prenons garde toutefois à conserver les équilibres et veillons à donner envie aux secteurs public et associatif de continuer à se déployer dans les territoires. Ce n’est pas l’ancien député de Grenoble qui vous dira le contraire. Les premiers centres publics de santé ont été créés à Grenoble – je n’étais alors pas né ! –, je sais ce que c’est, je connais leur valeur et je les soutiens. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour la réplique.
Mme Émilienne Poumirol. Monsieur le ministre, il est intéressant de vous entendre dire que vous souhaitez conserver un équilibre entre le public et le privé et que vous êtes un défenseur du système public, alors que ce n’est pas ce que l’on a constaté au cours des cinq dernières années. Nous assistons à une grande dérive vers le secteur privé, dont le seul objectif est de réaliser des profits.
On sait bien que vous ne pouvez pas empêcher le rachat. En revanche, vous pouvez indiquer une direction et œuvrer en faveur d’un service public de santé efficace.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Émilienne Poumirol. Je regrette que cette dérive vers le privé ne se fasse au détriment des patients et des personnes âgées. La santé n’est pas un secteur marchand. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes CRCE et GEST.)
violences contre les élus
M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Pierre-Antoine Levi applaudit également.)
M. Jean-Raymond Hugonet. Ma question s’adresse à M. le garde des sceaux.
Le 6 novembre 2019, à l’adresse des magistrats du parquet, vous preniez une circulaire relative au traitement judiciaire des infractions commises à l’encontre des personnes investies d’un mandat électif, montrant ainsi votre attachement à la mise en œuvre d’une politique pénale empreinte, selon vos propres termes, de volontarisme, de fermeté et de célérité.
Cent fois sur le métier, remettez votre ouvrage : le 7 septembre 2020, vous preniez une nouvelle circulaire, dans laquelle il était indiqué : « Les élus locaux occupent une place fondamentale dans le fonctionnement de nos institutions et toute atteinte à leur encontre constitue également une atteinte au pacte républicain. »
Pourtant, depuis plusieurs mois, le nombre d’agressions d’élus est toujours très élevé, malgré l’attention particulière que vous avez portée à ces agissements.
Cette observation est juste, monsieur le garde des sceaux, puisque, selon les chiffres du ministère de l’intérieur, 1 186 élus ont effectivement été pris pour cible au cours des onze premiers mois de 2021, parmi lesquels 162 parlementaires et 605 maires ou adjoints ont été victimes d’agressions physiques, soit une hausse de 47 % par rapport à 2020.
Dans mon département, l’Essonne, Patrick Rauscher, maire de Saintry-sur-Seine, est une parfaite illustration de ce problème : il subit depuis son élection en 2020 des menaces, des intimidations physiques et des insultes de la part d’individus parfaitement identifiés et défavorablement connus des forces de l’ordre.
Les seules réponses qui lui sont apportées à ce jour sont une litanie de classements sans suite et des patrouilles de gendarmerie composées de deux personnels dans l’impossibilité d’intervenir face à une trentaine d’énergumènes…
Samedi dernier, Patrick Rauscher lançait un appel glaçant : « Je voudrais toutefois, si d’aventure il devait m’arriver malheur, que chacun de vous retienne que je regrette que les détracteurs des valeurs et du fonctionnement de notre République ne soient pas plus inquiétés. »
Ma question est simple, monsieur le garde des sceaux : quand allez-vous passer des circulaires aux actes ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP. – MM. Hussein Bourgi, Sebastien Pla et Henri Cabanel applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Hugonet, s’en prendre à un élu, c’est s’en prendre à la République tout entière.
Vous avez rappelé deux circulaires, que vous m’avez attribuées. Or l’une n’est pas de moi, mais peu importe – j’étais déjà dans votre cœur ! –, j’en assume les termes. L’autre a été prise en septembre 2020.
Ces circulaires appellent les procureurs généraux à plus de sévérité, de rapidité, à une bonne et exacte qualification des faits. Elles appellent également les procureurs à écarter le rappel à la loi, qui a depuis été supprimé.
Quand vais-je passer des mots aux actes ?
Permettez-moi de vous rappeler un certain nombre de choses, car on peut se payer de mots, mais pas de chiffres, parce qu’ils correspondent à une réalité.
Entre 2019 et 2020, monsieur le sénateur, le nombre de condamnations pour menaces a doublé, le taux de prononcés de peines pour menaces est passé de 52 % à 62 % en un an. De même, 80 % des condamnations pour violences ont donné lieu à des peines d’emprisonnement.
Le rappel à la loi, je l’ai dit, mais je le rappelle, a été supprimé. L’avertissement pénal probatoire ne pourra pas s’appliquer à ceux qui exercent des violences contre les élus.
J’ai demandé à tous les parquets de France de mettre en place des lignes réservées, des adresses électroniques pour que les élus puissent immédiatement correspondre avec les parquetiers dès qu’ils rencontrent une difficulté.
Avec l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité et l’Association des maires ruraux de France, nous avons mis en place un groupe de travail, qui réfléchit en ce moment même aux moyens d’améliorer encore la relation entre les élus et les procureurs.
J’ajoute que le texte que j’ai porté prévoit que les peines ne peuvent être réduites quand les violences ont été exercées contre des élus.
Les élus sont une préoccupation permanente pour le garde des sceaux que je suis et pour le ministre de l’intérieur, que j’associe à ma réponse. Mercredi prochain, devant la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, que vous présidez, madame la sénatrice Gatel, je décrirai plus précisément l’action du Gouvernement pour lutter contre les menaces et les violences contre les élus. Vous avez raison, monsieur le sénateur Hugonet, elles sont inadmissibles. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Pierre Louault applaudit également.)
élevage pastoral et prédateurs
M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Philippe Folliot. La prise de mesures en faveur de la protection d’espèces vulnérables est l’une des pierres angulaires de notre engagement collectif et partagé en faveur de la biodiversité ; nous en conviendrons tous ici.
Madame la secrétaire d’État, il y a un loup dans cette histoire ! (Sourires.) Dans la montagne tarnaise, une centaine d’attaques ont été recensées en un an. Des dizaines et des dizaines de brebis et de veaux ont été tués. La situation est similaire sur l’ensemble du rayon de Roquefort, en Aveyron, dans l’Aude, l’Hérault, la Lozère, mais aussi dans bien d’autres départements de France.
Alors que les estives vont commencer, les éleveurs déplorent le manque de transparence et la lenteur de l’Office français de la biodiversité (OFB), qui exige un nombre important d’éléments – ADN, empreintes – dans des délais courts. Avant que des mesures ne soient prises, les cheptels sont trop souvent décimés. Les expertises concluent simplement par la mention « loup non écarté », malgré des images de vidéosurveillance et de nombreuses preuves attestant de sa présence.
Il semblerait que certains loups aient des comportements déviants, tuant non pas pour manger, mais simplement pour tuer. Ils sont désormais aperçus en périphérie de nos villages et près des bergeries.
Les éleveurs sont totalement démunis et se retrouvent dans l’incapacité de défendre leurs troupeaux et leur travail. C’est, à terme, dans ces régions, la survie de l’élevage qui est en jeu, mais aussi celle de nombreuses appellations dont nous sommes fiers : agneau de pays, veau du Ségala, roquefort, et j’en passe.
Alors, que comptez-vous faire, madame la secrétaire d’État, pour défendre aujourd’hui ceux qui se retrouvent sans moyen de lutte efficace contre ce fléau ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains. – M. Alain Richard applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la biodiversité – toujours pour deux minutes !
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Folliot, je vous remercie pour cette question.
Nous sommes pleinement aux côtés des agriculteurs et des éleveurs face à ces épisodes douloureux. (Marques d’ironie sur les travées du groupe Les Républicains.) Nous sommes à leurs côtés dans la prévention, puis en cas de prédation.
Plus personne n’ignore les alertes. Nous respectons totalement les éleveurs et leur travail, mais aussi les territoires qui connaissent des difficultés pour restaurer les équilibres entre préservation des espèces, des espaces et des différentes pratiques.
Des solutions existent, tous les budgets n’ont pas encore été consommés. Il nous faut développer des filières de protection, les chiens doivent être aux côtés des éleveurs. Nous disposons d’un dispositif national qui se décline localement. Je sais, pour l’avoir vue dans mon territoire, la réactivité du préfet loup sur les fronts de colonisation.
Le Tarn fait effectivement partie des départements dans lesquels le loup est signalé depuis plusieurs années. L’extension de son aire de répartition exigeait des réponses rapides et ambitieuses.
M. Gérard Longuet. Et efficaces !
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. En 2021, l’OFB a identifié quinze attaques. On en dénombre déjà six en 2022. Le préfet du Tarn, en lien avec le préfet loup national, a donc mis en œuvre les dispositions prévues dans ces situations. Une cellule de veille, vous le savez, monsieur le sénateur, a été activée. Les communes concernées sont classées en cercle 2 et cette liste de communes a été élargie ce mois-ci.
Des subventions sont accordées pour l’achat et l’entretien des chiens de protection, des clôtures électrifiées, la réalisation d’une analyse de vulnérabilité. Un accompagnement technique est mis à disposition des éleveurs pour qu’ils puissent se protéger au mieux. (Exclamations dubitatives sur les travées du groupe Les Républicains.)
La direction départementale des territoires a délivré ce jour six autorisations de tirs de défense et une demande est en cours de traitement.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Des mesures de protection sont mises en œuvre et un cadre très précis nous permet d’être aux côtés des éleveurs. Il faut qu’ils s’en saisissent. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour la réplique.
M. Philippe Folliot. Madame la secrétaire d’État, l’engrillagement de nos campagnes n’est pas une solution.
M. Loïc Hervé. Très bien !
M. Philippe Folliot. Non, les patous qui agressent les randonneurs ne sont pas une solution.
Non, le loup n’est pas une espèce menacée aujourd’hui : il y en a des milliers en France.
Oui, il est maintenant temps d’agir, et d’agir concrètement ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP, RDSE et Les Républicains.)
trajectoires des finances publiques
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jérôme Bascher. « Bonne nouvelle : les taux d’intérêt remontent… » : tel est le titre du billet que l’économiste Jean-Marc Daniel a publié aujourd’hui dans un quotidien économique.
C’est vrai que, en théorie, c’est une bonne nouvelle, mais ce n’en est pas une pour la France, compte tenu de l’état de nos finances publiques.
M. Jean-François Husson. Exact !
M. Jérôme Bascher. Depuis dix ans, nos déficits ne cessent d’augmenter, que la croissance soit mauvaise ou exceptionnelle – mauvaise ou exceptionnelle ! (Protestations sur les travées du groupe SER, où l’on invoque l’héritage de Nicolas Sarkozy.)
Depuis dix ans, l’écart se creuse entre la France et l’Allemagne, comme le souligne la Cour des comptes : l’écart entre nos dettes publiques est passé de quatre à quarante points.
M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance n’est pas là, mais je remercie Olivier Dussopt de le suppléer. Monsieur le ministre, êtes-vous aussi alarmé par les finances publiques que la Cour des comptes ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.
M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Monsieur le sénateur Bascher, vous m’interrogez sur la situation des finances publiques et, plus précisément, sur leur trajectoire dans les années qui viennent.
Les chiffres dont nous disposons aujourd’hui sont rassurants, surtout à la sortie d’une crise comme celle que nous avons connue. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
MM. François Bonhomme et Cédric Perrin. Ça va bien se passer !
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. J’entends les quolibets, j’entends les rires : toujours les mêmes oiseaux de mauvais augure, qui préfèrent les mauvaises nouvelles aux bonnes ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Moi, j’insiste sur les bonnes nouvelles : une croissance de 7 % et un taux d’emploi que nous n’avons jamais atteint depuis 1969 – nous dénombrons 650 000 créations d’emplois dans le secteur privé. L’investissement, aussi, repart à la hausse. Cette croissance était inattendue. Elle constitue une bonne nouvelle, parce que cela nous permet de réduire les déficits publics plus rapidement que prévu. (M. Martin Lévrier applaudit.) En 2021, le déficit sera de moins de 7 % du PIB…
Mme Sophie Primas. Formidable…
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Nous avions craint qu’il n’atteigne 8,2 %. Le montant de la dette, dont tout le monde redoutait qu’il dépasse les 120 % du PIB, sera de 113,6 %.
Face à cette situation, notre stratégie…
M. François Bonhomme. Parce qu’il y en a une ?
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. … repose sur le redressement des comptes publics par la croissance. La croissance, en effet, accroît les recettes et, donc, diminue le déficit. Nous en faisons la démonstration avec ce chiffre de 7 % de croissance…
Mme Sophie Primas. Après –8 % !
M. Cédric Perrin. Oui, l’année dernière !
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Nous percevons ainsi des recettes supplémentaires, ce qui réduit les déficits.
Mais il y a un choix que nous ne faisons pas, c’est celui de la facilité, qui consiste à augmenter les impôts, car cela tue la croissance. J’ai gardé le souvenir, en 2011, Mme Pécresse étant ministre du budget, de 15 milliards d’euros d’augmentations d’impôts : gel du barème de l’impôt sur le revenu, modification des droits de succession, alourdissement de la fiscalité sur les entreprises… (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Nous, les impôts, nous les baissons ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Nous les baissons de 50 milliards d’euros : la moitié pour les ménages, la moitié pour les entreprises.
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Et l’augmentation de la CSG ?
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Résultat : nous avons le taux de prélèvements obligatoires le plus bas depuis dix ans. Nous aurons ainsi effacé les conséquences des deux chocs fiscaux, celui du budget de 2011 et celui du budget de 2014.
Nous allons créer de la croissance, pousser la croissance, générer des recettes, nous allons retrouver le chemin de la consolidation budgétaire, de la maîtrise de la dette, comme nous l’avons fait de 2007 à 2020.
Mme Sophie Primas. On dirait que vous lisez un prompteur !
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Vous semblez avoir oublié une chose, monsieur le sénateur : c’est ce gouvernement, et lui seul, qui, pendant trois ans, a tenu les engagements de la France devant la Commission européenne.
M. le président. Il faut conclure !
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Nous avons en effet ramené le déficit à 3 % du PIB et lancé le redressement des comptes publics. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et RDPI. – Mme Sylvie Vermeillet ainsi que MM. Arnaud de Belenet et Pierre Louault applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour la réplique.
M. Jérôme Bascher. Comme le Président de la République, et à l’image de Talleyrand, vous traversez les régimes. Talleyrand disait : « Quand je me regarde, je me désole ; quand je me compare, je me console. » Pour vous, c’est exactement l’inverse : vous vous consolez en vous regardant ! Or il faut se désoler quand nous nous comparons, car l’Allemagne fait mieux que nous. Pis : la Grèce rembourse au FMI sa dette avec deux ans d’avance ! Le FMI, justement, dit dans un récent rapport que la France est un sujet d’inquiétude, et Rexecode souligne que notre industrie décroche.
Et la France n’a jamais eu d’aussi mauvais chiffres du commerce extérieur. Dans quel état laissez-vous la France ! C’est une honte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Alain Duffourg applaudit également.)
M. Julien Bargeton. Tout ce qui est excessif est insignifiant.
politique du gouvernement vis-à-vis des entreprises
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Briquet, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Isabelle Briquet. Madame la secrétaire d’État, 137 milliards d’euros : ce sont les profits cumulés des entreprises du CAC 40 en 2021, selon l’agence Bloomberg. C’est bien plus qu’en 2019, qui sert d’année de référence, avant la crise sanitaire.
On peut se réjouir de la bonne santé des entreprises françaises. Elles ont été soutenues par les aides de l’État, dont l’opportunité ne saurait être remise en cause pour le maintien de notre tissu de PME. S’il n’est pas interdit aux actionnaires de faire des bénéfices, le montant de ceux-ci pose problème. Il n’est pas acceptable que les 80 milliards d’euros d’aides se retrouvent pour une part si importante dans la poche des actionnaires.
Depuis le début de ce quinquennat, les cadeaux fiscaux succèdent aux allégements fiscaux : suppression de l’impôt sur la fortune (ISF), instauration d’une flat tax, réduction importante des impôts de production… Nous ne cessons de dénoncer ces mesures, loi de finances après loi de finances. Aucune contrepartie à ces cadeaux n’est demandée aux entreprises, ni sociale ni écologique. Les revalorisations salariales et les investissements en faveur de la transition écologique n’ont pas leur place dans le partage des bénéfices. Aucune régulation n’est annoncée.
Depuis 2017, les écarts de richesse ne cessent de se creuser. Les salariés peinent à terminer le mois, les étudiants ont toujours recours à l’aide alimentaire, les familles s’endettent, la précarité s’installe ; les actionnaires, eux, profitent, avec l’approbation du Gouvernement.
Madame la secrétaire d’État, est-il décent de laisser prospérer ainsi une richesse improductive, alors que le pouvoir d’achat des Français ne cesse de s’éroder et que le chèque de Noël de 100 euros est déjà noyé sous les litres d’essence ? N’est-il pas temps de mettre en place une vraie redistribution des richesses ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes CRCE et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de l’économie sociale, solidaire et responsable.
Mme Olivia Gregoire, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’économie sociale, solidaire et responsable. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est un plaisir de vous retrouver. J’ai l’honneur de représenter Bruno Le Maire, retenu à Toulouse, où il se trouve avec le Président de la République pour parler politique spatiale. (Mme Sophie Primas ironise.)
Madame Briquet, vous parlez de cadeaux fiscaux, je vais parler de défense de notre souveraineté, de nos entreprises, et de soutien aux salariés et à l’emploi.
Oui, nous réduisons les impôts de production, dans des proportions historiques. Oui, nous avons baissé le taux de l’impôt sur les sociétés, désormais à 25 %. Oui, nous avons transformé le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en baisses de charges. Oui, nous avons réformé le droit du travail. Oui, nous avons rendu pas moins de 26 milliards d’euros aux entreprises et à peu près autant aux ménages, comme Olivier Dussopt vient de le rappeler.
Pour autant, je ne parle pas là de cadeaux ; je parle d’investissements. Gardons-nous des raccourcis, malgré le peu de temps dont je dispose pour vous répondre. Il est important que nos entreprises profitent de la croissance, qu’elles fassent des bénéfices. Il importe aussi, et je vous remercie de l’avoir dit vous-même, que les actionnaires touchent des retours sur leurs investissements. Cela s’appelle un dividende, et cela rémunère le risque pris en investissant.
Mme Isabelle Briquet. Zéro risque !
Mme Olivia Gregoire, secrétaire d’État. Je n’oublie jamais que, sans investissement, il n’y a pas d’emploi. Vous parliez de pouvoir d’achat : celui-ci ne saurait augmenter sans investissement.
Vous parliez de cadeaux. Je dirais plutôt que nous avons investi. Au cours de la période difficile que nous avons traversée, pas moins de 240 milliards d’euros ont été consacrés à la protection de nos entreprises, de nos salariés. Vous êtes nombreux à reconnaître de bonne foi que nous pouvons être fiers de ce choix.
Nous avons engagé sur les territoires, à l’heure actuelle, 72 milliards d’euros sur les 100 milliards d’euros prévus par le plan de relance. Pour avoir siégé trois ans à la commission des finances de l’Assemblée nationale, je sais qu’il faut être précis : à ces crédits sont attachées des obligations, et les entreprises ayant bénéficié du plan de relance doivent formuler un bilan d’émissions de gaz à effet de serre (Beges). C’est l’une des conditions attachées au plan de relance, qui a été adopté par le Parlement. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)