Mme le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le Haut Conseil du financement de la protection sociale l’affirmait en mai 2021 : « Quelles que soient les réformes menées, il ne sera pas possible de rééquilibrer l’assurance maladie rapidement par la seule maîtrise des dépenses. »
La question n’est donc pas celle du renforcement du contrôle du Parlement pour encadrer davantage la baisse des dépenses de santé. Il s’agit, au contraire, de trouver de nouvelles recettes pour financer la santé à la hauteur des besoins.
Parce que la santé n’est pas un coût, mais un investissement, nous sommes opposés à l’Ondam, qui fixe chaque année une enveloppe trop faible.
Et ce n’est pas en créant des sous-objectifs à l’Ondam, comme l’a proposé la droite, que les établissements de santé trouveront des moyens humains et matériels supplémentaires.
Derrière les désaccords de façade en commission mixte paritaire, la majorité sénatoriale et le Gouvernement partagent en réalité la même approche gestionnaire et comptable de la santé, en déconnexion avec les réalités de terrain. En effet, la commission a adopté tel quel le texte issu de l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.
Même si l’Assemblée nationale a supprimé l’instauration d’une règle d’or, l’intégration de l’assurance chômage dans les LFSS, ou bien encore les fameux Pepss, les programmes d’efficience des politiques de sécurité sociale, introduits par la droite en première lecture, ce texte nous paraît toujours bien mauvais.
En réalité, derrière la question du financement de la sécurité sociale, se pose la question de notre choix de société. En permettant aux travailleuses et aux travailleurs de maîtriser les moyens de répondre aux besoins sanitaires et sociaux de la population, la sécurité sociale permet de prélever directement l’argent là où la richesse est produite, à savoir dans l’entreprise.
Le patronat a toujours combattu la sécurité sociale en cherchant à maîtriser sa gouvernance et à transférer son financement sur les ménages.
Alors que la fiscalité ne représentait que 2 % des recettes de la sécurité sociale à la fin des années 1980, elle en représente aujourd’hui près de 40 %, tandis que les prélèvements sur les entreprises se sont réduits à hauteur de 17 %. Cette croissance de la fiscalité a servi de justification à l’élimination quasi complète d’une gouvernance de la sécurité sociale par les représentants des salariés et a renforcé le rôle gestionnaire de l’État.
Désormais, les lois de financement subordonnent les dépenses de la sécurité sociale aux arbitrages entre Bercy et le ministère de la santé, au détriment des salariés et des usagers.
Il faut en finir avec les politiques de restriction budgétaire, qui ont pourtant entraîné la fermeture des hôpitaux de proximité, la suppression de 70 000 lits en quinze ans, la dégradation des conditions de travail des personnels, la pénurie de médecins avec le numerus clausus et l’arrêt des investissements en raison de l’endettement des établissements.
Comment pouvez-vous, mes chers collègues, vous indigner, dans vos circonscriptions, face aux dégradations de l’accès aux soins ou partager le désarroi et la colère des hospitaliers dans le cadre des commissions d’enquête, et continuer à voter des lois qui conduisent notre système de santé vers une dégradation continue ?
Il est urgent de rompre avec les politiques menées ces dernières décennies, qui sonnent le glas d’un service hospitalier de qualité, en augmentant les recettes. Il faut remettre la sécurité sociale sur ses deux pieds, d’une part, en rétablissant les cotisations sociales des entreprises et en élargissant son financement aux revenus financiers, d’autre part, en modulant le taux de cotisation selon la politique menée par les entreprises en matière de développement de l’emploi, de qualifications et de salaires, d’égalité salariale et de respect de l’écologie. Enfin, il faut rétablir la gestion démocratique de la sécurité sociale par les salariés eux-mêmes.
Or toutes ces propositions sont absentes de ces propositions de loi. Pour cette raison, les sénatrices et sénateurs du groupe CRCE voteront contre ces deux textes.
Mme le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP.)
Mme Élisabeth Doineau. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme cela a déjà été souligné, il est très rare, voire étrange, que la commission des affaires sociales invite le Sénat à adopter sans modification un texte en nouvelle lecture, après un échec de la commission mixte paritaire.
J’ai eu l’occasion de dire en commission combien un accord dès la commission mixte paritaire aurait sans doute été préférable. Néanmoins, malgré ces péripéties, l’essentiel est bien de voir quel cadre organique nous est proposé pour l’examen des futures lois de financement de la sécurité sociale.
Nous le savons, à l’inverse de quelques réformes passées, comme le vote de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) en 2001, les deux assemblées ne partageaient pas au départ le même niveau d’ambition quant au renforcement des pouvoirs de décision et de contrôle du Parlement en matière de finances sociales.
Dès lors, presque par définition, le compromis qui nous est proposé se situe à mi-chemin de ces deux ambitions.
Bien sûr, on peut voir le verre à moitié vide. Nous n’étendrons pas cette fois-ci la compétence des LFSS à l’assurance chômage. Nous n’instaurerons pas davantage la « règle d’or », pour imposer un retour à l’équilibre des comptes sociaux après la crise actuelle.
Toutefois, la réalité, notamment financière, étant têtue, il y a fort à parier que ces sujets reviendront sur le devant de la scène d’ici à quelques années. À ce moment-là, la position aujourd’hui défendue par la seule majorité sénatoriale sera probablement mieux partagée par les autres pouvoirs publics.
En tant que rapporteure générale – je pense exprimer la pensée de l’ensemble des rapporteurs du projet de loi de financement de la sécurité sociale –, je suis déçue par l’absence de ce que nous avions nommé les « programmes d’efficience des politiques de sécurité sociale », l’équivalent des « bleus » budgétaires, pour les différentes branches.
Notre rapporteur avait proposé en fin de processus une position de compromis, consistant en la justification, dans l’étude d’impact de la LFSS, du montant demandé pour chaque objectif de dépense, ce qui semble la moindre des choses. Pourtant, cela lui a été refusé, du fait de la forte opposition du Gouvernement, monsieur le secrétaire d’État.
De tels refus sont à la fois troublants et inquiétants. Traduisent-ils l’incapacité de l’administration et des organismes à produire de telles justifications ? Le Parlement devra-t-il se prononcer à l’aveugle, en ne disposant que d’une information appauvrie par rapport à celle des actuels PLFSS ? Et quel sera le sens des futures lois d’approbation des comptes de la sécurité sociale, si l’on ne peut comparer dans le détail les résultats obtenus aux prévisions et hypothèses initiales ?
Néanmoins, malgré ces manques réels, je préfère retenir le verre à moitié plein, résultat d’un dialogue tardif et de la ténacité de notre rapporteur, Jean-Marie Vanlerenberghe.
Ces apports enrichissent indéniablement le texte dont nous avions été saisis en première lecture. Afin de ne pas dépasser mon temps de parole, je concentrerai mon propos sur la reprise des « clauses de retour au Parlement ».
Comme l’a souligné M. le rapporteur, le Parlement a été délibérément ignoré par le Gouvernement en 2020 et 2021, alors même que toutes les hypothèses sur lesquelles avait été construit l’équilibre financier de la sécurité sociale avaient été remises en cause. Tout s’est passé comme si notre vote sur la LFSS n’avait aucune portée.
Un tel état de fait n’est pas acceptable. S’agissant d’argent public, dont une part importante d’impôts, ces pratiques s’opposent de manière assez frontale au grand principe de 1789 – oui, je remonte à la Révolution ! –, selon lequel « tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi ».
À l’avenir, et c’est un minimum, le Gouvernement devra s’expliquer devant les commissions des affaires sociales des deux assemblées et demander leur avis avant de relever le plafond d’endettement à court terme de l’Urssaf-Caisse nationale ou en cas de remise en cause de l’équilibre financier de la sécurité sociale déterminé par la LFSS.
De plus, nous serons informés sans délai en cas d’augmentation de plus de 10 % de la dotation. C’est aussi un minimum, mais un vrai progrès par rapport à l’absence totale, aujourd’hui, de communication au Parlement du niveau envisagé pour ces dotations au moment du vote de la LFSS.
Bien sûr, je ne souhaite pas que nous fassions, à l’avenir, un usage intensif de ces outils de crise. Néanmoins, mes chers collègues, sachons nous en emparer et les faire vivre lorsque les circonstances l’exigeront. J’espère surtout que les gouvernements futurs auront la sagesse de déposer et de défendre devant le Parlement des projets de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, comme ils en ont toujours eu le droit et, ajouterai-je, le devoir moral.
En conclusion, comme les sénateurs de mon groupe, je soutiendrai la position de M. le rapporteur, à savoir l’adoption, sans modification, de ces deux propositions de loi, enrichies par les apports significatifs de notre assemblée. Les droits du Parlement sont une conquête, qu’il faut parfois savoir réaliser par étapes. Savourons avec délectation ce que nous avons pu négocier ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP.)
Mme le président. La parole est à M. Bernard Fialaire. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Bernard Fialaire. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous allons enfin voter aujourd’hui une réforme du cadre d’examen des lois de financement de la sécurité sociale.
Ce cadre n’avait pas évolué depuis dix-sept ans. Il était temps de le voir actualiser, afin de répondre aux difficultés exprimées par les parlementaires depuis plusieurs années.
C’est un euphémisme, en effet, que de dire que les conditions d’examen des PLFSS n’étaient pas optimales… Même votre collègue Olivier Dussopt, monsieur le secrétaire d’État, reconnaissait qu’il y avait là quelque difficulté.
Comment s’exprimer légitimement, en toute connaissance de cause, sur un budget de plus de 500 milliards d’euros, dont les conséquences sont majeures sur la vie quotidienne des Français, dans des délais aussi contraints ?
S’agissant d’un texte qui, chaque année, détermine les conditions de prise en charge des personnes malades, âgées ou handicapées, il convient de l’examiner dans des conditions sereines.
Ce sera donc chose faite, puisque les deux propositions de loi devraient être adoptées aujourd’hui. Fait rare après une commission mixte paritaire non conclusive, les rapporteurs auront réussi à accorder leurs violons avant le début de la nouvelle lecture.
Le groupe du RDSE se réjouit de cet accord, d’autant qu’il avait exprimé de fortes réserves sur la difficile question de la règle d’or, défendue par la majorité sénatoriale en première lecture. Alors que la crise sanitaire secoue notre pays depuis maintenant deux ans, il nous apparaît prématuré d’introduire dans la loi le principe d’un équilibre financier des comptes de la sécurité sociale, même à moyen terme.
Le séisme de cette pandémie continue de produire des répliques, qui s’avèrent particulièrement coûteuses pour notre système de santé. Si le « quoi qu’il en coûte » touche à sa fin, l’État doit à tout prix continuer d’investir dans notre système de soins. Il serait dommageable de voir les dépenses de santé contraintes par une règle budgétaire, alors que les soignants se sont adaptés dans des délais et des périmètres inédits et que de nombreux soins et dépistages déprogrammés devront être assurés dans les mois à venir. Le groupe du RDSE se réjouit donc de l’abandon de cette mesure.
Concernant les autres dispositions qui faisaient débat, nous regrettons que notre proposition d’une annexe retraçant les recettes et dépenses de médicaments n’ait pas été retenue.
Nonobstant ce point, nous saluons les avancées de ce texte. La création d’une loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale, notamment, permettra, dès juin prochain, de consacrer un temps à l’examen des dépenses de l’année précédente. Cette partie du PLFSS était généralement expédiée à l’automne, moment où nos préoccupations portaient davantage sur le budget de l’année à venir.
Par ailleurs, en cas de dépassement des dépenses votées, nous pourrons recourir plus facilement aux projets de loi de financement rectificative de la sécurité sociale : les commissions des affaires sociales seront consultées en cas de remise en cause en cours d’exercice d’éléments essentiels de la loi votée à l’automne. Elles seront également informées sans délai – cela a été dit – en cas de dépassement de plus de 10 % d’une dotation attribuée à un organisme ou à une agence dépendant de l’assurance maladie.
Les leçons de la crise semblent tirées : nous avons besoin de davantage d’agilité et de réactivité dans l’examen du budget de la sécurité sociale.
En définitive, les points de divergence étaient faibles et, après négociation, un « honnête compromis » a pu être trouvé, pour reprendre les mots de notre rapporteur Jean-Marie Vanlerenberghe. Nous avons su saisir l’occasion qui nous était offerte d’améliorer le pouvoir de décision et de contrôle du Parlement en matière de finances sociales.
Le groupe du RDSE votera donc en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi qu’au banc des commissions. – M. Bernard Buis applaudit également.)
Mme le président. La parole est à M. Bernard Jomier. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Bernard Jomier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je commencerai par une question de forme. Il ne nous paraît pas de bonne politique de passer un accord en dehors de la commission mixte paritaire. La procédure parlementaire prévoit que la commission mixte paritaire soit l’organe qui réunit les deux chambres, majorités et oppositions confondues.
Évidemment, on ne conçoit pas un accord entre oppositions, qui n’aurait aucune chance de prospérer ; il est normal que l’accord se fasse entre les majorités respectives des deux chambres : tel est l’esprit de nos institutions. Il n’est dans l’esprit ni de nos institutions ni de la vie parlementaire, en revanche, d’écarter formellement les oppositions de ces discussions : celles-ci doivent se dérouler en toute transparence. Et je veux dire, au nom de mon groupe, mon étonnement, d’autant que nous connaissons l’attachement profond de notre rapporteur au respect de la vie parlementaire et des oppositions.
Ces raisons de forme suffisent déjà à contrarier les éventuelles bonnes dispositions que nous pourrions entretenir à l’égard de ce texte, mais ne nous cachons pas derrière ces raisons : sur le fond, des difficultés que nous avions pointées en première lecture persistent.
Certes, des améliorations sont à relever – je vais commencer par là.
Premièrement, la question de l’assurance chômage a été écartée du texte. Nous étions fermement opposés à cette mesure et à la logique qu’elle instaure.
Deuxième point positif, la règle d’or n’a pas été retenue dans le texte dont nous débattons en nouvelle lecture ; nous approuvons le retrait de cette disposition. Certes, la dépense publique doit être soutenable, efficace, elle doit être au service de nos concitoyens et en rapport avec leurs besoins. Mais cette règle n’aurait fait que renforcer le prisme économique et financier à travers lequel est envisagée notre protection sociale.
Troisièmement, nous l’avions dit en première lecture, cette proposition de loi améliore la procédure parlementaire relative aux lois de financement de la sécurité sociale : on y lit bel et bien un but d’efficacité et de meilleure information du Parlement.
Néanmoins, nous avons réellement besoin d’une transformation beaucoup plus profonde de la méthode d’élaboration de nos lois de financement de la sécurité sociale. Tout d’abord, il nous faut des indicateurs plus proches du réel, plus proches, donc, des prévisions quant à la prise en compte des conditions de travail dans les établissements et à l’évolution des rémunérations, de la qualité des soins, du nombre de lits, des stocks tactiques et stratégiques de matériel médical et de médicaments – j’arrête là cette énumération qui, fût-elle complète, serait trop longue.
Nous souhaitons, nous, que l’Ondam soit revu en profondeur, c’est-à-dire que la délibération du Parlement soit précédée d’une délibération portant sur la détermination d’objectifs nationaux de santé publique. La logique de l’Ondam tel qu’il a été construit a atteint ses limites, celles d’une lecture par trop financière du budget de la sécurité sociale, autrement dit du budget santé de la Nation, de surcroît organisée selon des conditions que nous connaissons bien, nous, parlementaires : ce cadrage financier est transmis au Parlement trop peu de temps avant la discussion, quoi qu’il en soit des améliorations que celle-ci peut en la matière apporter.
C’est bel et bien l’ensemble de la procédure qu’il faut revoir. À cet égard, le présent texte relève d’une vision trop partielle.
Le moment n’est pas à ce genre de réforme paramétrique. Nous devons repenser notre approche du système, mieux nous inscrire dans une logique de terrain – une logique des besoins –, celle d’une organisation conçue pour être au plus près de nos concitoyens, et ce afin de favoriser l’initiative, l’analyse par territoire et la coordination des différentes dépenses.
L’État doit renoncer à ses habitudes, qui lui font adopter une attitude excessivement centralisée et empreinte d’une logique en premier lieu financière ; il doit lui préférer une logique de cadrage budgétaire liée à la fixation d’objectifs.
Les dernières semaines ont encore administré la preuve des dérives de ce système. Ce genre d’approche ne peut s’effectuer in fine qu’au détriment de l’offre de soins et du service rendu. Penser l’améliorer en réformant uniquement la procédure financière est un leurre. Nous devons construire un système robuste, efficace, qui réponde aux besoins de la population, laquelle en est le financeur ultime, pour ensuite allouer à ce système un budget cohérent et réaliste.
Voilà ce que nous voulons. Voilà ce que nous défendons. Voilà ce qui n’est pas fait dans ces textes. C’est la raison pour laquelle nous ne les approuverons pas. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)
Mme le président. La parole est à M. Martin Lévrier. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Martin Lévrier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, de l’article XIV de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen à la création de la commission des comptes de la sécurité sociale en passant par les ordonnances Jeanneney ou par la réforme introduite par la loi organique du 2 août 2005, il va sans dire que les textes visant les finances sociales ont joué un rôle majeur pour nous permettre, à nous, parlementaires, mais aussi à nos concitoyens, de mieux appréhender la gestion desdites finances.
Pour autant, plusieurs rapports ont souligné les limites des lois de financement de la sécurité sociale actuelles. Je pense notamment au rapport du Haut Conseil du financement de la protection sociale, ou encore à celui de la commission sur l’avenir des finances publiques, présidée par M. Jean Arthuis.
C’est conjointement que nous examinons aujourd’hui, en deuxième lecture et après une commission mixte paritaire non conclusive, la proposition de loi relative aux lois de financement de la sécurité sociale et la proposition de loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale.
Vous le savez, ces deux textes proposent des modifications relatives au contenu des lois de financement. La proposition de loi organique crée une loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale et précise, en son article 1er, que seules les lois de financement pourront désormais créer ou modifier des mesures de réduction, d’exonération ou d’abattement d’assiette des cotisations ou contributions sociales pour une durée supérieure à trois ans.
L’article 2 enrichit les annexes des PLFSS afin d’assurer une information juste et exhaustive pour ce qui concerne notamment la situation financière des établissements de santé et des régimes d’assurance chômage et de retraite complémentaire.
Le texte modifie également le calendrier des lois de financement et annualise la présentation des sommes restantes dues par l’État à la sécurité sociale.
La proposition de loi contient quant à elle deux articles. Le premier intègre, dans un article générique portant sur la saisine des caisses de sécurité sociale, les spécificités de la procédure appliquée aux projets de loi de financement de la sécurité sociale. Le deuxième prévoit une entrée en vigueur de cette disposition au 1er septembre 2022, permettant qu’elle s’applique à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023.
En commission mixte paritaire, plusieurs points de désaccord ont empêché de trouver un compromis sur ce texte. Ainsi de l’extension du périmètre des LFSS aux dispositions ayant un effet sur la dette des établissements de santé et médico-sociaux ; de l’extension du champ des LFSS à l’assurance chômage ; de la règle d’or introduite par le Sénat.
Cependant, malgré l’échec de la commission mixte paritaire et grâce au travail de compromis réalisé par les rapporteurs des deux chambres, un accord est aujourd’hui possible. Et je tiens à en remercier tout particulièrement les rapporteurs Thomas Mesnier et Jean-Marie Vanlerenberghe.
L’Assemblée nationale a en effet intégré, en nouvelle lecture, certains apports du Sénat – « clauses de retour au Parlement » ou création d’un article liminaire des lois d’approbation des comptes de la sécurité sociale –, qui donneront au Parlement une vision complète de la situation financière des administrations de sécurité sociale au moment de voter ces lois.
Nous nous félicitions qu’une précision apportée par notre groupe ait été conservée concernant l’encadrement temporel à trois ans du diagnostic de situation annexé au projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale.
Ainsi les modifications apportées à l’Assemblée nationale ont-elles permis à notre rapporteur de proposer en commission un vote conforme. L’équilibre obtenu permettra de répondre aux failles identifiées durant ces années de pratique des LFSS.
Il est donc naturel que notre groupe vote en faveur de ces textes ambitieux qui renforceront l’efficacité des lois de financement de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme le président. La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ces propositions de loi, que nous examinons en nouvelle lecture, nous offrent l’occasion d’améliorer les modalités d’examen par le Parlement des lois de financement de la sécurité sociale, socles de notre démocratie et de notre société.
La crise sanitaire a durablement déséquilibré les comptes sociaux, qui étaient en 2019 très proches de l’équilibre. Les mesures d’urgence déployées par le Gouvernement ont permis de revaloriser les salaires des soignants, de financer les tests et les vaccins, de protéger nos concitoyens et nos entreprises de l’onde de choc provoquée par l’épidémie, en aggravant, bien sûr, les dépenses, quand dans le même temps les recettes diminuaient du fait du chômage partiel.
Le Haut Conseil du financement de la protection sociale vient de remettre ses recommandations pour redresser les comptes sociaux d’ici à 2031. Le principal défi à relever est celui du financement de la branche maladie : les crédits alloués au grand âge, à l’hôpital, à la médecine de ville, etc., sont nécessaires ; il nous faut les conserver. Pour y parvenir, nous devons placer la prévention au cœur de notre système de santé et renforcer l’accès aux soins pour éviter les retards de diagnostic et de prise en charge. Nous devons également favoriser les créations d’emplois par des entreprises compétitives, afin d’augmenter le niveau d’emploi, et donc les cotisations, et financer ainsi notre protection sociale.
Il s’agit donc de trouver le chemin de ce retour à l’équilibre. À cette fin, ces deux propositions de loi tendent à rénover le pilotage des comptes sociaux en renforçant l’information et le contrôle du Parlement sur l’examen et l’exécution des lois de financement de la sécurité sociale.
L’une des mesures principales est la création d’une loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale. Ce texte reprendrait l’ensemble de la première partie des lois de financement de la sécurité sociale, sur le modèle des lois de règlement relatives aux finances de l’État examinées chaque printemps.
La création d’un article liminaire permettra d’améliorer la visibilité dont disposent les parlementaires sur la trajectoire financière des administrations de sécurité sociale. Cet article présentera les prévisions de dépenses, de recettes et de solde pour le dernier exercice clos, pour l’exercice en cours et pour l’année à venir. Nous accueillons favorablement cet effort indispensable de lisibilité.
Le désaccord majeur entre les deux assemblées, constaté en commission mixte paritaire, a porté sur l’intégration de la dette des hôpitaux dans le périmètre du PLFSS. Personnellement, j’y étais favorable, car cette dette est la conséquence d’un manque de financement durable de l’Ondam.
En nouvelle lecture, la commission des affaires sociales du Sénat a accepté cette disposition, qui a été limitée aux mesures modifiant l’équilibre financier de la sécurité sociale.
L’Assemblée nationale a repris par ailleurs un certain nombre d’avancées proposées par le Sénat. Est notamment prévue une « clause de retour au Parlement » ; ainsi les commissions des affaires sociales seraient-elles amenées à se prononcer en cas d’écart important, supérieur à 10 %, constaté dans l’équilibre financier des comptes sociaux et à émettre un avis sur les mesures envisagées par le Gouvernement pour revenir à une situation d’équilibre.
Le groupe Les Indépendants – République et Territoires salue la solution de compromis adoptée entre la position du Sénat et celle de l’Assemblée nationale. Nous voterons en faveur de ces deux propositions de loi et félicitons M. le rapporteur pour son travail efficace. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi qu’au banc des commissions. – M. Bernard Fialaire applaudit également.)
Mme le président. La parole est à M. René-Paul Savary.
M. René-Paul Savary. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en tant que président de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss), j’avais cosigné la proposition de loi organique déposée en mars dernier par Jean-Marie Vanlerenberghe, puisque j’en approuvais les principaux objectifs.
À cette aune, le texte qui nous est présenté fait en quelque sorte la moitié du chemin.
Il n’élargit pas le périmètre des lois de financement de la sécurité sociale. À cet égard, j’ai bien entendu les réserves exprimées par les partenaires sociaux. J’en prends acte, bien sûr, tout en leur disant qu’il faudra faire preuve de cohérence : sans association du Parlement, c’est à eux, et non pas aux impôts des Français, qu’il reviendra d’éponger la dette considérable du régime d’assurance chômage. J’espère qu’ils y parviendront, mais je crains que nous n’ayons à revenir sur ce sujet dans les années à venir. Soyons lucides, mes chers collègues !
Ce texte ne répond pas non plus à la nécessité de rééquilibrer les comptes de la sécurité sociale. À cet égard, monsieur le secrétaire d’État, que le Gouvernement le veuille ou non, vingt-six ans après la création de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades), il va bien falloir rapidement déterminer si l’on veut vraiment rembourser la dette sociale, ce qui impliquerait de s’en donner les moyens, y compris juridiques, ou si l’on abandonne cet objectif de responsabilité vis-à-vis des générations futures. Le « en même temps » ne sera pas éternellement tenable sur un tel sujet…
Je regrette que les réformes structurelles, en matière de retraite et de dépendance notamment, aient été abandonnées.
Nous sommes tous conscients qu’il faut, d’une part, sauvegarder notre système par répartition et assurer des retraites décentes aux Français et, d’autre part, trouver de nouveaux moyens financiers pour permettre à chaque Français de vieillir dans un environnement choisi et non subi. Même le « bien vieillir chez soi », préconisé par nos collègues Michelle Meunier et Bernard Bonne dans leur rapport sur le sujet, nécessitera de nouveaux moyens. Ces enjeux sont connus et reconnus ; malheureusement, ils n’ont pas été pris en compte par le Gouvernement.
Pour revenir au sujet qui nous réunit aujourd’hui, je reconnais que des efforts ont été faits par l’Assemblée nationale pour se rapprocher de nos propositions. Ces efforts ont été tardifs, certes, et même postérieurs à la réunion de la commission mixte paritaire, mais mieux vaut tard que jamais.
Aussi, je salue les avancées de cette proposition de loi organique en matière de normativité des lois de financement de la sécurité sociale. Les « clauses de retour au Parlement » sont une très bonne chose, cohérente avec les mesures de notre propre proposition de loi organique.
Je prends également acte de l’abandon de l’extension des LFSS aux mesures relatives à la dette hospitalière, extension à laquelle le Sénat était très opposé. Vous avez trouvé un compromis qui ressemble à du bavardage, mais qui permet à chacun de s’en tirer la tête haute – c’est l’essentiel !
Enfin, en tant que président de la Mecss, je tiens à souligner les progrès que le texte que nous allons voter permet d’accomplir en matière de contrôle, via la création des lois d’approbation des comptes sociaux.
L’envoi au Parlement de données rendues disponibles dans un format exploitable garantira aux différents rapporteurs qu’ils pourront travailler sur ces données comme ils l’entendent et les présenter comme ils le souhaitent.
Ces deux textes comportent donc des avancées intéressantes.
Mon dernier mot, monsieur le secrétaire d’État, sera toutefois pour m’étonner des incompréhensions qui ont semblé naître d’une précision que j’avais souhaité apporter. Cette précision avait trait à la nature des informations que les commissions des affaires sociales peuvent demander en vertu des pouvoirs d’investigation qu’elles tiennent de l’article L.O. 111-9 du code de la sécurité sociale.
Certains, en fin de navette, ont semblé émettre des doutes sur la constitutionnalité de ce dispositif, auquel le Gouvernement ne s’est pourtant pas opposé en première lecture au Sénat. Je rappelle donc à chacun que le Conseil constitutionnel a validé sans réserve la rédaction de cet article L.O. 111-9, qui permet aux commissions des affaires sociales des deux chambres de choisir à quels interlocuteurs elles demandent « tous les renseignements et documents d’ordre financier » qu’elles souhaitent obtenir.
Cette définition est très large. Et ces « renseignements » peuvent parfaitement concerner des sujets prospectifs. Nous avons d’ailleurs souvent usé de cette faculté sans que nul nous en conteste jamais le droit, par exemple au moment de l’élaboration du rapport sur la rénovation des relations financières entre l’État et la sécurité sociale qui, par définition, concernait l’avenir.
Je veux donc qu’il soit bien clair entre nous, monsieur le secrétaire d’État, que notre commission et la Mecss continueront demain d’utiliser la plénitude des pouvoirs que leur attribue cet article L.O. 111-9, en interrogeant comme bon leur semble toutes les administrations et tous les organismes énumérés dans cet article. Bien que les précisions que nous avions adoptées en première lecture ne soient pas toutes expressément inscrites dans la loi, nous savons que le Gouvernement est disposé à ce que nos demandes d’information continuent d’être satisfaites ; n’hésitez pas à nous le confirmer !
Les membres de mon groupe et moi-même, suivant l’avis de la commission, voterons les deux propositions de loi adoptées par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi qu’au banc des commissions. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)