Mme le président. La parole est à M. Alain Marc, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Alain Marc. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, neuf mois après le dépôt du projet de loi, les deux chambres du Parlement sont parvenues à un texte commun sur le nouvel acte de la décentralisation. Il y a toujours lieu de se féliciter d’un accord en commission mixte paritaire. Nous nous en réjouissons, même si ce projet de loi ne sera pas le Grand Soir de la décentralisation.
Les auditions menées en amont de l’examen de ce texte ont souligné une chose : les collectivités locales ont subi, en même temps que la loi NOTRe, des baisses importantes de leurs dotations. Il ne fallait surtout pas bouleverser de nouveau le cadre de leurs activités.
Personne n’aurait bien sûr osé affirmer que ce cadre n’était pas perfectible, mais il s’agissait de réformer sans révolutionner.
Pour mener à bien leur mission, nos élus – tout comme nos concitoyens – ont besoin de lisibilité et de stabilité : lisibilité pour connaître les limites de leurs capacités ; stabilité afin de pouvoir concevoir des actions qui s’inscrivent dans le temps. À défaut, et avec la montée en puissance du risque pénal, nos élus seraient poussés à l’immobilisme.
Je regrette que ce texte ne soit pas plus ambitieux. Si tant est qu’un texte comptant 240 pages de dispositif puisse avoir échappé à l’écueil de l’inflation normative, nous pensons qu’il faut en tout cas l’envisager tel qu’il est : peu ambitieux, mais très technique.
Il apporte quelques avancées qui simplifieront la vie des élus. Nombre d’entre elles sont issues du travail du Sénat, la chambre des territoires.
Si nous sommes nombreux à avoir l’expérience des responsabilités locales, nous avons tous à cœur de servir ceux qui font vivre la démocratie et l’action publique dans nos territoires. Nous savons bien, en outre, que la décentralisation n’est pas seulement un impératif démocratique ; elle constitue surtout un gage d’efficacité.
Je veux souligner ici le travail considérable réalisé, notamment par nos deux rapporteurs, Mathieu Darnaud et Françoise Gatel, pour donner à ce texte un peu plus de relief.
Nos rapporteurs ont su écouter nos suggestions tendant à confier aux départements les maîtrises d’ouvrage pour les routes nationales qui seront proposées par l’État.
Nous nous félicitons aussi du fait que les communes puissent désormais choisir les compétences qu’elles confient à l’intercommunalité, même si certaines modalités restent à définir. De même, il nous paraît tout à fait pertinent que les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre puissent déléguer aux départements ou aux régions leurs compétences facultatives. Chaque territoire doit pouvoir trouver les équilibres qui lui correspondent.
La même logique sous-tend la possibilité offerte aux collectivités de procéder à des délégations de compétences propres à la réalisation d’un projet d’intérêt commun.
Le projet de loi aborde de nombreuses dimensions de la vie de nos concitoyens, notamment les mobilités. Dans le domaine ferroviaire, les régions deviendront propriétaires de lignes de desserte fine du territoire, les petites lignes.
En matière d’écologie, certaines décisions ont été rapprochées du terrain. Comme l’avait proposé le Sénat, les maires seront désormais mieux associés aux décisions concernant leur territoire, par exemple celles qui sont susceptibles de porter atteinte aux alignements d’arbres.
Les plans locaux d’urbanisme pourront à l’avenir fixer le cadre de l’implantation des éoliennes, ce que nous saluons. Il ne faut pas faire porter à quelques-uns les efforts que nous devons tous entreprendre pour lutter contre le dérèglement climatique.
Sur un autre sujet, notre collègue Emmanuel Capus avait déposé un amendement de modification de la loi SRU, qui visait à rendre plus progressive l’entrée dans le régime d’obligation lié aux seuils de logements sociaux. Le Sénat l’avait adopté. Nous nous félicitons que la commission mixte paritaire en ait conservé le principe.
Je suis heureux que la disposition, proposée par notre collègue Daniel Chasseing, ayant pour objet de permettre aux communes touristiques membres d’une communauté d’agglomération qui le souhaiteraient de retrouver l’exercice de la compétence de promotion du tourisme ait été conservée dans le texte final.
J’ai un regret toutefois, c’est que nous ne soyons pas parvenus à transférer la médecine scolaire, pratiquement inexistante aujourd’hui, aux départements, qui ont déjà en charge la protection maternelle et infantile. Cela aurait permis de systématiser les visites médicales scolaires pour les enfants âgés de 6 ans à 11 ans, rendant possible la détection de certains troubles, qu’il faut constater au plus tôt pour pouvoir les prendre en charge. C’était une mesure de justice sociale pour les enfants qui ne voient jamais de médecin.
Autre regret, nous n’avons pas affirmé la différenciation du freinage de l’artificialisation des sols, dans un moment où nos communes rurales retrouvent de l’attractivité.
Sur tous ces sujets, nous jugeons indispensable de faire confiance aux élus : ce sont eux qui connaissent le mieux les spécificités du territoire et les moyens de répondre à ses besoins. Le projet de loi y concourt, bien que très imparfaitement, et ce grâce au travail du Sénat, qui l’a sorti de l’ornière en lui donnant un peu de substance !
Ces critiques émises, mais ne cherchant nullement, cher Alain Richard, à alléger ma conscience, permettez-moi d’indiquer que le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains. – M. François Patriat applaudit également.)
Mme le président. Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je vais mettre aux voix l’ensemble du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par les amendements du Gouvernement.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 97 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 333 |
Pour l’adoption | 301 |
Contre | 32 |
Le Sénat a adopté définitivement. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures trente-cinq, est reprise à dix-sept heures quarante.)
Mme le président. La séance est reprise.
5
Financement de la sécurité sociale
Adoption définitive en nouvelle lecture d’une proposition de loi organique et d’une proposition de loi dans les textes de la commission
Mme le président. L’ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture de la proposition de loi organique et de la proposition de loi, adoptées par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatives aux lois de financement de la sécurité sociale (proposition de loi organique n° 411, proposition de loi n° 412, textes de la commission nos 430 et 431, rapport n° 429).
Il a été décidé que ces textes feraient l’objet d’une discussion générale commune.
Dans la discussion générale commune, la parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, nous nous apprêtons aujourd’hui à discuter d’un nouveau cadre organique pour nos finances sociales, sujet que d’aucuns pourraient juger technique.
On pourrait en effet penser qu’il ne s’agit là que de répondre aux préoccupations de quelques spécialistes par des dispositions propres à nourrir la doctrine et à susciter une poignée d’articles dans des revues spécialisées. Il n’en est rien, et je voudrais rappeler que ce sont des textes d’importance que nous allons examiner – mais je sais, mesdames, messieurs les sénateurs, que vous en êtes tous convaincus au sein de cet hémicycle.
Le premier indice en ce sens est que ces textes relèvent d’une initiative parlementaire, engagée à l’Assemblée nationale par le rapporteur général de la commission des affaires sociales Thomas Mesnier et dont votre propre assemblée s’est pleinement saisie. Je salue à cet égard vos travaux, en particulier ceux de Jean-Marie Vanlerenberghe, dont je sais l’implication ancienne sur ce dossier et la contribution qui a été la sienne.
Nous ne pouvons que nous féliciter de voir les deux chambres prendre l’initiative de travaux sur ce dossier et s’apprêter, du moins je l’espère, à adopter une solution commune. J’y vois la preuve de la vitalité de notre démocratie parlementaire, qui nous permet, au-delà des divergences que nous pouvons parfois avoir, de donner tout son sens au principe de coconstruction de la loi.
Le second indice de l’importance de ces textes, c’est la place centrale qu’occupent les comptes sociaux dans notre société, place que la crise sanitaire a mise plus que jamais en lumière. Rappelons-le, les comptes sociaux représentent plus que le budget de l’État. Comment donc imaginer que le cadre organique des finances de l’État ait été modifié tout récemment, sans qu’il en aille de même pour le cadre organique des finances sociales ?
Les finances sociales sont plus que jamais d’actualité, puisque la trajectoire financière de la loi de financement de la sécurité sociale, que vous avez votée en fin d’année dernière, fait apparaître un déficit de la sécurité sociale qui pourrait encore dépasser 20 milliards d’euros en 2022.
N’ayons pas honte de ce déficit ! Il est la traduction de l’effort inouï entrepris par la sécurité sociale pour nous protéger tous, dans cette crise majeure, via notre système de santé ou grâce au filet de sécurité qu’elle représente.
Il est aussi la résultante du décrochage brutal de l’activité en 2020. Si la croissance revient très fortement, ce qui entérinerait d’ailleurs la pertinence de l’action du Gouvernement, elle ne suffira malheureusement jamais à effacer complètement les effets durables de la baisse d’activité de l’année 2020.
La sécurité sociale est certes une gigantesque machine assurantielle, mais cette machine n’est pas composée de lignes comptables abstraites. Elle est intimement liée à la vie des Français et aux épreuves collectives qu’ils traversent. Quoi qu’il en soit, nul n’ignore ou ne conteste le fait que nous devons rétablir des comptes à l’équilibre, parce que c’est aussi cela qui fait la force de la sécurité sociale. Toutefois, convenez-en, il ne serait pas crédible – ce serait même contre-productif – de faire une purge en sortie de crise.
Pour être à la hauteur de la situation, il faut donc une réponse s’inscrivant dans la durée. Une réforme d’ampleur des lois de financement de la sécurité sociale (LFSS) en constitue la base, ce qui nous permettra de reconstruire une sécurité sociale mieux assise, plus solide et plus efficace.
Pour ce faire, la proposition de loi organique qui vous est soumise prévoit des évolutions ambitieuses. Vous le savez, le texte dont vous avez déjà discuté en première lecture tend à introduire de multiples progrès en matière d’information du Parlement et de qualité des débats. À l’issue d’un échange constructif entre les deux assemblées, qui s’est poursuivi après la réunion de la commission mixte paritaire, le texte, qui n’a pas été amendé par votre commission, me semble pleinement à même d’atteindre les objectifs d’amélioration du pilotage et du suivi des comptes sociaux.
La version dont nous discuterons aujourd’hui prévoit notamment l’ajout d’un dispositif d’avis en cas de dépassement des plafonds d’emprunt, une précision relative au format des données annexées ou encore l’introduction d’un rapport trimestriel au Parlement, lorsque les conditions générales de l’équilibre financier sont remises en cause. Une annexe permettra également de mieux suivre les états comptables des établissements de santé, étant entendu que ces informations seront nécessairement fournies à un niveau suffisamment agrégé pour être exploitables.
Enfin, l’information du Parlement sera encore renforcée lorsque les dotations aux agences devront être rehaussées substantiellement en cours d’exercice, comme cela a pu être le cas pour Santé publique France au cours de ces derniers mois.
Ce texte, si vous le votez, mesdames, messieurs les sénateurs, permettra donc de doter les comptes sociaux d’un cadre modernisé, avec, à la clé, une amélioration significative des conditions d’exercice des missions conférées au Parlement par notre Constitution sur le plan budgétaire. En d’autres termes, il s’agit de renforcer encore l’exercice démocratique en matière de finances sociales. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, après l’échec de la commission mixte paritaire réunie le 12 janvier dernier, la commission des affaires sociales du Sénat avait décidé de poursuivre une « vraie » discussion à l’occasion de cette nouvelle lecture des deux propositions de loi relatives aux LFSS.
En effet, ces textes, vous venez de le rappeler, monsieur le secrétaire d’État, concernent des sujets institutionnels de première importance : non seulement nous ne les prenons pas à la légère, mais nous estimons aussi que des dispositions de cette importance ne pouvaient pas relever du « dernier mot » de l’Assemblée nationale.
Comme je l’ai dit en commission, ce n’est pas un hasard si, jusqu’à présent, toutes les réformes significatives du cadre organique des finances publiques, dans la sphère de l’État comme dans celle de la sécurité sociale, ont toujours été menées de façon consensuelle, indépendamment des majorités. Nos deux propositions de loi – je rappelle que nous avions déposé un texte similaire – traduisent une vision commune de l’équilibre des pouvoirs, en particulier entre le Gouvernement et le Parlement.
On ne réforme pas souvent la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale (Lolfss) et il aurait été dommage de manquer l’occasion qui nous est offerte d’améliorer réellement le pouvoir de décision et de contrôle du Parlement en matière de finances sociales.
L’absence de recherche de consensus au moment de la réunion de la commission mixte paritaire posait donc, à mes yeux, un problème sérieux. Mais nous étions prêts, monsieur le secrétaire d’État, à formuler de vraies propositions de compromis en nouvelle lecture pour permettre in fine l’adoption d’un texte commun, ou presque, aux deux assemblées.
Il est heureux, même si c’est très inhabituel, que les discussions aient pu reprendre entre la réunion de la commission mixte paritaire et la nouvelle lecture de ces propositions de loi par l’Assemblée nationale, de façon à parvenir dès aujourd’hui à l’examen d’un texte très proche de ce qu’aurait donné un accord en commission mixte paritaire.
En effet, la proposition de loi organique que nous a transmise l’Assemblée nationale reprend plusieurs amendements importants adoptés par le Sénat en première lecture.
Pour mémoire, la principale disposition du texte de première lecture des députés, à savoir la création des lois d’approbation des comptes de la sécurité sociale (Lacss), constituait un point d’accord. Cette mesure figurait d’ailleurs dans la proposition de loi organique déposée au Sénat.
Au-delà, les députés ont repris deux de nos « clauses de retour au Parlement », qui imposent une consultation pour avis des commissions des affaires sociales en cas de remise en cause, en cours d’exercice, d’éléments essentiels de la LFSS votée à l’automne. Le Gouvernement devrait ainsi nous saisir dans deux hypothèses : soit en cas de dépassement du plafond d’endettement à court terme des organismes autorisés à recourir à ce type de financement, au premier chef l’Urssaf-Caisse nationale, ex-Acoss, soit, de manière plus générale, en cas de remise en cause de l’équilibre financier de la sécurité sociale déterminé par la LFSS.
Les commissions des affaires sociales seraient alors appelées à se prononcer tous les trimestres sur la base d’un rapport complet présenté par le Gouvernement, sauf en cas de dépôt d’un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale (PLFRSS) en bonne et due forme.
Il s’agit là, vous le voyez bien, de vraies avancées. Souvenons-nous de ce qui s’est passé en 2020 et 2021 et de la réponse de certains ministres à nos demandes de dépôts d’un PLFRSS. Selon eux, dans la mesure où rien n’obligeait le Gouvernement à revenir devant le Parlement, ce dernier n’avait pas à être consulté. À l’avenir, même si le parallèle avec la loi de finances n’est pas complet, puisque le dépôt d’un « collectif social » ne sera pas obligatoire, le Gouvernement ne pourra plus considérer qu’il peut agir sans expression formelle des deux assemblées sur la situation des comptes sociaux et les mesures qu’il envisage de prendre pour y répondre.
De plus, l’Assemblée nationale a repris d’autres avancées contenues dans le texte adopté par le Sénat en première lecture.
Je pense à la création d’un article liminaire des futures lois d’approbation des comptes de la sécurité sociale, qui donnera un point de comparaison entre la prévision et l’exécution du budget pour l’ensemble des administrations de sécurité sociale, au-delà du seul périmètre des lois de financement de la sécurité sociale.
Je pense également à l’obligation pour le Gouvernement de répondre aux commissions des affaires sociales dans un standard aisément exploitable et réutilisable. Cette disposition, qui nous permettra de retraiter à notre guise les données du Gouvernement et des organismes, est importante pour l’exercice effectif des missions législatives et de contrôle du Parlement, comme l’a d’ailleurs souligné le Conseil d’État dans son avis sur ma propre proposition de loi organique.
Sur un plan plus symbolique, l’Assemblée nationale a également confirmé l’abandon de l’élévation au niveau organique du « Printemps de l’évaluation » propre à la seule Assemblée nationale, la loi organique n’ayant pas à privilégier telle ou telle modalité de contrôle. Au Sénat, la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) fonctionne très bien à cet égard.
Le texte de l’Assemblée nationale contient même de véritables positions de compromis sur les deux points qui avaient entraîné l’échec de la commission mixte paritaire.
S’agissant de l’extension du périmètre des LFSS aux mesures relatives à la dette des établissements de santé ou médico-sociaux, à laquelle nous étions opposés, elles ne concerneraient que les mesures ayant un effet sur l’équilibre financier de la sécurité sociale. Autant dire que ces mesures sont d’ores et déjà incluses dans le périmètre des LFSS, ce qu’a montré la décision du Conseil constitutionnel sur la LFSS pour 2022. Dès lors, pour dire les choses de manière diplomatique, la portée réelle de cette extension est très atténuée par rapport à la version initiale.
S’agissant des dotations à divers organismes ou agences de la sécurité sociale, nous sommes parvenus au compromis suivant.
Pour toutes ces dotations, le montant prévu en année n+1 figurera expressément en annexe. Le Parlement saura donc, en votant l’objectif national des dépenses d’assurance maladie(Ondam), quelle part est prévue pour ces financements. Et, en cas de dépassement de plus de 10 % d’une dotation par rapport au montant prévu, les commissions des affaires sociales seront informées sans délai par le Gouvernement. Cela ne va pas aussi loin que nos propositions, mais constitue un réel progrès par rapport à l’opacité actuelle.
Bien entendu, certains de nos apports n’ont pas été repris dans le texte soumis aujourd’hui à notre examen.
C’est le cas, en particulier, de l’inclusion de l’assurance chômage dans le champ des LFSS et de la « règle d’or » sur l’équilibre financier de la sécurité sociale. J’avais indiqué dès la réunion de la commission mixte paritaire que j’étais prêt à les retirer afin de permettre un accord.
C’est également le cas de quelques mesures de moindre portée : l’extension aux recettes et au solde de la sécurité sociale du « compteur des écarts » entre la LFSS et la loi de programmation des finances publiques, que l’Assemblée nationale a de nouveau réduit aux seuls écarts en dépenses ; le principe de non-contraction des recettes et des dépenses, supprimé par l’Assemblée nationale, car le Gouvernement y voyait un obstacle majeur à la prise en compte des remises pharmaceutiques au sein de l’Ondam ; la création de certaines annexes que nous avions souhaitées, comme l’annexe « médicaments » défendue par nos collègues Florence Lassarade, Véronique Guillotin et Olivier Henno.
Enfin, je regrette l’abandon de précisions que j’estimais utiles sur le droit d’interrogation du président et des rapporteurs des commissions des affaires sociales, même si la rédaction très large de l’article L.O. 111-9 du code de la sécurité sociale leur donne déjà une grande latitude d’actions, que nous continuerons d’utiliser à l’avenir comme nous l’avons fait dans le passé.
Néanmoins, au bout du compte, je considère que le texte soumis à notre examen constitue un bon compromis entre les textes adoptés en première lecture par chacune des deux assemblées.
C’est pourquoi la commission des affaires sociales ne l’a pas modifié lors de sa réunion du 1er février dernier. Et c’est pourquoi, au nom de la commission, je propose au Sénat de l’adopter également sans modification. Si le Sénat donnait suite à cette proposition, nous pourrions clore dès aujourd’hui, de façon consensuelle, la navette de cette proposition de loi organique.
Je formulerai bien sûr le même avis pour ce qui concerne la proposition de loi ordinaire. Sur ce texte à objet restreint, qui concerne la procédure de remise des avis des caisses, il n’y avait déjà pas de désaccord politique à l’issue de la première lecture. L’Assemblée nationale l’a simplement complété en nouvelle lecture par quelques coordinations, qui ne soulèvent aucune difficulté.
Mes chers collègues, je vous propose, au nom de la commission des affaires sociales, d’adopter conforme cette proposition de loi. Je remercie tout particulièrement Mme la présidente de la commission des affaires sociales, Catherine Deroche, représentée aujourd’hui par Chantal Deseyne, ainsi que mes collègues rapporteurs, en particulier René-Paul Savary et Alain Milon, et les administrateurs ayant contribué à la rédaction de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme Raymonde Poncet Monge. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en nouvelle lecture, ce texte de loi nous revient expurgé de dispositions adoptées au Sénat et auxquelles nous nous étions opposés.
Ainsi, nous approuvons la suppression de l’extension du périmètre des lois de financement de la sécurité sociale à l’assurance chômage, adoptée contre l’avis des partenaires sociaux, même s’il est vrai que la dernière réforme de l’assurance chômage du Gouvernement a porté une atteinte grave à la démocratie sociale et à l’autonomie de ce régime.
L’intégration de ce régime dans le champ du PLFSS à l’occasion de la rénovation du cadre organique aurait marqué une étape supplémentaire dans le dessaisissement des partenaires sociaux de leurs prérogatives et de leur rôle.
En l’absence de tout droit de regard et de toute capacité de modification et de contrôle du volet recettes, l’adoption d’un mécanisme de règle d’or sur cinq ans n’aurait fait que conforter et rendre encore plus contraignante la tendance à faire porter sur les seules dépenses l’effort d’ajustement entrepris afin d’atteindre l’objectif d’équilibre des comptes sociaux, alors même que les dépenses prévisionnelles ne sont pas le résultat de l’analyse préalable des besoins de protection sociale des populations de chaque territoire et de l’objectif de réduction des inégalités sociales et territoriales.
Nous nous réjouissons donc du retrait de la règle d’or dans un cadre qui, en l’état, repose sur la norme de dépense, comme en témoignent, pour la santé, la place de l’Ondam et l’impossibilité, pour le Parlement, d’amender la logique d’ajustement et d’économies imposées qui en résulte.
Car la question du financement de la sécurité sociale est avant tout une question d’orientation politique et non pas une question comptable orientée vers la maîtrise des objectifs de dépenses et l’enfermement dans un paradigme financier.
Faute d’un débat parlementaire sur les objectifs de protection sociale, d’où découlerait le débat budgétaire sur les équilibres, y compris sur le volet des recettes, le niveau des dépenses arrêté par le Gouvernement se déconnecte des besoins réels pour se caler sur les exigences du Semestre européen et du pacte de stabilité et de croissance, dont font grand cas les rapports adossés à la proposition de loi. La « gouvernance par les nombres », pour reprendre l’expression du chercheur Alain Supiot, devient de plus en plus difficilement conciliable avec un gouvernement des hommes par les droits fondamentaux.
Ce que doit exprimer le financement de la sécurité sociale, c’est une certaine vision de la solidarité générationnelle et intergénérationnelle dans notre société.
Aussi, nous avions défendu, lors de la première lecture, un amendement sur une définition de l’Ondam partant d’une évaluation des besoins de la population par territoire, qui aurait tenu compte des inégalités de santé et de la transition démographique.
Le contrôle de l’efficience et de l’efficacité des exonérations sociales, au-delà de leur simple compensation par l’État, par rapport au sens même du lien entre cotisations et protection sociale, devrait être conditionné à des critères sociaux et écologiques, qui sont des déterminants de la santé globale. Nous avions souhaité inclure cette disposition dans le cadre de la loi organique.
On peut se féliciter qu’une proposition de loi tente de reconsidérer le cadre de la discussion parlementaire du financement de la sécurité sociale, car il s’agit en effet d’un système de solidarité et de mutualisation des risques fondamentalement démocratique.
Toutefois, pour les écologistes, le compte n’y est pas. Nous restons aussi opposés à l’introduction d’une annexe sur les régimes de retraite complémentaire obligatoires, qui permet au Gouvernement de s’inviter subrepticement dans la gestion paritaire autonome.
Ainsi, au-delà des modifications visant à améliorer la lisibilité et l’appropriation des données, d’un calendrier moins contraint pour le Parlement et de la transparence sur certaines dotations aux agences, le cadre de la loi organique ne s’affranchit pas d’une logique d’ajustement des équilibres pesant sur les dépenses.
Le groupe écologiste votera donc contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)