M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.
M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Monsieur le sénateur Sautarel, vous m’interrogez sur la situation de l’industrie automobile, sur sa transition vers des modèles plus respectueux de l’environnement ou, en tout cas, qui sortent des énergies fossiles et sur la manière dont nous pouvons accompagner cette transition, tant pour les territoires et les salariés du secteur que pour les ménages.
D’abord, je vous l’affirme, le Gouvernement s’emploie avec énergie, depuis 2017, à accompagner la filière automobile. C’est une filière à laquelle nous croyons fort : à nos yeux, les 400 000 salariés de celle-ci méritent de la considération, tout comme les groupes industriels qui font la fierté de l’industrie française.
C’est la raison pour laquelle nous avons mis en œuvre, dès 2017, un certain nombre de plans visant à accompagner la compétitivité, la diversification et les trajectoires de décarbonation, en orientant particulièrement nos aides vers les petites et moyennes industries et les petites et moyennes entreprises (PMI et PME), dont l’emploi maille nos territoires.
Dès le début de la crise puis au travers du plan de relance, nous avons consacré 8 milliards d’euros à un plan spécifiquement articulé autour de la filière automobile. Cela nous a permis de soutenir 400 projets d’investissement, dont 70 % étaient portés par des PME.
Dans le même temps, parce que nous savons qu’il y a une trajectoire vers la décarbonation, vers des véhicules électriques, nous travaillons à des plans de déploiement des bornes, afin de faciliter les usages, en ayant en tête que c’est une des énergies les moins chères à l’usage, bien moins coûteuses que les énergies carbonées aujourd’hui utilisés.
Pour autant, le tout électrique est-il la solution ? Non. C’est la raison pour laquelle nous misons beaucoup, dans le cadre du plan de relance et de France 2030, sur le développement d’une filière hydrogène. Nous avons la conviction que l’hydrogène est une énergie du futur, utile, efficace, sur laquelle nous devons nous appuyer.
Nous travaillons également à la structuration de la filière des batteries et du recyclage. Le Président de la République a ainsi annoncé récemment des implantations industrielles en la matière.
M. le président. Il faut conclure !
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Enfin, mais je n’aurai pas le temps d’aller dans le détail, il faut accompagner les ménages. L’importance et le nombre des systèmes d’aides à l’achat de ces véhicules pour les ménages démontrent l’attention du Gouvernement sur ce sujet.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Sautarel, pour la réplique.
M. Stéphane Sautarel. Je vous remercie de vos réponses, monsieur le ministre, mais la trajectoire de transition énergétique mériterait d’être accompagnée et il faudrait veiller à l’équilibre de notre balance commerciale ; cette industrie, majeure pour notre pays, en a bien besoin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
retrait des ordonnances de la fonction publique communale en polynésie française
M. le président. La parole est à Mme Lana Tetuanui, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Lana Tetuanui. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ia ora na.
Ma question s’adressait à M. le ministre des outre-mer, qui est absent…
Le 13 août 2020, le haut-commissaire de la République de Polynésie française adressait pour avis au président du Conseil supérieur de la fonction publique des communes de Polynésie un projet d’ordonnance étendant et adaptant à la fonction publique communale certaines dispositions de toilettage des textes. Le 19 juillet 2021, les élus de l’assemblée de la Polynésie française étaient à leur tour saisis pour avis, sous la mention « Urgence signalée », du nouveau projet, dans sa version « Paris ».
Le Gouvernement a alors inscrit à l’ordre du jour du 8 février prochain du Sénat un projet de loi de ratification de ladite ordonnance, après engagement de la procédure accélérée.
Dès lors s’est dégagé, entre élus et organisations syndicales, un consensus inédit pour porter quelques revendications légitimes, et non des moindres, qui manquaient et qui devaient être validées en concertation avec les services techniques du ministère et la commission des lois du Sénat. Pourtant, d’un revers de la main, vous avez décidé, en fin de semaine dernière, de retirer ce texte de l’ordre du jour de notre honorable assemblée, sans aucune explication.
Monsieur le ministre, pourquoi ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement et de la participation citoyenne.
M. Marc Fesneau, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement et de la participation citoyenne. Madame la sénatrice, vous interrogez le Gouvernement sur le retrait de l’ordre du jour de la Haute Assemblée du projet de loi ratifiant l’ordonnance du 8 décembre 2021 étendant et adaptant à la fonction publique des communes de Polynésie française certaines dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale.
L’objectif de cette ordonnance est d’attirer davantage de personnes dans la fonction publique communale au service de ces collectivités et de nos concitoyens.
Nous savons tous ici combien ces agents sont, là plus qu’ailleurs, importants et d’une grande valeur. Il n’est donc pas question de remettre en cause l’ambition du Gouvernement en la matière, que vous avez bien décrite.
Le retrait de ce projet de loi de votre ordre du jour tient à une raison somme toute très simple : contrairement à ce qui avait était initialement envisagé, il n’a pas paru possible d’achever le processus de ratification de cette ordonnance avant la suspension des travaux du Parlement en séance publique, dans trois semaines.
Dès lors, le choix a été fait de consacrer ce temps supplémentaire à la prolongation des concertations, à l’association des acteurs, afin de travailler sur cette ordonnance et sur ses décrets d’application. Ces concertations ont d’ailleurs commencé ; une réunion a déjà eu lieu autour de Sébastien Lecornu, avec vous, madame la sénatrice, mais également avec le sénateur Rohfritsch, la députée Maina Sage et le maire de Tumaraa. Cette réunion a permis d’identifier certains sujets sur lesquels un consensus doit encore être dégagé. Une autre réunion de travail est prévue, comme le ministre s’y est engagé dans un courrier adressé au président Fritch.
Ce projet de loi reste soumis à l’approbation du Parlement. L’exigence constitutionnelle et spécifique de le faire sous dix-huit mois découle de l’article 74-1 de notre Constitution. Cet examen a d’ailleurs commencé en commission des lois aujourd’hui même et il se poursuivra prochainement en séance publique, de la manière la plus apaisée et la plus constructive possible. Je prends cet engagement au nom du Gouvernement, qui le tiendra. C’est une marque de respect pour nos concitoyens de Polynésie française. (M. Ludovic Haye applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Lana Tetuanui, pour la réplique.
Mme Lana Tetuanui. Monsieur le ministre, je prends acte de votre réponse. Sur la forme, convenez-en, la saisine de l’assemblée de la Polynésie sous la mention « Urgence signalée », l’inscription jeudi dernier du texte à l’ordre du jour du Sénat dans le cadre de la procédure accélérée, le retrait de cet ordre du jour, puis, cerise sur le gâteau – ou plutôt sur la crêpe, en ce jour de Chandeleur (Rires et applaudissements sur diverses travées.) –, le courrier envoyé aujourd’hui à midi vingt-cinq au président Fritch, tout cela est bien irrespectueux pour les élus communaux du fenua, qui ont leurs entités respectives et qui ont travaillé sur ce texte pendant plus de deux ans.
En outre, c’est irrespectueux pour le Parlement. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes SER et CRCE. – M. Daniel Salmon applaudit également.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Notre prochaine séance de questions d’actualité au Gouvernement aura lieu le mercredi 9 février prochain, à quinze heures.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures trente-cinq, sous la présidence de M. Roger Karoutchi.)
PRÉSIDENCE DE M. Roger Karoutchi
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
4
Communication d’un avis sur un projet de nomination
M. le président. En application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique n° 2010-837 et de la loi ordinaire n° 2010-838 du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission de la culture a émis, lors de sa réunion de ce jour, un avis favorable par vingt-huit voix pour, et aucune contre, à la reconduction de M. Antoine Petit à la présidence du Centre national de la recherche scientifique.
5
Énergie et pouvoir d’achat : quel impact de la politique du Gouvernement ?
Débat d’actualité
M. le président. L’ordre du jour appelle le débat d’actualité sur le thème : « Énergie et pouvoir d’achat : quel impact de la politique du Gouvernement ? »
Sur la proposition du groupe de travail sur la modernisation des méthodes de travail du Sénat, la conférence des présidents a décidé qu’un débat d’actualité se tiendrait lors de chaque semaine de contrôle, après la séance de questions d’actualité au Gouvernement.
Nous inaugurons donc aujourd’hui ce nouvel outil de contrôle.
Je vous rappelle que, dans ce débat, le Gouvernement aura la faculté – j’y insiste, la faculté, non l’obligation (Sourires.) –, s’il le juge nécessaire, de prendre la parole immédiatement après chaque orateur pour une durée de deux minutes ; l’orateur disposera alors à son tour du droit de répartie, pour une minute.
Le temps de réponse du Gouvernement à l’issue du débat est limité à cinq minutes.
Madame la secrétaire d’État, monsieur le ministre, vous pourrez donc, si vous le souhaitez, répondre après chaque orateur, une fois que celui-ci aura retrouvé sa place dans l’hémicycle.
Dans le débat, la parole est à M. Jean-François Husson.
M. Jean-François Husson. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, cela fait de longs mois que le pouvoir d’achat des Français et de nos entreprises est touché par l’envolée des prix de l’énergie.
Au-delà de cette flambée conjoncturelle, tous les experts s’entendent pour dire que les prix de l’énergie ne seront plus ce qu’ils ont été et qu’ils seront structurellement plus élevés. C’est peu de dire que les bouts de sparadrap ou les chèques électoraux que le Gouvernement propose, pour ne pas dire distribue depuis plusieurs mois ne seront pas à la hauteur de cet enjeu.
Avançant sans boussole ni anticipation, au gré des hausses les plus récentes des prix du gaz, de l’électricité ou encore des carburants, le Gouvernement a déployé une série de mesures sans véritable cohérence entre elles, complètement dépourvues de vision d’ensemble ou de stratégie.
Pour chacune d’entre elles, il a tâtonné jusqu’au dernier moment pour finir par concevoir des dispositifs aux insuffisances multiples, tentant de répondre au mécontentement grandissant de nos concitoyens dans une vision de court terme, et aux conséquences inquiétantes pour nos finances publiques, le coût total de l’opération s’élevant à 20 milliards d’euros.
Le Gouvernement, pour un montant de quelque 600 millions d’euros, a d’abord majoré de 100 euros le chèque énergie, dont bénéficient près de 6 millions de foyers modestes. Cette décision, prise en urgence, s’est vite révélée insuffisante.
En ce qui concerne la flambée des prix du gaz, qui explique en grande partie la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui, le Gouvernement, dans la crainte peut-être d’un retour du mouvement des gilets jaunes et à quelques mois d’échéances électorales importantes, s’en est remis à la bonne vieille méthode du blocage des prix et de l’économie administrée. Il a opté pour la procrastination avec un blocage très temporaire, dont la facture, soyez-en sûrs, sera in fine présentée aux consommateurs. En revanche, rien ou presque n’est prévu pour les entreprises, grandes oubliées du dispositif.
Les tergiversations du Gouvernement, ses mesures successives sans cohérence d’ensemble et son absence de vision à plus long terme sont tout aussi manifestes en ce qui concerne la hausse des prix de l’électricité.
Alors que le Premier ministre s’était engagé, dès septembre dernier, à limiter à 4 % l’augmentation à venir des tarifs réglementés de l’électricité, le Gouvernement a attendu les débats en séance à l’Assemblée nationale pour déposer, bien évidemment sans étude d’impact, un amendement au projet de loi de finances pour 2022 ne prévoyant rien de moins qu’une minoration de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE).
Cette minoration, d’abord estimée à 4 milliards d’euros, a été réévaluée une première fois à 6 milliards d’euros ; aujourd’hui, on sait que la suppression quasi totale de la TICFE coûtera 8 milliards d’euros et qu’elle ne permettra même pas de faire la moitié du chemin pour honorer l’engagement du Premier ministre.
Si le Gouvernement ne fait pas d’efforts pour contenir les dépenses, c’est bien le contribuable d’aujourd’hui, au travers d’une hausse de la fiscalité, ou bien celui de demain, avec une dette qui s’accroît, qui devra payer !
Face à cette mesure fiscale insuffisante, le Gouvernement a déposé un autre amendement, en nouvelle lecture du projet de loi de finances, permettant de bloquer les tarifs réglementés de l’électricité et de faire payer la facture aux consommateurs en 2023.
À cela s’ajoute désormais le relèvement de 20 térawattheures de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh), mesure par laquelle le Gouvernement se défausse sur EDF d’environ – excusez du peu ! – 8 milliards d’euros.
J’ai l’impression d’assister à une interminable partie de mikado, avec des dispositifs qui s’enchevêtrent et ébranlent la confiance des Français. Par ailleurs, le Gouvernement est incapable d’estimer les conséquences concrètes de cette hausse des prix de l’énergie pour nos entreprises. Cette forme d’improvisation, qui tend vers l’amateurisme, n’est plus tenable.
L’exemple le plus criant de cette improvisation du Gouvernement et de sa faculté à concocter en catastrophe des solutions bancales, et néanmoins très coûteuses pour nos finances publiques, reste sa réaction face à l’envolée des prix des carburants.
Je pense tout d’abord à l’indemnité inflation, dont j’ai déjà eu l’occasion de détailler les nombreux inconvénients. Soucieux d’afficher une réaction devant les Français, et faute d’anticipation, le Gouvernement a annoncé dans l’urgence une mesure qui aurait vocation à couvrir non plus la seule augmentation des prix des carburants, mais plutôt l’inflation en général.
De ce tour de passe-passe a résulté un dispositif d’abord électoraliste, mais aussi largement inefficace, visant à saupoudrer sans beaucoup de discernement 4 milliards d’euros d’argent public.
À l’inverse, le Gouvernement propose aujourd’hui un relèvement du barème kilométrique, c’est-à-dire une mesure très ciblée mais qui ne règle pas les problèmes que rencontrent les Français vivant en zones rurales ou périurbaines, dépourvues d’offres de transports organisés ou collectifs.
De façon générale, les experts, la Commission de régulation de l’énergie, mais également la direction générale de l’énergie et du climat sont tous d’accord pour considérer que les prix de l’énergie, après cet acmé, resteront structurellement plus élevés qu’avant la crise.
Or cette hausse des prix alimente bien évidemment l’inflation, laquelle pèse à son tour fortement sur le pouvoir d’achat des Français et renforce les difficultés des plus modestes – travailleurs pauvres, foyers à petites retraites, étudiants… Monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, est-ce là l’objectif de votre gouvernement ? Sachez-le, ce n’est pas le nôtre ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Sophie Primas. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Guillaume Gontard. Monsieur le président monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, 12 millions : c’est le nombre de Françaises et de Français qui passent l’hiver sans pouvoir chauffer leur logement correctement ; 12 millions de Françaises et de Français qui subissent une précarité énergétique.
Bien plus nombreux encore sont ceux qui doivent consacrer exceptionnellement une part plus élevée de leur revenu dans les énergies – électricité, gaz, carburant… Or l’énergie n’est pas un bien de consommation comme un autre : c’est un bien de première nécessité, indispensable pour s’éclairer, cuisiner, se chauffer, se rendre au travail, se déplacer…
Parce que c’est un bien de première nécessité, la puissance publique a un devoir de régulation, de contrôle et de planification. Un devoir de rendre ce bien accessible à chacune et à chacun.
Nous nous en faisons l’écho depuis des mois : le coût de l’énergie pèse de plus en plus. L’augmentation simultanée des prix de l’énergie appelle des réponses à la hauteur, entre l’électricité en hausse à cause d’un mode de calcul européen désuet, se fondant en partie sur le coût des centrales à charbon ou au gaz, et les prix des carburants qui poursuivent leur montée et atteignent de nouveaux records, plus élevés que lors de la mobilisation des gilets jaunes.
Certes, le Gouvernement a pris des mesures. Sont-elles suffisantes et adaptées ? Non.
Le chèque énergie est revalorisé de 100 euros ? Nous voulons le porter à 400 euros pour les bénéficiaires actuels et en faire bénéficier 16 millions de foyers supplémentaires pour un montant de 100 euros.
Le relèvement de 10 % du barème kilométrique de l’impôt sur le revenu ne changera absolument rien pour la moitié des Français qui ne s’acquittent pas cet impôt.
Le Gouvernement mène une politique du pouvoir d’achat hypocrite. Ce qui est donné d’une main est repris de l’autre : vous augmentez ponctuellement le chèque énergie, mais vous appauvrissez durablement les demandeurs d’emploi avec votre réforme de l’assurance chômage. Le seul pouvoir d’achat que le Gouvernement a fait croître pendant ce quinquennat est celui des plus riches.
La situation de la jeunesse est à cet égard alarmante : 1,5 million de jeunes sont touchés par la pauvreté, ce qui entraîne des conséquences sur leur accès aux produits énergétiques. Or aucune politique viable de sortie de la pauvreté n’est mise en place. Ce ne sont pas deux ou trois aides ponctuelles et bien maigres qui permettront aux jeunes de s’émanciper et de devenir autonomes.
C’est la raison pour laquelle les écologistes défendent un revenu citoyen automatique de 920 euros dès 18 ans. (Mme Sophie Primas s’exclame.) Nous le devons à notre jeunesse. La métropole lyonnaise a d’ailleurs déjà mis en place un tel dispositif.
Surtout, au-delà d’aides ponctuelles et disparates, le Gouvernement ne mène aucune politique de transformation profonde de la consommation énergétique. Là encore, l’écologie constitue une solution aussi bien pour le climat que pour le pouvoir d’achat : une politique écologiste de l’énergie permettrait à toutes et à tous de vivre dignement dans son logement et de se déplacer, tout en assurant la souveraineté énergétique de la France.
Le meilleur moyen de soutenir le pouvoir d’achat des Françaises et des Français est de réduire leur consommation d’énergie. Cela passe d’abord par une politique ambitieuse de rénovation thermique globale des habitations : il faut consacrer 10 milliards d’euros par an à l’isolation des bâtiments. Et pour que les populations les plus précaires puissent accéder à la rénovation énergétique de leur logement, il faut mettre en place un reste à charge zéro.
Parce que l’électricité est un bien commun, EDF doit être nationalisée pour reconstruire un vrai service public de l’énergie. L’État ne peut opérer un juste accès à l’énergie et une transition écologique sans avoir la main sur cet outil industriel puissant et stratégique.
Cela passe également par le soutien de filières françaises qui assureront notre autonomie énergétique. Je pense non seulement à la filière silicium-photovoltaïque, qui menace de disparaître, mais aussi à la filière hydroélectrique.
Si se déplacer est un droit, il peut se révéler contraint. Une politique systémique des mobilités se doit d’offrir des alternatives favorables au pouvoir d’achat.
Le rail demande des investissements massifs : au moins 4 milliards d’euros par an pour moderniser le réseau ferroviaire et développer les trains du quotidien. Dans les zones rurales, l’État doit accompagner les initiatives locales qui se mettent en place et qui offrent des alternatives à l’automobile. Une politique de tarification des transports est indispensable : il n’est ainsi pas acceptable que se déplacer en transport en commun soit toujours plus coûteux qu’en voiture individuelle.
Conduire une politique énergétique bénéfique pour le climat et favorable au pouvoir d’achat des Françaises et des Français est donc possible. Les écologistes portent des propositions en ce sens, alliant justice sociale et souveraineté énergétique. Le Gouvernement, lui, a baissé les armes sur le front des inégalités sociales et perpétue la dépendance énergétique envers les puissances étrangères.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous débattons aujourd’hui de l’impact de la politique du Gouvernement en matière d’énergie et de pouvoir d’achat. La réponse, mes chers collègues, nous semble assez évidente : le bilan est globalement négatif.
Monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, votre gouvernement, avec ceux des libéraux qui vous ont précédé, est responsable de la situation dégradée de l’accès à l’énergie. Nous payons la note de la dérégulation, de la privatisation et de la libéralisation du secteur de l’énergie, dont vous refusez de faire le bilan. Vous préférez en faire reposer les conséquences sur les citoyens. Vous le faites d’ailleurs avec mépris : à une retraitée qui touche 8 euros par jour, une ministre a conseillé avec la plus grande indifférence de « changer de système de chauffage » !
Voici votre credo : faire peser la charge de la facture d’électricité sur les usagers, tout juste bons à payer, dépecer EDF et surtout sauvegarder les revenus et les dividendes des acteurs alternatifs !
Pourtant, la situation n’est pas inéluctable. La grande différence entre nous, c’est que vous placez à l’échelle individuelle ce qui relève en réalité de choix politiques. Dans une logique concomitante, vous confiez ce qui relève du service public au secteur privé, au nom de votre dieu, le marché, et de son apôtre, la concurrence. Au sein d’une Union européenne conçue par et pour le marché.
La libéralisation du secteur de l’énergie a des résultats pourtant évidents.
Elle entraîne, tout d’abord, un manque d’investissements et une perte de compétences, qui engendrent des défauts d’entretien et des risques pour les salariés et la population.
Elle se traduit, aussi, par un manque de prévoyance : le Gouvernement abandonne le projet Écocombust de reconversion de la centrale à charbon de Cordemais en octobre dernier, puis réalise qu’il faudra encore compter sur la centrale pour passer l’hiver et va signer dans quelques jours un décret pour 2 000 heures supplémentaires. La centrale devra fonctionner encore des années. Dès lors, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, entamons sa transition : les essais avec les pellets ont été concluants.
Elle provoque, en outre, une inaction dans la rénovation thermique des logements, pourtant essentielle aux yeux de nos concitoyens et indispensable pour lutter contre le changement climatique. En 2017, vous annonciez que la moitié des passoires thermiques seraient supprimées en 2022 : seulement 70 000 rénovations globales sont effectuées par an, quand il en faudrait 370 000 pour respecter la stratégie nationale bas-carbone.
Elle entraîne, enfin, une hausse constante des tarifs de l’énergie : 57 % d’augmentation pour le gaz sur la seule année 2021, soit 400 euros en moyenne sur la facture annuelle ; plus de 52 % de hausse continue depuis plus de dix ans pour l’électricité. Et les prix continuent de flamber !
Tout cela nous amène à votre dernière trouvaille. Il faut reconnaître au libéralisme une certaine créativité pour arriver à ses fins et préserver à tout prix le marché.
Pour endiguer cette augmentation des tarifs de l’électricité – de manière provisoire – tout en préservant les fournisseurs alternatifs, on demande à l’État, donc aux usagers et à EDF, de se saigner en relevant le plafond de l’Arenh !
Ce dernier dispositif devait permettre aux fournisseurs alternatifs – les entreprises privées – d’acheter à bas coût de l’électricité produite par EDF au lieu de s’approvisionner sur le marché de gros, plus cher, afin d’investir dans le développement de leurs propres moyens de production, ce qu’ils n’ont bien évidemment pas fait : pourquoi dépenser quand la manne tombe si aisément ?
Cette fois-ci, vous exigez d’EDF, qui a déjà vendu son électricité par anticipation, qu’elle vende davantage d’électricité dans le cadre de l’Arenh. Elle devra donc racheter sur le marché de gros sa propre électricité à plus de 200 euros le mégawattheure pour la revendre à ses concurrents au prix de 46 euros. Tout cela pour un coût de 8 milliards d’euros ! On frôle le génie !
EDF étant publique à plus de 80 %, elle appartient à nos concitoyens. Nous serons donc doublement perdants, et comme usagers et comme citoyens.
Parallèlement à ce racket organisé, l’énergie est devenue un luxe pour 12 millions de Françaises et de Français. Or elle ne devrait être ni un luxe ni un avantage à conquérir : l’énergie est un bien de première nécessité, qui conditionne nos vies.
L’accès à l’énergie pour toutes et tous doit être reconnu comme un droit fondamental réel. Baissons immédiatement la TVA à 5,5 % sur le gaz et l’électricité et, surtout, sortons l’énergie des griffes du marché. Nous pourrons alors renationaliser EDF et Engie : disposant d’un monopole et de moyens suffisants, elles pourront non seulement se mettre au service des usagers et de nos entreprises, mais aussi œuvrer pour la planète avec la nécessaire transition écologique. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SER.)