M. Jean-Claude Requier. Très bien !
Mme Guylène Pantel. Ils réservent leur vote, attendant de connaître le sort que recevront leurs amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Florence Blatrix Contat. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Florence Blatrix Contat. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, souscrire un prêt immobilier est un acte important dans une vie. Il engage l’emprunteur pour de longues années. Afin de garantir le remboursement en cas d’accident de la vie, un contrat d’assurance est alors signé, le plus souvent, avec l’organisme prêteur.
Depuis 2014, les emprunteurs peuvent résilier ce premier contrat d’assurance et en choisir un autre, sur le marché, qui viendra en substitution à condition qu’il y ait équivalence de garantie. La loi Hamon du 26 juillet 2014 a permis la résiliation à tout moment, pendant la première année, et l’amendement Bourquin de la loi du 22 février 2017 la permet à chaque date anniversaire du contrat. C’est en nous inscrivant dans ces pas que nous souhaitons compléter les dispositions déjà adoptées par le Parlement.
Il s’agit, en effet, d’assurer une meilleure information de l’emprunteur, d’empêcher les mauvaises pratiques de certains organismes prêteurs, enfin de garantir l’accès au crédit de certaines catégories de personnes qui en sont exclues, au prétexte qu’elles ont souffert de pathologies, dans le passé.
L’ouverture à la concurrence du marché de l’assurance emprunteur s’est révélée vertueuse. Elle a entraîné une diminution des prix de l’ordre de 40 % au profit des emprunteurs, sans baisse de garanties. La part des contrats dits alternatifs représente désormais 25 % de l’ensemble de ce marché, qui pèse en France près de 10 milliards d’euros et dont le secteur bancaire continue cependant de capter près de 85 %.
Notre volonté est d’améliorer l’information des consommateurs. Aujourd’hui encore, certains emprunteurs ignorent parfois jusqu’à l’existence même du droit à résiliation. Il est par ailleurs nécessaire de faciliter la résiliation en limitant les diverses pratiques dilatoires des prêteurs.
Ces pratiques s’opposent, de fait, à la volonté continue du législateur, en dépit des rappels à l’ordre de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et des interventions du CCSF. Nous proposons donc de clarifier et de simplifier cette procédure.
En premier lieu, il faudra renforcer l’information des emprunteurs. En début de contrat, l’emprunteur devra être informé non seulement du coût total de l’assurance, mais aussi de son coût sur une durée de huit ans, soit la durée moyenne d’un prêt. Tel est l’objet de l’un des amendements que nous vous proposerons.
En cours de contrat, les assureurs seront soumis à une obligation d’information annuelle, de sorte que chaque assuré connaîtra la possibilité qu’il a de résilier son contrat, les démarches à accomplir et les délais à respecter.
Une ambiguïté demeurait sur la date d’échéance. Il sera désormais entendu que celle-ci correspond soit à la date anniversaire de la signature de l’offre de prêt, soit à une autre date d’échéance prévue au contrat, au choix de l’emprunteur. Cette date sera obligatoirement notifiée à l’emprunteur par le prêteur.
En second lieu, il est essentiel de mettre fin aux pratiques dilatoires des banques visant à empêcher la résiliation. L’article 2 renforce l’effectivité du droit de résiliation en encadrant strictement les motivations de refus de substitution d’assurance. L’article 4, quant à lui, encadre plus précisément le délai d’émission de l’avenant.
Pour que ces nouvelles dispositions soient observées, il importe que le contrôle administratif soit plus effectif et que les sanctions en cas de manquement soient sensiblement plus fortes. Dans le texte que nous examinons, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et l’ACPR sont chargées d’effectuer ce contrôle et de sanctionner plus fortement les contrevenants, l’amende pouvant aller jusqu’à 15 000 euros par infraction pour une personne morale. Elles auront, en outre, la possibilité de rendre publiques leurs décisions de sanction, ce qui aura sans aucun doute un caractère dissuasif.
Il sera bien entendu nécessaire de renforcer les moyens de ces autorités de contrôle, en particulier ceux de la DGCCRF, pour que ces contrôles soient effectifs. Le législateur que nous sommes doit veiller à la réalité de l’application des lois et à l’effectivité du droit.
Enfin, l’emprunt s’apparente souvent à un parcours semé d’embûches pour les personnes qui ont souffert ou qui souffrent de pathologies. Elles doivent remplir des questionnaires médicaux intrusifs et sont soumises à des surprimes excessives et souvent non justifiées.
La convention Aeras est imparfaite. Il nous semble nécessaire d’élargir aux pathologies chroniques le champ des pathologies susceptibles d’être couvertes. Alors que la médecine progresse de manière significative, nous souhaitons également un droit à l’oubli sensiblement raccourci, de dix à cinq ans. Enfin, nous proposons que le questionnaire médical soit purement et simplement supprimé pour les prêts immobiliers inférieurs à 500 000 euros, si le signataire à moins de 62 ans.
Ainsi modifiée par notre assemblée, cette proposition de loi rendra effectif le droit à résiliation. Comme l’a indiqué M. le rapporteur, elle constitue surtout une avancée historique qui permettra un accès plus inclusif et plus solidaire à l’emprunt. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie Evrard.
Mme Marie Evrard. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à soixante-dix jours du premier tour de l’élection présidentielle, le pouvoir d’achat reste la priorité absolue des Français.
Au mois de novembre dernier, tous les députés, à l’exception d’un député non inscrit, ont voté un texte dont le principal objectif était précisément de redonner du pouvoir d’achat aux Français.
Comment y parvenir ? En permettant aux consommateurs de résilier à tout moment leur assurance emprunteur, sur le modèle de ce qui est déjà possible pour les assurances habitation et les assurances automobile ou moto. Le gain moyen de pouvoir d’achat serait ainsi de l’ordre de 5 000 euros à 15 000 euros pour un emprunteur sur vingt ans, soit 30 euros de gagnés chaque mois. Ce n’est pas rien.
Ce texte a donc fait l’unanimité. Aucun groupe politique n’a manqué à l’appel. Pourquoi un tel consensus politique à l’époque, sinon parce que nous sommes nombreux à considérer ce marché comme peu dynamique, très rentable pour les banques et, au contraire, peu favorable aux consommateurs ?
Et puis, patatras, machine arrière toute ! En commission, la majorité sénatoriale est revenue sur cette belle avancée pour s’en tenir à une information annuelle sur le droit de résilier ces contrats, ce qui existe déjà.
Pourquoi ? Officiellement, selon le rapport de M. Gremillet, parce que « la concurrence sur le marché de l’assurance emprunteur fonctionne de façon satisfaisante ». Pardonnez-moi, monsieur le rapporteur, mais lorsque l’on sait que ce marché est détenu à 88 % par les banques…
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Cela ne veut rien dire !
Mme Marie Evrard. … et à 12 % par les assurances alternatives, j’aurais plutôt tendance à parler de « monopole bancaire ».
Les réformes qui se sont succédé depuis la loi Lagarde pour libéraliser le marché n’ont pas eu l’effet escompté. En 2019, selon le rapport du CCSF, les banques ont encore réussi à gagner 9 % de parts de marché, avec 136 000 souscriptions de plus qu’en 2018.
Dans les faits, les textes ont tenté de resserrer l’étau pour faciliter la vie des emprunteurs. Toutefois, comme nous pouvons le constater dans notre propre vécu ou autour de nous, les mesures dilatoires existent toujours. Par exemple, nous avons le droit de changer d’assurance à date d’échéance, mais cette date, qui la connaît hormis la banque ?
Deuxième argument avancé, la résiliation infra-annuelle (RIA) pénaliserait surtout les personnes les plus fragiles. J’avoue ne pas comprendre ce raisonnement, alors que, à ce jour, les contrats alternatifs représentent 23 % des contrats souscrits par les personnes âgées de plus de 60 ans. Celles-ci constituent la catégorie d’âge qui souscrit le plus souvent ce type de contrats. Elles ont donc compris qu’elles avaient davantage intérêt à changer de contrat pour des questions de prix et de garanties.
En d’autres termes, comment le fait de pouvoir choisir librement à tout moment sa date de résiliation pourrait mettre en difficulté les personnes les plus fragiles ? J’avoue tourner le problème dans tous les sens, je ne comprends pas.
Je veux revenir, par ailleurs, sur la suppression du questionnaire de santé, acté par un autre amendement phare du rapporteur. Le sujet n’est pas simple. Il paraît difficile d’accepter qu’il puisse exister encore des discriminations sur des critères de santé dans le domaine des assurances.
L’article 7 de la proposition de loi prévoyait que les signataires de la convention Aeras engagent rapidement une négociation afin non seulement de réduire les délais du droit à l’oubli pour les pathologies cancéreuses, mais aussi d’étendre la grille de référence Aeras à d’autres pathologies ou maladies chroniques. Cette disposition n’a pas été retenue.
La suppression du questionnaire de santé sous conditions constitue un geste fort. C’est une belle symbolique, mais qui risque d’avoir des effets pervers.
D’une part, les assureurs n’auront pas d’autres choix que de prendre ce risque sur leur portefeuille et de le mutualiser par une prime de risque qu’ils feront partager à tous les assurés, de sorte que les tarifs augmenteront pour tous. La mesure est donc contraire à l’esprit initial de la proposition de loi, qui vise à favoriser le pouvoir d’achat des ménages.
D’autre part, cette suppression profitera essentiellement aux banques, qui continueront de refuser certains risques grâce à leur accès privilégié à des informations confidentielles, dont elles sont seules à disposer, notamment via les relevés bancaires. Malgré le beau message que constitue la suppression du questionnaire médical, le diable se cache dans les détails.
M. Jean-François Husson. Oh là là !
Mme Marie Evrard. Une telle mesure doit faire l’objet de discussions sérieuses, avec tous les acteurs concernés. Comme l’a indiqué le rapporteur général de la commission des finances, en séance, lors de l’examen du dernier projet de loi de finances, « pour atteindre les objectifs que l’on se fixe en la matière, il ne suffit pas de claquer des doigts et de le demander : il faut regarder de manière plus approfondie quelles contraintes s’imposent ».
M. Jean-François Husson. On a travaillé depuis !
Mme Marie Evrard. Mes chers collègues, nous avions dans les mains une belle proposition de loi, nous avons désormais un objet politique clivant, au détriment des consommateurs.
M. Vincent Segouin. N’importe quoi !
Mme Marie Evrard. Nous regrettons le choix qui a été fait par la majorité sénatoriale. Par nos amendements de rétablissement, nous essaierons de vous faire entendre raison. (Exclamations ironiques sur des travées du groupe Les Républicains.)
Dans le cas contraire, nous faisons confiance à la navette parlementaire pour décadenasser définitivement ce marché, dans l’intérêt des emprunteurs. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Emmanuel Capus applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Emmanuel Capus.
M. Emmanuel Capus. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la France a beau être la patrie de Tocqueville, la liberté individuelle pâtit chez nous d’une image à tout le moins mitigée. Le mot reste attaché à un imaginaire sauvage, où David doit affronter Goliath sans sa fronde. On dit parfois que le libéralisme, c’est la loi de la jungle, où le plus fort écrase le plus faible. Je salue toutefois l’effort qu’ont bien voulu faire certains de mes collègues à la gauche de l’hémicycle, en matière de libéralisme.
M. Emmanuel Capus. En effet, c’est tout l’inverse, monsieur le ministre.
La libre concurrence, en particulier, a pour vocation première d’établir des règles qui garantiront la liberté de chacun, singulièrement la liberté des faibles contre la liberté des forts.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre. Bienvenue au Mouvement des jeunes Républicains (MJR) ! (Sourires.)
M. Emmanuel Capus. L’ambition du libéralisme économique, c’est que cette organisation, fondée sur des règles et sur la liberté, contribue à rendre notre société tout à la fois plus prospère, plus tolérante et plus juste.
À cet égard, cette proposition de loi nous offre un cas d’étude intéressant. Elle vise spécifiquement le marché de l’assurance emprunteur et elle y introduit davantage de liberté, en permettant à l’assuré de résilier son contrat à tout moment.
L’enjeu est important, car ce changement des règles du jeu devrait générer de nouvelles opportunités économiques, en introduisant la concurrence là où les acteurs établis disposent d’une position de force qui ressemble fort à une rente.
Nous avons surtout l’occasion de redonner du pouvoir aux consommateurs, en offrant aux emprunteurs la possibilité de faire jouer la concurrence sur un marché qu’ils connaissent mal.
Je ne m’appesantirai pas sur ce point, car nous aurons l’occasion d’en débattre lors de l’examen des articles. Comme d’autres collègues, je proposerai de rétablir la version initiale du texte, en restaurant la résiliation à tout moment.
Je me contenterai de revenir sur trois arguments avancés par les rapporteurs contre cette mesure.
Le premier argument porte sur la compétitivité présumée des offres d’assurance crédit sur le marché, comme l’a indiqué Daniel Gremillet. On nous explique que, si les banques détiennent encore 88 % des parts de marché – j’ai noté que nous n’étions pas d’accord sur le chiffre –, c’est non parce qu’elles font de la rétention de clientèle, mais parce qu’elles proposent des offres très compétitives pour les assurés. (M. Vincent Segouin s’exclame.) C’est formidable ! Dans ce cas, les parts de marché des banques ne sont pas en danger et il n’y a donc aucune raison de s’opposer à la résiliation infra-annuelle.
Le deuxième argument concerne les risques de désagréments pour les consommateurs, qui peuvent être démarchés de manière excessive par des assureurs. Nous avons débattu de ce sujet en commission, mais les rapporteurs, sauf erreur de ma part, ne l’ont pas évoqué dans leurs interventions.
Cet argument est contestable. On a envie d’y croire, car on a tous reçu, au moins une fois, un SMS bidon sur le compte personnel de formation (CPF). Reste que l’on ne condamne pas une offre parce qu’elle induit une prospection commerciale.
Mieux vaut encadrer les pratiques que de supprimer les offres qui peuvent donner lieu à un démarchage – ou alors, il faudrait tout bonnement administrer toute l’économie, mais je ne crois pas que cela reflète la volonté de la majorité.
Le troisième argument porte sur la déstructuration du marché et la liquéfaction complète de la demande, qui rendraient toute offre solide impossible. En permettant aux emprunteurs de résilier leur contrat quand ils le souhaitent, ils en changeraient tout le temps, comme on zappe devant sa télévision ou comme on déroule un fil d’actualité sur son téléphone.
Cette crainte ne correspond pas à la réalité. Les consommateurs n’ont aucune envie de changer sans cesse d’assurance. Ils ont mieux à faire.
Cependant, lorsqu’ils se rendent compte qu’ils pourraient bénéficier d’une meilleure offre, ils n’ont pas envie d’attendre plusieurs mois que leur assureur leur envoie un document obscur qui leur indiquerait une démarche compliquée. Encore faut-il d’ailleurs que la compagnie s’acquitte de cette tâche. On peut alors être sûr qu’ils ne l’effectueront pas, précisément parce qu’ils auront, encore une fois, mieux à faire.
Mes chers collègues, je crois que notre rôle est de défendre le faible plutôt que le fort, en l’espèce le consommateur plutôt que la banque ou l’assureur. Je vous proposerai des amendements en ce sens.
Nos rapporteurs ne s’y sont d’ailleurs pas totalement trompés, puisqu’ils ont proposé une mesure importante sur la suppression, sous certaines conditions, du questionnaire de santé pour l’établissement d’un contrat d’assurance emprunteur.
M. Jean-François Husson. Un bond en avant !
M. Emmanuel Capus. À l’instar de Rémi Féraud ou encore de Catherine Deroche qui avait déposé un amendement à l’objet identique au mien, j’avais défendu, lors de l’examen du dernier projet de loi de finances, l’instauration de contrats inclusifs, c’est-à-dire des contrats qui ne tiendraient pas compte du passif médical des emprunteurs – le Sénat avait adopté nos amendements. Je crois que ce type de contrat de remplacement demeure la meilleure solution.
Je tiens en tout cas à affirmer une conviction : il est insupportable que les assurances proposent des offres dégradées aux personnes qui ont vaincu un cancer ou qui souffrent d’une pathologie chronique.
De telles discriminations pour raisons de santé ne sont tolérées dans aucun domaine de la société. Il n’y a aucune raison que l’assurance fasse exception.
M. Jean-François Husson. C’est pourtant ce que vous vous apprêtez à faire !
M. Emmanuel Capus. J’espère que nous pourrons faire bouger les lignes sur ce point. Le Sénat y gagnerait. Tel est l’objet des amendements que j’ai déposés.
M. Jean-François Husson. Cela dépend de vous !
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Allizard. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Pascal Allizard. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis quelques années, les taux d’intérêt sont historiquement bas – cela ne durera peut-être pas ! –, donc favorables aux acquéreurs. À la fin du mois de décembre dernier, les notaires se réjouissaient du dynamisme de l’immobilier en 2021.
Marqués par la crise sanitaire et les confinements successifs, de nombreux Français, en particulier ceux des métropoles, ont déménagé – ou voudraient le faire – vers des villes à taille humaine, près des littoraux ou à la campagne.
Pour les investisseurs, la pierre reste un placement intéressant.
Ces démarches vers l’accession à la propriété, qui passent en général par l’obtention d’un prêt, sont, pour certains, ardues et inégalitaires.
Bien évidemment, la question des revenus des emprunteurs entre en jeu. Malgré « l’argent à bas coût », on constate un resserrement de l’accès au crédit pour certains profils, comme les plus jeunes ou les plus modestes, qui, en outre, ne disposent pas d’un apport personnel suffisant.
De fait, l’application du ratio maximal d’endettement, qui inclut l’assurance emprunteur, augmente parfois significativement la mensualité et conduit au refus de certains prêts. Pour ceux qui obtiennent leur prêt, le prix de l’assurance est une charge pouvant se révéler non négligeable, alors même que l’assurance n’est juridiquement pas obligatoire.
Contrairement à un sentiment trop répandu, la question du coût de l’assurance emprunteur n’est pas marginale. Il en va de même pour le choix de l’assureur, puisqu’il est possible de souscrire une assurance emprunteur autre que celle que sa banque propose.
Dans les faits, malgré l’accroissement du nombre de contrats alternatifs dans la période récente, les banques dominent encore largement le secteur assurantiel pour les crédits immobiliers.
Pressé de vouloir conclure, devant respecter différents délais, l’emprunteur va généralement au plus simple et au plus rapide : l’assurance proposée par sa banque. En ces périodes de taux bas, peu rentables pour les banques, il me semble que l’assurance emprunteur offre à ces dernières des marges confortables.
De plus, tous les emprunteurs ne se trouvent pas sur un pied d’égalité. Ceux qui parviennent à faire appliquer leur droit de mise en concurrence sont souvent des cadres ; les ménages les moins aisés, soucieux d’obtenir leur crédit ainsi qu’un taux attractif, peuvent être contraints d’accepter l’offre d’assurance de la banque.
Plusieurs d’entre nous l’ont rappelé : diverses manœuvres, parfois qualifiées de dilatoires et souvent dénoncées par les associations de consommateurs, rendent les changements de contrat compliqués pour les emprunteurs. Toutes ces difficultés incitent à faire évoluer la situation.
J’en viens à une autre question d’égalité qui touche à l’âge et à la santé de l’emprunteur. En effet, ces critères entrent en considération lors de la conclusion d’une assurance de prêt. Nombreuses sont les contraintes : surprimes, questionnaires, examens de santé, visites médicales ou encore exclusions.
À juste titre, la commission des affaires économiques a souligné le caractère insupportable de cette situation pour les personnes engagées dans un projet de vie que représente l’acquisition d’une résidence.
Pour les personnes à risque aggravé de santé, la convention Aeras a représenté une certaine avancée. Toutefois, elle instaure un droit à l’oubli relativement encadré et la liste des pathologies est restreinte. Elle ne tient notamment pas compte des derniers progrès médicaux, qui conduisent à des traitements plus performants et à un gain d’espérance de vie.
Paradoxalement, compte tenu des différentes contraintes qui leur sont appliquées, en particulier d’importantes surprimes, les personnes à risque en matière de santé sont tout à fait rentables : ce sont d’excellents clients pour les assurances.
À raison, les associations de patients, qui mènent un travail remarquable en faveur des droits des malades et des anciens malades, attendent des évolutions, notamment en matière du raccourcissement du délai d’accès au droit à l’oubli et de son extension aux pathologies chroniques.
En conclusion, il ne s’agit pas de faire des banques et des assurances des boucs émissaires.
M. Jean-François Husson. Très bien !
M. Pascal Allizard. Elles permettent à de nombreux Français de réaliser leurs projets. Toutefois, il est nécessaire d’aller vers davantage de transparence, d’information et de liberté en faveur du consommateur. Telle est l’intention des commissions.
En revanche, de sérieux doutes subsistent à propos des hypothétiques nouveaux gains de pouvoir d’achat que procurerait la résiliation à tout moment, qui pourrait pénaliser davantage les seniors et les publics vulnérables. C’est le principe même de la mutualisation qui se trouve mis en cause au profit d’une individualisation des contrats, alors même que le ratio de sinistres à primes reste largement favorable aux assureurs.
Mieux préserver les consommateurs, sauvegarder la mutualisation et permettre à tous, y compris les plus fragiles, de s’assurer dans les meilleures conditions : c’est dans ce sens que les rapporteurs ont travaillé et je les en remercie. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-François Husson. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Vermeillet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Sylvie Vermeillet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en France, l’assurance emprunteur n’est pas obligatoire. Cependant, à la différence de bien des pays, le prêteur l’exige pour se prémunir du risque, notamment en cas de prêt immobilier. Malgré son coût, l’assurance emprunteur a le mérite d’éviter le recours à l’hypothèque, à la caution, au nantissement ou au privilège de prêteur de deniers, ce qui, convenons-en, facilite les transactions.
Nous avons$ pris connaissance du bilan détaillé du Comité consultatif du secteur financier (CCSF) demandé par Bruno Le Maire au mois de juillet 2019. Sur l’ensemble des contrats d’assurance emprunteur, 75 % sont des offres bancaires, 13 % des offres internes aux banques et 12 % de véritables contrats alternatifs. La question se pose : 12 %, est-ce trop ou trop peu ? Quel est le degré de marge sur ces contrats ? Peut-on croire que, sur 100 euros de primes collectées, 32 euros seulement seraient reversés aux assurés, soit une marge deux fois plus élevée que sur les contrats d’habitation et trois fois plus que sur les contrats automobiles ?
Dès lors, il s’agit de veiller à la fois à la qualité et à la quantité de l’offre auprès de l’emprunteur. Celui-ci, soulagé d’avoir conclu un accord sur le nominal de son emprunt, n’a bien souvent ni le temps ni l’énergie de batailler sur l’assurance emprunteur, d’où les déconvenues et l’opportunité de la mise en concurrence.
La concurrence a produit ses effets. Dans son rapport, le CCSF relève une baisse généralisée des tarifs de 10 % à 40 % selon les cibles et pointe la segmentation tarifaire des contrats alternatifs, faisant craindre une démutualisation du marché. Pourtant, les banques baissent le prix de l’assurance des jeunes emprunteurs, mais relèvent celui des seniors : les tarifs ont baissé de 13 % à 26 % pour les personnes âgées de 25 ans à 45 ans, mais ont augmenté de 33 % pour les profils les plus âgés. En revanche, les tarifs des contrats alternatifs ont baissé sur toutes les cibles. Il y a donc bien un risque de démutualisation, mais celui-ci se vérifie davantage auprès des banques afin de lutter contre la concurrence et de préserver leur marge.
Dès lors, notre marge de progression est réelle. À cet égard, il nous paraît beaucoup plus utile d’apporter davantage de transparence et de lisibilité sur les différentes offres plutôt que de permettre de modifier le contrat à tout moment.
Dans l’intérêt du consommateur, bien des avancées sont souhaitables. Comme l’a indiqué Patrick Chauvet, le groupe Union Centriste validera celles qu’ont proposées les deux commissions. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Rémi Féraud.
M. Rémi Féraud. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, intervenant à la suite de ma collègue Florence Blatrix Contat, je me concentrerai sur l’un des aspects de ce texte : le droit à l’oubli et l’évolution de la grille de référence de la convention Aeras. Nous l’avons tous souligné : c’est un sujet important, qui concerne de nombreux Français.
Nous avons tous été saisis par des associations représentant les malades. Que nous demandent-elles ? Quelles sont leurs revendications, que beaucoup d’entre nous estiment légitimes ?
Ces associations souhaitent tout d’abord réduire le délai du droit à l’oubli de dix à cinq ans pour les pathologies cancéreuses. Cela concerne 3,8 millions de Français qui souffrent – ou ont souffert – d’un cancer. Lors de la campagne présidentielle de 2017, le candidat Emmanuel Macron s’était engagé à réduire de dix à cinq ans ce délai du droit à l’oubli.
M. Jean-François Husson. Amnésie !
M. Rémi Féraud. Je cite l’extrait de son programme : « Au moment de souscrire un contrat d’assurance ou d’emprunt, les malades de cancers et d’hépatite C n’auront plus à le mentionner dès cinq ans après leur rémission (contre dix ans aujourd’hui). Nous l’étendrons aussi à de nouvelles maladies. » Quel dommage que cette promesse n’ait pas été tenue, alors que nous arrivons à la fin du quinquennat.