compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
M. Daniel Gremillet,
M. Loïc Hervé.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Hommage au brigadier Alexandre Martin
M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, c’est avec beaucoup d’émotion que nous avons appris la mort, samedi dernier, du brigadier Alexandre Martin, membre du 54e régiment d’artillerie d’Hyères. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le Premier ministre et Mmes et MM. les ministres, se lèvent.)
Alexandre Martin a succombé à ses blessures à la suite de l’attaque du camp français de Gao, au cours de laquelle plusieurs autres de ses frères d’armes, nos soldats, ont également été touchés.
Au nom du Sénat tout entier, je veux saluer le courage de ce soldat, mort pour la France en luttant contre le terrorisme djihadiste au Sahel, et exprimer notre solidarité envers les blessés.
En notre nom à tous, je veux assurer sa famille et ses frères d’armes de notre profonde compassion et leur présenter nos pensées et nos condoléances attristées.
Je vous demande d’observer un court moment de recueillement en hommage à Alexandre Martin, qui a servi la France avec honneur et dévouement. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le Premier ministre et Mmes et MM. les ministres, observent une minute de silence.)
3
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
J’appelle chacun d’entre vous à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu’il s’agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.
tensions à la frontière ukrainienne
M. le président. La parole est à M. Michel Dagbert, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Michel Dagbert. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, et porte sur la situation aux frontières entre la Russie et l’Ukraine.
Monsieur le ministre, le conflit russo-ukrainien semble s’aggraver de jour en jour et les tensions qu’il provoque entre les Russes et les Occidentaux deviennent de plus en plus préoccupantes.
Hier encore, la Russie a effectué une série de manœuvres militaires, impliquant 6 000 hommes, des avions de chasse et des bombardiers, le long de sa frontière sud avec l’Ukraine et en Crimée, territoire annexé.
Ces opérations interviennent après le déploiement de chars et de 100 000 soldats à la frontière ukrainienne, faisant craindre une possible invasion. Dans le même temps, l’Ukraine est également touchée par des cyberattaques ciblant notamment plusieurs sites gouvernementaux.
Les pays de l’OTAN (Organisation du traité de l’Atlantique Nord) ont, pour leur part, placé des forces en alerte et envoyé des navires et des avions de combat pour renforcer la défense en Europe de l’Est.
Réunis en visioconférence ce lundi, les dirigeants des États-Unis, des instances européennes, de l’OTAN et de plusieurs pays européens, dont la France et l’Allemagne, ont réaffirmé leur soutien sans réserve à l’intégrité territoriale de l’Ukraine. Ils ont évoqué des sanctions très lourdes à l’encontre de la Russie en cas d’agression contre ce pays.
Parallèlement, des efforts diplomatiques, auxquels la France prend toute sa part, se poursuivent. Les dirigeants occidentaux ont exprimé leur désir commun d’une solution diplomatique et leur souhait de trouver une voie de désescalade. La France a, quant à elle, pris l’initiative de relancer les rencontres et les discussions dans le format Normandie.
Dans ce contexte, monsieur le ministre, comment la France compte-t-elle agir pour élaborer une position unique et forte de l’Union européenne, susceptible de favoriser une résolution politique de cette crise ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur Dagbert, je ne vous cacherai pas que la situation est sous très grave tension. Comme l’a dit le Président de la République hier aux côtés du Chancelier allemand, la Russie se comporte comme une puissance de déséquilibre et il ne tient qu’à elle de devenir un acteur de désescalade. Nous sommes totalement mobilisés, avec nos partenaires européens, avec nos partenaires américains, pour enrayer la dynamique de l’escalade – il faut appeler les choses par leur nom.
Je voudrais souligner la grande unité qui existe aujourd’hui entre les Vingt-Sept, réunis à Bruxelles toute la journée de lundi sous présidence française.
La même unité s’observe à l’OTAN. Les entretiens que j’ai eus, avec le secrétaire d’État Blinken avant-hier, avec le secrétaire général de l’OTAN hier, montrent la force de cette unité autour de trois priorités.
D’abord, des sanctions massives seront imposées à la Russie si elle porte une nouvelle atteinte à l’intégrité territoriale de l’Ukraine. Nous y travaillons.
Ensuite, il faut tout faire pour que le dialogue avec la Russie se poursuive, afin de contribuer à la désescalade. Des discussions dans le format Normandie ont lieu aujourd’hui même à Paris. J’espère que d’autres propositions seront faites à la Russie, sur notre initiative, dans les différents cadres où se déroulent en ce moment les discussions, à l’OTAN ou à l’OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe).
Enfin, nous sommes solidaires des pays de l’OTAN ou de l’Union européenne qui peuvent être affectés par cette crise. Il s’agit là de ce qu’on appelle les mesures de réassurance, que nous prenons à l’égard des pays baltes, et que nous prendrons, dans les jours qui viennent, à l’égard de la Roumanie.
Nous sommes donc dans une posture de défense collective, de dissuasion, de résilience européenne, mais aussi de contribution au dialogue. La présidence française est totalement mobilisée pour ces initiatives.
Je me rendrai moi-même à Kiev dans quelques jours avec mon homologue allemande. Puis, j’irai de nouveau en Roumanie pour assurer nos partenaires roumains de notre solidarité – Mme la ministre des armées se trouve d’ailleurs à Bucarest en ce moment.
Bref, monsieur le sénateur, la situation est très tendue, mais nous prenons toutes les initiatives nécessaires pour la faire embrayer sur un processus de désescalade. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Françoise Gatel ainsi que MM. Alain Cazabonne et Pierre Louault applaudissent également.)
politique du gouvernement en matière éducative
M. le président. La parole est à M. Jacques-Bernard Magner, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Jacques-Bernard Magner. Ma question s’adressait au ministre de l’éducation nationale, mais j’ai bien noté qu’il n’était pas parmi nous cet après-midi !
Madame la secrétaire d’État, je m’interroge sur votre perception de l’état de l’école, alors que le contexte de crise sanitaire affecte considérablement son fonctionnement depuis deux ans. Même si le ministre de l’éducation nationale défend ardemment ses réformes, son échec à la tête du ministère est patent.
La réforme du lycée est ratée. Alors que son objectif était de casser l’effet filière, elle a accru les inégalités sociales et territoriales.
Au collège, la diminution constante du nombre de postes pour privilégier les heures supplémentaires a abouti à un manque considérable d’effectifs, avec des remplacements non assurés, en particulier dans la période de crise sanitaire que nous vivons depuis deux ans.
À l’école élémentaire, la grande réforme du quinquennat, le dédoublement des classes de CP et de CE1 en zone prioritaire, produit des résultats classés par les chercheurs dans le bas de la fourchette.
Cette réforme étant très consommatrice de postes, vous avez ponctionné des moyens sur un dispositif, appelé « Plus de maîtres que de classes », qui donnait pourtant entière satisfaction aux enseignants.
Bien que les textes prévoient toujours une semaine scolaire de neuf demi-journées, la quasi-totalité des écoles de ce pays fonctionne par dérogation sur quatre journées, un rythme dont on connaît la nocivité pour les enfants, mais qui satisfait nombre de lobbies périphériques à l’école.
Enfin, rien n’a été fait pour revaloriser sérieusement les carrières et les formations des enseignants. Le métier n’est plus attractif et nous courons à la catastrophe pour les recrutements.
Par ailleurs, la gestion de la crise sanitaire depuis deux ans est jugée erratique, irréaliste et inopérante par les enseignants, qui vous crient tous les jours leur souffrance.
Madame la secrétaire d’État, comment le Gouvernement compte-t-il agir pour rétablir la confiance dans et autour de l’institution scolaire ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de l’éducation prioritaire.
Mme Nathalie Elimas, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de l’éducation prioritaire. Monsieur le sénateur Magner, vous m’interrogez sur ma perception de la situation, mais je voudrais vous retourner la question, car je pense qu’elle est biaisée. (Protestations à gauche.)
L’éducation nationale est le premier budget de l’État. Le Président de la République a créé un secrétariat d’État spécifique pour l’éducation prioritaire. Oui, dans le premier degré, la priorité est donnée aux savoirs fondamentaux.
Je suis étonnée de vous entendre dire que nos élèves n’auraient pas progressé grâce au dédoublement des classes de CP et de CE1 en zone d’éducation prioritaire. Nous sommes d’ailleurs en train de dédoubler également les classes de grande section. Les résultats des premières cohortes, aujourd’hui en classe de CM1 et CM2, sont plutôt encourageants. (Marques de contestation à gauche.)
Vous pouvez contester le bien-fondé de la réforme de la voie professionnelle et du baccalauréat, monsieur le sénateur. Moi, j’écoute les lycéens…
Mme Laurence Rossignol. Et les lycéennes ?
Mme Nathalie Elimas, secrétaire d’État. Les lycéens se sont emparés de ces réformes et ils la saluent ! (Protestations à gauche et sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Laurence Rossignol. Et que dites-vous du fait que les lycéennes disparaissent des filières mathématiques ?
Mme Nathalie Elimas, secrétaire d’État. Vous m’avez interrogée, monsieur le sénateur, sur l’attrait du métier et sur sa revalorisation. Nous avons fait, je le rappelle, un Grenelle de l’éducation, à l’occasion duquel nous avons revalorisé toutes les rémunérations, celles des professeurs comme les autres.
Je voudrais, enfin, vous parler de l’école inclusive, puisque nous avons accueilli plus de 400 000 élèves dans nos écoles, comme Sophie Cluzel le sait bien. Nous avons doté les AESH (accompagnants d’élèves en situation de handicap) d’un statut et avons revalorisé leur rémunération – pendant le dernier quinquennat, ils étaient recrutés sous contrat aidé… (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Jacques-Bernard Magner, pour la réplique.
M. Jacques-Bernard Magner. Puisque nous sommes encore en période de vœux et d’engagements électoraux, je souhaite, pour le prochain quinquennat, des moyens pour l’école et une revalorisation de la rémunération des enseignants. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)
accès au service public de la santé
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et INDEP. – MM. Roger Karoutchi et Bruno Sido applaudissent également.)
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le Premier ministre, parmi les préoccupations majeures de nos concitoyens figure l’égal accès à des soins abordables et de qualité, dans tous les territoires, quelle que soit la situation matérielle d’un malade. Il n’est pas acceptable que nos concitoyens les plus précaires soient contraints de renoncer à des soins, surtout dans la situation sanitaire actuelle.
Or la mise en place depuis le 1er janvier d’un forfait patient urgences de 19,61 euros risque d’éloigner davantage des personnes déjà fragiles de l’accès aux soins, car elles ne pourront pas avancer les frais. Selon la Drees (direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques), près de 3 millions de personnes sont dépourvues de complémentaire santé et sont susceptibles de reporter des soins, ou d’y renoncer.
Le recours aux urgences est aujourd’hui le seul moyen d’accéder à une prise en charge rapide dans les zones sous-dotées en médecins généralistes, en milieu rural comme urbain.
Plus largement, c’est encore une fois la question du maillage du service public de la santé qui nous préoccupe. Le Président de la République l’a souligné hier dans la Creuse : le manque de médecins disponibles engendre une situation très critique, voire profondément inquiétante dans de nombreux territoires ruraux. Entre 6 et 8 millions de personnes vivent aujourd’hui dans un désert médical, où ni la médecine de ville ni des établissements de santé ne sont facilement accessibles. Il y aurait pourtant beaucoup à faire pour mieux articuler l’hôpital avec la médecine de ville.
Monsieur le Premier ministre, il est temps, vous le savez bien, de casser le cercle vicieux pour ces territoires. Démographie en baisse, recul des services publics, perte d’attractivité économique : tous ces facteurs s’entre-alimentent constamment, créant une spirale négative qui paraît ne pas avoir de fin.
Tous, nous sommes attachés au principe de l’égal accès au service public de la santé. Comment comptez-vous renforcer les politiques publiques concourant à ce principe fondamental de notre République ? (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et INDEP. – Mme Nadia Sollogoub et M. Michel Canévet applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur le président Requier, vous me posez beaucoup de questions en même temps !
Je vais commencer par répondre à la première, qui concerne le forfait patient urgences. Merci de me donner l’occasion de rectifier un certain nombre de contre-vérités. Ce forfait a été instauré par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, avec entrée en vigueur le 1er janvier 2022. Il a été voté par le Sénat : c’est dire si c’est une mesure responsable ! (Sourires approbateurs. – M. Jean-François Husson s’en félicite.)
De quoi s’agit-il ? C’est une excellente mesure, mesdames, messieurs les sénateurs, et vous avez bien fait de la voter. (Marques de contestation sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Laurence Rossignol. Nous, nous ne l’avons pas votée !
Mme Laurence Rossignol. Nous n’avons pas de regrets !
M. Jean Castex, Premier ministre. Ce forfait concerne les usagers qui se rendent dans les services d’urgence sans que leur entrée à l’hôpital soit suivie d’une hospitalisation. Cela représente déjà beaucoup de monde !
Depuis très longtemps, ces situations donnaient lieu à un maquis de participations, dénoncé par des rapports parlementaires, y compris sénatoriaux. Personne n’y comprenait plus rien, et certains forfaits étaient considérables : vous avez mentionné la somme de 19,61 euros, mais certains allaient jusqu’à 1 000 euros. Ces forfaits étaient pris en charge par les complémentaires. Vous dites que certains n’en ont pas : c’était déjà le cas auparavant. D’ailleurs, les hôpitaux se heurtaient à des difficultés de recouvrement, dont ils n’ont aucun besoin…
En fait, s’agissant de la participation financière préalablement exigée, cette mesure de simplification aura pour conséquence que, tous usagers confondus, on demandera moins qu’auparavant aux patients. Le nouveau système est plus simple, plus lisible, et il est meilleur pour les établissements de santé, lesquels assureront le plus souvent – j’y insiste – le recouvrement direct auprès des complémentaires santé.
Cette mesure a été débattue ici. Les associations d’usagers, qui sont particulièrement sourcilleuses sur ces sujets – et elles ont raison –, avaient donné un avis favorable. Loin de gêner l’accès aux soins, cette mesure apporte clarté et justice, et facilite la vie de nos concitoyens et des établissements de santé. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Alain Cazabonne applaudit également.)
situation et moyens de l’hôpital public
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme Raymonde Poncet Monge. D’après la Cour des comptes, la France n’était pas préparée à faire face à la covid en ce siècle pourtant annoncé comme celui des pandémies.
Pendant la crise, votre gouvernement, comme tous ceux qui l’ont précédé, a poursuivi les restructurations et les fermetures de centres hospitaliers. Selon la Drees, 25 établissements ont fermé en 2020. Les fermetures définitives de lits se multiplient, ainsi que les fermetures provisoires, par manque de personnel.
Plus les mois passent et plus la situation devient critique. Selon le syndicat des infirmiers, 7 500 postes d’infirmiers étaient vacants en juin 2020 ; 34 000 l’étaient en septembre, et on parle désormais de 60 000. Au-delà des chiffres, la tendance est là, grave, alimentée par un fort mouvement de démissions.
Dans une enquête menée auprès de 300 hôpitaux, la FHF (Fédération hospitalière de France) montre que la plupart ne parviennent plus à recruter. Plus de 1 300 élèves infirmiers ont abandonné leurs études depuis 2018. Même mouvement chez les sages-femmes.
La situation est si critique que l’agence régionale de santé (ARS) d’Île-de-France propose désormais de recruter des infirmiers en contrats à durée déterminée (CDD) de six mois, à un salaire de 3 000 euros mensuels auquel s’ajoute une prime de 4 000 euros. C’est une initiative irrespectueuse envers les fonctionnaires hospitaliers en place, qui luttent depuis deux ans et qui voient cette pratique s’ajouter à l’intérim mercenaire.
Quelle fuite en avant ! Force est de constater que, faute d’un changement radical du système de santé, le choc d’attractivité n’a pas eu lieu après le Ségur. Cette semaine, une nouvelle mobilisation des professionnels est prévue. Que compte faire le Gouvernement pour prendre enfin la mesure de la situation et stopper l’hémorragie de personnel ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Esther Benbassa et M. Gilbert-Luc Devinaz applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles. Madame la sénatrice Poncet Monge, les tensions à l’hôpital sont bien réelles, et elles ne sont pas nouvelles. Il est vrai qu’elles ont été amplifiées par la cinquième vague épidémique, avec le double impact des variants delta et omicron, sans parler des virus hivernaux.
Pour faire toute la lumière sur ces tensions, dont vous avez décrit certains contours, le ministre Olivier Véran avait demandé une enquête. Celle-ci a porté sur plus de 1 100 établissements. Elle a montré que la baisse globale de capacités était relativement légère. En matière de ressources humaines, elle révèle un absentéisme, en octobre et novembre, très légèrement supérieur à ce qui avait été constaté en 2019. Elle souligne enfin la diminution des effectifs réels, liée à des départs de soignants, reflétant des réalités différentes d’une profession à l’autre. Ces tensions ont bien sûr des impacts sur les services d’urgence.
Pour faire face à cette situation, des mesures structurelles sont nécessaires. Mais nous devons aussi apporter des réponses immédiates.
Le ministre a donc annoncé la prolongation jusqu’à la fin février du doublement de la majoration de rémunération des heures supplémentaires. C’est une juste reconnaissance de la mobilisation de nos professionnels de santé au cours des derniers mois.
Nous devons également veiller à ce que la mobilisation soit collective. Établissements de santé publics, privés, secteur ambulatoire : tous doivent prendre leur part dans cette période compliquée. Nous sommes particulièrement attentifs aux tensions sur les services d’urgence, de pédiatrie et de maternité. Vous avez évoqué les sages-femmes : les agences régionales de santé sont mobilisées et prêtes à mettre en place les mécanismes de solidarité territoriale nécessaires – mécanismes que vous avez votés dans le cadre de Ma santé 2022.
Vous avez parlé d’investissement. Il faut en effet des actions structurelles. Je rappelle à cet égard l’effort sans précédent qu’a représenté le Ségur de la santé : 30 milliards d’euros pour revaloriser les rémunérations de ceux qui soignent et réinvestir dans le système de santé, avec notamment 19 milliards d’euros pour l’investissement courant. (M. Alain Richard applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour la réplique.
Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le secrétaire d’État, votre réponse montre que, décidément, vous ne pouvez pas porter une nouvelle politique de santé.
À Beaujon et Bichat comme dans le groupe hospitalier Nord Essonne, vous poursuivez les restructurations et les suppressions de postes. Une réforme radicale du système de santé est nécessaire, et les soignants y invitaient dès 2018. Vous ne l’avez pas entreprise.
Nous devons donner des perspectives nouvelles à un personnel qui nous rappelle sans cesse que le soin ne sera jamais une marchandise. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mmes Esther Benbassa et Émilienne Poumirol ainsi que M. Patrice Joly applaudissent également.)
situation économique
M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. Emmanuel Capus. C’est désormais une certitude : l’inflation fait de nouveau partie du paysage économique. Elle s’établit à 5 % dans la zone euro, bien au-delà des prévisions des économistes.
Heureusement, le choc est plus modéré en France. La question ne porte pas sur les causes de cette inflation. Personne ne remet en cause le « quoi qu’il en coûte ».
M. Jérôme Bascher. Nos impôts !
M. Emmanuel Capus. Du moins, personne ne l’a contesté au plus fort de la crise, quand notre pays mobilisait ses forces pour lutter contre le virus.
La question porte sur les conséquences, à court terme comme à long terme, de cette inflation. À court terme, le Gouvernement a mis en place des dispositifs d’urgence, qui ont largement atténué ses effets. Je ne veux pas relancer ces débats, que nous avons déjà eus ici.
Ma question porte sur les conséquences à long terme de l’inflation.
Parmi les scénarii possibles, celui d’un relèvement des taux d’intérêt inquiète. Ce risque n’a jamais paru aussi élevé. Aux États-Unis, le patron de la Banque fédérale a reconnu que l’inflation n’avait rien de transitoire. Il laisse entendre qu’il pourrait relever les taux pour éviter une crise sociale. En Allemagne, le rendement des obligations d’État à dix ans est repassé au-dessus de zéro, une première depuis 2019. Il est hautement improbable que la France soit épargnée.
Face à cette hypothèse, notre pays a deux atouts : la croissance la plus forte et l’inflation la plus faible de toute la zone euro. Mais, madame la ministre, il a une faiblesse : sa dette publique. Le gouverneur de la Banque de France a rappelé hier que le taux d’entêtement actuel n’est pas soutenable à long terme.
Ma question est donc simple, madame la ministre : comment évaluez-vous le risque de relèvement des taux d’intérêt ? Pouvez-vous nous rassurer sur la capacité de la France à rembourser sa dette ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC. – MM. Alain Richard, Martin Lévrier et Yves Bouloux applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’industrie.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’industrie. Monsieur le sénateur Capus, comme vous le signalez dans votre introduction, la France a deux atouts : la croissance la plus forte et l’inflation la plus faible de la zone euro.
Cette situation favorable s’explique par une politique, celle du « quoi qu’il en coûte ». Cette politique, vous l’avez souligné, n’a pas été contestée. Surtout, elle a aidé à relancer la croissance, puisqu’elle a préservé l’outil de production et les compétences, ce qui a permis un redémarrage extraordinairement rapide.
Lors de la crise de 2008, les mesures prises avaient, certes, permis de sauver le système bancaire européen, mais elles avaient eu deux inconvénients.
D’une part, le chômage partiel étant trop bas, nous avions constaté une véritable hémorragie d’emplois : en particulier, 139 000 emplois avaient été supprimés dans l’industrie.
D’autre part, la fiscalité s’était alourdie trop rapidement, ce qui avait bloqué le rebond de la croissance.
Ayant appris de la gestion des crises passées, nous abordons cette situation de reprise dans les meilleures conditions possible.
Vous avez raison d’insister sur la dette. Je souligne, pour ma part, ce que l’économiste Paul Krugman a déclaré : la gestion de la crise en France, d’un point de vue économique, est une des meilleures du monde. D’ailleurs, l’Institut des politiques publiques nous dit que, si nous n’avions pas pris ces mesures, nous aurions accumulé dix points de PIB supplémentaires de dette.
Cette stratégie, que vous avez soutenue, a donc été la bonne. Comment ferons-nous, demain, pour gérer ce problème de dette ? De fait, 115 % du PIB, c’est évidemment beaucoup.
Nous devrons veiller à la crédibilité de la gestion de nos finances publiques. (M. Jérôme Bascher s’exclame.) Pour l’instant, les ministres des comptes publics qui se sont succédé, et le ministre de l’économie, ont toujours fait mieux que le budget qu’ils avaient annoncé. Au cours de cette mandature, nous sommes sortis de la procédure de déficit excessif qu’avait intentée la Commission européenne. Cette crédibilité limitera les conséquences d’une hausse des taux. (Protestations à droite. – Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Colette Mélot et M. Emmanuel Capus applaudissent également.)
mesures d’accompagnement des entreprises affectées par la crise sanitaire