Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargée de la ville. Madame la sénatrice Agnès Canayer, vous avez rappelé l’objet du recensement. Vous savez toute son importance : il permet notamment de dimensionner correctement certains services publics, comme les crèches ou les transports en commun, mais aussi de déterminer la contribution de l’État au budget de chaque commune. Il est donc important que ces opérations soient réalisées chaque année.

En raison du contexte sanitaire exceptionnel de 2020 et des restrictions alors en vigueur, l’Insee avait annoncé le report à 2022 de l’enquête de recensement qui était prévue en janvier et février 2021, sauf à Mayotte.

Cette année, la situation est différente. L’enquête de recensement a pu être correctement préparée à la fin de l’année 2021. Les restrictions liées à la crise sanitaire sont moindres que l’an dernier ; en particulier, les déplacements ne sont plus limités. Par ailleurs, l’accès à la vaccination permet de réduire fortement les risques sanitaires.

En outre, les méthodes mises en œuvre par l’Insee en 2021 pour calculer des populations légales en l’absence d’une enquête de recensement ne peuvent pas être reconduites. En effet, elles ne permettent pas de prendre en compte les mobilités résidentielles liées à la crise sanitaire.

L’enquête de recensement de la population est une opération qui donne lieu à très peu de contacts entre les agents recenseurs et la population recensée. Il est possible de répondre à l’enquête par internet ; quant aux personnes qui souhaitent malgré tout remplir un questionnaire papier, ce remplissage ne se fait pas en présence de l’agent recenseur, qui passe uniquement pour déposer, puis reprendre le questionnaire. Les agents recenseurs n’ont donc pas besoin d’entrer dans les logements. Compte tenu de ces dispositions, nous ne pensons pas qu’il y ait un grand risque sanitaire.

Le calendrier prévu a donc été maintenu. Si des communes rencontrent des difficultés lors de l’enquête, elles pourront toutefois demander un report de la date de fin de collecte, demande que l’Insee examinera avec bienveillance.

Mme le président. La parole est à Mme Agnès Canayer, pour la réplique.

Mme Agnès Canayer. Madame la ministre, il est tout de même évident que la crise épidémique continue, même si elle prend des formes différentes. Cette crise rendra forcément plus difficile que d’ordinaire la réalisation de ces opérations de recensement et fera peser des sujétions particulières sur les communes. Celles-ci devront assumer des coûts supplémentaires, notamment pour le recrutement de nouveaux agents.

Le remboursement par l’État des frais occasionnés par le recensement n’est déjà pas à la hauteur du coût réel de ces opérations pour les communes ; cette fois-ci, il faudrait que l’État, dans le cadre de sa politique de « quoi qu’il en coûte », prenne en compte le véritable coût qu’occasionneront dans ce contexte les opérations de recensement pour les collectivités locales.

Mme le président. Nous en avons terminé avec les réponses à des questions orales.

Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de Mme Nathalie Delattre.)

PRÉSIDENCE DE Mme Nathalie Delattre

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

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Dossier législatif : proposition de loi visant à démocratiser le sport en France
Discussion générale (suite)

Démocratisation du sport

Discussion en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à démocratiser le sport en France (proposition n° 465 [2020-2021], texte de la commission n° 320, rapport n° 319).

Mes chers collègues, je vous rappelle que le port du masque est obligatoire dans l’hémicycle, y compris pour les orateurs qui s’expriment à la tribune, conformément à la décision de la conférence des présidents, réunie le 1er décembre dernier. J’invite par ailleurs chacune et chacun à veiller au respect des gestes barrières.

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à démocratiser le sport en France
Article additionnel avant l'article 1er - Amendement n° 8

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée auprès du ministre de léducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée des sports. Madame la présidente, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames les sénatrices, messieurs et les sénateurs, il y a vingt-quatre ans jour pour jour, dans la nuit du 17 au 18 janvier 1998, je remportais en Australie le premier titre de championne du monde de natation d’une athlète française. Je veux en cet anniversaire vous confier ma fierté de présenter devant la représentation nationale du pays qui m’a accueillie à l’âge de 10 ans cette proposition de loi essentielle pour le sport.

À deux ans des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris, je souhaite que ce texte positionne le sport français en tête de file sur les questions d’éthique, de démocratie et d’intégrité. Cette compétition a nourri les rêves de beaucoup de mes nuits et l’ambition de nombre de mes jours. Elle porte en elle des perspectives d’éducation et d’émancipation, en particulier pour les femmes. Le monde du sport doit assumer cette ambition avec fierté et la France se doit de l’affirmer d’une voix claire et unie.

La proposition de loi dont vous entamez la lecture aujourd’hui a été adoptée par l’Assemblée nationale en mars dernier. Je veux remercier les députés de leur implication et de leur conviction, grâce auxquelles ce texte est passé de onze à vingt-sept articles au fil de son examen au Palais-Bourbon.

L’intitulé même du texte, dans sa rédaction originale, allait droit au but : « démocratiser le sport en France ».

Démocratiser le sport, c’est le rendre plus accessible à tous, sur tous les territoires, à tous les âges et les moments de nos vies.

Démocratiser le sport, c’est aussi parler de transparence dans le fonctionnement des instances et la tenue des élections, c’est s’interroger sur la participation des femmes et des hommes aux décisions, c’est faire en sorte que toutes et tous puissent accéder à toutes les fonctions, y compris de présidence.

Mesdames, messieurs les sénateurs, à vous aussi j’aimerais dire un grand merci, pour avoir œuvré avec moi afin que cette proposition de loi trouve sa place ici, afin qu’elle puisse être enrichie de vos amendements et de ceux du Gouvernement, ainsi que de notre travail commun. Votre examen de ce texte, en fin de quinquennat, mais aussi – nous l’espérons tous – à l’approche de la sortie de la crise sanitaire, représente une occasion d’engager le sport vers des perspectives inédites ; j’espère que vous la saisirez. Ce satané virus nous a tous désarçonnés, mais il ne doit pas entraver notre volonté collective de progresser !

« Mieux faire ensemble », voilà le slogan qui a guidé mes premiers pas au ministère. Je l’aime, car il correspond à ma nature profonde. Il a permis en 2019 la création de l’Agence nationale du sport, opérateur de l’État doté d’un modèle innovant de gouvernance partagée au service du sport et de son développement. Jean Castex avait bien voulu la présider pour l’aider à prendre son envol. Je veux à cette occasion le remercier de son engagement sans faille pour le monde du sport, engagement qui est toujours le sien en tant que Premier ministre.

En 2017, la promesse d’Emmanuel Macron était de transformer le modèle sportif français à l’horizon de 2024, de manière à améliorer nos performances et à infuser le sport dans nos vies.

Ma méthode pour y parvenir a été de considérer comment, au côté de l’État, chacun pourrait mieux y contribuer : les acteurs historiques du sport que sont le mouvement sportif et les collectivités territoriales, les parlementaires, évidemment, mais aussi le monde économique.

« Mieux faire ensemble », voilà aussi la devise qui a guidé la construction de ce texte ; je le dis sans présager de sa rédaction finale, car avoir grandi dans un pays totalitaire fait de moi une farouche défenseuse de l’expression démocratique. Sans préjuger donc de l’issue de la future commission mixte paritaire, je peux déjà affirmer que je suis satisfaite de la méthode employée.

Nous avons construit ce texte en équipe, avec Denis Masseglia et Emmanuelle Assmann, d’abord, qui avaient dès 2019 commencé à consulter le mouvement sportif en préparation de ce texte, puis avec Brigitte Henriques et Marie-Amélie Lefur, qui ont apporté des contributions intéressantes. D’autres apports encore pourraient être notés, parfois très ambitieux.

Je ne doute pas que vous saurez mesurer l’urgence de ce texte. À deux ans de la tenue des jeux Olympiques en France, oui, la performance est importante ! Je fais sur ce point confiance aux athlètes et à leurs entraîneurs, car j’ai été moi aussi sportive de haut niveau et je sais à quoi ils pensent tous les jours.

À deux ans de cette échéance, il est tout aussi important de renforcer la responsabilité sociale et environnementale du sport. Je veux aussi que le mouvement sportif international prenne des engagements plus ambitieux sur ces sujets, qui seront au cœur des travaux menés avec nos partenaires européens à l’occasion de la présidence française du Conseil de l’Union européenne.

Devenir plus performants et, en même temps, démontrer notre utilité sociale : c’est bien sûr un défi. Nous devons le relever avec beaucoup de détermination, mais cette détermination est tranquille : c’est ainsi que l’on rassemble, que l’on rassure, que l’on ne laisse personne au bord du chemin.

Je vous sais convaincus de l’utilité du sport sur nos territoires et je tiens à saluer l’attention accordée à ce texte par vos équipes et par vous-même, monsieur Laurent Lafon, qui avez toujours été à l’écoute en tant que président de la commission, et par vous aussi, monsieur Michel Savin, en tant que rapporteur de cette proposition de loi. J’aimerais vous remercier au nom du mouvement sportif – celui d’aujourd’hui et surtout celui de demain – pour l’intérêt que vous lui portez.

Vous le savez comme moi, le monde du sport est multiple ; s’il doit être au service de l’intérêt général, il faut veiller en permanence à ce que les intérêts particuliers ne l’emportent pas.

C’est pourquoi je me suis réjouie que votre commission ait adopté un amendement tendant à compléter l’intitulé de cette proposition de loi pour préciser qu’elle vise à « améliorer la gouvernance des fédérations sportives ».

J’ai un instant cru que nous allions partager cette vision moderne d’un sport conscient de la société dont il fait partie et du rôle crucial qu’il y joue pour enseigner, éduquer, inspirer, insérer, rééquilibrer et raccrocher, pour accompagner des vocations et des carrières, pour prendre soin des enfants qu’il fait grandir, ou du moins devenir un peu plus grands. Je ne vous cache pas, monsieur le rapporteur, que j’aimerais ne pas seulement y croire : j’aimerais le faire !

J’aimerais que cet instant existe, au cours des deux jours et deux nuits que nous passerons ici ensemble. J’aimerais que nous soyons tous, instances sportives comprises, à la hauteur de ce que le sport représente dans la vie de nos concitoyens. J’aimerais vivre au Sénat un moment de progrès sensible, un instant suspendu où un regard bienveillant se pose sur vous pour vous dire : « Tu peux être encore meilleur demain ! »

Être meilleur demain, c’est ce qui est attendu de nous tous, ici réunis. Le chemin de la modernité, du progrès et du courage est grand ouvert : il ne tient qu’à nous, qu’à vous, de l’emprunter.

Oui, je suis très attachée à ce texte, et ce pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, il lève des barrières et exprime l’ambition que le sport devienne une solution. Ainsi, on passera d’un parcours de soins à un parcours de santé. Ainsi, nos enfants apprendront très tôt à consacrer un peu de temps à leur cœur, à leur corps, à leur respiration. Ainsi, ils pourront s’accepter comme ils sont et ils pourront s’engager.

Ensuite, ce texte ouvre des horizons au secteur associatif, de manière à proposer plus de sport et à offrir une activité physique adaptée dans de nouveaux champs. L’Assemblée nationale a décidé d’étendre la prescription d’une activité physique adaptée aux personnes souffrant de maladies chroniques, et je me réjouis que votre commission ait bien voulu ancrer dans la loi les maisons sport-santé. Susciter 500 initiatives de territoires et les labelliser, c’est un engagement pris par le Président de la République : nous le tiendrons !

J’étais vendredi dernier au centre hospitalier de Bligny, à Briis-sous-Forges, qui vient de se voir reconnaître la qualité de maison sport-santé par le Gouvernement ; je peux vous garantir que les patients, les personnels soignants et les éducateurs étaient unanimes quant à l’efficacité du sport dans le parcours de soins et à la force du lien qu’il crée. J’en suis personnellement convaincue ; c’est aussi pour cela que nous y avons consacré 4,5 millions d’euros au sein du budget du ministère des sports défini dans la loi de finances pour 2022.

Par ailleurs – nous y reviendrons au cours du débat –, je veux ici vous dire combien je suis attachée à rétablir dans ce texte l’instauration d’un référent pour les activités physiques et sportives dans chaque établissement social et médico-social (ESMS). Le sport est un outil puissant pour la confiance en soi, pour l’autonomie et pour le bien-être des usagers, souvent fragiles, de ces établissements, notamment quand ces personnes sont en situation de handicap. C’est une avancée incontestable que je continuerai de défendre.

Ouvrir aux clubs voisins les équipements sportifs situés à l’intérieur des écoles, instaurer une allocation de rentrée sportive, comme vous le proposez au travers du Pass’Sport, créer une association sportive scolaire dans chaque école primaire, ancrer les savoirs sportifs fondamentaux, garantir trente minutes quotidiennes de sport à l’école : voilà autant d’avancées inédites. Tous ces dispositifs ne relèvent pas de la loi, mais ce débat me permettra de vous exposer la vision du Gouvernement et de rappeler l’action utile déjà concrètement déployée par Jean Michel Blanquer et moi-même pour révolutionner la place du sport à l’école, dès le plus jeune âge. Je veux à ce propos remercier ici tous les agents de notre grand ministère pour leur implication dans l’ensemble de nos politiques publiques et sur ce thème en particulier.

L’ambition du titre II de cette proposition de loi est de permettre au monde sportif de prendre pleinement sa part dans des combats universels comme l’égalité entre les femmes et les hommes, ou encore la lutte contre toutes les formes de violence ou de discrimination. Nous avons déjà pleinement engagé le monde sportif dans la protection du pacte républicain, avec la loi confortant le respect des principes de la République ; il nous faut maintenant aller plus loin.

Rénover en profondeur la gouvernance fédérale est un enjeu fondamental pour le sport français, mais aussi au-delà. Parce qu’il est pratiqué en club par 16 millions de personnes et regardé par l’immense majorité de nos concitoyens, le sport est une vitrine qui doit inspirer.

Je veux donc assurer la parité au sein des instances dirigeantes des fédérations et de leurs ligues régionales. Je veux donner aux clubs une place plus centrale dans le mode de scrutin de l’élection des dirigeants. Je veux limiter le nombre de mandats des présidents et, demain, des présidentes. Enfin, je veux garantir l’honorabilité des acteurs sportifs, pour que des personnes condamnées pour violences sexuelles ne puissent pas entrer en contact avec les enfants.

Dans le cadre d’un dialogue constant, l’État a octroyé aux fédérations des moyens inédits et des prérogatives nouvelles. Ces engagements sont la légitime contrepartie de ce que l’État attend d’elles au titre de la mission de service public qui leur est confiée ou de l’agrément qui leur est accordé.

Tel est le sens de l’histoire ; le mouvement sportif est prêt, il est disposé à engager sa révolution. Je vous invite donc, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, à ne pas manquer ce rendez-vous unique.

Le titre III comprend enfin des dispositions essentielles pour renforcer et sécuriser le modèle économique du sport. Nous sommes encore plongés dans la crise sanitaire ; il faut donner au sport amateur et professionnel la possibilité d’en sortir le moins abîmé possible, tout en préservant notre modèle : un ministère qui pilote et protège, et des fédérations qui exercent en responsabilité leur rôle en appui des ligues professionnelles qu’elles ont créées.

Le Gouvernement a consacré près de 8 milliards d’euros au secteur sportif depuis le début de la crise. Ces crédits ont été dépensés pour le secteur amateur et ses associations sportives, pour le sport professionnel, pour les loisirs marchands, ou encore pour le secteur de la montagne.

Nous avons sécurisé et protégé notre secteur sportif, mais il faut aussi l’inciter à innover. Nous allons, grâce à ce texte, permettre aux acteurs du sport d’accéder à des formes juridiques nouvelles, telles que les sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC), et offrir aux ligues professionnelles la possibilité de créer une société commerciale, dans un cadre régi par la loi.

Ensemble, soyons ambitieux, mais aussi exigeants et courageux, comme les sportifs !

Par ailleurs, je vous présenterai un amendement visant à lutter contre l’offre illégale en matière de paris sportifs. Il s’agit d’un enjeu majeur, au regard notamment des prochaines grandes compétitions que nous allons accueillir. Je défendrai aussi un amendement qui me tient à cœur, dont l’objet est de susciter l’engagement des fédérations aux côtés des personnes victimes de violences sexuelles dans le sport.

Enfin, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je connais votre intransigeance sur le sujet des violences dans les stades, des violences discriminatoires et des violences physiques qui blessent et humilient. Ces violences doivent cesser !

Le Gouvernement défendra donc un amendement visant à créer une procédure d’amende forfaitaire en la matière, à la suite des engagements pris récemment avec le monde du football. Nous appliquons ainsi la méthode retenue par le Gouvernement pour atteindre son ambition dans la lutte contre ce fléau : punir, mais avec justesse, en faisant toujours peser la contrainte sur les auteurs de ces actes. J’écouterai avec intérêt vos propositions en ce sens.

Je me suis toujours engagée auprès de celles et de ceux qui font vivre le sport ; les supporters, les vrais, en font pleinement partie ! L’instance nationale du supportérisme doit nous permettre de mieux les écouter.

Ainsi, le sport restera une fête, une fête collective qui nous ramène à des émotions positives, un peu perdues, il faut le dire, ces derniers temps. Préservons ce vivre ensemble, préservons ce lien avec la nature, avec les éléments, avec nous-mêmes, préservons ce lien avec l’autre, que le sport seul a le pouvoir de créer ! (MM. Didier Rambaud et Éric Gold applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Claude Kern applaudit également.)

M. Michel Savin, rapporteur de la commission de la culture, de léducation et de la communication. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui n’est plus celui qui nous a été transmis par l’Assemblée nationale.

La proposition de loi, examinée par les députés et adoptée au mois de mars 2021, était limitée dans ses objectifs, puisqu’elle visait essentiellement à réformer la gouvernance des fédérations sportives. Elle a été enrichie de manière un peu précipitée en accordant aux ligues professionnelles la possibilité de créer une société commerciale, laquelle ne présentait pas toutes les garanties nécessaires à nos yeux.

Grâce au travail du Sénat, la proposition de loi dont nous abordons la discussion aujourd’hui répond davantage aux enjeux auxquels doit faire face le sport français. Le développement du sport-santé, du sport en entreprise et du sport à l’école a été renforcé. Plusieurs mesures visant à mieux lutter contre les violences dans les stades ont été intégrées. Des amendements visant à allonger la durée du premier contrat professionnel de trois à cinq ans, deux amendements importants concernant la diffusion des compétions sportives, ainsi que des amendements tendant à entourer la reconversion des sportifs ont également été adoptés en commission.

Cette proposition de loi enrichie n’efface pas le regret qui est le nôtre de n’avoir pas pu discuter d’une grande loi sur le sport au cours de ce quinquennat. De nombreux sujets ne sont pas traités, alors qu’ils mériteraient pourtant des avancées ou des clarifications. Je pense au rôle du ministère des sports, qui est devenu incertain avec la création de l’Agence nationale du sport (ANS), à une meilleure répartition des missions entre les différents échelons de collectivités territoriales… Tous ces sujets attendront le prochain quinquennat.

Notre mission aujourd’hui est plus modeste, mais elle n’en est pas moins utile et importante. Nous pouvons trouver un accord pour faire aboutir un texte qui apportera des réponses à des problèmes urgents. Nos débats mettront en évidence nos différences sur plusieurs dispositions. Ils permettront, je l’espère, de rapprocher nos points de vue avant la réunion de la commission mixte paritaire. Dans cette perspective, madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi d’insister sur quatre sujets auxquels le Sénat sera attentif pour aboutir à un accord.

Le premier sujet a trait aux avancées à préserver concernant le sport-santé.

Madame la ministre, nous partageons votre volonté de généraliser l’offre d’activités physiques et sportives dans les établissements médico-sociaux, mais nous ne nous faisons pas d’illusion : sans moyens dédiés, elle restera une simple déclaration d’intention. Aussi attendons-nous des engagements financiers de votre part, lesquels conditionneront le rétablissement du dispositif du référent.

Si je défends le développement du sport sur ordonnance depuis de nombreuses années, je regrette que la question centrale de sa prise en charge par l’assurance maladie n’ait pas été traitée par votre gouvernement. Elle est maintenant renvoyée à un autre débat.

L’extension du dispositif à de nouveaux publics constitue une avancée certaine. Nous avons néanmoins tenu à mieux l’encadrer pour la rendre réellement opérationnelle, dans le cadre du parcours de soins coordonné.

La commission a également souhaité formaliser l’existence et les missions des maisons sport-santé dans le texte, car, sans véritable structuration de la filière, le sport sur ordonnance ne pourra pas se déployer à une plus grande échelle.

Le deuxième sujet porte sur l’accès aux équipements sportifs scolaires, qui ne peut se faire à n’importe quel prix pour les collectivités territoriales.

De nombreux établissements scolaires disposent d’équipements sportifs dans leurs locaux. Je partage l’idée de faciliter leur utilisation par des associations et clubs sportifs, des établissements de l’enseignement supérieur ou des entreprises en dehors du temps scolaire : le soir, le week-end ou encore pendant les vacances scolaires. En cela, l’aménagement d’un accès indépendant aux équipements sportifs lors de la construction d’un nouvel établissement scolaire est une mesure importante. D’ailleurs, de nombreuses collectivités n’ont pas attendu ce texte pour mener cette réflexion et prévoir cet aménagement dans les plans de construction de la nouvelle école, du nouveau collège ou du nouveau lycée.

En revanche, l’obligation, sans exception possible, d’aménager un tel accès, en cas de travaux importants de rénovation, risque d’être contre-productive. En effet, certaines collectivités pourraient renoncer à rénover leurs équipements sportifs scolaires face à l’impossibilité d’aménager cet accès indépendant ou au coût trop élevé de cette opération. C’est pourquoi il a semblé important à la commission d’introduire un assouplissement à cette obligation : le coût de ces travaux d’aménagement par rapport au coût total de rénovation doit être pris en compte.

Le troisième sujet concerne la réforme de la gouvernance des fédérations sportives, prévue au titre II. Je suis très attaché à cette réforme, qui est respectueuse du mouvement sportif.

Nous sommes tous conscients de la nécessité de faire évoluer cette gouvernance. Toutes les fédérations sportives sont confrontées à de nouveaux enjeux. La pratique sportive évolue, des investissements sont nécessaires. La politique en faveur des sportifs de haut niveau n’a pas encore trouvé son équilibre. Pour mener à bien ces chantiers, les fédérations doivent attirer de nouveaux profils, plus jeunes, plus entrepreneurs, plus féminins, plus internationaux dans leur approche.

Nous partageons donc votre ambition d’accompagner le renouvellement des dirigeants, madame la ministre, mais celui-ci ne peut être imposé contre le mouvement sportif, en faisant fi de la réalité de la situation des fédérations. Ces dernières ont renouvelé leurs dirigeants au printemps dernier. De nouveaux présidents ont été élus, qui sont parfois des présidentes. Certains ont d’ores et déjà indiqué qu’ils ne feraient qu’un ou deux mandats.

La nouvelle présidente du Comité national olympique et sportif français (CNOSF) a conduit une grande concertation avec l’ensemble du mouvement sportif, qui a permis d’établir qu’il n’y avait pas d’accord pour que les évolutions nécessaires soient imposées par le haut, c’est-à-dire par la loi, de manière autoritaire. Je crois qu’il faut entendre ce message et faire davantage confiance aux dirigeants du mouvement sportif. C’est le sens des amendements qui ont été adoptés en commission.

Oui à la parité intégrale quand elle est possible ! Donnons-nous seulement encore un peu de temps pour former les dirigeantes là où c’est nécessaire.

Oui à plus de démocratie dans le processus électoral, en donnant une place primordiale aux clubs, mais sans distinguer selon leur forme, pour tenir compte de la diversité d’organisation des fédérations.

Oui, enfin, au renouvellement des présidents, mais sans imposer des limitations qui n’existent pour aucun autre type d’associations.

Sur ces trois sujets, les propositions que nous formulons constituent un compromis crédible et réaliste entre votre ambition et le respect de l’autonomie du mouvement sportif.

Le quatrième sujet porte sur les garanties indispensables pour permettre d’accompagner le redressement du football professionnel.

J’en viens à la société commerciale, sujet qui a concentré beaucoup d’attention ces derniers jours. Je rappelle tout d’abord que nous sommes conscients de la situation dramatique que connaît le football français – j’allais dire « désespérée », mais elle ne l’est pas tout à fait justement, puisque la ligue a travaillé sur plusieurs projets pour redresser la barre et rétablir l’attractivité de sa compétition phare.

Qu’il n’y ait pas d’ambiguïté entre nous : nous sommes attachés à notre modèle français qui délègue aux ligues professionnelles l’organisation et la gestion du sport professionnel. Nous n’envisageons pas de revenir sur cette répartition des rôles.

L’amendement adopté en commission permet de rappeler des principes et d’affirmer des valeurs. Dans notre modèle, c’est la fédération sportive qui doit rester garante de l’intérêt général et de l’avenir de la discipline, chacun aujourd’hui en convient. Le dialogue rétabli entre la fédération et la ligue a permis de réaffirmer cette évidence.

C’est pourquoi j’ai décidé de proposer en séance une nouvelle rédaction de l’article 10 bis A, qui tire les conséquences de nos échanges avec la fédération et la ligue. Cette nouvelle rédaction réaffirme le rôle de la fédération et prévoit sa participation dans les instances de la société commerciale ; en contrepartie, elle laisse la ligue assurer le fonctionnement de cette société. Cette nouvelle rédaction nous semble équilibrée et nous serons vigilants à ce que cela reste ainsi.

En conclusion, mes chers collègues, je pense que l’ensemble des sénateurs, toutes sensibilités politiques confondues, ont participé au renforcement réel de ce texte. Je remercie le président de la commission de la culture Laurent Lafon, qui s’est fortement impliqué dans la construction de ce texte. Je sais aussi que le mouvement sportif a été sensible à votre engagement collectif.

Madame la ministre, j’espère que, sur la très grande majorité de nos propositions, le Gouvernement et votre majorité nous suivront. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)