M. Stéphane Artano. L’article 15 vise à rendre obligatoire la présentation auprès des services préfectoraux de la personne se présentant comme mineur non accompagné, afin que ceux-ci apportent une aide à l’identification et à l’évaluation de la minorité par la consultation du fichier AEM. Le président du conseil départemental n’est toutefois pas tenu à cette présentation lorsque la minorité de la personne est manifeste.
Cette rédaction nous semble imprécise. Aussi, nous proposons que la présentation des MNA en préfecture et le recours aux fichiers AEM aient lieu en cas de doute sur la minorité, et non plus « sauf lorsque la minorité de la personne est manifeste ». Cette rédaction fait par ailleurs écho aux termes employés dans l’article 388 du code civil.
Mme la présidente. L’amendement n° 43 rectifié bis, présenté par MM. Favreau, Belin, Mouiller, Anglars et Cuypers, Mme F. Gerbaud et MM. B. Fournier, Lefèvre, Saury, Genet, Laménie et Gremillet, est ainsi libellé :
Alinéas 6 à 10
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Gilbert Favreau.
M. Gilbert Favreau. Cet amendement vise, comme d’autres qui le précèdent, à refuser l’utilisation des tests osseux, qui n’offrent en effet aucune garantie d’une évaluation certaine de la minorité ou de la majorité.
Nous proposons donc de supprimer de l’article 15 tous les alinéas relatifs à ces tests.
Mme la présidente. L’amendement n° 50 rectifié, présenté par Mme Sollogoub, M. Delcros, Mme Saint-Pé, MM. de Belenet, Henno et Le Nay, Mme Vermeillet, M. Laménie, Mmes Herzog et Lopez, M. Guerriau, Mmes Vérien, F. Gerbaud, Perrot, Guidez et Drexler, M. A. Marc, Mmes Dumont et M. Mercier, MM. Canévet, J.M. Arnaud, Lefèvre, Belin, Détraigne, Chasseing, Bonhomme et Houpert, Mmes Jacquemet et Muller-Bronn, M. Cigolotti, Mme de La Provôté et MM. Duffourg et Levi, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Solliciter, au moins douze mois avant la majorité de la personne, le représentant de l’État dans le département afin de mettre en œuvre les dispositions nécessaires à un examen anticipé des demandes de titre de séjour des mineurs étrangers confiés au service départemental de l’aide sociale à l’enfance.
La parole est à Mme Nadia Sollogoub.
Mme Nadia Sollogoub. Au travers de cet amendement, nous voulons éviter la catastrophe qui consiste à attendre le jour de la majorité du mineur pour examiner son dossier.
Mme la présidente. Mes chers collègues, il est presque minuit. Je vous propose d’ouvrir la nuit afin d’achever l’examen de ce texte.
Il n’y a pas d’observation ?…
Il en est ainsi décidé.
Quel est l’avis de la commission sur ces quinze amendements en discussion commune ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. Hélas, mes avis risquent encore de décevoir un certain nombre d’entre vous, chers collègues…
Ces différents amendements ont trait à la question de l’évaluation des jeunes qui se présentent comme MNA, en suggérant des dispositifs très différents les uns des autres. Je les aborderai un par un, aussi rapidement que possible, madame la présidente, mais pas nécessairement dans l’ordre de leur présentation.
L’amendement n° 281 vise à ce que l’évaluation de la minorité du jeune et la reconnaissance du statut de MNA relèvent exclusivement du juge des enfants, sans intervention des départements. En augmentant sensiblement les délais d’évaluation, cette disposition conduirait toutefois à submerger et à paralyser les prétoires à chaque vague migratoire. L’avis est donc défavorable.
L’amendement n° 21 rectifié vise à centrer l’évaluation de la minorité sur la possession par l’intéressé de documents d’état civil légalisés, et à rendre subsidiaires les autres investigations, notamment sociales et psychologiques. Les MNA provenant en grande majorité de pays où l’état civil n’est pas tenu correctement, une telle mesure nécessiterait que tous les jeunes ou presque entament des démarches auprès des autorités consulaires, sans certitude de résultat, ce qui allongerait considérablement et inutilement les délais d’évaluation. En outre, les entretiens réalisés avec le jeune gardent toute leur pertinence pour évaluer l’isolement de ce dernier. En conséquence, l’avis est défavorable.
Les amendements identiques nos 289 et 335 rectifié bis définissent la procédure après la présentation de documents d’état civil ou en l’absence de ceux-ci. Ils prévoient que le président du conseil départemental se doit, dès le stade de l’évaluation, d’assister les jeunes dans leurs démarches auprès des autorités consulaires. Ils ne semblent toutefois pas applicables en pratique et risqueraient d’allonger considérablement les délais d’évaluation. L’avis est donc défavorable.
Les amendements nos 373 et 292 fixent à cinq jours la durée de l’accueil provisoire d’urgence du jeune à l’issue de laquelle le président du conseil départemental doit saisir l’autorité judiciaire, tandis que l’article 15 renvoie à un décret le soin de fixer cette durée. Cette solution, en vigueur actuellement, est aussi celle qui ménage le plus de souplesse pour adapter ce délai. Celui-ci est d’ailleurs actuellement fixé à cinq jours, mais il n’est que très rarement respecté. N’inscrivons donc pas dans la loi une mesure que les départements ne pourraient pas respecter. Avis défavorable.
L’amendement n° 290 vise à inscrire dans la loi l’organisation d’un temps de répit au bénéfice du jeune avant le début de l’évaluation de sa minorité et de son isolement. Recommandé par le récent rapport des commissions des affaires sociales et des lois sur les MNA, ce temps de répit doit permettre aux jeunes qui ont connu des situations traumatisantes de retrouver leurs esprits avant le début des entretiens. S’il est prévu par le guide de recommandation des bonnes pratiques en matière d’évaluation, il est rarement appliqué par les départements. Il serait donc opportun de l’inscrire dans la loi. Avis favorable, madame Poncet Monge !
Les amendements nos 367 rectifié et 288 proposent de supprimer le fichier d’aide à l’évaluation de la minorité, tandis que l’amendement n° 42 rectifié ter vise à supprimer le recours obligatoire à ce fichier. Pour les mêmes raisons que celles que j’ai développées sur les amendements de suppression de l’article 15 tout à l’heure, l’avis est défavorable.
Les amendements identiques nos 279 et 334 rectifié bis conditionnent la présentation du jeune à la préfecture pour consultation du fichier AEM au fait de ne pas posséder de documents d’état civil valables. Mais beaucoup de MNA n’ont pas de documents d’état civil, ou disposent de documents dont l’authenticité peut être contestée. Cette condition nous semble donc moins pertinente que l’absence de minorité manifeste. Avis défavorable.
L’amendement n° 418 rectifié entend conditionner le recours au fichier AEM à l’existence d’un doute sur la minorité. Cette condition est équivalente à la condition actuelle, qui prévoit que la consultation a lieu sauf si la minorité est manifeste. Or la minorité est par définition manifeste en l’absence de doute. Cet amendement étant satisfait, nous sollicitons donc son retrait ; à défaut, l’avis sera défavorable.
L’amendement n° 43 rectifié bis vise à supprimer la possibilité de recourir aux tests osseux. Il s’agit d’une méthode facultative parmi les nombreuses qui concourent à l’évaluation de la minorité. Elle ne peut être réalisée qu’en saisissant l’autorité judiciaire et dans le respect de règles strictes rappelées par le Conseil constitutionnel. En outre, le doute profite toujours à l’intéressé. Nous devons veiller à ce que ces conditions soient systématiquement respectées lors de l’usage des tests. En revanche, pour le moment, les interdire nous priverait d’une méthode qui peut concourir au faisceau d’indices permettant de trancher la question de minorité. L’avis est donc défavorable, mais je reconnais que nous devrons nous pencher sur cette méthode d’évaluation, car elle ne semble pas très sûre aujourd’hui, en particulier sur le plan médical.
Enfin, l’amendement n° 50 rectifié permet au président du conseil départemental de solliciter le préfet afin qu’il engage un examen anticipé du titre de séjour. L’amendement ouvre toutefois cette possibilité au stade de l’évaluation, c’est-à-dire pour des personnes qui ne sont pas encore reconnues mineures et dont certaines, une fois majeures, seront soumises à une obligation de quitter le territoire français. Cette disposition est en outre satisfaite pour les MNA confiés à l’aide sociale à l’enfance (ASE) par une instruction ministérielle du 21 septembre 2020 à destination des préfets. Avis défavorable.
En résumé, la commission émet un avis favorable sur le seul amendement n° 290.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Mes avis seront peu ou prou les mêmes que ceux de M. le rapporteur. Je me permettrai de commenter néanmoins quatre amendements en particulier.
Bien que j’y sois défavorable, l’amendement n° 281 me semble intéressant et ne me surprend pas au regard de la situation dans certains territoires, notamment le vôtre, madame Meunier.
L’amendement n° 290 de Mme Poncet Monge, relatif au répit, a reçu un avis favorable du rapporteur. Cette question nous semble relever davantage du règlement, et c’est en effet une préconisation du guide des bonnes pratiques. Nous avions prévu de solliciter le retrait de cet amendement, mais nous nous en remettrons finalement à la sagesse du Sénat.
Sur les amendements relatifs aux tests osseux, l’avis est défavorable, mais nous partageons la conviction du rapporteur – j’ai déjà eu l’occasion de le dire à l’Assemblée nationale.
Quant à l’amendement n° 50 rectifié, j’avais en effet obtenu, dans le cadre du débat sur l’immigration, que le ministère de l’intérieur publie la circulaire du 21 septembre 2020, qui demande aux préfectures de pouvoir évaluer la situation de ces jeunes avant leurs 17 ans. J’avais en effet constaté, dans l’Oise, me semble-t-il, qu’une convention de partenariat entre le département et la préfecture permettait de ne pas attendre la veille de ses 18 ans pour examiner la situation du mineur non accompagné, et que cela permettait de résoudre beaucoup de problèmes.
Cette circulaire va dans le bon sens, et ce débat constitue une bonne occasion de rappeler à l’ensemble de nos préfets la nécessité de la mettre en œuvre dans tous nos territoires. Nous restons toutefois défavorables à l’inscription de ses dispositions dans la loi.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 289 et 335 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 42 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 279 et 334 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Monsieur Artano, l’amendement n° 418 rectifié est-il maintenu ?
M. Stéphane Artano. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 418 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 43 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Madame Sollogoub, l’amendement n° 50 rectifié est-il maintenu ?
Mme Nadia Sollogoub. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 50 rectifié est retiré.
L’amendement n° 221 rectifié, présenté par Mme Létard, MM. Henno, Canévet et Kern, Mme Vermeillet, MM. Moga, J.M. Arnaud et Levi, Mme Guidez, MM. Le Nay et Lafon, Mme Saint-Pé, M. Détraigne, Mme Herzog et MM. Poadja, Hingray, Duffourg, Delcros et Chauvet, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigé :
Lorsqu’une personne se présentant comme mineure privée temporairement ou définitivement de la protection de sa famille est prise en charge dans le cadre de l’évaluation de mise à l’abri prévue à l’article R. 221-12 du code de l’action sociale et des familles, le président du conseil départemental exerce l’autorité parentale le temps de l’évaluation de minorité.
La parole est à Mme Jocelyne Guidez.
Mme Jocelyne Guidez. Cet amendement, déposé par Mme Létard, vise à s’assurer que le président du conseil départemental pourra exercer, dans l’intérêt de la personne se présentant comme mineure, tous les actes de l’autorité parentale pendant la phase de l’évaluation de minorité – autorisation de soin, autorisation de pratiquer un sport, autorisation de passer les tests nécessaires à la scolarisation, autorisation de droit de visite et d’hébergement chez un tiers, etc.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. Cette mesure systématique, qui ne fait pas intervenir le juge, constituerait une dérogation aux règles de détermination et de dévolution de l’exercice de l’autorité parentale. Elle ne nous semble pas souhaitable.
Il convient en revanche, dès que le mineur est évalué comme tel, de saisir le juge en vue d’une ouverture de la tutelle ou d’une délégation de l’autorité parentale, si les conditions sont remplies.
Nous émettons toutefois un avis défavorable sur cette demande.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jocelyne Guidez. Je le retire, madame la présidente !
Mme la présidente. L’amendement n° 221 rectifié est retiré.
L’amendement n° 340 rectifié bis, présenté par MM. Iacovelli, Lévrier, Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Il procède à sa scolarisation en application des articles L. 111-1, L. 122-1 et L. 131-1 du code de l’éducation.
La parole est à M. Xavier Iacovelli.
M. Xavier Iacovelli. Comme le soulignent le rapport de notre collègue Doineau de 2017 et celui que j’ai rédigé avec mes collègues Bourgi, Burgoa et Leroy en 2021, l’incertitude qui demeure autour de l’âge des mineurs non accompagnés avant leur évaluation de minorité laisse planer un doute extrêmement problématique sur la base juridique qui leur est applicable.
Nous avons ainsi des exemples de jeunes qui ont finalement été reconnus comme mineurs, mais qui sont restés non scolarisés plus d’une année après leur examen de minorité. Ce n’est pas acceptable. Quant à la diversité des réponses selon les départements, elle l’est encore moins : certains, comme les Bouches-du-Rhône, acceptent d’entamer des démarches de scolarisation de certains jeunes avant la fin de leur période d’évaluation, d’autres non.
La scolarisation est pourtant cruciale pour l’intégration et l’insertion de ces jeunes. En 2016, le Défenseur des droits avait ainsi affirmé que la scolarisation des jeunes migrants devait être une priorité absolue. C’est pour atteindre cet objectif que notre amendement prévoit d’organiser la scolarisation des mineurs non accompagnés, avec, dès leur accueil provisoire, l’évaluation de leur niveau scolaire et leur affectation dans un établissement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. Cet amendement parfaitement louable s’appuie sur le récent rapport de la mission d’information sur les MNA, dont vous étiez l’un des quatre corapporteurs, monsieur Iacovelli, et qui dressait un constat inquiétant sur la scolarisation très hétérogène des MNA.
Toutefois, une obligation de scolarisation qui bénéficierait à tous les jeunes arrivant dans un département, y compris ceux qui sont manifestement majeurs, semble peu réaliste et n’est guère souhaitable.
Il conviendrait plutôt d’agir sur les délais de procédure et de développer des modes de préscolarisation par l’intermédiaire de certaines associations, comme le rapport le suggérait.
C’est pourquoi nous émettons un avis défavorable sur cet amendement, qui nous semble insuffisamment précis.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Notre raisonnement rejoint celui du rapporteur. Un dispositif de droit commun, codifié à l’article L. 122-2 du code de l’éducation, permet déjà la scolarisation de ces mineurs, même si nous constatons des difficultés. Serait-il vraiment pertinent de créer un dispositif dérogatoire ? On peut s’interroger.
Il est sans doute possible d’agir plus efficacement, et immédiatement dans les territoires, sur l’aide que les associations apportent en matière d’apprentissage du français. Nous devons aussi lever les blocages qui peuvent exister au niveau territorial entre l’aide sociale à l’enfance et les services académiques de l’éducation nationale. C’est un vrai sujet, mais je ne sais pas si on le résoudrait en imposant la scolarisation immédiate de ces jeunes, dès leur mise à l’abri. Je m’engage en tout cas à me rapprocher du ministre de l’éducation nationale et de ses services pour voir comment nous pourrions améliorer la situation.
On ne peut pas tout renvoyer au groupement d’intérêt public, c’est-à-dire à la future gouvernance du système, mais c’est sans doute l’un des sujets prioritaires auquel il faudra s’atteler.
La question de la scolarisation, mais aussi celle de l’insuffisance des parcours universitaires parmi les enfants de l’ASE – seuls 6 % d’entre eux poursuivent des études supérieures –, est un sujet sur lequel il y a encore pas mal de travail, et sur lequel nous n’avons pas encore suffisamment avancé ces dernières années. J’en assume la responsabilité, bien évidemment.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 340 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 291 est présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, MM. Parigi et Salmon et Mme Taillé-Polian.
L’amendement n° 336 rectifié bis est présenté par MM. Iacovelli et Rambaud, Mme Schillinger, MM. Buis, Rohfritsch et Lévrier, Mmes Duranton et Havet, M. Théophile et Mme Dindar.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – L’article 388 du code civil est ainsi modifié :
1° Les deuxième et troisième alinéas sont supprimés ;
2° Au dernier alinéa, après les mots : « à partir », sont insérés les mots : « d’examens radiologiques osseux ou ».
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 291.
Mme Raymonde Poncet Monge. Cet amendement portant également sur les tests osseux, je ne reprendrai pas mon argumentation précédente sur l’usage, ou plutôt le mésusage de ces tests.
Une équipe du CHU de Marseille a ainsi montré que l’os sésamoïde du pouce pouvait apparaître entre 10 et 15 ans chez les garçons et entre 8 et 15 ans chez les filles.
Nous utilisons donc un test dont la marge d’erreur, sur ce point par exemple, est de plusieurs années. (M. Guy Benarroche le confirme.)
Il est temps vraiment d’abandonner ces tests osseux.
Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour présenter l’amendement n° 336 rectifié bis.
M. Xavier Iacovelli. Cet amendement vise à supprimer la possibilité de recourir aux tests osseux pour établir la minorité des mineurs non accompagnés.
Rappelons tout d’abord – tout le monde le sait ici – que le référentiel relatif aux tests osseux date de 1930. Il semble donc légèrement dépassé…
Qu’elle soit prise isolément ou combinée, aucune méthode médicale de détermination de l’âge osseux n’apporte, à l’heure actuelle, des informations scientifiques suffisamment fiables et précises pour déterminer l’âge des mineurs évalués.
Au-delà des réserves éthiques que suscite – cela a été dit – l’usage de ces tests, la marge d’erreur se situerait, selon plusieurs études, entre douze et vingt-quatre mois. Cela peut causer, sur les mineurs évalués, des préjudices non négligeables.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Bonne, rapporteur. Nous en avons discuté précédemment : nous sommes tous d’accord pour reconnaître le caractère insuffisamment fiable des tests osseux.
Pour autant, ces derniers existent toujours. Tant que les médecins ne nous auront pas apporté la preuve de leur inutilité totale et tant que nous ne disposerons pas de procédé alternatif permettant de déterminer l’âge de la personne, nous pouvons attendre.
Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Quel drôle de débat !
M. le rapporteur vient de répéter, pour la deuxième ou la troisième fois : « Ces tests ne fonctionnent pas ; je vous propose de les garder. » Il y a quelque chose qui ne colle pas !
Il serait temps d’en finir avec cette pratique, qui pose beaucoup plus de problèmes qu’elle n’en résout, entraîne énormément de recours et, finalement, n’est plus d’aucune utilité.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Ronan Dantec a tout à fait raison. J’ajouterai que les organismes scientifiques les plus reconnus sur le plan éthique ou médical confirment la non-fiabilité des tests osseux, surtout entre 16 et 18 ans. Or c’est précisément l’âge des personnes que nous testons.
Tout le monde admet donc que les tests osseux ne fonctionnent pas. Et pourtant, alors que nous tous, mes chers collègues, mettons toujours en avant les avancées de la science et les progrès technologiques, on s’obstine à vouloir les conserver, je ne sais pour quelles raisons.
Aujourd’hui, on nous dit : « Nous savons que les tests osseux ne sont pas fiables, ils sont rétrogrades, ont été inventés il y a un siècle dans un tout autre but, mais nous allons tout de même les conserver. » Comprenne qui pourra la cohérence de cette position !
En conséquence, mes chers collègues, je vous invite à voter conformément à votre opinion et à supprimer les tests osseux.
Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Burgoa, pour explication de vote.
M. Laurent Burgoa. Mes chers collègues du groupe GEST, vous qui critiquez les tests osseux, quelle solution de remplacement proposez-vous ?
Ce n’est pas tout de dire que vous ne voulez plus des tests, mais que proposez-vous ? Rien ! (Protestations sur les travées du groupe GEST. – M. Xavier Iacovelli proteste également.)
Mme Cathy Apourceau-Poly. Un faisceau d’indices !
M. Laurent Burgoa. Un faisceau d’indices ? Ces tests ne sont-ils pas, aussi, l’un des moyens de prouver la minorité ou la majorité de la personne ? C’est à se demander s’il ne faut pas accueillir tout le monde… (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 291 et 336 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 15, modifié.
(L’article 15 est adopté.)
Après l’article 15
Mme la présidente. L’amendement n° 368 rectifié bis, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 388 du code civil est ainsi modifié :
1° Les deuxième et troisième alinéas sont supprimés ;
2° Le dernier alinéa est ainsi modifié :
a) Après le mot : « âge », il est inséré le mot : « ni » ;
b) Sont ajoutés les mots : « ni à partir d’examens radiologiques de maturité osseuse ou dentaire ».
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Madame la présidente, je suis quelque peu désolée que cet amendement, qui vise également à supprimer les tests osseux, tende à insérer un article additionnel après l’article 15, alors que des amendements semblables ont été déposés sur l’article 15. Veuillez donc, mes chers collègues, excuser cette redite.
Soyons logiques. On ne peut pas, d’un côté, reconnaître que ces tests ne sont pas fiables et, de l’autre, entériner leur maintien !
Nous débattons d’un projet de loi de protection de l’enfance. Nous devons donc nous préoccuper avant tout de protection de l’enfance et affirmer la présomption de minorité.
Il est aussi possible, par exemple, de mener des entretiens pluridisciplinaires. Il me semble important de recourir à des méthodes qui soient beaucoup plus respectueuses des droits de l’enfant, à un système d’évaluation qui soit uniforme, fondé sur des éléments objectifs.
La dimension pluridisciplinaire permet de recueillir des points de vue différents : celui des médecins, des psychologues, etc. C’est cette démarche qui peut nous permettre de sortir de cette situation.
Permettez-moi de dire que je ne trouve pas très courageux d’affirmer dans cet hémicycle que l’on recourt à des tests non fiables, susceptibles de mettre en péril des jeunes, qui sont déjà extrêmement fragilisés.
M. Roger Karoutchi. Là n’est pas le débat !
Mme Laurence Cohen. Cela ne tient pas la route.
Je me demande à quel moment les tests osseux seront enfin profondément remis en cause. Non seulement ils ne sont pas satisfaisants sur le plan scientifique, mais ils sont aussi révoltants sur le plan éthique !
Mme la présidente. Ma chère collègue, si votre amendement a été placé à cet endroit, c’est parce que sa rédaction commence par les termes « après l’article 15 ».
Mme Laurence Cohen. Parfois, la direction de la séance nous aide à corriger ce type d’erreur !
Mme la présidente. Compte tenu du nombre d’amendements qui ont été déposés, il revient aussi à leurs auteurs d’en vérifier la bonne rédaction.
Quel est l’avis de la commission ?