M. André Gattolin. On a perdu la guerre de la communication !
M. Clément Beaune, secrétaire d’État. L’Union européenne est souvent le premier fournisseur d’aide au développement, le premier investisseur public ou privé, le premier soutien en cas de crise. C’est particulièrement vrai en Afrique ou dans les Balkans occidentaux. Aussi, réunir sous un même « chapeau » les investissements des États membres et ceux de l’Europe en leur conférant un statut et en leur donnant une reconnaissance participe de cette communication géopolitique.
Par ailleurs, au-delà des mots, il convient que la Banque européenne d’investissement et la Commission européenne renforcent, au travers du nouveau plan d’investissement, un certain nombre d’outils de financement, en soutien aux efforts que chaque pays déploie, pour cibler les infrastructures ou les zones géographiques prioritaires pour l’Europe. La Commission européenne a évoqué un plan doté de 300 milliards d’euros.
Mesdames Mélot et Morin-Desailly, vous avez abordé les sujets numériques. Le DSA et le DMA compteront parmi les grandes priorités de la présidence française. Ce dossier a bien avancé au cours de la présidence slovène, avec notre soutien, et nous aurons donc à cœur de mener cette négociation à son terme.
Un certain nombre d’avancées ont été enregistrées, notamment sur les sujets qu’a évoqués Mme Mélot, par exemple le harcèlement en ligne, ou qu’a soulevés Frances Haugen. Vous avez raison d’y insister : le plus important, une fois que le cadre a été défini, c’est d’appliquer les règles, et rapidement. L’entretien que j’ai eu avec Frances Haugen m’a alerté sur certaines problématiques dont, jusqu’à présent, je n’avais pas complètement mesuré l’importance : la nécessité de disposer de modérateurs maîtrisant la langue de définition des règles et standards en vigueur pour leur bonne application ; surtout, la nécessité de faire évoluer nos textes en même temps qu’évoluent les plateformes, étant entendu que nous ne pouvons à ce jour prévoir quel type de régulation devra s’appliquer à quel type de contenu à l’avenir. Nous plaidons donc en faveur d’actes délégués nous permettant d’adapter régulièrement ces textes, en y associant les États membres.
Par ailleurs, la régulation doit se faire au bon niveau. Pour les très grandes plateformes, celles qui comptent plus de 45 millions d’utilisateurs actifs en Europe, nous souhaitons que ce soit la Commission européenne qui fixe et harmonise les règles pour l’application du DSA, en particulier pour éviter l’engorgement des petits régulateurs ou – soyons francs – pour parer à tout laxisme.
Sur le cloud de confiance, vous n’avez pas tort. Toutefois, et pour être optimiste, je veux dire qu’il s’agit là d’une bonne initiative et d’un label rigoureux. Pour autant, nous avons besoin d’un cloud souverain, auquel il ne saurait se substituer. Il ne s’agit pas de remettre en cause le cloud de confiance, mais cette question d’un cloud souverain européen reste pendante. Les projets tels que Gaïa-X, portés généralement par des entreprises, restent décevants et très insuffisants. Ni lui ni les initiatives parcellaires qui ont été engagées dans le passé ne répondent à cette préoccupation majeure pour notre autonomie stratégique. Vous avez raison de le souligner.
Je ne peux, ce soir, vous apporter une réponse complète, mais ce sera un thème essentiel de la présidence française, et nous entendons bien, en relation avec le nouveau gouvernement allemand, engager des investissements européens dans ce domaine.
Madame Gisèle Jourda, je suis extrêmement attaché à la Conférence sur l’avenir de l’Europe, et je vous remercie de vous y être impliquée. Comme vous, j’ai pris part, quand je n’étais pas retenu par un conseil des ministres ou par un Conseil européen, à des sessions plénières et à des groupes de travail, et je dois bien dire que l’organisation est loin d’être parfaite. Pour autant, nous ne devons en aucun cas jeter le bébé avec l’eau du bain, car on trouve de très bonnes choses dans cette conférence. Ainsi, les panels citoyens européens qui se sont réunis ont produit des résultats intéressants.
En France, nous avons organisé, sur un mode similaire, et pour la première fois, des conférences régionales associant près de mille citoyens dans chacune des régions de métropole et d’outre-mer. Ces événements ont suscité un grand enthousiasme. Le rapport, désormais public, met en évidence les priorités climatiques, de sécurité, de défense, la nécessité de construire des projets industriels et de réformer la politique de concurrence. Cette réflexion nourrira la présidence française, avant la conclusion politique de cette conférence, en mai.
Il y a, c’est vrai, des défauts d’organisation, assumons-le ; mais, je le répète, ces panels citoyens ont formulé des propositions très importantes qui conduiront, je crois, à d’importantes réformes de l’Union européenne sur les plans institutionnel, commercial, budgétaire, économique.
Que le contrat de coalition allemand souligne cette volonté de réforme, y compris en procédant, à terme, à une révision de certains traités, est très positif, même si, comme vous l’avez souligné, nous avons avec nos voisins encore quelques points de divergence sur les questions de défense. Néanmoins, je serai moins sévère que vous, car les termes employés par le parti vert allemand et le parti social-démocrate traduisent, ce qui n’est pas toujours allé de soi dans le passé, un soutien fort à la politique de défense et de sécurité européenne et à des projets comme le SCAF ou le char du futur franco-allemand, qui demeurent non seulement pertinents sur le plan stratégique, mais, de surcroît, selon moi, irréversibles.
Nous aurons des moments de doute, nous aurons des moments d’inquiétude sur le plan industriel, mais il faut saluer ce choix stratégique qu’ont fait en 2017 la chancelière Merkel et le président Macron, après le Brexit. On ne peut pas construire une politique de sécurité et de défense européenne sans se lancer dans des projets industriels communs qui formeront l’ossature d’une industrie de défense européenne, laquelle reste à construire. Non seulement elle n’affaiblira pas la nôtre, mais, sur certains projets précis, je crois même qu’elle la renforcera.
Quant au calendrier de la présidence française de l’Union européenne, je me garderai d’ouvrir un long débat qui n’aurait pas valeur scientifique et serait dépourvu de toute conclusion définitive. Toutefois, je ne crois pas que le « télescopage », comme cela a été dit, entre les élections nationales et la PFUE nuise à cette dernière. Quoi qu’il arrive, un semestre, c’est court, et quoi qu’il arrive, un semestre vaut d’abord par la façon dont il a été préparé.
Sur le plan de l’organisation, nous respectons évidemment les périodes de réserve électorale. Ainsi, en application de la loi française, aucune conférence de presse ni aucun événement ministériel ne seront organisés pendant les six semaines situées entre le début de la période de réserve et le second tour de l’élection présidentielle.
Toute autre solution comporte aussi des inconvénients. Ainsi, si nous avions avancé la présidence française au présent semestre, ce n’aurait pas été, sur le plan politique, parfaitement idéal ni exempt de toute critique possible ; a contrario, il aurait semblé étrange pour le grand pays que nous sommes, qui se veut pro-européen, que le Président de la République, lui-même très engagé sur le plan européen, repousse de six mois cette présidence, qui ne nous échoit que tous les quatorze ans.
Je note que cette concomitance entre la présidence de l’Union européenne et des échéances nationales, encore récemment, n’a posé aucune difficulté pour plusieurs pays européens, de même qu’elle n’en avait pas posé pour le nôtre voilà vingt-cinq ans.
Je ne vous dirai pas que cela ne soulève aucun problème d’organisation, mais, puisque les ministres ont le devoir de présider toutes les réunions ministérielles, même en période de réserve, je vous le dis très franchement, ils le feront, en respectant les exigences qui s’imposent à eux en matière de communication. Grâce à nos diplomates, grâce à nos négociateurs, nous assurerons pleinement cette présidence française de l’Union européenne.
Pour la première fois, je tiens à le souligner, j’ai réuni à quatre reprises – et je continuerai de le faire – un comité transpartisan composé d’un représentant de chacun des groupes politiques de l’Assemblée nationale, du Sénat et du Parlement européen, pour partager le mieux possible sur les préparatifs de cette présidence et sur – je l’espère – ses avancées.
Monsieur Chevrollier, vous m’avez en particulier interrogé sur la question des valeurs. Oui, ce sera l’un des points très importants de cette présidence, et j’y tiens beaucoup. L’État de droit n’est pas une marotte, ce n’est pas non plus un combat contre certains pays ou entre l’Est et l’Ouest ; c’est une nécessité pour faire durablement adhérer nos concitoyens au projet européen. Si ce projet n’est qu’un projet de marché, qu’un projet de budget, il ne suscitera pas d’adhésion politique, quoi qu’on pense de l’Europe, avec des sensibilités qui peuvent être très différentes.
Dans tout projet politique, il faut un socle commun. En l’espèce, ce sont les traités, ce sont les valeurs, et ne pas les respecter pose la question de l’existence même du projet européen. Aussi, je ne lâcherai rien sur ce sujet. Au cours de la présidence française, nous interviendrons auprès de la Commission européenne afin qu’elle active certains outils, notamment ce qu’on appelle le règlement de conditionnalité entre les financements européens et le respect de certains principes de l’État de droit. Nous poursuivrons en même temps le dialogue avec la Pologne et la Hongrie notamment, car nous ne devons pas leur fermer la porte et couper tout canal de discussion. Ce ne serait pas rendre service à leurs populations.
Madame la présidente, l’heure tourne et je n’ai pas pu aborder tous les sujets évoqués ; puis-je poursuivre ou est-il préférable que je m’arrête ici ?
Mme le président. Il me semble important que vous répondiez à toutes les questions, monsieur le secrétaire d’État, quitte à le faire de façon synthétique.
M. Clément Beaune, secrétaire d’État. Je vous remercie ; je m’y applique bien volontiers, madame la présidente.
Je veux donc aborder la question du marché unique de l’énergie. Comme je l’ai dit dans mon propos liminaire, il me paraît essentiel de conserver cet acquis : des prix de gros unifiés sont bénéfiques en particulier pour les énergéticiens français, puisque nous produisons et exportons notre électricité à des coûts compétitifs. Quand les prix augmentent, nos industriels gagnent donc de l’argent, ce qui nous permet notamment de réduire la fiscalité qui pèse sur elle et, ce faisant, de soutenir le pouvoir d’achat des Français dans les périodes difficiles, sans nuire à nos finances publiques.
Nous sommes pour autant confrontés à un problème de formation du prix final proposé au consommateur. Cette crise souligne donc plus que jamais la nécessité de conserver les mécanismes de régulation tels que l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh), même s’ils sont contestés par certains de nos partenaires européens ainsi que par la Commission européenne. À cela nous répondons, à la lumière de cette crise, que ces mécanismes de régulation des prix proposés au consommateur peuvent être conservés, quitte à être adaptés, sans que cela contrevienne en quelque manière à l’unification des prix du marché de gros du gaz et de l’électricité.
Enfin, la question des microprocesseurs fait l’objet d’une initiative européenne, ainsi que l’ont annoncé la présidente de la Commission européenne et le commissaire français Thierry Breton. Un texte sera présenté dans les prochaines semaines pour définir les standards et règles de production et fixer le montant des futurs investissements européens dans un secteur essentiel pour notre autonomie stratégique. Ce dossier ne sera sans doute pas finalisé avant la fin de la présidence française, mais il avancera.
Conclusion du débat
Mme le président. En conclusion de ce débat, la parole est à M. le vice-président de la commission des affaires européennes.
M. Alain Cadec, vice-président de la commission des affaires européennes. Monsieur le secrétaire d’État, d’abord, je ne partage pas votre analyse sur la concomitance entre la présidence française de l’Union européenne et les élections et ne peux laisser passer sans réagir vos propos : nous aurions pu, comme d’autres l’ont fait avant nous, différer l’exercice de cette présidence. Cette décision aurait été responsable.
Mes chers collègues, il me revient de conclure nos échanges à cette heure tardive. L’ensemble des sujets qui seront abordés au cours de la prochaine réunion du Conseil européen ont, me semble-t-il, été largement développés au cours de ce débat préalable, chacun d’entre vous ayant pu s’exprimer sur les différents axes prioritaires de cette réunion. Aussi, je ne reviendrai pas sur les propos qui ont été tenus.
Monsieur le secrétaire d’État, je ne doute pas une seule seconde que vous saurez prendre en compte la voix du Sénat. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme le président. Nous en avons terminé avec le débat préalable à la réunion du Conseil européen des 16 et 17 décembre 2021.
19
Ordre du jour
Mme le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui jeudi 9 décembre 2021 :
De dix heures trente à treize heures :
(Ordre du jour réservé au groupe CRCE)
Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à assurer la revalorisation des pensions de retraites agricoles les plus faibles (texte de la commission n° 250, 2020-2021) ;
Proposition de résolution en application de l’article 34-1 de la Constitution, invitant le Gouvernement à relancer une initiative internationale multilatérale visant à la concrétisation d’une solution à deux États et à la reconnaissance d’un État palestinien par la communauté internationale, aux côtés d’Israël pour une paix juste et durable entre les peuples, présentée par M. Pierre Laurent et plusieurs de ses collègues (texte n° 228 rectifié, 2021-2022).
À quatorze heures trente :
Désignation des dix-neuf membres de la mission d’information sur le thème « Excellence de la recherche/innovation, pénurie de champions industriels : cherchez l’erreur française » ;
Désignation des dix-neuf membres de la mission d’information sur « L’exploration, la protection et l’exploitation des fonds marins : quelle stratégie pour la France ? »
De quatorze heures trente à seize heures :
(Ordre du jour réservé au groupe CRCE)
Suite de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à assurer la revalorisation des pensions de retraites agricoles les plus faibles (texte de la commission n° 250, 2020-2021) ;
Suite de la proposition de résolution en application de l’article 34-1 de la Constitution, invitant le Gouvernement à relancer une initiative internationale multilatérale visant à la concrétisation d’une solution à deux États et à la reconnaissance d’un État palestinien par la communauté internationale, aux côtés d’Israël pour une paix juste et durable entre les peuples, présentée par M. Pierre Laurent et plusieurs de ses collègues (texte n° 228 rectifié, 2021-2022).
De seize heures à vingt heures :
(Ordre du jour réservé au groupe SER)
Proposition de loi relative à la commémoration de la répression d’Algériens le 17 octobre 1961 et les jours suivants à Paris, présentée par MM. Rachid Temal, Jean-Marc Todeschini, David Assouline et Hussein Bourgi (texte n° 42, 2021-2022) ;
Proposition de loi pour un nouveau pacte de citoyenneté avec la jeunesse par le vote à seize ans, l’enseignement et l’engagement, présentée par Mme Martine Filleul et plusieurs de ses collègues (texte n° 370 rectifié, 2020-2021).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 9 décembre 2021, à zéro heure quarante.)
nomination de membres d’une commission mixte paritaire
La liste des candidats désignés par la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale pour faire partie de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi interdisant les pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne a été publiée conformément à l’article 8 quater du règlement.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 quater du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire sont :
Titulaires : M. François-Noël Buffet, Mmes Dominique Vérien, Agnès Canayer, M. Stéphane Le Rudulier, Mme Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Hussein Bourgi et Thani Mohamed Soilihi ;
Suppléants : Mmes Jacqueline Eustache-Brinio, Catherine Belrhiti, Claudine Thomas, MM. Philippe Bonnecarrère, Didier Marie, Jean-Yves Roux et Mme Éliane Assassi.
Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
ÉTIENNE BOULENGER