M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour la réplique.
Mme Anne-Catherine Loisier. Madame la ministre, sortez des CHU et venez dans les hôpitaux périphériques !
Mme Anne-Catherine Loisier. Avant de supprimer des outils, certes imparfaits, prenez garde à ne pas fragiliser davantage les services publics hospitaliers et les soignants, qui sont au bord de la rupture. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes INDEP, Les Républicains, GEST et SER.)
levée des brevets des vaccins contre la covid-19
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mme Laurence Cohen. Avec la cinquième vague de la covid qui déferle sur le monde et un variant omicron qui présente un risque très élevé selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), il est urgent de répondre à la pandémie sur le plan international, en réunissant tous les pays, comme l’a souligné hier au Sénat le professeur Yazdanpanah, directeur de l’ANRS Maladies infectieuses émergentes.
Les inégalités demeurent criantes à cause de l’égoïsme des grandes puissances : 60 % des personnes sont vaccinées dans les pays riches, contre seulement 3 % dans les pays pauvres. C’est une honte !
Monsieur le secrétaire d’État, allez-vous enfin entendre la demande de l’Inde et de l’Afrique du Sud, soutenue par 100 pays et de très nombreuses ONG, de lever les brevets et les droits de propriété intellectuelle, de partager non seulement les technologies sur les vaccins mais aussi les traitements et les tests anti-covid, afin de permettre à toutes et à tous d’être vaccinés ?
Cette demande a été défendue avec force hier lors des rassemblements dans toute l’Europe ; j’ai moi-même participé à un rassemblement à Paris à l’appel de nombreux syndicats, ONG et partis politiques. Allez-vous continuer à l’ignorer ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées des groupes SER et GEST.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.
M. Clément Beaune, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Madame la sénatrice Cohen, il faut être extrêmement précis et clair sur l’action de la France et de l’Europe en la matière. Vous avez raison, nous ne viendrons pas à bout de cette pandémie, comme nous le constatons chaque jour, si le monde entier n’est pas vacciné, autrement dit si le vaccin ne devient pas un bien public mondial.
C’est le Président de la République, dès le mois d’avril 2020, et l’Europe, emboîtant le pas à la France, qui ont depuis le début porté très concrètement cette exigence au niveau international. Le Président de la République l’a dit dès le printemps 2020, la propriété intellectuelle ne sera pas un obstacle à la diffusion du vaccin.
Je le dis là aussi très précisément, la stratégie portée par la France et l’Europe est complexe, car il ne suffit pas d’ouvrir le débat sur la propriété intellectuelle.
D’abord, je le rappelle, nous sommes le seul pays et le seul continent, par rapport à nos voisins et partenaires britannique ou américain, qui clamaient pourtant la solidarité internationale, à ne pas avoir prévu d’interdiction d’exportation. J’insiste, nous n’y avons jamais eu recours. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle c’est l’Europe aujourd’hui qui a exporté dans le monde le plus de vaccins – un milliard de doses au total – et qui en a donné d’ores et déjà plus de 100 millions, dont 67 millions pour la France – et c’est tout à notre honneur.
Nous sommes devenus la pharmacie du monde. C’est l’Europe qui vaccine le monde entier grâce à cette solidarité. (Marques de désapprobation sur les travées du groupe CRCE.)
Nous sommes le continent – nous devrions le célébrer ensemble, madame la sénatrice – qui en fait le plus, et nous avons débloqué au niveau européen 1 milliard d’euros pour développer des hubs de production industrielle en Afrique, sur place. Trois projets sont déjà en cours, en Afrique du Sud, au Rwanda et au Sénégal.
Avec le soutien de l’OMS, nous sommes actuellement en négociation avec l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Nous sommes favorables au mécanisme que j’appelle de « licence obligatoire » afin que les pays qui en ont besoin, moyennant une rémunération minimale ou nulle, puissent avoir accès aux vaccins, car, pour être très clair, c’est la propriété intellectuelle qui est le véritable obstacle. Voilà ce que défend l’Europe.
Je vous rappelle que ceux qui ont parlé de la levée des brevets il y a déjà quelques mois – je pense aux États-Unis en particulier – n’ont jamais fait de proposition en ce sens. Pour notre part, nous sommes concrets : solidarité, livraison de doses, production locale et levée de la propriété intellectuelle chaque fois que cela est nécessaire.
Cette négociation à l’OMC est aujourd’hui bloquée, non par l’Europe mais par d’autres pays. Nous sommes cohérents et nous faisons concrètement du vaccin un bien public mondial. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour la réplique.
Mme Laurence Cohen. Monsieur le secrétaire d’État, vous êtes tellement cohérent que cela ne marche pas ! Il faudrait peut-être remplacer les paroles par des actes… Quand vous me répondez que nous exportons des vaccins, je vous redis que 75 % des doses de vaccin contre le covid sont uniquement utilisées dans dix pays. Il y a un problème : le dispositif Covax ne marche pas !
Je suis ravie d’entendre que, tout à coup, vous découvrez la licence d’office, car cela fait des mois et des mois que le groupe communiste républicain citoyen et écologiste vous fait cette proposition. Subitement, le Président de la République dit qu’il faut lever les brevets : tant mieux !
J’ai déjà posé cette question ici, en juin dernier. En attendant, la pandémie continue à se propager et cause des milliers de morts. Et que faites-vous ? Vous privilégiez les grands laboratoires. Il faut savoir que Pfizer, Moderna et BioNTech empochent 1 000 dollars de bénéfices par seconde : avec la troisième dose, ce sera le jackpot !
Alors, mettez en accord vos paroles et vos actes et faites vôtre la proposition d’un pôle public du médicament et des produits de santé : vous verrez, cela marchera mieux ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées des groupes SER et GEST.)
situation des migrants
M. le président. La parole est à M. Frédéric Marchand, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
M. Frédéric Marchand. Monsieur le ministre de l’intérieur, la tragédie qui a conduit, il y a une semaine, à la mort par noyade dans la Manche de vingt-sept migrants rappelle cruellement que des milliers de personnes essaient, au péril de leur vie, de traverser ce bras de mer pour rejoindre le Royaume-Uni.
Qu’importe si les barrières sont toujours plus nombreuses à Calais, son port et aux abords du tunnel sous la Manche, rien n’entame la détermination des candidats au départ, qui connaissent pourtant les dangers de la traversée sur ces canots pneumatiques de fortune appelés small boats, devenus la marque de fabrique de passeurs faisant commerce de la désespérance humaine.
La question migratoire est une question ô combien sensible. Ce drame a légitimement suscité une vive émotion que, tous ici, nous partageons. Je veux avoir en cet instant une pensée pour toutes ces vies brisées.
Pour autant, il ne s’agit ni de se convertir aux thèses par trop nauséabondes de l’extrême droite, ni de recourir à certains simplismes démagogiques électoralistes comme ceux qui consisteraient à remettre en cause les accords du Touquet, ni de basculer dans l’angélisme béat.
Bien au contraire, il s’agit de montrer que c’est le chemin qui combine humanité, responsabilité et coopération européenne qui est la seule voie de passage. Ce chemin, vous nous l’avez rappelé, monsieur le ministre, c’est celui que notre pays, la France, a décidé d’emprunter.
Oui, il faut faire face à cette situation de manière raisonnée, soit tout l’opposé de la réaction du Premier ministre Boris Johnson, inacceptable sur la forme et inique sur le fond.
Il s’agit d’abord de lutter plus efficacement contre les réseaux criminels de passeurs, qui profitent des populations migrantes vulnérables, les exposant à des traversées maritimes périlleuses vers le Royaume-Uni.
Il s’agit également de renforcer la coopération opérationnelle, non seulement sur les côtes de la Manche et de la mer du Nord, mais également plus en amont en Europe et dans les pays d’origine et de transit.
Enfin, la question fondamentale du partage des demandeurs d’asile entre l’Union européenne – la France en particulier – et le Royaume-Uni doit être mise sur la table.
Je pense donc profondément nécessaire la coopération européenne.
À ce titre, je salue votre initiative d’avoir réuni très rapidement vos homologues européens.
À l’issue de cette rencontre avec vos homologues et de la réunion, lundi, du Conseil de défense et de sécurité nationale, pouvez-vous nous préciser, monsieur le ministre, les engagements pris pour lutter toujours plus contre ce trafic insupportable de migrants et pour éviter que des drames humains ne se reproduisent ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur Marchand, deux types d’actions doivent être entreprises à la suite des décisions prises par le Conseil de défense.
D’abord, c’est de lutter contre les criminels que sont les passeurs. Nous en avons interpellé 1 400 depuis le 1er janvier dernier, mais nous savons qu’ils sont plus nombreux, basés dans divers pays – Allemagne, Italie, Belgique, Pays-Bas, Angleterre –, qu’ils se jouent des circuits financiers, des nationalités et des législations pour l’achat de bateaux. Nous devons absolument mieux coopérer. C’est ce que nous avons fait dimanche à Calais : pour la première fois, les ministres de l’intérieur se sont réunis sur cette question, qui sera à l’ordre du jour, sur la demande de la France, du Conseil des ministres de l’intérieur et de la justice du 9 décembre prochain à Bruxelles.
Nous avons augmenté le nombre d’effectifs de policiers, de gendarmes et d’agents de Bercy, de la diplomatie et de la magistrature qui nous aident dans un office particulier, anti-passeurs, que nous avons créé. Nous allons doubler ses effectifs d’ici à l’année prochaine. Ce soir même, à dix-neuf heures, le Premier ministre présidera une réunion à ce sujet.
Ensuite, nous devons absolument mettre fin à l’attractivité de la Grande-Bretagne, et j’ai largement développé ce point en répondant précédemment à votre collègue.
La principale difficulté, monsieur le sénateur, c’est qu’aujourd’hui, si la Grande-Bretagne profite en partie des immigrés clandestins – ces migrants qui fuient la misère et veulent absolument aller en Angleterre –, c’est parce que ceux-ci n’ont pas d’accès légal à cette île de Grande-Bretagne.
Remettre en cause les accords du Touquet n’aurait pas d’intérêt. Certes, on peut les renégocier, ce n’est pas un mantra ! Mais il faut savoir qu’ils ont été discutés au moment où les migrants clandestins passaient par le port et le tunnel. Or ce n’est plus le cas ! Nous avons sécurisé le port et le tunnel, et aujourd’hui c’est par des bateaux, des small boats, que les migrants vont en Angleterre.
Les accords du Touquet règlent la question des immigrés légaux, mais pas la question des small boats. Comme le Premier ministre l’a écrit à Boris Johnson, il nous faut un accord entre l’Union européenne et la Grande-Bretagne, un sujet que le Président de la République mettra à l’ordre du jour de la présidence française de l’Union européenne. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)
situation épidémique
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)
Mme Monique Lubin. Madame la ministre chargée de l’autonomie, je ne peux que rappeler que le contexte de l’actuelle vague épidémique nous donne raison concernant la vaccination obligatoire.
Et pour différente que soit la situation dans son pays, le choix du futur chancelier allemand en faveur d’une obligation vaccinale prise sur la base d’une initiative parlementaire, que vous avez pour votre part refusée, ne fait que le confirmer.
Dans un autre registre, les informations relatives à la santé des enfants sont aujourd’hui préoccupantes. Elles incitent la Haute Autorité de santé à recommander la vaccination prioritaire des enfants de moins de 12 ans à risque de développer une forme grave ou vivant dans l’entourage de personnes vulnérables.
Il y a deux jours en effet, 69 enfants de 0 à 9 ans étaient hospitalisés du fait de la covid-19, et 53 de 10 à 19 ans. Si depuis le début de l’épidémie, il n’y a eu, si j’ose dire, que 13 décès d’enfants de 0 à 19 ans, nous en comptons 9 depuis la mi-juin, et 3 ces dix derniers jours.
Nous considérons tous ici que c’est beaucoup trop. Si l’erreur a été commise de confondre moindre risque pour les enfants avec absence de risque, les données qui nous sont présentées aujourd’hui ne nous y autorisent plus.
Je rappelle, par ailleurs, que les enfants peuvent également subir les séquelles du covid long et les traumatismes liés à la crainte d’être à l’origine de la contamination des proches vulnérables.
Dans ce contexte, le choix de laisser circuler le virus au sein des écoles et de favoriser la continuité en maintenant les classes ouvertes au-delà du raisonnable n’est plus recevable.
C’est la raison pour laquelle je vous demande, madame la ministre, quels sont les moyens que vous choisissez de déployer et à quelle échéance pour minimiser le risque à l’école. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’autonomie.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Madame la sénatrice Monique Lubin, depuis plusieurs semaines, je pense que chacun doit faire preuve d’un peu d’humilité face à ce virus (Marques d’indignation à gauche.), qui circule activement dans tous les pays, notamment en Europe de l’Est et du Nord.
Notre pays n’est plus épargné par cette cinquième vague épidémique violente, vous le savez, avec un taux d’incidence en hausse forte, désormais supérieur à 300. Le nombre d’admissions pour covid à l’hôpital, y compris en soins critiques, progresse ; la situation reste tendue en outre-mer ; par ailleurs, un nouveau variant préoccupant, l’omicron, a été identifié. Notre pays prend donc les mesures proportionnées à chacune des étapes de cette crise sanitaire.
Les vols en provenance d’Afrique australe, où le variant fut détecté, sont suspendus jusqu’à samedi. De nouvelles mesures aux frontières ont également été annoncées ce midi par le porte-parole du Gouvernement. Plusieurs cas ont été observés en Europe, dont un cas en France, à La Réunion.
Pour contenir son développement, le dépistage et les études sur sa contagiosité sont en cours. Nous prendrons des mesures, y compris au sujet des enfants dont vous parlez, dès que la Haute Autorité de santé nous en aura donné les résultats.
Après consultation et concertation, comme à chaque étape de la campagne de vaccination, nous avons ouvert le rappel vaccinal à tous les adultes, à partir de cinq mois après la précédente injection, sur la base de nouvelles recommandations de la Haute Autorité de santé. En pratique, cela concerne 25 millions de Français, dont 7,7 millions ont déjà fait leur rappel.
Pour mener cette vaste campagne, il nous faut la mobilisation de tous. Nous comptons sur les médecins libéraux, les pharmaciens, les infirmiers, qui seront valorisés pour cela. Nous réarmons plusieurs centaines de centres de vaccination partout en France. Le rappel vaccinal sera intégré au passe sanitaire. Nous réactivons aussi la ligne prioritaire pour les personnes âgées et fragiles qui ne trouvent pas de rendez-vous immédiat.
Bref, le passe sanitaire intégrera cette dose dès le 15 décembre pour les personnes de plus de 65 ans, et à compter du 15 janvier pour les autres publics. Enfin, le masque est rétabli en intérieur, et les préfets ont autorité pour l’imposer lors des rassemblements extérieurs. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Protestations sur les travées du groupe SER.)
Plusieurs sénateurs du groupe SER. Et les écoles ?
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour la réplique.
Mme Monique Lubin. Madame la ministre, vous n’avez visiblement pas entendu ma question, à laquelle vous n’avez absolument pas répondu (Eh oui ! sur les travées du groupe Les Républicains.), quelle que soit la mauvaise humeur dont vous faites preuve à l’instant.
Je vous parle simplement des écoles, où depuis le début de la crise règne une certaine cacophonie. Croyez-moi, nous gardons beaucoup de modestie parce que nous savons que les choix sont particulièrement difficiles en cette période. Mais il existe aujourd’hui des techniques, notamment des techniques de pooling, qui permettraient de mieux traiter les enfants et de mieux encadrer cette question. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.)
situation de l’entreprise sam à viviez (ii)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Anglars, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Claude Anglars. Madame la ministre chargée de l’industrie, permettez-moi de revenir sur le cas de la filière automobile et sur la politique industrielle du Gouvernement. La situation est sérieuse, et votre réponse à notre collègue Alain Marc peu satisfaisante.
M. Jean-François Husson. Tout à fait !
M. Jean-Claude Anglars. Je souhaite souligner à quel point cette réponse montre que vous n’avez saisi ni la gravité du sujet ni ses enjeux locaux et nationaux. Vous venez d’indiquer que votre agitation pendant un an n’a conduit à aucun résultat.
Ce matin, plusieurs milliers de personnes ont manifesté pour soutenir les salariés de l’usine SAM de Viviez, car « le choc est terrible ». Oui, vous avez raison, le choc est terrible.
Vous avez dit que le rôle de l’État est d’accompagner tous les acteurs de la filière – salariés, sous-traitants, constructeurs et équipementiers –, mais nous constatons en Aveyron qu’il n’en est rien. Le cas de la fonderie SAM en est la preuve.
L’heure est aux choix, madame la ministre.
Choisir l’économie française, c’est vouloir l’implantation en France de productions stratégiques et investir pour leur avenir.
Le Gouvernement fait visiblement un autre choix, celui de l’abandon des outils industriels dans nos territoires. Ce choix est incompréhensible et inacceptable pour les 1 000 familles concernées par cet abandon. Ce choix est aussi inquiétant pour la France. Je ne doute pas que les Français ne l’oublieront pas en 2022.
Ma question est donc simple, madame la ministre : que dites-vous aux 333 salariés de la SAM pour leur expliquer que la réindustrialisation de la France peut encore attendre ? Que dites-vous aux Français pour expliquer l’incapacité du Gouvernement à sauver le pays ?
Et surtout, ne nous dites pas que, pour trouver un travail, les salariés de la SAM n’ont qu’à traverser la France comme on traverse la rue ! L’outil industriel et ses salariés sont en Aveyron, ils doivent rester en Aveyron ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – MM. Jérémy Bacchi, Denis Bouad et Jean-Jacques Michau applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’industrie.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’industrie. Monsieur le sénateur Anglars, vous le savez bien, car vous avez participé à quelques-unes des nombreuses réunions de travail sur cette fonderie : l’implication de l’État a été totale depuis deux ans pour retrouver un repreneur. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE.)
Mme Cathy Apourceau-Poly. On aura tout entendu !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Et ce n’est pas la première fois, car nous avons sauvé cette fonderie il y a cinq ans, en 2017.
À chaque fois qu’il y a eu des propositions de repreneurs, nous nous sommes mobilisés pour les accompagner et les financer.
À chaque fois que des options ont été écartées, nous avons tout mis en œuvre pour construire des projets alternatifs viables.
Vous-même, en mai dernier, avez contesté et écarté une offre ferme de reprise préservant l’emploi de 150 salariés. Vous considériez qu’elle n’était pas satisfaisante, car elle n’était pas durable. Notre responsabilité vis-à-vis des salariés du site est en effet de trouver une solution durable, qui permette à leurs emplois d’être présents sur le territoire dans la durée.
Proposez-vous aujourd’hui de retenir l’offre que vous avez écartée il y a six mois ? Voilà la question que je pose ! (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains, SER et CRCE.) La réindustrialisation, monsieur le sénateur, demande de penser l’industrie de demain, de créer des emplois durables et transmissibles d’une génération à une autre.
C’est notre combat au quotidien, avec Bruno Le Maire. Avec France Relance, 24 projets de modernisation pour la fonderie automobile ont déjà pu être soutenus en France, pour 55 millions d’euros d’investissements. De manière globale, 620 projets de relocalisation ont déjà été soutenus partout en France, avec le plan de relance, ce qui va permettre de conforter ou de créer 77 000 emplois.
Sur le cas particulier de la SAM, c’est très exactement la même méthode que nous appliquons, pour créer des emplois durables pour les salariés du territoire.
Puisque vous posez la question de la confiance des Français, monsieur le sénateur, je pense que ceux-ci font davantage confiance à une équipe gouvernementale qui a recréé de l’emploi industriel en 2017, en 2018, et qui en recrée aujourd’hui, qu’aux équipes gouvernementales qui ont échoué ces vingt dernières années. (Protestations à droite et à gauche. – Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Henri Cabanel applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Anglars, pour la réplique.
M. Jean-Claude Anglars. Merci de votre réponse, madame la ministre, mais votre parole vous engage. Nous avons trop entendu de promesses non tenues.
Je me souviens de ce que M. Le Maire a dit dans cet hémicycle, le 18 novembre 2020,…
M. Claude Raynal. Un jour où il était là !
M. Jean-Claude Anglars. … à propos de la fermeture programmée de l’usine Bosch de Rodez et de la disparition de ses 1 300 emplois, contre laquelle rien n’a été fait.
Je partage la détermination des salariés de la SAM et je veux croire que leur combat n’est pas perdu. C’est à l’État d’intervenir, et nous attendons vos actes ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Marie-Arlette Carlotti, MM. Olivier Cigolotti, Jean-Jacques Michau, Gilbert-Luc Devinaz et Mickaël Vallet applaudissent également.)
enfouissement des déchets toxiques
M. le président. La parole est à M. Joël Bigot, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Joël Bigot. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous sommes stupéfaits par l’amendement « StocaMine » défendu par le Gouvernement dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances.
Contre l’avis des élus locaux et des associations environnementales, cet amendement vise à autoriser de fait le confinement définitif de 44 000 tonnes de déchets toxiques – mercure, amiante, arsenic, zirame – se trouvant dans l’ancienne mine de potasse de Wittelsheim, en Alsace. Il a été adopté sans débat à l’Assemblée par une majorité aphasique, avec comme seule explication du Gouvernement une phrase laconique.
Nous relayons ici les inquiétudes des habitants quant aux possibles infiltrations de produits toxiques dans la nappe phréatique d’Alsace, située juste au-dessus du lieu de stockage. L’une des plus importantes réserves d’eau douce souterraine d’Europe est potentiellement menacée par cette décision contraire au principe de précaution.
C’est de la santé des générations futures qu’il est question, madame la ministre !
Dès 2018, un rapport parlementaire préconisait le déstockage quasi total du site de StocaMine. En 2019, le BRGM (Bureau de recherches géologiques et minières) proposait un scénario d’extraction des déchets en quinze ans. Vous le savez, plus nous attendons, plus le risque d’effondrement des galeries est important.
Lors du grand débat, le Président de la République avait lui-même reconnu la nécessité d’évacuer le maximum de déchets. Madame la ministre, vos prédécesseurs penchaient à juste titre du côté du déstockage, afin de préserver la nappe phréatique. Aucun élu ne comprend votre rigidité. N’est-il pas temps de reconsidérer votre position et de reprendre ce dossier en compagnie des élus locaux, afin de rétablir un climat de confiance avec la population et d’éviter ainsi un possible désastre écologique ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST, ainsi que sur des travées du groupe CRCE. – Mme Marta de Cidrac applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la biodiversité.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. StocaMine ! Ce vieux dossier, monsieur le sénateur Bigot, aujourd’hui largement éclairé par une expertise qui nous alerte de longue date sur les risques de nouvelles interventions, nous nous sommes engagés à le résoudre. Dès le 18 janvier dernier, à la suite de sa visite sur le site, Barbara Pompili avait annoncé procéder à un confinement illimité des déchets toxiques, sans déstockage complémentaire.
Il s’agit de mettre en application un arrêté préfectoral de mars 2017. Cette décision est éclairée scientifiquement : tous les experts et toutes les études indépendantes ont montré que ce choix constitue la meilleure option, tant pour préserver la nappe phréatique d’Alsace que pour protéger les travailleurs. Ces études ont montré que les différents scénarios envisageables de déstockages supplémentaires présentaient de véritables risques pour ces travailleurs, sans réel bénéfice pour la nappe.
Des réunions larges et intenses ont été menées avec les parlementaires et les élus locaux sur ce choix, qui est aujourd’hui largement partagé. L’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, dite Agence de la transition écologique) a reçu une enveloppe de 50 millions d’euros de la part du ministère de la transition écologique pour mener à bien un plan de protection de la nappe d’Alsace.
En réponse à l’annulation de cet arrêté préfectoral par la cour administrative d’appel de Nancy, au simple motif que la capacité financière de la société gestionnaire était interrogée, le Gouvernement a déposé un amendement au projet de loi de finances pour 2022, effectivement voté par l’Assemblée nationale, afin de sécuriser et de donner une garantie financière aux dépenses liées à la sécurisation du stockage. Il s’agit donc non pas de la remise en cause du contexte technique, mais vraiment de la capacité financière de la société des Mines de potasse d’Alsace.
Le motif d’intérêt général sous-tendu par le stockage des déchets et le confinement du site n’a pas été remis en cause par ce jugement. Les Mines de potasse d’Alsace vont donc pouvoir stocker pour une durée illimitée ces produits dangereux en couche géologique profonde. Cela permettra de sécuriser ce site, là où l’affaissement des galeries nous mettait dans une situation très incertaine. Avec cette base législative, nous allons donc pouvoir mener les opérations de mise en sécurité dans les meilleurs délais. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Claude Malhuret applaudit également.)