Sommaire
Présidence de M. Georges Patient
Secrétaires :
Mme Marie Mercier, M. Jean-Claude Tissot.
2. Fonction de directrice ou de directeur d’école. – Adoption des conclusions d’une commission mixte paritaire sur une proposition de loi
Discussion générale :
Clôture de la discussion générale.
Texte élaboré par la commission mixte paritaire
Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission mixte paritaire.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Roger Karoutchi
3. Financement de la sécurité sociale pour 2022. – Discussion en nouvelle lecture d’un projet de loi
Discussion générale :
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales
4. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire
5. Financement de la sécurité sociale pour 2022. – Suite de la discussion en nouvelle lecture et rejet d’un projet de loi
Clôture de la discussion générale.
compte rendu intégral
Présidence de M. Georges Patient
vice-président
Secrétaires :
Mme Marie Mercier,
M. Jean-Claude Tissot.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Fonction de directrice ou de directeur d’école
Adoption des conclusions d’une commission mixte paritaire sur une proposition de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi créant la fonction de directrice ou de directeur d’école (texte de la commission n° 157, rapport n° 156).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme Samantha Cazebonne, en remplacement de M. Julien Bargeton, rapporteur.
Mme Samantha Cazebonne, en remplacement de M. Julien Bargeton, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les directeurs d’école sont un rouage essentiel au bon fonctionnement de nos écoles primaires. Ils sont les interlocuteurs privilégiés des familles, des élus locaux ou de l’autorité hiérarchique.
La proposition de loi de notre collègue députée Cécile Rilhac apporte un fondement juridique à leur action et à leurs missions, qui sont toujours plus nombreuses. Elle s’inscrit dans une dynamique née d’une volonté partagée par le Parlement et par le Gouvernement d’améliorer la situation des directeurs d’école. Le ministre de l’éducation nationale a d’ailleurs pris récemment plusieurs mesures en ce sens.
Le texte que nous examinons aujourd’hui a fait l’objet d’un accord en commission mixte paritaire le 16 novembre dernier. Je tiens à saluer le travail de notre rapporteur, Julien Bargeton, qui a travaillé de concert avec Max Brisson, Sonia de La Provôté, notre collègue députée Cécile Rilhac et les présidents des commissions de la culture de nos deux assemblées pour aboutir à ce texte d’équilibre.
Cette proposition de loi constitue une occasion importante en faveur de la reconnaissance du rôle des directeurs d’école. Surtout, elle a vocation à faciliter la vie de l’école au quotidien. Elle rend possible la délégation de compétences de l’inspecteur de l’éducation nationale au directeur d’école, dans la perspective d’une gestion de proximité adaptée aux caractéristiques propres à chaque école.
Par ailleurs, et c’est un apport majeur du Sénat, le directeur d’école se voit reconnaître une autorité fonctionnelle pour le bon fonctionnement de son école.
Les directeurs d’école veulent du temps, une formation et des moyens. Ce texte reconnaît pour la première fois dans la loi le principe du temps de décharge. Nous avons souhaité que ce temps soit suffisant pour permettre aux directeurs d’accomplir l’ensemble de leurs missions ; cette précision a été maintenue par la commission mixte paritaire. Les spécificités de chaque école seront également prises en compte.
Par ailleurs, le recteur, ou le directeur académique des services de l’éducation nationale, devra présenter chaque année un bilan de l’utilisation des décharges et de leurs motifs – nous avons tenu à ce que cette disposition introduite par le Sénat soit maintenue.
Ces mesures complètent les récentes actions prises par le ministère pour répondre à ce besoin de temps inhérent à l’emploi de direction.
La proposition de loi permet également de décharger les directeurs d’école d’un certain nombre de tâches ; je pense à l’élaboration du plan de sécurité de l’école. La consultation lancée voilà deux ans par le ministère de l’éducation nationale auprès des directeurs d’école montre qu’il s’agit d’une mission jugée pénible, pour l’exercice de laquelle ils ressentent particulièrement le besoin d’être aidé. Désormais, la responsabilité de l’élaboration de ces plans de sécurité incombe conjointement à l’autorité académique, à la commune ou à l’établissement public de coopération intercommunale gestionnaire du bâtiment et aux personnels compétents en matière de sûreté.
En outre, le directeur d’école ne participera plus aux activités pédagogiques complémentaires, sauf s’il est volontaire.
Sur l’initiative du Sénat, nous renforçons la formation des directeurs d’école, dès le stade de la formation initiale des futurs enseignants, mais aussi avant leur prise de poste en tant que directeur, puis tout au long de leur carrière.
Ce texte prévoit également la mise en place dans chaque département d’un référent direction d’école dont le rôle est d’épauler les directeurs et de répondre à leurs questions, avec un objectif : faire en sorte qu’ils ne se sentent plus seuls.
Enfin, les directeurs d’école veulent des moyens ; il était inenvisageable de faire abstraction de cette demande.
À cet égard, l’article 2 bis traduit la satisfaction de notre objectif partagé, à savoir la reconnaissance des moyens dont les directeurs et directrices ont besoin.
Je le sais, cet article est celui qui a été le plus débattu, y compris au sein de notre assemblée, mais il serait paradoxal qu’un texte consacré aux moyens des directeurs d’école n’évoque pas les communes et leurs groupements.
Les collectivités locales constituent, après l’État, le premier financeur des dépenses d’éducation. Dans le premier degré, les communes et leurs groupements y participent à hauteur de 33 %. Cette contribution financière est essentielle au bon fonctionnement de nos écoles primaires.
La rédaction de l’article 2 bis issue de la commission mixte paritaire évite tout risque de transfert de charges entre l’État et les collectivités locales. En effet, l’aide des communes est limitée à l’assistance matérielle.
Le partage des compétences en matière scolaire entre l’État et les collectivités territoriales est ainsi respecté. L’État est compétent pour ce qui est de la politique éducative, suivi des élèves et lien avec les familles notamment ; c’est donc à lui que revient l’assistance administrative. Les communes ont la charge de l’entretien et du fonctionnement de l’école, c’est-à-dire de l’aide matérielle.
Cette proposition de loi s’est enrichie et améliorée au fil des deux lectures. Le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire reprend un grand nombre d’apports du Sénat. L’empreinte de notre assemblée y est forte.
C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous propose d’adopter cette proposition de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de la jeunesse et de l’engagement. Monsieur le président, monsieur le président de la commission de la culture, madame la rapporteure, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je vous prie d’excuser l’absence du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, Jean-Michel Blanquer. Je le sais parce qu’il me l’a dit, il aurait été très heureux d’être parmi vous pour ce moment important, car il a fallu du temps pour que ce texte trouve son point d’équilibre. Malheureusement, il est retenu par une réunion avec le Premier ministre sur la situation sanitaire, qui nécessite aujourd’hui une actualisation de nos actions.
Je me réjouis donc d’être ici ce matin pour la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi créant la fonction de directrice ou de directeur d’école, d’autant qu’il est rare d’avoir l’occasion d’examiner des textes sur l’éducation, encore moins lorsqu’ils portent sur ces fonctions essentielles pour l’école que sont les fonctions de direction.
En préparant mon intervention, j’ai appris que le dernier texte ayant trait au statut de directeur ou de directrice d’école datait de 1989, une année qui me touche particulièrement : c’est l’année de la chute du mur de Berlin, mais aussi celle de ma naissance ! Je n’ai pu m’empêcher d’y voir le petit signe d’un lien de proximité avec le sujet…
Durant la pandémie, matin et soir, les directeurs et directrices d’école ont continué de faire face en organisant en toutes circonstances la continuité des enseignements. Si notre pays a été l’un de ceux qui ont le plus maintenu leurs écoles ouvertes – et nous pouvons en être fiers –, nous le devons en immense partie aux directeurs et aux directrices d’école.
Cette proposition de loi répond à une attente extrêmement forte du terrain : les directeurs et directrices d’école souhaitent que leur rôle soit reconnu ; ils demandent davantage de liberté, afin de faire face à la diversité des situations qui se présentent au quotidien.
Elle s’inscrit dans la droite ligne de ce que nous avons fait jusqu’ici et porte l’ambition de conforter et de sécuriser l’emploi de directrice ou directeur d’école. Elle pour objet de consacrer, sinon de renforcer, cette fonction et son autonomie, ainsi que l’accompagnement matériel et humain auquel les directeurs et directrices d’école pourront prétendre.
Il était nécessaire de reconnaître dans la loi la mission qui est la leur, leurs fonctions de stimulation, de coordination, d’encouragement et d’harmonisation des initiatives de l’ensemble de l’équipe pédagogique. Reconnaître leur fonction, c’est leur permettre de mieux promouvoir le projet d’école – je sais combien vous êtes attachés, mesdames, messieurs les sénateurs, à ce point extrêmement important – auprès des collectivités et des parents d’élèves, mais aussi de la hiérarchie éducative.
Il nous faudra, bien sûr, aller plus loin dans l’aide que nous leur devons, comme l’a rappelé Mme la sénatrice, notamment, au-delà de ce texte, en leur fournissant tous les outils dont ils ont besoin.
Ce texte représente indéniablement, pour l’école, une marche décisive, une étape où l’on construit.
Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je veux saluer le travail que vous avez réalisé depuis le début de l’examen de ce texte. Comme souvent, vous avez su l’enrichir, trouvant un équilibre entre la volonté unanime d’avancer sur cet enjeu absolument majeur, conformément aux attentes des acteurs de terrain, et les craintes que vous avez exprimées.
Au nom de Jean-Michel Blanquer, je me félicite que, sur un sujet aussi important qui touche à l’une des fonctions les plus essentielles de l’école – c’est aussi, partant, la République qui est renforcée –, un compromis ait été trouvé. Nous envoyons ainsi un signal fort aux directrices et aux directeurs qui éduquent nos enfants, et nous regardent aujourd’hui.
Je veux enfin saluer l’important travail parlementaire, nourri par vos réflexions, qui est à l’origine de ce texte.
Cette proposition de loi est une avancée majeure. Elle vient compléter l’action résolue que nous avons menée au cours des quatre dernières années en faveur du premier degré, en plaçant au cœur de ce bel édifice un homme ou une femme, le directeur ou la directrice d’école, conforté dans son rôle et renforcé dans sa fonction, pour nos élèves et pour leurs familles.
Je me joins à Mme la rapporteure pour vous inviter, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, à voter ce texte, sur lequel j’espère l’unanimité.
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, aucun amendement n’est recevable, sauf accord du Gouvernement ; en outre, le Sénat étant appelé à se prononcer avant l’Assemblée nationale, il statue sur les éventuels amendements puis, par un seul vote, sur l’ensemble du texte.
En conséquence, le vote sur les articles sera réservé.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
proposition de loi créant la fonction de directrice ou de directeur d’école
Article 1er
(Non modifié)
L’article L. 411-1 du code de l’éducation est ainsi modifié :
1° AA À la première phrase, après le mot : « directeur », sont insérés les mots : « ou chargé d’école » ;
1° A À la même première phrase, les mots : « ou élémentaire » sont remplacés par les mots : « , élémentaire ou primaire » ;
1° B La deuxième phrase est supprimée ;
1° Après le mot : « éducative », la fin de la troisième phrase est ainsi rédigée : « , entérine les décisions qui y sont prises et les met en œuvre. » ;
2° Après la même troisième phrase, sont insérées trois phrases ainsi rédigées : « Il organise les débats sur les questions relatives à la vie scolaire. Il bénéficie d’une délégation de compétences de l’autorité académique pour le bon fonctionnement de l’école qu’il dirige. Il dispose d’une autorité fonctionnelle dans le cadre des missions qui lui sont confiées. »
Article 2
L’article L. 411-2 du code de l’éducation est ainsi rétabli :
« Art. L. 411-2. – I. – Le directeur d’école maternelle, élémentaire ou primaire dispose d’un emploi de direction.
« II. – Les enseignants nommés à l’emploi de directeur d’école bénéficient d’une indemnité de direction spécifique fixée par décret ainsi que, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, d’un avancement accéléré au sein de leur corps.
« III. – Le directeur d’école est nommé parmi les personnes inscrites sur une liste d’aptitude établie dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. Ne peuvent être inscrits sur cette liste d’aptitude que les instituteurs et professeurs des écoles justifiant de trois années d’exercice dans ces fonctions ou justifiant d’une année minimum d’exercice de la fonction de directeur d’école et ayant suivi une formation à la fonction de directeur d’école. Une formation certifiante est nécessaire pour prendre la direction d’une école dont le directeur bénéficie d’une décharge complète d’enseignement.
« Les professeurs des écoles et les instituteurs figurant sur la liste d’aptitude ainsi que les directeurs en poste à la date de publication de la loi n° … du … créant la fonction de directrice ou de directeur d’école y demeurent inscrits.
« Dans le cas d’emplois de directeurs d’école vacants, des instituteurs et professeurs des écoles non-inscrits sur la liste d’aptitude peuvent être nommés à leur demande dans des conditions définies par décret. Ils bénéficient d’une formation à la fonction de directeur d’école dans les meilleurs délais.
« III bis. – Le directeur d’école propose à l’inspecteur de l’éducation nationale, en prenant en compte les orientations de la politique nationale et après consultation du conseil des maîtres, des actions de formation spécifiques à son école.
« IV. – Le directeur d’école bénéficie d’une décharge totale ou partielle d’enseignement. Cette décharge est déterminée en fonction du nombre de classes et des spécificités de l’école, dans des conditions, fixées par décret en Conseil d’État, qui lui permettent de remplir de manière effective l’ensemble de ses fonctions.
« Avant le 30 juin de chaque année, lors d’une réunion du conseil départemental de l’Éducation nationale, l’autorité compétente en matière d’éducation rend compte de l’utilisation effective lors de l’année scolaire en cours des décharges d’enseignement et de leurs motifs pour exercice de l’emploi de direction des écoles maternelles et élémentaires.
« Le directeur participe à l’encadrement du système éducatif. Il peut être chargé de missions de formation ou de coordination. L’ensemble de ces missions est défini à la suite d’un dialogue tenu tous les deux ans avec l’inspection académique.
« V. – Le directeur administre l’école et en pilote le projet pédagogique. Il est membre de droit du conseil école-collège mentionné à l’article L. 401-4. Il ne participe pas aux activités pédagogiques complémentaires de son école, sauf s’il est volontaire.
« V bis. – Une offre de formation destinée aux directeurs d’école leur est proposée régulièrement tout au long de leur carrière et obligatoirement tous les cinq ans.
« L’ensemble des missions associées à l’emploi de direction d’une école fait partie de la formation initiale des professeurs des écoles.
« VI. – Un décret en Conseil d’État fixe les responsabilités des directeurs d’école maternelle, élémentaire ou primaire ainsi que les modalités d’évaluation spécifique de la fonction.
« VII. – Le directeur d’école dispose des outils numériques nécessaires à sa fonction. »
Article 2 bis
Lorsque la taille ou les spécificités de l’école le justifient, l’État met à la disposition des directeurs d’école les moyens permettant de garantir l’assistance administrative et matérielle de ces derniers.
˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙
M. le président. Sur le texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisi d’aucun amendement.
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je vais donner la parole, pour explication de vote, à un représentant par groupe.
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Mme Marie-Pierre Monier. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le monde de l’éducation nationale est ébranlé par des lames de fond. Si celles-ci ont été mises en lumière par la crise sanitaire, elles lui sont en réalité bien antérieures ; en témoignent les démissions au sein du corps enseignant, de plus en plus nombreuses chaque année.
Les directeurs et directrices d’école comptent au nombre des figures de proue de cette institution : ils et elles subissent donc fortement les secousses qui l’affectent, et sont confrontés, dans l’exercice de leurs missions, à des difficultés spécifiques. Ces difficultés, nous ne pouvons feindre de les ignorer, car elles sont connues de longue date : manque d’aide administrative et matérielle, de formation, de temps de décharge pour concilier missions d’enseignement et de direction. À cet égard, les espoirs que nourrissaient initialement les directeurs et directrices d’école étaient forts : espoir d’une reconnaissance dans les mots, mais aussi et surtout espoir d’améliorations concrètes, susceptibles de les soulager dans l’exercice quotidien de leurs tâches. La copie qui nous est rendue aujourd’hui, résultant des échanges entre nos deux chambres, n’est pas à la hauteur de l’enjeu.
Certes, cette proposition de loi comporte quelques avancées, et je tiens en la matière à souligner l’apport de la chambre haute, qui a notamment permis l’instauration d’un point annuel sur l’effectivité de l’utilisation des décharges ainsi que d’une obligation de proposer tous les cinq ans une offre de formation spécifique. Force est de constater néanmoins qu’elle n’apporte pas de réponses satisfaisantes sur deux points cruciaux : les décharges et l’aide administrative et matérielle apportée aux directeurs et aux directrices.
Sur ce deuxième point, la déception est d’autant plus grande que le Sénat s’était prononcé, à plusieurs reprises, à l’occasion des différentes lectures, en faveur d’une formule claire, consacrant les responsabilités de l’État en la matière. Nous, membres de la chambre des territoires, savions qu’il serait peu judicieux de charger les collectivités de nouvelles prérogatives.
Imaginez donc notre surprise, lors de la réunion de la commission mixte paritaire, quand nous avons découvert que la formulation retenue mentionne de nouveau aussi bien l’État que les collectivités, et ne fixe d’obligation pour aucun de ces acteurs. Nous voilà presque revenus à la rédaction de l’Assemblée nationale, dont les travers avaient pourtant été dénoncés avec force sur toutes les travées de notre hémicycle ! Ne nous y trompons pas, l’article 2 bis tel qu’il est formulé aujourd’hui, témoignant d’un refus de trancher, ne résout strictement rien.
La version finale du texte persiste, par ailleurs, à élargir le champ des missions des directeurs et directrices en leur confiant un rôle de formation, alors même que le constat de leur surcharge de travail était unanimement partagé par toutes et par tous.
Enfin et surtout, une ligne rouge est franchie via l’introduction d’une notion mal définie, celle de l’autorité fonctionnelle, qui s’est imposée malgré nous, au fil de nos débats, comme la bonne réponse au mal-être éprouvé par les directrices et les directeurs. S’il nous a été dit et répété que cette autorité fonctionnelle n’était pas synonyme d’autorité hiérarchique, l’ambiguïté demeure en raison, en particulier, du refus d’énoncer clairement cette précision dans le texte.
Cette évolution, introduite par la majorité sénatoriale avec le soutien du pouvoir exécutif, est d’autant plus surprenante qu’elle va à rebours des attentes des directeurs et directrices, qui souhaitent avant tout être soulagés de façon très concrète dans l’exercice de leurs missions, et non assumer un rôle d’autorité auprès de leurs pairs enseignants. Elle fragilise le fonctionnement collectif de l’école primaire républicaine tel qu’il fut imaginé par Jules Ferry, dont la clef de voûte était jusqu’à présent le conseil des maîtres.
Cette notion d’autorité fonctionnelle résonne de façon d’autant plus inquiétante qu’en septembre dernier, à Marseille, le Président de la République nous exposait sa vision libérale de l’école et du rôle des directeurs et directrices, clairement inspirée du monde de l’entreprise et à mille lieues de notre conception de l’école républicaine, indissociable de la fonction publique.
Vous l’aurez compris, notre groupe ne votera pas en faveur de cette proposition. J’aurais souhaité conclure mon propos en nous appelant collectivement à profiter de l’examen du projet de loi de finances pour débloquer des moyens supplémentaires, à la mesure de leurs besoins, pour les directeurs et directrices d’école ainsi que, plus généralement, pour notre école, mais nous n’en aurons malheureusement pas l’occasion. (M. Jean-Michel Houllegatte applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Nadège Havet, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Mme Nadège Havet. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous arrivons ce matin au terme de la navette parlementaire : une fin heureuse, donc, puisqu’un accord a été trouvé entre l’Assemblée nationale et le Sénat en commission mixte paritaire.
Je le disais hier soir, lors de la discussion générale sur la proposition de loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques : là où il y a une volonté de débat, il y a un chemin vers le compromis. Dans cette période budgétaire, qui s’avère chaotique au Sénat – et c’est un euphémisme –, cette idée prend, je le crois, tout son sens.
Je félicite de nouveau Cécile Rilhac, notre collègue députée, comme je l’avais fait en première lecture, pour avoir été à l’initiative de ce texte, pour l’avoir défendu avec conviction et accompagné jusqu’au bout.
Une fois adoptées, ces mesures dont nous discutons rendront possibles des avancées significatives en faveur des directrices et directeurs d’école. Elles amélioreront la reconnaissance de leur rôle. Elles fixeront un cadre juridique bienvenu, permettant de conforter leur légitimité et leurs actions.
Cet accord, nous leur devions. Pourquoi ? Parce que ces dispositions seront le vecteur d’une amélioration de leurs conditions de travail, lesquelles sont difficiles, particulièrement depuis qu’a commencé la crise sanitaire, voilà maintenant un an et demi. Je veux saluer ici leur engagement. Mme la secrétaire d’État l’a rappelé, la France est un des pays qui ont le plus laissé leurs écoles ouvertes. C’est bien entendu aussi aux directrices et aux directeurs que nous le devons.
Demain – c’est un ajout du Sénat –, l’autorité fonctionnelle permettra aux directrices et aux directeurs d’assurer le bon fonctionnement de leur école en renforçant leur pouvoir d’initiative et de décision. Je le précise, car en la matière la caricature est toujours possible : il s’agit d’une autorité fonctionnelle et non hiérarchique.
Demain, grâce à une meilleure articulation des missions, les temps de décharge seront plus effectifs. En effet, le texte prévoit que ces indispensables décharges soient déterminées en fonction du nombre de classes et des spécificités de l’école.
Demain, un cadre juridique spécifique explicitera les conditions applicables à la nomination des directrices et directeurs d’école, ainsi qu’à leur formation et à l’exercice de leur fonction.
Enfin, pour ce qui est du financement de l’aide administrative et financière accordée aux directrices et directeurs d’école, objet de l’article 2 bis, qui constituait le point de désaccord majeur entre nos deux chambres, la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire est équilibrée.
L’État et les communes restent chacun dans leur champ de compétences respectif : les communes et leurs groupements peuvent mettre des moyens matériels à disposition des directeurs d’école, tandis que l’État peut leur fournir une assistance administrative. Cette rédaction n’impliquera donc pas de transfert de charges de l’État vers le bloc communal ; nous pouvons nous en féliciter.
Pour toutes ces raisons, notre groupe, qui s’était abstenu en seconde lecture, votera ce texte.
En conclusion, je voudrais évoquer le budget de l’éducation nationale. Premier poste du budget de l’État, il a été porté, dans le projet de loi de finances pour 2022, à 56,5 milliards d’euros, soit une hausse de 1,7 milliard d’euros.
Cette augmentation inclut notamment les près de 700 millions d’euros promis voilà quelques mois par Jean-Michel Blanquer pour revaloriser les salaires des enseignants. L’enveloppe consacrée à l’enseignement scolaire couvre notamment la pérennisation des primes versées au titre de la direction d’école et aux chefs d’établissement.
Je remercie nos collègues députés de faire – seuls, cette fois – ce travail budgétaire ; nous regrettons fort de ne pouvoir, ici, exercer pleinement notre mandat.
M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
Mme Colette Mélot. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission mixte paritaire qui s’est réunie pour examiner les dispositions restant en discussion de la proposition de loi créant la fonction de directrice ou de directeur d’école est parvenue à un accord sur les trois articles concernés.
Je salue le travail réalisé lors des lectures successives par les deux assemblées à partir de l’initiative de Mme Cécile Rilhac. Nos travaux ont été largement documentés par les conclusions du rapport d’information sénatorial sur la situation des directeurs d’école. La reconnaissance et la valorisation de leurs fonctions au travers d’un cadre juridique clair figurent au centre des préoccupations que nous partageons.
Les débats qui ont eu lieu au Sénat ont permis d’introduire dans le texte la notion d’autorité fonctionnelle. Il s’agit de doter les directeurs d’une plus grande légitimité sans pour autant instaurer, au niveau de l’école élémentaire, une autorité hiérarchique que ceux-ci exerceraient sur les enseignants. Les formations initiale et continue des directeurs d’école ont été renforcées via l’obligation de leur proposer une offre de formation au minimum tous les cinq ans afin de les accompagner dans l’exercice de leurs missions.
Par ailleurs, en cas de vacance du poste de directeur, les conditions de nomination seront encadrées au moyen d’une formation adaptée, étant entendu que la possibilité de nommer des enseignants volontaires non inscrits sur la liste d’aptitude est maintenue. Ces modalités sont indispensables pour permettre à de nombreuses écoles en milieu rural de disposer d’un enseignant faisant fonction de directeur ; loin d’être anecdotique, cette situation concerne une école sur quatre.
Fidèles à la vocation du Sénat, nous avons également veillé à préserver une juste complémentarité des compétences entre État et collectivités. À ce sujet, la commission mixte paritaire est parvenue à un équilibre permettant de renforcer les moyens mis à disposition des directeurs d’école sans alourdir les charges qui pèsent sur les communes et les intercommunalités. La commune pourra mettre à disposition des directeurs des moyens matériels, tandis que l’État garantira la mise à disposition d’une assistance administrative, dans le cadre de la politique éducative menée par le Gouvernement.
La suppression par le Sénat de l’article 4 sur le temps périscolaire a été maintenue à l’Assemblée nationale. La proposition consistant à associer le directeur d’école à l’organisation du temps périscolaire est pourtant intéressante. Je rappelle qu’il s’agissait bien d’une possibilité, encadrée par un dispositif juridique adapté et souple, et non d’une obligation. L’association du directeur d’école à l’organisation du temps périscolaire aurait permis d’instaurer un continuum dans la prise en charge des enfants. Le groupe Les Indépendants – République et Territoires y était favorable, à condition de prévoir les temps de décharge nécessaires.
Je souhaite attirer votre attention sur le rôle central des directeurs d’école en matière de climat scolaire et de lutte contre le harcèlement.
J’ai eu l’honneur d’échanger hier avec Mme Brigitte Macron, très impliquée sur ce sujet, dans le cadre d’un entretien que nous avons eu à la suite de la publication du rapport de la mission d’information sénatoriale sur le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement. Nous avons évoqué notamment l’importance de mobiliser dès l’école élémentaire l’ensemble des enseignants, a fortiori le directeur, autour de l’apprentissage des droits et des devoirs des élèves et de la juste valeur des mots, ainsi que de l’application pratique du droit à une scolarité sans harcèlement consacré par la loi pour une école de la confiance.
Les directeurs d’établissement sont des acteurs indispensables de la lutte contre la violence à l’école. En effet, ils sont amenés à participer de façon active à la prévention, à la détection et au suivi des situations de harcèlement, pour permettre à chaque enfant de bénéficier d’une scolarité sans violence et prévenir les drames.
Pour toutes ces raisons, cette proposition de loi est particulièrement attendue par l’ensemble de la communauté éducative. Le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera en faveur des conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. Max Brisson. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous voici réunis pour l’ultime examen de la proposition de loi créant la fonction de directrice ou de directeur d’école. Après de longues heures de discussion et un intense parcours législatif, l’accord entre les deux assemblées est désormais possible. Je m’en réjouis.
Ce texte dans sa version finale fait en effet écho de manière particulièrement manifeste au rapport que j’ai réalisé avec mon ancienne collègue Françoise Laborde, que je salue amicalement. C’est dire si les apports du Sénat sont importants dans ce texte.
Je crois pouvoir ajouter que la rédaction proposée est juste et équilibrée. Elle matérialise la volonté commune de l’Assemblée nationale, du Sénat et du Gouvernement d’améliorer significativement la situation des directeurs d’école.
Aussi, je souhaite saluer le travail de notre rapporteur Julien Bargeton ainsi que, bien entendu, celui de Cécile Rilhac, auteure de cette proposition de loi. Avec l’un comme avec l’autre, ainsi qu’avec Sonia de La Provôté, nous avons pu agir en profondeur – et en toute confiance. Je les en remercie.
Noyau dur de cette proposition de loi, l’autorité fonctionnelle est octroyée. Les mots ont été choisis, pesés et posés : ce sont ceux du Sénat. Contrepartie de responsabilités accrues, les directeurs auront désormais, pour les assumer, l’autorité sur les professeurs de l’école qu’ils dirigent. Ils participeront à l’encadrement et à l’organisation de l’enseignement du premier degré. C’est une réelle rupture !
Au cours de toutes les auditions que nous avons menées, les directeurs d’école ont inlassablement exprimé les mêmes besoins : davantage de formation, de temps, d’aide administrative et de moyens. La rédaction actuelle du texte, sur laquelle nous nous sommes accordés, répond au moins partiellement à ces besoins. Et le Sénat a été le principal moteur des avancées qu’il contient.
Ainsi, nous avons fixé un cadre précis, qui sera défini par décret, pour les décharges d’enseignement ; il sera rendu compte à intervalles réguliers, dans chaque département, de leur mise en œuvre effective.
Nous avons également précisé les modalités de la nomination des directeurs d’école en garantissant que ne pourront être désignées que les personnes justifiant d’une certaine expérience de l’enseignement et ayant suivi une formation initiale à la fonction de directeur. De même, nous avons rendu leur formation continue obligatoire au moins tous les cinq ans.
Expérience et formation renforcée sont en effet nécessaires pour exercer ce métier difficile et complexe.
Pour autant, afin d’anticiper les cas de vacance d’emploi, qui sont fréquemment recensés notamment en milieu rural, le Sénat s’est assuré que l’on puisse déroger à cette règle, sur la base du volontariat et selon des conditions fixées par décret.
Enfin, nous avons activement travaillé à ce que le directeur d’école se voie attribuer le bénéfice d’une assistance administrative. Nous avons longuement débattu du sujet. Si les deux assemblées s’accordaient sur le caractère nécessaire de la mesure, il n’y avait pas de consensus quant à savoir à qui devait incomber cette charge.
Pour le Sénat, il n’était pas envisageable que les communes et leurs groupements en soient responsables. Nous nous y sommes fermement opposés. Aussi, je me réjouis de la rédaction de l’article 2 bis sur laquelle les deux rapporteurs ont su s’accorder : « l’État peut mettre à disposition des directeurs d’école les moyens leur garantissant une assistance administrative […], les communes […] les moyens matériels nécessaires à l’exercice de leur fonction. »
Avant cet accord, des rédactions ambiguës ont été proposées ; elles auraient pu engendrer un transfert de charge. Certes, dans la rédaction finalement retenue, rien n’est imposé à l’État, mais celui-ci n’impose rien non plus aux collectivités locales. Voilà ce que le Sénat a obtenu ! En revanche, État et collectivités peuvent répondre à une demande qui s’avère en particulier pressante dans les écoles de moyenne et de grande taille.
Le texte que nous allons adopter aujourd’hui est donc le fruit d’intenses échanges. Nous avons réussi à trouver une rédaction consensuelle ; d’une importance capitale pour l’exercice de la fonction de directeur d’école, elle évite de surcroît des effets de bord qui auraient pu être lourds de conséquences pour les collectivités.
« Un chef, c’est fait pour cheffer », affirmait le président Jacques Chirac. (Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains.) Par ce texte, nous avons enfin donné corps à l’emploi de directeur d’école et assorti cette fonction d’une autorité. Désormais, le directeur disposera des moyens dont il a besoin pour diriger de manière effective son école.
Ce texte est une réelle avancée et une belle réussite. Je suis heureux que le Sénat ait plus qu’apporté sa pierre à cet édifice. Les sénatrices et sénateurs du groupe Les Républicains voteront pour cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)
M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
Mme Monique de Marco. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous arrivons aujourd’hui au terme de la discussion de ce texte, qui était très attendu par les directrices et directeurs d’école. Malheureusement, le rendez-vous semble manqué…
La profession n’a pourtant pas cessé de nous alerter. Les demandes formulées étaient simples : davantage de décharges d’enseignement, des aides administratives pérennes et une meilleure revalorisation salariale.
Le texte apporte quelques réponses au sujet des décharges de classe, du moins en théorie. Mais ces mesures seront-elles suivies d’effet dans la pratique ? Nous pouvons en douter, eu égard aux difficultés de recrutement ou de remplacement déjà constatées dans certaines académies. Madame la secrétaire d’État, je vous le demande : les moyens seront-ils mobilisés pour recruter des professeurs des écoles en nombre suffisant sans avoir recours à des vacataires ?
Les directrices et directeurs d’école manquent de temps et leurs tâches se multiplient. Le texte devait répondre à cette surcharge de travail, au lieu de quoi il leur est demandé d’accomplir des tâches supplémentaires, comme celle de proposer des actions de formation. Allons-nous dans le bon sens ?
Autre mesure en demi-teinte – nombre de mes collègues en seront d’accord : alors qu’au Sénat nous avions proposé que l’État mette à disposition des directeurs d’école une assistance administrative, la commission mixte paritaire a remplacé cette obligation par une simple possibilité. Il aurait été plus fort de conserver la formulation proposée par le Sénat ; de réelles avancées auraient suivi.
Évidemment, il aurait aussi fallu aller plus loin en exigeant que cette aide administrative ne soit plus le fait d’agents mal payés, embauchés sous contrat précaire – ainsi de ceux qui sont engagés en service civique, qui doivent être formés à nouveau chaque année.
En créant l’autorité fonctionnelle, nous continuons d’aller à rebours des attentes de la profession. Une telle autorité n’est pas justifiée et ne répond pas aux demandes des directrices et directeurs d’école, comme nous l’avions indiqué en première lecture. Elle engendre beaucoup de défiance, et nous n’avons pas la garantie qu’elle n’emporte aucune autorité hiérarchique.
Pis, elle risque de déséquilibrer le fonctionnement collégial des écoles, spécificité de fonctionnement reconnue et appréciée par toutes et par tous, à laquelle les enseignants et les directeurs sont particulièrement attachés.
Au bout du compte, on peut craindre que ce texte ne soit que la première marche vers la concrétisation d’une vision managériale de l’école promue par le Président de la République. La prochaine étape sera-t-elle de transformer les directrices et directeurs d’école en chefs d’entreprise recruteurs ?
Mme Samantha Cazebonne. Quelle caricature !
Mme Monique de Marco. Je le redis : les problèmes de l’école ne se régleront pas par une vision verticale du pouvoir. Il faut lui allouer les moyens financiers et humains dont elle a besoin et continuer de faire confiance au corps enseignant dans la gestion des établissements.
Comme vous l’avez compris, mes chers collègues, nous ne voterons pas cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mme Céline Brulin. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous arrivons, avec la lecture des conclusions de cette CMP, au terme du parcours législatif de ce texte, dont la principale mesure est la création d’une autorité fonctionnelle dévolue aux directeurs et directrices d’école.
Dès 1987, les maîtres directeurs font leur apparition dans le débat public ; suivront les « établissements publics d’enseignement primaire », en 2007, le programme « Éclair » (écoles, collèges et lycées pour l’ambition, l’innovation et la réussite), en 2011, les « établissements publics des savoirs fondamentaux », en 2019.
Ces différents projets ont échoué parce que leurs auteurs se trompaient dans leurs objectifs et parce que la vision qui les sous-tend, une vision verticale dont le seul but est de regrouper les écoles, ne convainc pas les premiers intéressés, à savoir les directeurs et les directrices.
Quant à la faculté pour le directeur d’école de choisir son équipe d’enseignants, présentée comme une grande innovation par le Président de la République à Marseille voilà quelque temps, elle participe de cette même vision. Loin d’être une solution pour remédier aux problèmes des directeurs, il s’agit en réalité d’une vieille lune !
Mme Marie-Pierre Monier. Tout à fait !
Mme Céline Brulin. Ce texte est bien un tournant dans l’histoire de l’école puisqu’il fait du directeur une courroie de transmission hiérarchique sans lui donner la protection d’un réel statut. C’est l’inverse de ce qu’il est aujourd’hui, un pair parmi ses pairs, ce que les équipes considèrent comme un atout pour leur fonctionnement et leur cohésion.
La justesse de cette appréciation est plus que confirmée, d’ailleurs, par la crise du covid ; le besoin de collectif s’y est largement exprimé s’agissant d’un métier qui s’exerce terriblement seul, face aux familles, face à une administration parfois enfermée dans une logique technocratique, face à des collectivités elles-mêmes sous pression.
Les directeurs d’école demandent plutôt une revalorisation de leur fonction. On entend gérer la pénurie de postes en assouplissant les conditions d’accès à la fonction de directeur – tel est l’objet de l’article 2 de la proposition de loi. En d’autres termes, on s’attaque aux conséquences plutôt qu’aux causes. Mais casser le thermomètre n’a jamais fait baisser la fièvre, j’en parle en connaissance de cause !
Une nouvelle architecture se dessine ainsi. Il n’est pas certain que la réussite des élèves et la réduction des inégalités, qui restent les principaux enjeux de l’école, aient à y gagner.
Si je suis revenue, au début de mon propos, sur l’histoire de cette volonté de modifier le statut des directeurs d’école, c’est que celle-ci s’accompagne toujours d’une intention de regroupement des écoles de différentes communes ou de différents niveaux, élémentaire et préélémentaire, voire primaire et secondaire. Ce projet, le ministre Blanquer n’a pas pu le mener avec succès dans le cadre de la loi pour une école de la confiance, mais, avec le présent texte, le Gouvernement entend le faire revenir « par la fenêtre ». Déjà, dans les départements, de nombreuses pressions s’exercent en ce sens.
Nous sommes attachés à l’école républicaine de proximité comme nous sommes attachés à la commune. Et, selon nous, il n’y a ni trop d’écoles ni trop de communes !
Nous sommes également opposés à une école à la carte. Je me félicite que la CMP n’ait pas retenu l’inscription des formations dans le cadre des orientations nationales. Mieux, elle lui a substitué un renforcement du rôle du conseil des maîtres, qui discutera et proposera un plan de formation.
Je m’interroge cependant sur les moyens supplémentaires qui sont concrètement donnés aux directeurs. Ils semblent encore bien hypothétiques alors que l’augmentation des tâches, elle, est bien réelle, en matière de formation ou d’encadrement par exemple.
Je relève malgré tout que des points positifs sont issus des travaux de cette CMP : la suppression des formations certifiantes, dont les contours nous semblaient bien trop flous, et le maintien d’un rapport annuel sur l’effectivité des décharges et des remplacements – chacun sait que le problème du remplacement est un problème structurel et que les décharges risquent de l’aggraver à défaut de postes supplémentaires.
Je me réjouis également que nos deux amendements concernant le périscolaire et la responsabilité des directeurs dans l’élaboration du plan de mise en sécurité des écoles aient été conservés.
En revanche, bien que le partage des compétences entre l’État et les collectivités semble désormais un peu plus clair, l’assistance administrative reste une simple faculté pour l’État. À nos yeux, il devrait s’agir d’une obligation lorsque la taille ou les spécificités de l’école le justifient. En l’état, cette assistance administrative risque de demeurer un vœu pieux alors même qu’elle est la demande essentielle que formulent les directeurs d’école.
Notre école a besoin de directeurs dont les tâches administratives sont allégées par l’octroi d’un temps de décharge ou d’une aide suffisante, afin qu’ils puissent se recentrer sur la coordination et l’animation des équipes pédagogiques. Je crains que le concert de satisfaction que j’entends ici ne passe pas la porte de cet hémicycle, et que les directeurs de nos écoles ne s’y retrouvent pas… (Très bien ! et applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER – Mme Monique de Marco applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Sonia de La Provôté, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP. – M. Max Brisson applaudit également.)
Mme Sonia de La Provôté. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je commencerai par me féliciter, au nom du groupe Union Centriste, que les discussions sur cette proposition de loi aient pu aboutir.
Comme je l’avais indiqué lors de la deuxième lecture tout en formulant le souhait d’une CMP conclusive, ce texte est attendu sur le terrain. J’en veux pour preuve les nombreuses sollicitations que nous avons reçues au fil de la navette, de la part des uns et des autres, nous demandant qu’il soit au plus vite adopté.
L’inscription en priorité de l’examen des conclusions de cette CMP au nouvel ordre du jour de notre assemblée compte à mon sens parmi les signaux importants envoyés à celles et à ceux dont l’action a été si essentielle lors de la crise sanitaire, qui font chaque jour fonctionner les écoles, dans tous nos territoires.
Je souhaite donc saluer à nouveau le travail de l’ensemble des acteurs de ce processus parlementaire : notre collègue Max Brisson et notre ancienne collègue Françoise Laborde, pour leur rapport d’information et pour le suivi des étapes de la discussion au nom du Sénat ; Mme la députée Cécile Rilhac, pour sa proposition de loi ; Julien Bargeton, notre rapporteur, pour sa rigueur et son sens de l’écoute et de l’équilibre ; le président de notre commission de la culture, Laurent Lafon, qui a veillé à la qualité de nos échanges.
Sur le fond, saluons avant tout l’apport majeur de ce texte, qui n’a pas été remis en cause en seconde lecture : la consécration de l’autorité fonctionnelle. Celle-ci permet le bon fonctionnement de l’école : le directeur peut, par une délégation de compétences, réaliser les missions qui lui sont confiées sans pour autant devenir un supérieur hiérarchique. Il demeure en effet un « pair parmi ses pairs », ce que souhaitent bon nombre d’entre eux – diriger pour organiser, non pour régenter !
Les autres acquis de ce texte clarifient et sécurisent la fonction.
Tout d’abord, concernant la formation comme préalable à l’inscription sur la liste d’aptitude aux fonctions de directeur d’école, la distinction entre grandes et petites écoles fondée sur le fait que le directeur bénéficie ou non d’une décharge complète me semblait peu opportune. L’obligation claire et simple, quelle que soit la taille de l’école, est un bon compromis. Elle permet une formation tout en évitant l’écueil de la raréfaction des candidats, qui est une réalité sur le terrain.
Quant à l’obligation d’offrir une formation continue aux directeurs d’école, l’instauration d’une périodicité quinquennale va la rendre effective.
Pour ce qui est des décharges d’enseignement, ensuite, ce texte en inscrit pour la première fois « en dur » le principe dans la loi. Il est prévu qu’un bilan annuel soit dressé rendant compte de l’utilisation des heures de décharge et de leurs motifs. Les décharges sont un outil indispensable dont la vocation est avant tout de permettre aux directrices et directeurs d’école d’accomplir leur mission. Ce bilan annuel sera un moyen de réfléchir à leur usage pour, le cas échéant, améliorer encore leur efficacité, via l’ajustement aux besoins ponctuels qui se font jour de temps à autre dans les écoles – la vie d’une école, c’est entendu, n’est pas vraiment un long fleuve tranquille…
Enfin, le nœud que l’on craignait gordien a fait l’objet d’un dénouement. En effet, si l’accord en CMP s’annonçait particulièrement difficile à trouver sur l’article 2 bis, fort heureusement le dialogue parlementaire – preuve, s’il en fallait, de son utilité – a abouti grâce à la contribution de chacun.
L’article 2 bis prévoit finalement que l’État mette à disposition des directeurs d’école une assistance administrative, tandis que les communes et leurs groupements ont, eux, la possibilité de prendre en charge l’assistance matérielle si cela s’avère nécessaire. Cette clarification du rôle de chacun était indispensable.
Madame la secrétaire d’État, mes collègues du groupe Union Centriste et moi-même saluons ces dernières dispositions confirmées, clarifiées, améliorées. Nous nous réjouissons tous de l’esprit de ce texte utile, attendu, qui consacre le rôle des directrices et directeurs d’école au sein de l’éducation nationale et sera un véritable outil à leur service au quotidien. Être directeur ou directrice d’école est un engagement. Cette mission ne doit pas être une obligation. Elle est avant tout un choix au bénéfice des enfants et de l’éducation.
L’adoption de ce texte constitue ainsi une reconnaissance de ces véritables piliers de l’école de la République, qui en sont les garants, tous les jours, dans tous les territoires.
Après ces longs mois de crise, si particuliers, dans la perspective des temps à venir, et pour tout le travail accompli ces dernières années, je leur adresse, du fond du cœur, un grand merci. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et INDEP.)
M. Antoine Lefèvre. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Bernard Fialaire, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
M. Bernard Fialaire. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je me réjouis, comme Sonia de La Provôté, que cette CMP ait été conclusive. Je suis également heureux de ce résultat pour notre ancienne collègue du RDSE Françoise Laborde, qui avec Max Brisson fut, par l’intermédiaire d’un rapport, à l’initiative de cette réflexion et voit aujourd’hui ce travail de longue haleine se traduire par des décisions concrètes.
Je voudrais aussi saluer le président de notre commission, ainsi que Julien Bargeton, dont le talent de négociateur, pour ne pas dire de diplomate, a permis à la CMP d’aboutir à un texte consacrant du moins la reconnaissance de l’autorité fonctionnelle du directeur d’école.
Au-delà d’un compromis sémantique, la vertu de cette notion est de réaffirmer un aspect important, celui de l’autorité. C’est peut-être ce qui manque le plus non seulement à l’école, mais aussi à notre société.
Je parle bien d’une autorité de compétence, qui impose le respect, et non d’un autoritarisme punitif. Le respect est structurant pour notre école de la République, qui doit faire de nos enfants, individus d’une société de plus en plus individualiste, des citoyens éclairés, libres à l’égard de leurs propres pulsions comme des influences de proximité, tous également formés, épanouis.
Le rôle du directeur ou de la directrice d’école est parfois utile également en matière de rappel à l’ordre hiérarchique. Certes, je le sais, il ne faut pas employer ce terme ; mais il y va de repères structurants pour la construction de nos enfants.
Une telle compétence nécessite une formation, que permettent les décharges. Nous voilà rassurés, à ce sujet, par la rédaction finale de la proposition de loi.
Enfin, l’article 2 bis a permis de trancher très clairement entre l’assistance administrative que l’État doit assurer et l’assistance matérielle que les collectivités peuvent apporter. Il y a bel et bien eu débat sur ce point, mais, après tout, à relire le Journal officiel, on constate qu’à l’époque de Jules Ferry certaines communes reprochaient à l’État de leur imposer de construire une école pour pouvoir éduquer nos enfants… Aujourd’hui, ce genre de discussions nous semble lunaire, et le débat est clos !
Les membres du groupe du RDSE voteront en faveur de cette proposition de loi, dont les dispositions vont être utiles aux directeurs et aux directrices d’école, auxquels nous devons de la reconnaissance, surtout après la période qu’ils viennent de traverser, ainsi qu’à l’école de la République, à nos enfants et à notre pays. La première richesse de notre pays, ce sont bien ses ressources humaines. Tous les investissements que l’on fait pour promouvoir cette richesse vont dans le bon sens, celui d’une société éclairée. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et RDPI. – Mmes Toine Bourrat et Sonia de La Provôté applaudissent également.)
M. le président. Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, l’ensemble de la proposition de loi créant la fonction de directrice ou de directeur d’école.
(La proposition de loi est adoptée.) – (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE, INDEP et RDPI.)
M. le président. Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures cinquante, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Roger Karoutchi.)
PRÉSIDENCE DE M. Roger Karoutchi
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
3
Financement de la sécurité sociale pour 2022
Discussion en nouvelle lecture d’un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, de financement de la sécurité sociale pour 2022 (projet n° 189, rapport n° 220).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Monsieur le président, madame la rapporteure générale – chère Élisabeth Doineau –, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes réunis aujourd’hui pour l’examen en nouvelle lecture, par la Haute Assemblée, du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2022.
J’ai naturellement pu l’observer, une motion tendant à opposer la question préalable a été déposée sur ce texte et je ne me fais pas grande illusion sur son adoption très vraisemblable, qui vous amènera à rejeter le texte tel qu’il ressort de la nouvelle lecture à l’Assemblée nationale.
Pour autant, je ne peux évidemment que regretter le fait que vous n’adoptiez pas ce texte qui, je le crois sincèrement, permet de soutenir notre système de santé, d’ouvrir plus de droits à nos concitoyens, et acte une réforme profonde du champ de l’autonomie.
Avec ce texte, nous parachevons en effet une étape essentielle de la réforme du soutien à l’autonomie, en transformant radicalement l’offre à destination des personnes en perte d’autonomie et en amorçant la création du service public de l’autonomie tel qu’il a été évoqué par le Président de la République dans sa dernière allocution.
Il s’agit d’une réforme ambitieuse, qui repose sur 1,3 milliard d’euros de mesures nouvelles d’ici à 2025 et qui est financée par les moyens d’ores et déjà rendus disponibles pour la branche autonomie à l’horizon de 2024. Cette réforme structurelle et financée se fera avec les départements, que nous accompagnerons au cours de ces transformations.
Nous investissons d’abord pour renforcer la lisibilité et la qualité de l’offre de services à domicile et nous garantissons une plus grande équité dans le financement des structures selon les territoires, au travers d’un tarif national de référence pour la tarification des interventions à domicile, d’une dotation complémentaire au service de la qualité des services à domicile pour les personnes et de la qualité de vie au travail des professionnels, d’une réforme de la tarification des services de soins infirmiers à domicile (Ssiad), afin que ceux-ci soient financés selon les besoins en soin des personnes accompagnées, et, enfin, d’un grand chantier de simplification et de fusion de services visant à créer le « service autonomie à domicile », interlocuteur unique des personnes âgées en perte d’autonomie.
Assumer ce choix en faveur du domicile nous permet, par la même occasion, de porter une réforme transformatrice pour nos établissements, afin d’adapter ces derniers à l’accueil de personnes d’un âge de plus en plus avancé. Cela passe par la généralisation, d’ici à 2023, des astreintes d’infirmiers de nuit, par l’augmentation du temps de médecin coordonnateur et par le recrutement de 10 000 postes supplémentaires de soignants. Nous ouvrons aussi de nouvelles missions pour les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), afin que certains de ces établissements deviennent des centres de ressources pour les professionnels du domicile du bassin de vie considéré.
Je souhaite également revenir sur un point, qui fait l’objet d’un désaccord mais qui me semble essentiel à plusieurs titres : l’expérimentation d’une carte professionnelle pour les intervenants de l’aide à domicile.
Cela répond, pour moi, à une double nécessité. D’une part, cette nécessité est issue de la crise, durant laquelle nous n’avions rien d’autre que les contrats de ces professionnels pour faire valoir leur activité du « prendre soin » ; et nous avons vu à quel point c’était essentiel, notamment pour obtenir des équipements de protection individuelle. D’autre part, cette expérimentation constitue un acte majeur de reconnaissance de l’activité et de la place de ces professionnels au sein de la communauté du « prendre soin ».
J’ai entendu le terme « anecdotique » pour qualifier cette mesure ; ce n’est pas adéquat, tant s’en faut ! Ce dispositif sera, selon le bon vouloir des départements expérimentateurs et avec l’accompagnement de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), la clef pour ouvrir l’accès à des avantages associés, qui faciliteront énormément la vie de ces professionnels. C’est donc une mesure que je salue.
Au-delà de cette réforme d’ampleur pour l’autonomie, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale manifeste l’engagement social du Gouvernement, qui n’est pas des moindres. Ainsi, nous prévoyons plus de 10 milliards d’euros d’augmentation salariale, nous ouvrons la voie à de nombreuses innovations en matière d’accès aux soins et nous engageons le remboursement des consultations d’un psychologue.
Nous consacrons ces droits nouveaux par la solidarité nationale, tout en tirant les leçons de la crise sanitaire. Ainsi, nous accélérons l’innovation en santé, nous renforçons notre souveraineté pharmaceutique et – je crois que nous pouvons tous nous en féliciter – nous favorisons l’accès aux droits sociaux des Français.
Je note naturellement avec satisfaction que les débats que nous avons eus au sein de la Haute Assemblée ont permis d’améliorer ce texte.
Je tiens donc à saluer les évolutions consensuelles rendues possibles par cet examen.
La première réside dans le relèvement de 1,7 milliard d’euros de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) pour 2021, afin de tirer les conséquences des surcoûts liés à l’épidémie de covid-19 et de garantir l’entrée en vigueur, dès novembre 2021, des revalorisations salariales découlant des accords dits « Laforcade » pour le personnel des établissements et services pour personnes handicapées, comme l’a annoncé le Premier ministre en début de semaine dernière.
Il s’agit ensuite de la revalorisation, à hauteur de 183 euros par mois, des revenus des professionnels exerçant dans des foyers et des établissements du handicap, qui sont à la charge des départements. Cette revalorisation sera intégralement compensée par la CNSA, avec le souci d’éviter toute iniquité entre deux soignants exerçant le même métier mais dans des structures financées par des acteurs différents. Cette philosophie s’appliquera également aux résidences autonomie, dont tous les soignants verront leur rémunération revalorisée grâce au Ségur de la santé.
Troisième évolution consensuelle : l’élargissement du périmètre d’intervention du Fonds de lutte contre les addictions, afin de lutter contre de nouvelles accoutumances, en particulier du jeune public, qui s’adonne à de nouveaux usages problématiques : jeux, paris sportifs ou encore écrans.
Enfin, je veux souligner deux avancées importantes, pour lesquelles de nombreux parlementaires s’étaient mobilisés : l’extension à 24 ans de l’âge jusqu’auquel les enfants majeurs peuvent bénéficier du régime local d’assurance maladie d’Alsace-Moselle comme ayant droit de leurs parents, ce qui permettra de garantir un meilleur accès des jeunes aux soins ; et la mise en place d’un capital-décès pour les familles des non-salariés agricoles, qui permettra d’apporter un soutien financier à ces familles lorsqu’elles sont confrontées au décès d’un des leurs à la suite d’une maladie, d’un accident de la vie privée ou d’un suicide.
Ce sont de belles avancées, que votre travail et votre mobilisation auront permis d’intégrer dans ce texte pour améliorer l’accès aux soins et la protection de nos concitoyens. (M. Xavier Iacovelli applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après l’échec de la commission mixte paritaire du 16 novembre dernier, l’Assemblée nationale a adopté, lundi soir, en nouvelle lecture, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022.
Elle a conservé quelques apports du Sénat – trop peu nombreux, il faut le souligner – dont vous trouverez le détail, mes chers collègues, dans mon rapport. En clair, sans les amendements gouvernementaux, relatifs notamment au budget ou au Ségur de la santé, on ne serait pas passé loin du duplicata du texte issu de la première lecture de l’Assemblée nationale…
Rappelons néanmoins les avancées permises par le Sénat : l’extension des revalorisations issues du Ségur de la santé à certaines professions du secteur médico-social ; la suppression du plafonnement de la participation de la CNSA au financement des dépenses induites, pour les départements, par l’avenant 43 de la convention collective de la branche de l’aide à domicile, adoptée sur l’initiative du rapporteur pour la branche autonomie, Philippe Mouiller ; les conditions de réalisation par les orthoptistes d’actes en accès direct, précisées grâce à l’adoption d’un amendement de Corinne Imbert, rapporteure pour la branche maladie ; ou encore l’extension du droit à un capital-décès aux ayants droit des non-salariés agricoles, adoptée sur l’initiative conjointe de Françoise Férat, d’Henri Cabanel et du Gouvernement.
Pour autant, à mes yeux, le compte n’y est pas, loin de là, et les différences entre le texte soumis en nouvelle lecture et celui que nous avons adopté en première lecture sont considérables.
Tout d’abord, l’Assemblée nationale a rétabli l’article 23, qui approuve l’annexe B du PLFSS. Certes, ce rétablissement d’un article obligatoire d’une loi de financement est logique, ne serait-ce que pour assurer la régularité du texte, mais il est décevant, dans la mesure où cette annexe ne prévoit toujours pas de stratégie de retour à l’équilibre des comptes de la sécurité sociale après la crise.
De plus, même en tenant compte de l’amélioration de la conjoncture économique, la trajectoire financière de l’annexe B fait toujours apparaître un plateau de déficit à un niveau insoutenable à l’horizon de 2025 – environ 13 milliards d’euros – et des déficits cumulés de 135,6 milliards d’euros sur la période 2020-2025. Comment espérer, dans ces conditions, avoir apuré la dette sociale d’ici à fin 2033, comme le prévoit la loi organique ? Cet article reste donc inacceptable, même dans sa nouvelle rédaction.
Pourquoi l’équilibre représente-t-il un objectif impérieux ? Parce que, par définition, le déséquilibre est inconfortable sur la durée. La dette corsète, anéantit, obère, réduit toute forme de générosité à l’avenir.
L’Assemblée nationale a également rétabli l’article 5, qui organise la prise en charge d’investissements hospitaliers par la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades). Or, vous le savez, le Sénat s’est constamment opposé au transfert à cette caisse d’une partie de la dette hospitalière, considérant, d’une part, que c’est à l’État d’assumer le coût de ses promesses et, d’autre part, que l’on ne peut pas mélanger n’importe quoi avec la dette sociale si l’on ambitionne vraiment d’apurer celle-ci un jour.
Dans cette logique, le Sénat s’oppose encore plus au financement par la Cades d’investissements nouveaux et ne pourra donc accepter le retour de l’article 5. La Caisse n’est pas un fonds d’investissement !
Par ailleurs, l’Assemblée nationale a supprimé les mesures adoptées par le Sénat afin d’améliorer l’équilibre de l’année 2021. Il en est ainsi de l’augmentation du rendement de la contribution exceptionnelle des organismes complémentaires d’assurance maladie (OCAM). Il en va de même de l’amendement tendant à prévoir la compensation intégrale, pour la sécurité sociale, du coût de la subvention de l’Agence nationale de santé publique (Santé publique France), qui a explosé pour la deuxième année consécutive, toujours sans la moindre consultation du Parlement.
De manière plus structurelle, l’Assemblée nationale a également supprimé l’article 58 bis que le Sénat avait introduit sur l’initiative du rapporteur pour la branche vieillesse, René-Paul Savary.
Je le rappelle, cet article prévoyait la convocation d’une conférence de financement réunissant les représentants des organisations syndicales des salariés et des employeurs ainsi que des représentants de l’État, pour formuler des propositions destinées à ramener à l’équilibre financier l’ensemble des régimes de retraite de base en 2030. Ce dispositif prévoyait également que, à défaut d’accord, des mesures paramétriques entreraient en vigueur au 1er janvier 2023, relatives à l’âge de départ, à la durée de cotisation et à l’alignement des régimes spéciaux.
Enfin, les députés ont rétabli de nombreux articles que nous qualifions de « cavaliers sociaux », car ils sont étrangers au domaine des lois de financement de la sécurité sociale, et ont été introduits dans ce texte simplement pour masquer l’absence d’une véritable loi Grand Âge ou d’une loi sur les professions de santé.
Je conclurai en faisant une observation particulière sur les amendements identiques, à l’article 54, émanant de la commission et de Jean-Marie Vanlerenberghe, ancien rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ces amendements tendaient à fixer le principe d’une détermination, par la loi, du montant des dotations de l’assurance maladie aux divers fonds et organismes qu’elle subventionne.
Le fait de n’avoir pas conservé cette disposition est particulièrement décevant et, je me permets de vous le dire, madame la ministre, il augure très mal de la possibilité d’obtenir un accord de commission mixte paritaire sur la proposition de loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale.
Vous comprendrez donc, mes chers collègues, que, au moment de cet examen, nous sommes en quelque sorte parvenus au terme du dialogue utile entre les deux assemblées dans le cadre de cette navette. C’est la raison pour laquelle, au vu de la profondeur des divergences qui subsistent, la commission des affaires sociales, qui s’est réunie ce matin, proposera au Sénat une motion tendant à opposer la question préalable au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022.
Je souhaite terminer par une observation : la loi n’est plus le fruit d’une réflexion parlementaire, d’une analyse contradictoire menée entre deux chambres et, personnellement, je le regrette. Elle semble être devenue un instrument de communication. On n’ouvre plus le débat, on le ferme d’avance. C’est dommage…
M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli.
M. Xavier Iacovelli. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici à nouveau réunis pour examiner en nouvelle lecture le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022.
Il s’agit d’un texte important, ambitieux, puisqu’il traduit les engagements du Gouvernement pris dans le cadre du Ségur de la santé et les revalorisations salariales historiques décidées au cœur de ces discussions.
Une nouvelle fois, l’examen du PLFSS est un moment charnière pour notre pays, car ce texte consacre de nombreuses avancées répondant aux attentes des Français dans toute leur pluralité.
Je pense notamment à la possibilité de se faire prescrire des lunettes chez un orthoptiste, alors que, nous le savons, le délai moyen d’attente chez les ophtalmologues atteint six mois.
Je pense également à la généralisation de la télésurveillance pour les 20 millions de Français atteints de maladies chroniques, afin de renforcer la prise en charge effective de ces patients, ainsi qu’à l’octroi automatique de la complémentaire santé solidaire aux bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) et à la simplification de son attribution aux bénéficiaires du minimum vieillesse.
Je pense, enfin, au remboursement à 100 % de la contraception pour les 3 millions de femmes âgées de moins de 26 ans, véritable mesure de justice sociale, puisque les études montrent que l’achat de moyens de contraception est le plus souvent le fait des femmes.
Nous en avons débattu en première lecture, je ne m’y attarderai donc pas, mais il semble essentiel de rappeler que chaque article de ce texte représente une avancée et une amélioration d’ordre social pour nos concitoyens.
Pour autant, nous sommes conscients des désaccords qui persistent entre les deux chambres. Nous les entendons et nous les respectons, car ils constituent l’intérêt même du débat législatif. Cette nouvelle lecture aurait permis d’en débattre. Ce ne sera vraisemblablement pas le cas puisque, une fois de plus, la majorité sénatoriale, avec l’appui de la gauche de l’hémicycle, a décidé de déposer une motion tendant à opposer la question préalable.
Cette alliance semble devenir une habitude au sein de la Haute Assemblée, surtout lorsqu’il s’agit de limiter le débat budgétaire : après le rejet du projet de loi de finances pour 2022, le budget de la sécurité sociale subira le même sort.
La fin d’un cycle de discussion, selon vous, mes chers collègues ? Quel dommage… Il me semble que les modifications introduites au Sénat et conservées par l’Assemblée nationale nous démontrent l’inverse.
Je pense ainsi aux garanties, ajoutées à l’article 40, permettant d’améliorer l’accès à la filière visuelle ou aux mesures, inscrites à l’article 13, concernant les indépendants. Certains articles ajoutés dans cet hémicycle ont été conservés, tels que la suppression du plafond de la participation à la CNSA ou encore l’assouplissement des conditions de dispensation, par le pharmacien, de produits de santé aux patients atteints de maladies chroniques après expiration de l’ordonnance.
Oui, l’Assemblée nationale a apporté des modifications, et c’est son rôle. Mais cela aurait pu aussi être le nôtre aujourd’hui.
Nous nous félicitons ainsi de la réintroduction de l’article 5, essentiel à nos yeux. De même, la réintroduction du rapport sur la contraception masculine ou encore la suppression de la énième réforme des retraites déguisée sont des modifications que le groupe RDPI soutient.
Un certain nombre de dispositions que nous promouvions ont été adoptées conformes à l’Assemblée nationale. Ainsi, nous nous félicitons que les exigences d’interopérabilité applicables aux dispositifs médicaux aient été maintenues, tout comme l’extension du champ du Fonds de lutte contre les addictions à toutes les formes d’addictions, afin d’y inclure les nouvelles pratiques.
Vous défendez le bicamérisme dans toutes vos expressions publiques, mes chers collègues, mais, dans les faits, vous le fragilisez par vos postures !
En outre, ce PLFSS est d’autant plus essentiel que la cinquième vague nous rappelle l’épidémie qui persiste et l’engagement de tous face à celle-ci.
Nous pensons que le budget de la sécurité sociale mérite mieux qu’une énième manœuvre politicienne (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.), mais nous devons nous en remettre, à contrecœur, au travail de nos collègues députés…
4
Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire
M. le président. Madame la ministre déléguée, mes chers collègues, j’ai le plaisir de saluer, dans la tribune d’honneur, une délégation conduite par M. Bodo Ramelow, ministre-président du Land de Thuringe et président du Bundesrat allemand. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mme la ministre déléguée chargée de l’autonomie, se lèvent.)
Elle est accompagnée par nos collègues Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères et de la défense, et Ronan Le Gleut, président du groupe interparlementaire d’amitié France-Allemagne, ainsi que par son excellence M. Hans-Dieter Lucas, ambassadeur de la République fédérale d’Allemagne en France.
La délégation a été reçue ce matin en audience puis à déjeuner par le président Gérard Larcher. Cette rencontre entre les présidents du Bundesrat et du Sénat s’inscrit dans le cadre d’une coopération étroite et de longue date.
Un nouvel élan a été donné à la relation entre les deux institutions par la signature, le 19 mars 2019, d’une déclaration commune entre le Sénat et le Bundesrat, dans le contexte de la nouvelle orientation donnée à la relation franco-allemande par le traité d’Aix-la-Chapelle. Cette coopération se poursuit, dans le cadre du « triangle de Weimar », avec le Sénat de Pologne.
Partageant de nombreux sujets d’intérêt commun, notamment en matière de questions européennes, de coopération décentralisée et transfrontalière et de subsidiarité, le Sénat et le Bundesrat apportent une contribution essentielle à la relation entre la France et l’Allemagne. La visite du président du Bundesrat est ainsi l’occasion de manifester le profond attachement du Sénat à l’amitié franco-allemande et à son rôle majeur au sein de l’Union européenne.
Les travaux conjoints entre nos deux institutions se poursuivront très prochainement, dans le cadre de la vingt et unième rencontre des groupes d’amitié du Sénat et du Bundesrat, qui se tiendra à Berlin, à l’invitation du Bundesrat, du 9 au 11 décembre prochains, et dans le cadre du volet parlementaire de la présidence française de l’Union européenne, qui débutera le 1er janvier 2022, au cours de laquelle le couple franco-allemand aura un rôle éminent à jouer.
Mes chers collègues, en votre nom à tous, permettez-moi de souhaiter à M. Bodo Ramelow et à sa délégation la plus cordiale bienvenue au Sénat français. (Applaudissements.)
5
Financement de la sécurité sociale pour 2022
Suite de la discussion en nouvelle lecture et rejet d’un projet de loi
M. le président. Nous reprenons l’examen du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, de financement de la sécurité sociale pour 2022.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission mixte paritaire réunie sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 n’est pas parvenue à un accord.
Les divergences entre le Sénat et l’Assemblée nationale portent essentiellement sur trois points : la question des retraites, avec l’adoption par le Sénat de l’amendement de René-Paul Savary tendant à reporter l’âge de départ à la retraite à 64 ans ; la suppression par la Haute Assemblée de la trajectoire pluriannuelle des comptes sociaux à l’article 23 du texte ; et notre opposition à l’article 5, relatif à la reprise d’une partie de la dette hospitalière par la Cades.
Ces points de désaccord ont motivé la décision de la majorité des sénateurs du groupe Les Indépendants – République et Territoires de s’abstenir sur le vote final en première lecture.
En dépit de ces divergences, l’examen du texte par le Sénat a permis d’apporter des améliorations bienvenues. Je suis en effet favorable au dispositif de conventionnement sélectif des médecins après six mois de remplacement dans un désert médical, ainsi qu’aux zones franches médicalisées. Nous regrettons que ces dispositifs aient été supprimés par l’Assemblée nationale. Franck Menonville et moi avions proposé des dispositifs similaires ainsi qu’un amendement visant à astreindre les jeunes médecins diplômés à exercer, pendant un an, dans un désert médical. Le développement de la télémédecine peut apporter des solutions complémentaires.
Les mesures de revalorisation salariale issues du Ségur de la santé pourront bénéficier à l’ensemble du secteur médical et médico-social, ce qui représente une avancée importante.
L’automatisation du versement des pensions alimentaires, destinée à limiter les risques d’impayé, et la prise en charge de la contraception pour les femmes de moins de 26 ans représentent également de réelles avancées.
Je rejoins la volonté du Gouvernement d’ouvrir les Ehpad vers l’extérieur, mais je regrette la suppression de la disposition issue de mon amendement, pourtant adopté au Sénat avec l’accord du ministre, tendant à ouvrir les pôles d’activités et de soins adaptés des Ehpad aux personnes âgées vivant à domicile et souffrant de troubles cognitifs. Ce dispositif aurait été très facilement applicable.
Malheureusement, le financement de la cinquième branche de la sécurité sociale est très insuffisant, même si le maintien à domicile constitue un début.
L’augmentation du budget pour l’emploi dans les Ehpad inscrite dans le présent PLFSS s’élève à seulement 200 millions d’euros, ce qui correspond, pour 7 500 Ehpad, à un demi-emploi par établissement. (Mme la ministre déléguée chargée de l’autonomie marque son désaccord.) Les 10 000 emplois représentent un seul emploi par Ehpad jusqu’en 2025. Les astreintes des infirmières apporteront, selon nous, très peu à ces établissements.
Pour une prise en charge décente de nos aînés, il faudrait financer 5 soignants supplémentaires par Ehpad, soit 40 000 emplois, ce qui impliquerait un investissement de 2 milliards d’euros sur trois ou quatre ans. Cette trajectoire permettrait d’améliorer la prise en charge des personnes âgées ainsi que les conditions de travail des soignants, dans un contexte d’augmentation du degré de dépendance globale, qui se situe en moyenne à près de 750 points dans le calcul du groupe iso-ressources moyen pondéré (GIR moyen pondéré ou GMP).
Nous devons anticiper l’évolution de l’accélération du vieillissement de la population. Le personnel et les directions des Ehpad attendent ces mesures depuis longtemps. Nous regrettons que ces dispositifs n’aient pas été maintenus.
En dépit de ces réserves, le groupe Les Indépendants – République et Territoires est favorable à l’examen en nouvelle lecture de ce texte.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme la présidente de la commission et Mme Brigitte Devésa applaudissent également.)
M. René-Paul Savary. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le Gouvernement revient, en nouvelle lecture, devant la Haute Assemblée avec un projet sensiblement identique à celui qui nous a été transmis en première lecture. Même si ce n’est pas une surprise pour nous, nous regrettons que le Gouvernement et sa majorité aient balayé la quasi-totalité des propositions du Sénat.
Nous avions fait le choix de prendre nos responsabilités, afin de préserver à long terme la solidité de notre modèle social. Telle a été notre boussole pour la branche vieillesse : équilibrer notre système de retraite par répartition, auquel nous sommes tous attachés. Avec un déficit qui devrait atteindre 10 milliards d’euros d’ici à 2025, il est urgent non pas d’attendre mais d’agir ! C’est la place des seniors dans notre société qui est en cause.
Il est vrai que plusieurs solutions peuvent théoriquement être choisies pour ramener notre système de retraite à l’équilibre, mais nous avons toujours écarté la diminution des pensions et l’augmentation des cotisations ; en outre, nous estimons que le recours à la dette n’est pas une solution, car celle-ci devra tout de même être remboursée par les générations futures. La dette compromet le principe même de la répartition.
Dès lors, seuls le report de l’âge de départ à la retraite et l’accélération de l’allongement de la durée de cotisation, ainsi que le Sénat l’avait proposé, sont à même de prévenir le désastre annoncé et d’éviter la paupérisation des retraités. Cette perspective financière de la branche vieillesse est d’autant plus inquiétante que la baisse de la natalité se confirme année après année.
Moins de naissances aujourd’hui, c’est moins d’actifs demain pour cotiser. Aujourd’hui, on dénombre 2,1 actifs pour un retraité ; en 2040, il n’y en aura plus que 1,5, mais, avec une baisse de la natalité plus forte que prévu, ce ratio pourrait encore s’aggraver.
Il est donc regrettable que la branche famille fasse l’objet, une fois encore, de si peu de mesures dans le PLFSS, alors que la politique familiale dans notre pays a besoin d’une renaissance. Ce manque de mesures ambitieuses est incompréhensible au regard de la situation de la branche.
On mesure les conséquences sur la politique familiale du fait de n’être pas revenu sur l’universalité des prestations. Le défaut de mesures est également évident lorsque nous examinons la branche autonomie. Les constats et les besoins sont connus depuis plusieurs années. Or cette branche achève son premier exercice en déficit, lequel devrait doubler en 2022 pour s’établir à 900 millions d’euros. Cette situation ne devrait connaître aucune amélioration avant l’affectation à la branche, en 2024, d’une fraction de la CSG.
Nous avons approuvé l’extension des mesures du Ségur de la santé en faveur du secteur médico-social, mais cette politique des petits pas visant à ajuster au coup par coup des mesures en faveur du personnel provoque des incompréhensions et ne fait qu’aggraver les difficultés de recrutement rencontrées dans de nombreuses structures.
La question du financement de la perte d’autonomie ne trouve pas non plus de réponse dans ce PLFSS. Afficher une branche autonomie à crédit, c’est remettre en cause une politique de l’autonomie fondée sur une solidarité intragénérationnelle.
En matière de santé, nous avons adopté les revalorisations salariales issues du Ségur, lesquelles, pour justifiées qu’elles soient, grèvent de 10 milliards d’euros par an, et de manière pérenne, les comptes de l’assurance maladie.
Force est de constater que le Gouvernement, en l’absence de réforme – organisationnelle ou managériale – profonde de l’hôpital, ne répond ni au malaise des personnels soignants ni à l’aggravation de la perte d’attractivité de l’hôpital.
Par ailleurs, hormis une place faite à l’accès à l’innovation, que nous saluons, sur le volet du médicament, la branche maladie contient des mesures très disparates et dont l’objet ne présente que des liens indirects avec une loi de financement.
Si nous comprenons l’intention du Gouvernement de faciliter l’accès direct à certains professionnels, nous considérons que ces mesures, tout en remettant en question le parcours de soins et le rôle du médecin référent, auraient plutôt trouvé leur place dans une loi Santé.
Par ailleurs, en matière de déficit de l’offre médicale, l’amendement que le Sénat a adopté n’avait qu’un seul objectif : ne pas mettre en place un conventionnement sélectif, ce qui reviendrait à supprimer encore davantage la liberté d’installation. Là encore, il est urgent d’agir : la colère monte, l’exaspération s’amplifie !
L’ensemble des territoires est concerné par le manque de médecins. Le fait que plus de 8 % de la population, soit environ 5,4 millions de personnes, n’aient pas de médecin traitant n’est pas acceptable. Vous avez certes augmenté le numerus clausus, mais les effets ne sont pas immédiats.
Il est donc essentiel d’appliquer au plus vite l’article 2 de la loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé, qui dispose : « Les étudiants de médecine générale réalisent au cours de la dernière année du troisième cycle de médecine au minimum un stage d’un semestre… » – et non d’un an, mon cher docteur Chasseing – « … en pratique ambulatoire. Ce stage […] est effectué sous un régime d’autonomie supervisée ». Chaque année, plus de 3 900 internes pourraient donc exercer dans les territoires.
Le secrétaire d’État Adrien Taquet s’est engagé à ce que ce dispositif soit concrètement mis en œuvre au premier trimestre de l’année prochaine. J’aurais aimé que vous nous le répétiez, madame la ministre.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Je n’ai pas besoin de répéter les propos de M. Taquet !
M. René-Paul Savary. Nous ne pouvons que former le vœu que cela se produise le plus rapidement possible.
Cette mesure, qui apporte du temps médical en plus, est la meilleure réponse à donner. Elle doit être partagée avec l’ensemble des instances médicales, qu’il faut convaincre – c’est votre job, madame la ministre.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. C’est ensemble que nous devons les convaincre, monsieur Savary !
M. René-Paul Savary. Il est urgent d’apporter des réponses à la désertification médicale et de favoriser l’installation de médecins dans les zones sous-dotées. C’est l’une des premières préoccupations, à juste titre, de nos concitoyens et des élus.
Par ailleurs, certaines mesures votées dans le cadre de ce texte doivent nous interroger sur la définition même d’une loi de financement de la sécurité sociale.
Trois principes doivent prévaloir dans la répartition des actes médicaux entre médecins, spécialistes ou non, et paramédicaux, dans le respect du médecin référent.
Tout d’abord, cela ne peut réussir qu’avec l’accord de toutes celles et tous ceux qui ont l’habitude de travailler ensemble, dans la confiance, en complémentarité, et non pas en concurrence.
Ensuite, avant tout traitement, on pose un diagnostic – c’est le médecin qui parle –, notamment différentiel, pour éliminer les pathologies plus lourdes ou plus insidieuses. (Mme Marie Mercier opine.)
Enfin, tout acte médical ou paramédical engage la responsabilité non seulement de son effecteur, mais aussi de son prescripteur.
Ce n’est donc pas à travers des amendements au projet de loi de financement de la sécurité sociale que ces décisions peuvent être prises de façon sereine, mais bien plutôt dans un cadre conventionnel ou partenarial entre professionnels de santé. Et il ne s’agit surtout pas d’un moyen de résoudre la complexité des déserts médicaux ou paramédicaux – il est rarement question de ces derniers, mais ils sont tout aussi réels.
Mme Marie Mercier. Tout à fait !
M. René-Paul Savary. Pour conclure, faire payer aux générations futures notre modèle social, c’est remettre en cause ses fondements mêmes : pour la branche maladie, utiliser le système social de remboursement en fonction de ses besoins et payer en fonction de ses moyens ; pour la branche vieillesse, les cotisations des actifs actuels servent à payer les pensions des retraités d’aujourd’hui.
Pour toutes ses raisons, et au titre de notre attachement à notre modèle social, le groupe Les Républicains votera la motion tendant à opposer la question préalable proposée par la commission des affaires sociales. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel.
Mme Mélanie Vogel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à peine avons-nous terminé l’examen éreintant de ce PLFSS 2022 qu’il revient au Sénat presque comme s’il n’y était jamais entré.
Les modifications apportées au texte grâce aux travaux de la commission des affaires sociales et à l’examen en séance publique ont été balayées une par une par la majorité gouvernementale à l’Assemblée nationale.
Avec ce PLFSS, le bicamérisme français devient un fantôme. Cette année encore, la loi sera écrite par Emmanuel Macron et aucune objection n’aura été entendue, certainement pas celles du Sénat, renvoyé au silence de façon quelque peu insupportable.
Sur le fond, qu’avons-nous donc à dire d’un texte qui ne semble pas nous appartenir sinon que, encore une fois, les Ondam prévisionnels des établissements de santé sont inférieurs aux besoins réels et que les hôpitaux semblent condamnés à la crise perpétuelle. En témoignent les restructurations brutales qui privent de soignants, de lits et d’hôpitaux de proximité des territoires entiers : 25 établissements étaient fermés l’an dernier, de même que 5 700 lits d’hospitalisation complète, tandis que les soignants en première ligne continuent de se battre contre le covid.
À la dette des hôpitaux se conjuguera celle, organisée, de la branche autonomie, à laquelle aucune ressource nouvelle n’est attachée. Nous avions adopté un amendement tendant à instaurer une contribution de 1 % sur les capitaux, mais il fut, bien évidemment, vite balayé par la majorité gouvernementale pour qui la stabilité des dividendes est manifestement plus importante que les conditions de travail des aides à domicile et la qualité du soin dû à toute personne en perte d’autonomie.
Cela résulte finalement d’une logique que la philosophe Joan Tronto, théoricienne féministe du « care », résumait en ces termes : « Pourquoi ne respectons-nous pas les personnes qui prennent soin des gens, des animaux et de l’environnement autant, sinon plus, que les personnes qui font et gèrent l’argent ? Parce qu’il existe, dans nos sociétés, une compétition, entre la logique de la richesse capitaliste et celle du “soin”, et jusqu’à présent, en tant que société, nous nous sommes continuellement rangés du côté de la richesse. »
Bien sûr, nous nous réjouissons de l’extension du Ségur au secteur du médico-social et à celles et ceux qui en avaient été arbitrairement exclus.
Nous saluons également les nouvelles dispositions, retoquées ici même, visant à promouvoir la prise en charge de la contraception masculine : il s’agit d’une avancée vers un partage réel de la charge mentale liée à la contraception.
Nous saluons encore le retrait d’un amendement, adopté dans cet hémicycle, visant à reculer l’âge de départ à la retraite. Mais nous restons conscientes et conscients que les députés de La République En Marche ne nous accordent cette faveur que pour mieux y revenir l’année prochaine si, par malheur, ils en avaient l’occasion.
Nous restons aussi conscientes et conscients du chemin immense qui reste à parcourir pour sortir les politiques de santé des rivets de l’austérité et des préoccupations avant tout économiques, et pour construire enfin une démocratie écologique du soin.
Si nous actons donc certaines avancées du projet de loi, nous en récusons la forme qui semble faire fi du bicamérisme démocratique, et nous en récusons surtout la logique austéritaire qui se refuse à aller chercher les ressources nécessaires au redressement durable de l’hôpital, à la lutte contre l’intensification de la pauvreté et à la couverture de la branche autonomie.
Pour ces raisons, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires s’opposera à ce projet de loi et votera en faveur de la motion tendant à opposer la question préalable.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, alors que la pandémie de covid-19 repart en flèche, j’ai une pensée pour l’ensemble des personnels des hôpitaux qui doivent, en sous-effectifs, et en ressentant une forme de déconsidération de la part des directions d’établissements et du Gouvernement, soigner les patients.
Malheureusement, ce budget de la sécurité sociale pour 2022 ne répond pas plus que le Ségur de la santé à l’urgence de la situation. Il ne prévoit aucune mesure pour rattraper le retard ni investir dans l’avenir.
Les échéances politiques à venir ont sans aucun doute joué sur l’examen de ce PLFSS. Malgré le désaccord en commission mixte paritaire, le Gouvernement et la droite sénatoriale partagent bien la même vision : j’en veux pour preuve les trente-huit articles adoptés conformes par le sénat.
Le déficit de 15 milliards d’euros de la sécurité sociale à l’horizon 2025 est sciemment organisé : on agite un chiffon rouge pour mieux justifier les futures économies, déjà programmées. C’est ainsi que la majorité sénatoriale a motivé le report à 64 ans de l’âge de départ à la retraite. Il faut reconnaître votre esprit de suite, mes chers collègues, puisque vous votez cette mesure depuis 2018, alors même que les comptes de l’assurance vieillesse étaient quasiment à l’équilibre et que nous ne connaissions pas de crise sanitaire !
À l’inverse du projet gouvernemental et de celui de la majorité sénatoriale, nous portons un projet politique qui rétablit la justice sociale et qui met le capital à contribution.
Ainsi, nous proposons de supprimer les 75 milliards d’euros d’exonération de cotisations sociales pour les investir dans un grand plan de renforcement du service public hospitalier, avec le recrutement de 100 000 personnels.
Nous proposons également de mettre à contribution les revenus financiers afin de créer un grand service public de l’autonomie, madame la ministre, avec la formation et le recrutement, sur trois ans, de 300 000 personnels dans les Ehpad et, sans attendre, de 100 000 dans le secteur des aides à domicile.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. En un an, 100 000 personnes ? Il va falloir les trouver…
Mme Laurence Cohen. Nous proposons encore de mettre à contribution les laboratoires pharmaceutiques pour financer un pôle public du médicament et des produits de santé qui garantisse notre souveraineté sanitaire et l’arrêt des pénuries de médicaments.
Parallèlement, nous défendons, à l’échelle européenne, la levée des brevets et des droits de propriété intellectuelle pour garantir l’accès de l’ensemble des peuples au vaccin contre la covid-19, bien commun de l’humanité. Je vous appelle d’autant plus à agir en ce sens, madame la ministre, qu’avec la quatrième dose de vaccination, c’est le jackpot assuré pour quelques grands laboratoires !
Enfin, nous proposons de lutter véritablement contre la fraude patronale aux cotisations sociales et d’investir ces 80 milliards d’euros pour augmenter le nombre de professionnels formés et développer des centres de santé dans chaque département, afin de lutter contre les déserts médicaux.
Ce PLFSS n’a rien d’exceptionnel, malgré vos grands et beaux discours. Il poursuit les mêmes logiques et prévoit les mêmes remèdes qui font que l’hôpital, le secteur médico-social et notre système de santé et de protection sociale sont aujourd’hui à bout de souffle.
En trente ans, 40 % des lits de réanimation ont disparu. Pensez-vous sérieusement que 5 000 lits de « réa » soient aujourd’hui suffisants en France ?
La crise sanitaire a été révélatrice du manque de moyens accordés à la santé : les urgences demeurent en grande difficulté, les services de réanimation sont saturés et nous connaissons de gros problèmes pour recruter des personnels médicaux et paramédicaux. Malgré tout, vous avez continué, en pleine crise, de fermer 5 700 lits.
Changer totalement de logique est une urgence pour améliorer les conditions de travail des soignants, afin de les fidéliser et aussi de faire revenir celles et ceux qui ont quitté l’hôpital découragés, épuisés…
Caroline Brémaud, cheffe de service des urgences du centre hospitalier de Laval, m’a dit, à juste titre, que le premier médicament pour soulager un patient était l’humain, le temps passé aux côtés des malades plutôt qu’à remplir des tableaux ou à codifier !
C’est parce que ce PLFSS 2022 ne lui en donnera pas les moyens, ni à elle ni à aucun autre de ses collègues, que le groupe communiste républicain citoyen et écologiste votera contre ce projet de budget de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Henno. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Michel Laugier applaudit également.)
M. Olivier Henno. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme chaque année, nous voilà contraints de nous réunir à nouveau pour étudier ce projet de loi de financement de la sécurité sociale après l’échec de la commission mixte paritaire.
Le sentiment du groupe Union Centriste, après ce nouvel échec des discussions avec l’Assemblée nationale, est plus que mitigé. Nous nous interrogeons notamment sur la capacité du Gouvernement à écouter une voix différente de la sienne.
Nos divergences politiques sont nombreuses et nous voyons un clivage clair entre nos deux assemblées : une façon différente d’aborder le débat sur les finances de notre sécurité sociale. Nos critiques sur ce texte sont, elles aussi, assez claires ; nous ne nous en sommes pas cachés en première lecture. Je souhaite en relever quatre aujourd’hui.
Tout d’abord, nous déplorons un projet peu ambitieux, muet sur les perspectives financières de la sécurité sociale, et, pire encore, qui ne propose aucune solution pour sortir de la dette abyssale dans laquelle est plongée notre assurance maladie.
Il nous semble urgent de définir une stratégie de retour à l’équilibre des comptes de la sécurité sociale après la crise. C’est le sens du vote de suppression de l’article 23 par notre assemblée, sur la proposition de Mme la rapporteure générale : maintenir jusqu’en 2025 un déficit de plus de 10 milliards d’euros est inenvisageable. Nous avons la responsabilité d’agir sur cette question. C’est moins un manque de moyens qu’une absence de réformes structurelles que nous critiquons.
Ensuite, comme je l’ai souligné voilà quelques jours lors de mon explication de vote, une partie conséquente des nouvelles mesures sont arrivées sur la table de travail de nos assemblées par des amendements gouvernementaux. C’est à la fois le signe d’une forme d’impréparation et, comme l’a souligné notre présidente Catherine Deroche en commission mixte paritaire, d’une forme de désinvolture du Gouvernement sur ce texte.
Notre troisième opposition concerne la reprise de la dette hospitalière par la branche maladie. Nous partageons le constat du Gouvernement sur la nécessité d’engager les établissements assurant le service public hospitalier dans une trajectoire vertueuse de désendettement et d’investissement. Mais ce n’est pas à la sécurité sociale d’éponger leurs dettes : c’est le rôle de l’État.
Enfin, notre quatrième opposition a pour objet le transfert financier entre les branches famille et maladie – René-Paul Savary l’a rappelé –, visant à compenser la prise en charge par cette dernière des indemnités journalières dérogatoires pour garde d’enfants.
En tant que rapporteur de la branche famille, je m’oppose formellement à ce qu’elle serve de « sixième roue du carrosse », si vous me permettez l’expression. Notre démographie est en berne. Les jeunes parents ne trouvent pas le mode de garde adéquat pour leurs enfants. Le modèle de la famille française évolue : il a besoin du soutien de l’État et d’une véritable politique ambitieuse, qui accompagne et qui donne un cap. Si le Gouvernement préfère regarder ailleurs et réorienter les financements de nos aides publiques aux familles, tel n’est pas notre choix ni celui du Sénat.
Nous regrettons enfin que plusieurs amendements particulièrement intéressants, déposés par notre groupe, ne figurent pas dans la version finale du texte. Je pense notamment à l’extension des garanties complémentaires au risque de perte d’autonomie chez un proche, portée par Jocelyne Guidez, à la pérennisation de l’exonération de cotisation spécifique à l’emploi de travailleurs saisonniers demandeurs d’emploi (TO-DE) dans le secteur agricole, portée par Valérie Létard, et à la dérogation à la limitation à cinq ans du statut de conjoint collaborateur, portée par Élisabeth Doineau.
Toutefois, pour équilibrer mon propos, je souhaite terminer par les moins mauvaises nouvelles de cette commission mixte paritaire : nous avons adopté conformes trente-huit articles, parmi lesquels la quasi-totalité des articles récapitulatifs.
Nous avons conservé l’esprit de nombreux autres articles. Parmi ces points d’accord figurent l’amélioration de l’indemnisation des victimes professionnelles de pesticides, l’extension des revalorisations du Ségur de la santé aux personnels du secteur médico-social, le tarif plancher national pour les services à domicile, la revalorisation et l’extension de l’allocation journalière du proche aidant ou encore l’assouplissement du cumul emploi-retraite pour les soignants mobilisés pendant la crise sanitaire.
Pour ce qui concerne la branche famille, dont j’ai la responsabilité, le Sénat a adopté la généralisation de l’intermédiation des pensions familiales.
De même, dix-huit amendements du Sénat ont été repris dans le texte de l’Assemblée nationale, dont un seul avait été adopté contre l’avis du Gouvernement.
Nous nous félicitons notamment que l’amendement de notre collègue Françoise Férat concernant l’extension du droit à un capital décès aux ayants droit des non-salariés agricoles figure dans la version finale du texte.
Regrettant l’absence de convergence des assemblées sur ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, dont l’enjeu financier dépasse les 550 milliards d’euros, et formant des vœux pour que cette situation cesse dès l’an prochain, nous voterons en faveur de la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, sans surprise, la commission mixte paritaire n’est pas parvenue à un accord, et nous le déplorons.
Les points de divergence entre nos deux assemblées étaient, semble-t-il, trop profonds et trop nombreux. Je pense notamment au rejet du financement de la dette hospitalière par la Cades ou encore à la réforme paramétrique du système de retraite. Sans surprise également, l’Assemblée nationale a, cette année encore, rétabli l’essentiel du texte qu’elle avait adopté en première lecture.
C’est la raison pour laquelle la commission nous proposera, dans quelques instants, d’adopter une motion tendant à opposer la question préalable. Ce sera la troisième fois cette semaine que notre assemblée, pourtant reconnue pour la richesse de ses échanges, refusera de débattre. Le groupe RDSE déplore profondément ce positionnement qui aboutit à un monocamérisme de fait.
Ce PLFSS comporte pourtant un certain nombre de mesures positives, qui ont d’ailleurs fait l’objet d’un consensus entre nos deux assemblées.
Je pense, par exemple, à l’extension des revalorisations du Ségur de la santé aux personnels du secteur médico-social, en première ligne pendant de longs mois, et qui ont été le seul lien avec l’extérieur pour des millions de personnes âgées et handicapées.
Je pense aussi à l’instauration d’un tarif plancher pour la rémunération des personnels des services d’aide et d’accompagnement à domicile, à la prise en charge intégrale de l’ensemble des frais liés à la contraception pour les femmes de moins de 26 ans, même si nous regrettons que la mesure n’ait pas été étendue à la contraception masculine.
Je pense encore à l’accès direct à certains professionnels de santé. Comme l’a rappelé ma collègue Véronique Guillotin, la médecine de ville est en crise et ces expérimentations permettront de libérer du temps médical.
L’expérimentation de la prise en charge de substituts nicotiniques délivrés par les pharmaciens sans ordonnance est une bonne chose, alors que le tabagisme reste la première cause de décès évitable.
Je pense, enfin, à la suppression de la surcotisation salariale sur la prime de feu versée aux sapeurs-pompiers professionnels. Cette disposition avait été adoptée par le Sénat dans le PLFSS pour 2021 avant d’être rejetée, à l’époque, par nos collègues députés.
Par ailleurs, certaines dispositions introduites au Sénat ont été maintenues par l’Assemblée nationale. Je pense tout particulièrement à la mise en place d’un capital décès, destiné à apporter un soutien financier aux familles des non-salariés agricoles, lorsqu’elles sont confrontées au décès d’un des leurs après une maladie, un accident de la vie privée ou un suicide. Cette mesure est une avancée significative pour l’accompagnement des agriculteurs en détresse, sujet porté depuis longtemps par notre collègue Henri Cabanel.
Les députés ont toutefois supprimé de nombreuses mesures introduites au Sénat, que le RDSE aurait souhaité voir figurer dans le texte final, au nombre desquelles figurent : la pérennisation du dispositif TO-DE, c’est-à-dire l’exonération de cotisations patronales pour l’emploi de travailleurs occasionnels-demandeurs d’emploi ; la prise en compte des revenus réels de l’année pour le calcul des cotisations des agriculteurs ; l’extension aux EPCI du bénéfice des exonérations de cotisations patronales sur l’emploi d’aides à domicile ; l’alignement de la fiscalité du tabac à chauffer sur celle des cigarettes ; ou encore la mise en place d’une taxe sur la publicité en faveur des jeux d’argent en ligne… Je pense également à la création de zones franches médicales, levier supplémentaire pour lutter contre la désertification médicale.
Pour autant, nous regrettons une nouvelle fois que cette ultime discussion ne puisse avoir lieu au sein de notre assemblée. Je le répète, le RDSE est profondément attaché au débat entre les deux chambres, à chaque fois que cela est possible. C’est la raison pour laquelle nous ne soutiendrons pas la motion tendant à opposer la question préalable, qui nous empêche de poursuivre nos débats. (MM. Xavier Iacovelli et Claude Malhuret applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Bernard Jomier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le texte que nous avons à examiner de nouveau comporte une série de dispositions dont nous avons déjà largement débattu.
Je ne reviendrai pas sur le fait qu’il s’agit d’un budget de fin de quinquennat, avec peu de nouveautés. Il porte donc des enjeux relatifs et circonscrits, en esquivant, comme je l’ai déjà souligné, les questions pourtant centrales de l’autonomie et de la dépendance, de l’organisation du système de santé ou encore de fiscalité.
Aussi, le texte qui nous revient confirme le maintien d’une sécurité sociale structurellement déficitaire, ce que nous regrettons. Le maintien de cette dette continue de transmettre un message politique négatif, celui d’un système de protection sociale qui coûterait trop cher.
En cela, la création d’une branche autonomie originellement déficitaire nous interroge sur le sens que souhaite donner le Gouvernement à cette cinquième branche. Nous regrettons d’ailleurs que l’Assemblée nationale ait supprimé un amendement que nous avions porté, et que le Sénat avait adopté, visant à instaurer une contribution de solidarité de la finance en faveur de l’autonomie à hauteur de 1 % des revenus des valeurs mobilières, alors que ce dispositif permettait concrètement de remédier à ce déficit.
Mais il est vrai que votre majorité, madame la ministre, a supprimé quasiment tous les apports du Sénat… Et si le dialogue ne peut se poursuivre, c’est sans doute en raison de l’échec de la commission mixte paritaire, mais surtout parce que le « sagouinage » du texte opéré à l’Assemblée nationale rend vain tout dialogue.
Pour ce qui concerne les professions de santé, et ce en dépit de toutes les contestations des professionnels visés à travers un corpus d’articles dont la plupart ont été ajoutés par voie d’amendement, nous constatons une fois encore un problème de méthode et de vision qui consiste à imposer, verticalement, un bouleversement de notre système de soins et des rapports entre professionnels de santé.
Certes, nous avons dit que des évolutions étaient nécessaires, mais elles nécessitent une concertation en profondeur et un dialogue interprofessionnel nourri qui, seuls, permettent de contribuer à une amélioration de l’accès aux soins.
Le retour à la mouture initiale du texte de l’Assemblée nationale sur presque tous ces articles témoigne d’un manque de considération pour les corps intermédiaires, contribuant à des tensions entre professionnels et ne permettant pas d’avancer collectivement dans le même sens.
Bien d’autres dispositions mériteraient d’être commentées, mais je me bornerai à évoquer la situation de notre système de soins et de nos hôpitaux, dont chacun connaît la gravité.
Le budget 2022, post-crise covid – espérons-le ! –, aurait pu et aurait dû répondre à l’urgence de notre système de soins et à la détresse de ses acteurs. Au lieu d’établir des réformes d’ordre structurel, dont la pandémie a permis de souligner le besoin, ce budget s’attache à perpétuer, sans les remettre en cause, des logiques comptables, administratives et bureaucratiques qui minent l’hôpital.
Répétons-le, les départs de soignants sont quotidiens, de même que les fermetures de lits, qui en sont une conséquence. L’épuisement est général. Mais tout cela, manifestement, n’est pas suffisamment grave pour que le PLFSS y apporte des réponses claires.
J’espère que la santé occupera une place centrale dans la campagne présidentielle. Les perceptions sur les questions de santé ont changé à l’issue de la crise : chacun a pu prendre la mesure de l’importance de ce service public, de ce bien qui a sauvé des vies et qui protège notre société. Nous espérons, avec l’appui de l’ensemble des professionnels du soin et du médico-social, réussir à tirer vers le haut les propositions qui seront faites à cette occasion, ce PLFSS ayant été un rendez-vous manqué.
Pour ce faire, il convient de partir des besoins des territoires, de proposer d’entreprendre des réformes de fond, pour adapter ensuite nos arbitrages. À cet égard, nous avons largement répété que l’outil de régulation que constitue l’Ondam était dépassé. La maîtrise qu’il porte s’impose avant toute délibération sur les besoins en santé, dans nos territoires comme au Parlement. Il doit être réévalué et transformé pour s’adapter à notre système hospitalier.
Comme c’était déjà le cas voilà un peu plus d’une semaine, ce PLFSS ne correspond toujours pas à ce que nous attendons d’une réelle politique de santé et de protection sociale.
Le chemin qu’il nous faut prendre pour déterminer les besoins en santé de la Nation, pour mieux y répondre et endiguer définitivement cette crise profonde que vivent nos soignants, est celui de la démocratie. Le Parlement, les acteurs de santé, les élus locaux et nos concitoyens demandent à être associés à ces choix si fondamentaux pour notre collectivité nationale. Nous devons les entendre et agir en conséquence.
En attendant de voir ce chemin se dessiner, nous voterons contre ce texte, dont nous considérons qu’il n’est pas à la hauteur des attentes, des besoins et des réalités.
Pendant deux ans, la sécurité sociale a maintenu et protégé notre société. Nous avons tous été personnellement témoins de son action concrète. Un consensus a été trouvé ici, dans nos rangs, sur l’aspect essentiel des métiers et des dispositifs qui nous ont permis de faire face.
Tous ces discours doivent maintenant se traduire en actes pour mettre en œuvre les réformes nécessaires et permettre à notre sécurité sociale d’assurer à l’avenir l’ensemble des missions de protection sociale dont notre démocratie peut être fière. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par Mme Doineau, au nom de la commission, d’une motion n° 6.
Cette motion est ainsi rédigée :
Considérant que si un accord est intervenu entre les deux assemblées sur certains articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale, des points de désaccord subsistent sur des aspects aussi décisifs que l’absence de stratégie de retour à l’équilibre des comptes de la sécurité sociale à l’issue de la crise, le montant de la compensation de l’État à la sécurité sociale de l’augmentation du budget de Santé publique France en 2021, la prise en charge par la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) d’une partie de la dette et des investissements des hôpitaux, la détermination en LFSS du montant des dotations de la branche maladie aux organismes qu’elle subventionne, ou encore la nécessité d’engager dès à présent la concertation sur le retour à l’équilibre financier de la branche vieillesse ;
Considérant que la trajectoire financière quadriennale présentée par le Gouvernement est incompatible avec l’objectif d’apurement de la dette sociale au 31 décembre 2033 ;
Considérant que la non-compensation au juste niveau du budget de l’Agence nationale de santé publique (ANSP) détériore artificiellement le déficit de la sécurité sociale en 2021 comme en 2020, et rendra plus douloureuses les mesures à prendre pour revenir à l’équilibre des comptes ;
Considérant que la prise en charge par la Cades, à la place de l’État, d’une partie de la dette et des investissements des hôpitaux est totalement injustifiée sur le plan des principes et crée un précédent dangereux de transfert d’une charge indue à cette caisse ;
Considérant qu’il est indispensable que le Parlement se prononce sur le montant des dotations que les régimes obligatoires de base de sécurité sociale versent aux fonds, organismes et agences qu’ils subventionnent ;
Considérant qu’il est nécessaire d’affirmer dès à présent la nécessité de corriger les déséquilibres structurels de la branche vieillesse et de mobiliser les partenaires sociaux à cette fin dans les meilleurs délais ;
Le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour la motion.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, afin de ne pas être itérative, et puisque vous connaissez tous nos grandes divergences avec l’Assemblée nationale sur le présent texte, la commission des affaires sociales, réunie ce matin, a décidé de proposer au Sénat d’opposer la question préalable sur ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.
M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour explication de vote.
M. Xavier Iacovelli. Une fois de plus, la majorité sénatoriale, soutenue cette fois par la gauche de cet hémicycle, entend se soustraire à son travail de législateur.
En tout état de cause, nous prenons acte de la position de la majorité sénatoriale de s’exonérer d’un nouveau débat, et nous le regrettons. En effet, défendre le bicamérisme, c’est justement accepter le débat et les désaccords légitimes qui peuvent exister entre la majorité et l’opposition, ainsi qu’entre l’Assemblée nationale et le Sénat. Ces désaccords ne sont pas nouveaux ; ils font partie du jeu démocratique et nous sommes capables de les surmonter, dans l’intérêt des Français.
Défendre le bicamérisme, c’est aussi sortir des postures politiciennes, a fortiori lorsqu’il s’agit de débattre du budget de la sécurité sociale, dont nous connaissons l’importance au quotidien pour nos concitoyens.
Vous évoquez systématiquement la nécessité de respecter le Sénat, et nous partageons cette conviction. Mais pensez-vous que celui-ci sorte grandi de cette séquence budgétaire, lorsque les sénateurs s’exonèrent de leurs prérogatives et se privent de débattre sur les deux textes budgétaires en deux jours ?
Vous défendez le bicamérisme dans toutes vos expressions publiques, mais dans les faits, vous le fragilisez par vos postures. Je sais que nous connaissons une séquence politique particulière ; le calendrier électoral intéresse d’ailleurs bien davantage les appareils politiques que les Français… (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
L’examen du budget de la sécurité sociale, mes chers collègues, n’est ni le congrès des Républicains ni un énième lancement de campagne présidentielle avorté ! Soyons à la hauteur des enjeux et des défis qui attendent notre pays et auxquels le budget de la sécurité sociale apporte des réponses concrètes.
Madame la rapporteure générale, nous nous retrouverons certainement sur d’autres combats, notamment la protection de l’enfance. Pour l’heure, le groupe RDPI votera contre cette motion tendant à opposer la question préalable.
M. Laurent Burgoa. Quelle surprise !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Nous votons contre ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, mais nous ne soutenons pas pour autant la motion tendant à opposer la question préalable. La gauche est plurielle, cher Xavier Iacovelli !
En effet, dans le premier considérant, les auteurs de la motion déplorent « l’absence de stratégie de retour à l’équilibre des comptes de la sécurité sociale à l’issue de la crise ». Mes chers collègues, vous êtes aveugles et sourds à ce qui se passe dans vos départements !
L’hôpital est au bord du gouffre, voire pire. Le plan blanc est utilisé pour rappeler le personnel et assurer l’activité quotidienne, alors qu’il est conçu pour faire face aux catastrophes naturelles ou aux attentats.
L’urgentiste Gérald Kierzek déplore qu’aient été ouverts des lits de réanimation éphémères, et non des lits de médecine pérenne. Un autre urgentiste, Patrick Pelloux, déclare : « Nous ne sommes pas au bord du précipice. Nous sommes dedans. Mais les malades ont besoin de nous, alors nous continuons à travailler. »
Il n’est pas possible de continuer à rogner sur les dépenses de santé ! Il faut de nouvelles recettes pour la sécurité sociale, comme nous l’avons proposé. Or le Gouvernement comme la majorité sénatoriale le refusent. En réalité, ils sont d’accord sur le fond, et nous ne partageons pas leur avis.
Enfin, dans le sixième considérant, les auteurs de la motion affirment, une fois de plus, qu’il convient de retarder l’âge de départ à la retraite en le fixant à 64 ans.
Ces mesures sont dévastatrices pour notre système de santé et de protection sociale. Ces logiques mettent à bas notre système hospitalier et elles épuisent les personnels, lesquels quittent l’hôpital sur la pointe des pieds car ils n’en peuvent plus. Pourtant, vous persistez à dire qu’il faudra un retour à l’équilibre après la crise…
Ce n’est pas cette politique que nous soutenons ! Par conséquent, nous ne voterons pas la motion tendant à opposer la question préalable.
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Notre collègue qui soutient la majorité présidentielle vient de nous expliquer que nous ne voulions pas dialoguer. Or, je le redis, l’Assemblée nationale a « sagouiné » le travail du Sénat !
Sur certains amendements, les divergences sont logiques ; nous assumons les différences politiques et chacun exprime ses convictions. Mais permettez-moi de prendre un exemple précis : notre collègue Michelle Meunier a fait voter dans cet hémicycle un amendement visant à garantir aux personnes en situation de handicap le libre choix de leur fauteuil roulant. Nos collègues députés ont trouvé intelligent de le supprimer… Quand on « passe le kärcher », on essaye de le faire intelligemment !
Que l’on ne vienne pas dire maintenant au Sénat qu’il refuse de discuter !
Le vote sur cette motion est de procédure, il ne s’agit pas d’un vote pour ou contre ce projet de budget. Pour notre part, nous avons déjà exprimé notre position lors de la précédente délibération : nous sommes contre le texte du Gouvernement. Or le projet de loi qui nous revient est strictement celui du Gouvernement et de sa majorité à l’Assemblée nationale.
Nous avons tenté de proposer quelques apports. Ainsi, nous sommes favorables au retour à l’équilibre des comptes de la sécurité sociale, mais en travaillant notamment sur les recettes. Nous avons ainsi fait voter un amendement visant à rétablir l’équilibre de la branche autonomie au travers d’un prélèvement sur les valeurs mobilières.
Nous pouvons être en désaccord avec vous, mais en l’occurrence nous avons avancé des propositions et vous les avez toutes balayées. (Mme Laure Darcos acquiesce.) Dans ces conditions, à quoi bon continuer à discuter durant des heures dans cet hémicycle ?
Nous estimons donc qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur ce texte et nous voterons en faveur de cette motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Ce PLFSS présente des avancées, notamment la généralisation du Ségur de la santé à l’ensemble du personnel médico-social, auquel je rends hommage. Je regrette que les points de désaccord n’aient pu être surmontés.
Le report de l’âge de la retraite à 64 ans est une proposition qui sera nécessaire dans l’avenir, au vu de la diminution du nombre de cotisants et de l’augmentation du nombre de retraités.
La suppression par le Sénat de la trajectoire pluriannuelle des comptes sociaux est plus problématique, étant donné la persistance de la pandémie. Il faut revenir le plus vite possible à l’équilibre, sans sacrifier le financement de la santé, mais aussi sans augmenter les cotisations des entreprises afin de maintenir leur compétitivité et de favoriser l’emploi et l’augmentation du nombre de cotisants. Il s’agit, bien sûr, d’une démarche incertaine.
Pour ce qui concerne la reprise d’une partie de la dette hospitalière par la Cades, il faudrait définir un pourcentage des 13 millions d’euros correspondant à l’endettement des hôpitaux pour financer leurs équipements, ce qui peut relever de la compétence de la sécurité sociale.
Le Gouvernement renonce au plan Grand âge, sauf pour le maintien à domicile. C’est un début. Mais le texte ne prévoit pas une prise en charge suffisante de la dépendance en Ehpad pour les années à venir. Ces mesures de projections financières étaient pourtant nécessaires et attendues.
Malgré ce renoncement à un réel financement de la prise en charge de la dépendance, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera contre la motion tendant à opposer la question préalable. (M. Xavier Iacovelli applaudit.)
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. Jean-François Husson. Allez, René-Paul !
M. René-Paul Savary. Je le dis très sereinement (Sourires.), à chacun ses positions ! Jusqu’à présent, tout se passait bien ! On a heureusement le droit de penser différemment et, au sein d’une démocratie, c’est tout à fait essentiel. Pour notre part, nous avons toujours conservé la même attitude, et ce n’est pas la première fois que nous refusons une deuxième lecture au motif que les avancées d’un texte sont insuffisantes.
Il ne s’agit pas de faire de procès d’intention ou d’essayer de convaincre les uns et les autres ; nous défendons des positions justifiées et argumentées ! On peut toujours remettre en cause certains points, mais une chose est claire pour nous : nous ne souhaitons pas que notre modèle social soit financé par le biais d’une dette que l’on « refilera » aux générations suivantes.
Vous pouvez tout de même comprendre cela, monsieur Iacovelli ! Pour votre part, le texte vous satisfait : on paye par l’intermédiaire d’une nouvelle caisse, la Cades, et l’on invente une dépense qui se transforme en produit financier… « Tout va très bien, madame la marquise ! »
Mais il faudra bien rembourser la dette. Prolonger la Cades jusqu’en 2034, cela s’appelle de la cavalerie ! (Marques d’assentiment sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-François Husson. Très juste !
M. René-Paul Savary. Cela ne peut pas tenir, surtout à un moment où la crise sanitaire redémarre et où, même si la croissance repart, un certain nombre d’entreprises ont des difficultés à trouver des produits de première nécessité, ce qui entraînera une flambée des prix et, ensuite, une augmentation de l’inflation qui modifiera les taux d’intérêt.
Dans ce contexte, votre modèle ne tient pas. Et si jamais devait apparaître – je ne le souhaite pas ! – une autre crise sanitaire, plus grave, avec un virus résistant au vaccin, continuerions-nous à emprunter « quoiqu’il en coûte » ?
Cette politique est dangereuse ! C’est la raison pour laquelle nous devons alerter les Français. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour explication de vote.
M. Olivier Henno. Nous avons eu un beau débat sur le présent PLFSS. Il n’y avait pas de jeux de dupes, chacun défendait ses convictions et le ministre qui siégeait au banc expliquait la politique du Gouvernement. En revanche, monsieur Iacovelli, on sentait dès le début qu’il n’y avait pas de volonté d’aboutir.
M. Xavier Iacovelli. De notre côté ou du vôtre ?
M. Olivier Henno. Je parlais du Gouvernement. Je pensais que vous étiez parlementaire, mon cher collègue. Vous n’êtes pas encore ministre ! (Rires et applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.) Cette « assimilation » est en effet amusante et curieuse…
M. Xavier Iacovelli. Pas d’interpellation personnelle !
M. Olivier Henno. Par ailleurs, j’enregistre avec humour votre plaidoyer pour le bicamérisme, que nous avons entendu avec plaisir : nous aurons l’occasion de nous en souvenir !
S’agissant de la dette, ceux qui se pencheront sur notre époque constateront que rarement dans l’Histoire autant de moyens ont été déployés – certes justifiés par la crise du covid-19 – sans qu’une réflexion soit menée sur la réforme structurelle de l’hôpital et de la médecine de ville. C’est une occasion manquée !
Nous voterons, bien évidemment, en faveur de cette motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix la motion n° 6, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 52 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 343 |
Pour l’adoption | 277 |
Contre | 66 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 est rejeté.
6
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 30 novembre 2021 :
À neuf heures trente :
Questions orales.
À 14 h 30
Débat sur le thème « La contribution des politiques d’appui aux collectivités à l’aménagement et la cohésion des territoires » ;
Débat sur le thème « Quelle action de la France pour prendre en compte l’enjeu environnemental ? » ;
Débat sur le thème « La perte de puissance économique de la France (notamment en termes de compétitivité, d’innovation et de recherche) et ses conséquences sur la situation sociale et le pouvoir d’achat ».
Le soir :
Débat sur le thème : « Quel bilan de l’action du Gouvernement en matière de justice et de sécurité ? ».
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à quinze heures quarante-cinq.)
Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
ÉTIENNE BOULENGER