Mme la présidente. Nous passons à la présentation des amendements du Gouvernement.
Articles 1er à 9 bis
Mme la présidente. Sur les articles 1er à 9 bis, je ne suis saisie d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?…
Le vote est réservé.
article 10
Mme la présidente. L’amendement n° 1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 21
Supprimer la référence :
5° bis,
La parole est à M. le secrétaire d’État.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Avis favorable.
Mme la présidente. Sur les articles 11 à 14, je ne suis saisie d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?…
Le vote est réservé.
Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur la proposition de loi.
Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, le Sénat examinant après l’Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, il se prononce par un seul vote sur l’ensemble du texte en ne retenant que les amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur la proposition de loi.
proposition de loi portant diverses dispositions relatives au haut conseil des finances publiques et à l’information du parlement sur les finances publiques
TITRE Ier
DISPOSITIONS RELATIVES AU HAUT CONSEIL DES FINANCES PUBLIQUES
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TITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES À L’INFORMATION DU PARLEMENT LORS DE L’EXAMEN DU PROJET DE LOI DE FINANCES SUR LES MESURES FISCALES ADOPTÉES DEPUIS LE DÉPÔT DU PROJET DE LOI DE FINANCES DE L’ANNÉE PRÉCÉDENTE
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TITRE III
DISPOSITIONS DIVERSES
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Article 6
I. – Le chapitre unique du titre III du livre III du code des juridictions financières est ainsi modifié :
1° À l’article L. 331-1, les mots : « l’impact économique, social et budgétaire » sont remplacés par les mots : « les incidences économiques, sociales, budgétaires et financières » ;
2° L’article L. 331-3 est ainsi modifié :
a) Après la première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Il peut également être saisi pour avis, dans les mêmes conditions, en vue d’apprécier les incidences économiques, sociales, budgétaires et financières de toute modification de la législation ou de la réglementation en matière d’impositions de toutes natures ou de cotisations sociales. » ;
b) La seconde phrase est remplacée par deux phrases ainsi rédigées : « Les résultats de ces études et avis sont transmis au Premier ministre et aux mêmes commissions. Ils sont rendus publics. » ;
3° L’article L. 331-4 est ainsi modifié :
a) La deuxième phrase est supprimée ;
b) À la dernière phrase, le mot : « il » est remplacé par les mots : « le président » ;
c) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Le premier président de la Cour des comptes nomme en qualité de vice-président du Conseil des prélèvements obligatoires un président de chambre de la Cour des comptes, en activité ou honoraire. Le vice-président participe à toutes les séances du Conseil des prélèvements obligatoires. Il n’a voix délibérante, dans les mêmes conditions que le président, qu’en l’absence de ce dernier. » ;
4° Au huitième alinéa de l’article L. 331-5, les mots : « agrégés des facultés de droit et de sciences économiques » sont remplacés par les mots : « des universités ou directeurs de recherche des disciplines juridiques, politiques, économiques et de gestion, » ;
5° Au premier alinéa de l’article L. 331-6, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « trois » ;
6° L’article L. 331-8 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le président peut désigner, pour une durée d’un an, au plus quatre personnalités qualifiées, afin d’éclairer les délibérations du Conseil des prélèvements obligatoires. Ces personnalités qualifiées assistent aux réunions du conseil mais n’ont pas voix délibérative. » ;
7° L’article L. 331-9 est ainsi modifié :
a) Les mots : « et de la politique économique » sont remplacés par les mots : « , le directeur général des finances publiques » ;
b) Les mots : « et le directeur général des collectivités locales » sont remplacés par les mots : « , le directeur général des collectivités locales, le directeur général des entreprises et le directeur général de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale ».
II. – Le 4° du I entre en vigueur lors du prochain renouvellement des membres du Conseil des prélèvements obligatoires.
Le 5° du même I est applicable au mandat des membres du Conseil des prélèvements obligatoires en cours lors de la publication de la présente loi.
Article 7
À compter du 1er janvier 2023, le I de l’article 18 de la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 est abrogé.
Articles 8 et 9
(Supprimés)
Mme la présidente. Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisie d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?…
Le vote est réservé.
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi organique et de la proposition de loi dans la rédaction résultant des textes élaborés par les commissions mixtes paritaires, texte modifié par l’amendement adopté par le Sénat pour la proposition de loi organique, je vais donner la parole, pour explication de vote, à un représentant par groupe.
La parole est à M. Rémi Féraud, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
M. Rémi Féraud. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi et de la proposition de loi organique de modernisation des finances publiques a donc été conclusive.
Ces textes visent principalement à modifier la LOLF, avec pour objectif affiché d’améliorer l’information du Parlement sur les finances publiques, nos outils d’analyse, et de réorganiser la discussion parlementaire de nos lois financières pour en assurer une meilleure lisibilité. Il s’agit aussi d’introduire davantage de cohérence dans le cours de la discussion, de renforcer la programmation pluriannuelle des finances publiques et, surtout, le contrôle effectif de la mise en œuvre desdites lois.
Chacun de nous étant soucieux d’améliorer le travail parlementaire, il n’était pas difficile de trouver un terrain d’entente sur un certain nombre de points, même si, sur le fond, nous trouvons, pour notre part, que les apports de ce texte restent trop limités.
C’est surtout vrai pour les dispositions visant à contrôler la dépense publique, dont la portée, à notre avis, reste trop limitée. Ainsi, les lois de programmation pluriannuelle n’ont et n’auront jamais aucune autorité sur les lois de finances de l’année. Le Parlement peut très bien élaborer une loi de programmation sur plusieurs années et voter l’année suivante un budget en totale contradiction.
Ces textes ne s’appliqueront par ailleurs qu’à compter du prochain budget, autrement dit sous la prochaine législature, le prochain quinquennat, avec des règles européennes qui auront peut-être évolué d’ici là.
Nous nous étions d’ailleurs interrogés en septembre dernier sur la réelle nécessité d’inscrire l’examen de ces textes à l’ordre du jour d’une session extraordinaire.
Au moins, aujourd’hui, le calendrier du Sénat n’est pas encombré ; profitons-en pour faire aboutir ce texte dont l’initiative revient, rappelons-le, à l’Assemblée nationale.
En première lecture, notre groupe avait présenté plusieurs amendements visant à en améliorer le fond. Nous défendions ainsi la nécessité de mieux encadrer les niches fiscales et de renforcer l’évaluation des dépenses fiscales, sans pour autant nier leur utilité, mais surtout de mieux mettre en perspective, dans le débat budgétaire, la trajectoire des recettes.
Cependant, la dette a encore une fois été le fil rouge de nos débats : tout l’accent a été mis sur les dépenses et très peu d’intérêt a été accordé aux recettes. Pourtant, comment peut-on parler de dette sans évoquer l’investissement public, les services publics ou la transition écologique, et sans prendre en compte la capacité contributive du pays et les enjeux de redistribution ?
En somme, même si nous saluons la qualité des débats, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, et la volonté commune de moderniser la LOLF sans la vider de son sens ni de son esprit, il nous semble que la présente proposition de loi organique reste une occasion partiellement manquée de rendre possible un débat collectif annuel sur l’ensemble de nos choix collectifs, c’est-à-dire aussi sur le niveau de la fiscalité, la redistribution et les grands enjeux auxquels l’État peut répondre.
Les auteurs de la proposition de loi organique affirment qu’elle est « politiquement neutre » et sans impact sur la nature des choix politiques qui seront faits à l’avenir. Ce n’est pas tout à fait vrai, car la discussion budgétaire se concentre sur les dépenses et la dette, comme si les ressources de l’État ne pouvaient pas, elles aussi, être pilotées.
Reconnaissons néanmoins que ce texte évite finalement des dispositions plus contraignantes et controversées, qui n’auraient pas été acceptables de notre point de vue. Tant mieux !
Enfin, je me félicite que soit préservée une initiative du Sénat, à savoir l’autonomie financière des établissements du réseau de coopération et d’action culturelle français à l’étranger. La suppression de cette autonomie financière représentait un vrai danger pour nos instituts, qui aurait pu conduire à une absence totale de flexibilité pour cet outil indispensable à notre présence dans le monde.
Une fois admis que ces établissements à autonomie financière ne peuvent aisément s’adapter à la LOLF, c’est bien à celle-ci qu’il revenait de s’adapter aux statuts de ces établissements et à la réalité de leur fonctionnement. Tel sera désormais le cas. En tant que rapporteur spécial des crédits de la mission « Action extérieure de l’État », et en compagnie de mon collègue Jean-Yves Leconte, qui s’est beaucoup investi sur ces sujets, je m’en réjouis.
Je conclurai mon propos en saluant le travail commun de Jean-François Husson et Claude Raynal, rapporteurs pour le Sénat de ces commissions mixtes paritaires. Ils ont veillé, dans un esprit de responsabilité et de compromis, à aboutir à des textes acceptables sur lesquels, en cohérence avec notre vote en première lecture, nous nous abstiendrons aujourd’hui. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nadège Havet, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Mme Nadège Havet. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous revenons cet après-midi, de façon commune, sur deux compromis trouvés entre le Sénat et l’Assemblée nationale. Mes collègues du groupe RDPI et moi-même nous prononcerons en faveur des conclusions de ces deux commissions mixtes paritaires.
Nous saluons le travail accompli de longue date dans ce domaine. Je pense tout d’abord à la mission d’information de la commission des finances de l’Assemblée nationale sur la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances. Je salue également l’engagement de nos collègues députés et, en particulier, du président de la commission des finances, M. Éric Woerth, et de son rapporteur général, M. Laurent Saint-Martin. Ils ont pris l’initiative de ces deux textes, déposés à la suite des travaux de cette mission d’information, qui seront donc bientôt mis en œuvre.
Il appartiendra aux pouvoirs publics de s’emparer de ce nouveau cadre organique. Comme cela a déjà été précisé, ce cadre redéfini ne s’inscrit aucunement dans une politique d’austérité, mais vise à atteindre un objectif bienvenu d’efficacité et de lisibilité.
Parmi les ambitions de la LOLF figurait le passage d’une logique de moyens à une logique de résultat. Ce développement d’une culture de la performance passait par une plus grande responsabilisation des gestionnaires et par une indispensable réduction des dépenses de l’État.
Vingt ans après, force est de constater que la LOLF n’a pas été un outil aussi efficace que l’on aurait pu l’espérer pour endiguer les déficits successifs et que les gestionnaires publics n’ont pas pleinement su adopter cette culture de la performance. Il nous reste encore du chemin à parcourir…
Il nous faudra également renforcer les liens entre l’examen du budget de l’État et le suivi des dépenses de sécurité sociale et de celles des collectivités, dont le montant cumulé dépasse de loin celles de l’État.
Il nous faudra également renforcer le rôle du Parlement et les pouvoirs d’évaluation et de contrôle des deux commissions des finances, afin de rendre possible un véritable chaînage vertueux entre l’évaluation des résultats passés, l’autorisation budgétaire pour l’année à venir, la programmation pluriannuelle et l’exécution en cours d’année. Cet esprit animait, il y a vingt ans déjà, les fondateurs de la LOLF ; il devra continuer de nous animer dans les années à venir.
En dotant notre constitution financière d’outils nécessaires aux pouvoirs publics, ces dispositions, une fois adoptées, permettront de gérer plus convenablement les nouveaux enjeux propres aux finances publiques, issus de la crise de la covid-19.
Nous sommes par ailleurs unanimes à partager les objectifs défendus, à savoir un meilleur pilotage des dépenses et de la dette publiques, organisé de façon pluriannuelle, une application plus stricte de nos principes budgétaires et un rôle accru du Parlement dans le contrôle des politiques publiques en la matière.
Plusieurs compromis ont ainsi pu être trouvés, notamment sur la discussion des taxes affectées, le calendrier respectif du rapport et du débat sur la dette publique, ou encore la distinction entre investissement et financement.
La recherche du compromis est toujours nécessaire. Le trouver est toujours une satisfaction. Rappelons qu’il n’est possible que lorsqu’il y a débat !
Mme la présidente. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
M. Emmanuel Capus. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons deux textes importants, quoique moins polémiques que le précédent : d’une part, une proposition de loi organique visant à modifier la loi organique relative aux lois de finances, d’autre part, une proposition de loi ordinaire relative au Haut Conseil des finances publiques.
En cette période budgétaire quelque peu houleuse, l’examen de ces deux textes fait l’effet – pour nous tous, je crois – d’un havre de paix au milieu d’une mer agitée. Tâchons d’apprécier le moment : je doute qu’il y en ait d’autres cette année ! (Sourires.)
À quelques mois de l’élection présidentielle, il n’est pas commun de faire émerger un tel consensus, qui dépasse les clivages ordinaires entre les deux chambres comme entre les groupes politiques. Je tiens à cet égard à saluer le travail sérieux et courageux mené de concert par le rapporteur général et le président de la commission des finances.
Au fond, la raison de ce consensus est assez simple : ces deux textes ne fixent pas, à proprement parler, de cap politique ; ils redéfinissent plutôt le cadre dans lequel ont lieu les débats sur la politique budgétaire. Pour user d’une métaphore sportive, il s’agit là de changer les règles du jeu et non de jouer un match. Sans surprise, ces débats soulèvent donc moins de passions que les textes budgétaires ordinaires, mais ils n’en sont pas moins importants.
Plus fondamentalement, comme j’avais eu l’occasion de le dire en septembre dernier lors de la première lecture, je crois que ces deux textes marquent trois avancées majeures pour l’orientation de nos finances publiques.
La première avancée, c’est un renforcement, dans les documents budgétaires, de la distinction entre dépenses de fonctionnement et dépenses d’investissement. Pour beaucoup d’élus locaux, cette distinction tombe sous le sens, car ils la font au quotidien dans leur collectivité. Je suis satisfait que le Parlement s’inspire de cette bonne pratique, qui est issue, si je puis dire, du terrain.
La deuxième avancée, c’est une révision du calendrier budgétaire à l’aune de la pratique parlementaire. Là encore, je crois que ces textes tirent les bons enseignements de deux décennies d’examen des textes budgétaires dans le cadre fixé par la LOLF. En particulier, la suppression du débat d’orientation des finances publiques et la création d’une nouvelle catégorie de lois de finances pour clore les exercices budgétaires vont dans le bon sens ; ils n’ont d’ailleurs guère soulevé de débats. Je me réjouis aussi que notre assemblée puisse se prononcer régulièrement sur la soutenabilité de notre dette publique, ainsi que sur la situation financière des collectivités.
La troisième et dernière avancée, c’est un renforcement de la programmation des finances publiques. J’espère que cette nouvelle pratique nous permettra enfin de mieux piloter nos dépenses et nos investissements sur le temps long et de résorber ainsi notre déficit public. Il s’agit en effet d’un préalable indispensable pour engager, dès le début du prochain quinquennat, la diminution de notre dette publique.
Vous l’aurez compris, notre groupe votera ces deux textes, qui vont dans le bon sens.
Pour conclure, mes chers collègues, je me permets de partager avec vous une remarque de fond sur le calendrier assez improbable de ces deux textes. Il est en effet saisissant que nous décidions de renforcer la programmation de nos finances publiques, alors même que nous sortons à peine d’une crise sanitaire et économique dont personne n’avait prévu l’ampleur. Autrement dit, c’est après avoir constaté que la dépense publique a quelque chose de fondamentalement imprévisible que nous choisissons de renforcer l’effort de prévisibilité.
M. Jean-François Husson, rapporteur. C’est bien ce que nous avons dit au Gouvernement !
M. Emmanuel Capus. Espérons que ces textes nous aideront effectivement à assainir nos finances publiques. Comme l’aurait dit Barack Obama en 2008, il ne faut jamais gâcher une crise ! (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – Mme Sylvie Vermeillet applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jérôme Bascher. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, quelle complexité que celle d’une loi organique relative aux lois de finances, qui doit nécessairement marier technique, consensus et politique ! Ces deux derniers mots forment d’ailleurs bien souvent un oxymore…
Comme tous ceux qui m’ont précédé à cette tribune, je me réjouis du consensus trouvé sur ce texte. On pourrait être tenté d’en soustraire les abstentions, mais celles-ci ne comptent pas comme un vote : il y a donc bien consensus ! Pour autant, ce n’est pas la Révolution française, ni même la révolution accomplie il y a vingt ans, quand on est passé du néant en matière de gestion des finances publiques à une loi organique, quand a été institué l’examen des crédits budgétaires par missions et programmes, quand a été instauré le principe de fongibilité asymétrique. Sur tous ces points, nul n’est revenu.
Ces textes comportent à l’évidence beaucoup d’avancées techniques dont il faut se réjouir. Sans doute une nouvelle loi organique devra-t-elle être élaborée prochainement, quoique MM. Raynal et Husson aient bien signalé les réticences ab initio que notre commission des finances et le Sénat tout entier pouvaient avoir en la matière. En effet, de nouvelles règles européennes vont s’appliquer dès l’année prochaine, et il serait de bon goût que notre législation organique leur soit congruente, comme en conviendra le président de notre commission des affaires européennes.
On se réjouit évidemment de la rationalisation du calendrier budgétaire. On se satisfait aussi de ce que, quand les déficits seront notifiés à Bruxelles, on aura pu en discuter auparavant, ne serait-ce qu’un tout petit peu, au Parlement français. On redonne ainsi à la France et à son Parlement la priorité, avant l’Union européenne ! C’était, me semble-t-il, un souhait de nos compatriotes ; en tout cas, c’était celui du Sénat, qui semble avoir fait florès du côté du Palais Bourbon.
Certes, plusieurs orateurs ont relevé que l’on aurait davantage pu parler des recettes. Il est vrai qu’il est beaucoup plus question des dépenses et de la dette. Voilà peut-être un acte politique, voilà peut-être la différence entre le Sénat et l’Assemblée nationale.
Cette dernière veut entrer dans le débat budgétaire annuel par la dette et en faire un acte politique. Sur ce point, je rejoins l’analyse de Rémi Féraud. Nous jugeons que la dette n’est que la somme des déficits passés et qu’il faudra des années pour éliminer ce stock. Il s’agit donc d’un sujet de moyen terme. C’est pourquoi le Sénat, adepte du temps long, estime qu’un débat sur le sujet au printemps, à moyen terme, serait plus cohérent. Un consensus a également été trouvé sur ce point.
Le Sénat a aussi fait assaut de demandes pour restaurer la priorité du Parlement. C’est vrai pour la notification des déficits à Bruxelles, mais aussi pour les questionnaires parlementaires : nous n’étions pas prêts à abandonner notre pouvoir de contrôle en la matière.
Le contrôle parlementaire porte également sur la logique d’ensemble des budgets qui sont présentés aux chambres. Il convient dès lors de limiter les reports de crédits. Le plafond qui a été fixé dans ce texte à 5 % du total des crédits de paiement relevant du budget général me semble raisonnable, en particulier après une année 2020, où l’on a allégrement confondu lois de finances initiale et rectificative, ce qui a rendu tout contrôle impossible en la matière.
D’ailleurs, si la décision n’avait tenu qu’à nous, nous serions peut-être allés un peu plus loin. On aurait pu supprimer certaines missions fourre-tout, que l’on a baptisées « Plan d’urgence » ou « Plan de relance », et dans lesquelles on fait figurer tout et n’importe quoi, sans aucun contrôle, alors même que l’organisation par missions était censée empêcher de telles dérives. Peu après la promulgation de la LOLF, cette organisation donnait lieu à d’interminables réunions interministérielles – j’y ai participé, je peux en témoigner ! – ; désormais, on agence tout cela à la va-vite, de manière à ce que le Parlement ne puisse pas exercer son pouvoir de contrôle. Je le regrette !
On aurait aussi pu aller plus loin dans la mise en œuvre de la règle d’or ou dans la distinction entre dépenses de fonctionnement et dépenses d’investissement.
À cet égard, il me faut faire remarquer à Emmanuel Capus…
M. Emmanuel Capus. Ah !
M. Jérôme Bascher. … que ce n’est pas la distinction que font les collectivités locales qui est retenue dans ce texte. Les élus locaux ne s’en trouveront pas plus éclairés : ils constateront des différences et se demanderont pourquoi eux-mêmes n’en bénéficient pas.
Alors, oui, nous allons voter en faveur de ce texte : il s’agit bien d’un texte de progrès, même s’il faudra revenir sur certains sujets. Pour une fois, ne boudons pas notre plaisir ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
M. Daniel Salmon. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous avions dénoncé avec force l’introduction d’une gestion pluriannuelle des finances publiques lors de l’examen en première lecture de la proposition de loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques.
Si nous l’avons fait, ce n’était pas par refus d’anticiper l’avenir ou par rejet d’une forme de planification des politiques publiques. En effet, les enjeux actuels, tout particulièrement les enjeux climatiques, appellent à s’extraire de la vision court-termiste d’un capitalisme productiviste qui place la recherche absolue du profit immédiat au-dessus de toute chose.
Non, si nous avons dénoncé la gestion pluriannuelle des dépenses publiques proposée ici, c’est parce qu’elle empêche justement de se projeter vers l’avenir et enferme les marges de manœuvre de l’État dans un carcan austéritaire, avec comme seule boussole la réduction des dépenses publiques. Nous connaissons déjà ce modèle passéiste : il est inopérant au regard des défis climatiques auxquels nous faisons face, mais aussi profondément injuste socialement, car il empêche un partage équitable des gains de productivité entre les Français, au profit d’un petit nombre de privilégiés qui n’ont cessé d’être favorisés pendant ce quinquennat.
Force est de constater que la commission mixte paritaire n’a pas œuvré à changer l’orientation de ce texte. Sans aucune considération pour la nécessité de réaliser des investissements d’avenir, la proposition de loi organique consacre un autosabotage des capacités d’intervention de l’État, pourtant indispensables à la transition écologique. Alors que la nouvelle donne de l’urgence climatique aurait pu nous inviter à définir de nouveaux indicateurs de l’action publique, on persiste ici à ne concevoir la richesse de la société qu’à travers le seul PIB.
Pire encore, la commission mixte paritaire est venue effacer les seules dispositions dignes d’intérêt figurant encore dans la proposition de loi organique, qui concernaient la transparence des comptes publics.
Elle l’a fait, d’abord, en supprimant la transparence sur l’identité des détenteurs de la dette française à hauteur d’au moins 2 %. Les Français devraient pourtant avoir le droit de savoir à qui ils versent chaque année des intérêts ; il faudrait aussi prévenir toute tentative de concentration des avoirs à des fins de pression politique.
Elle l’a fait, surtout, en reprenant la rédaction de l’Assemblée nationale pour l’article 12, qui vient déposséder les parlementaires du débat d’orientation des finances publiques au profit du HCFP. Nous ne pouvons cacher notre étonnement quant au soutien de la majorité sénatoriale à cette disposition, qui vient consacrer la supériorité d’une instance technocratique, non élue, sur le Gouvernement et le Parlement. À croire, mes chers collègues de la droite, que votre obsession commune pour la réduction des dépenses publiques prend le pas sur la démocratie parlementaire !
Aucune leçon ne semble avoir été tirée du fait que c’est bien la hausse des dépenses publiques qui a permis de réduire l’ampleur de la crise économique et sociale déclenchée par l’épidémie de la covid-19. Les dépenses publiques sont cruciales pour réduire les inégalités, mais elles sont aussi l’outil principal pour anticiper l’avenir et le moteur de la transition écologique. Seulement, telle n’est pas votre priorité !
Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires pointe donc du doigt le risque démocratique que fait peser cette proposition de loi organique sur les moyens dont disposent les parlementaires pour examiner le budget de l’État. Il appelle à voter contre ce texte qui entérine l’impuissance des pouvoirs publics français à répondre aux défis sociaux et climatiques.
Nous ne prendrons donc pas part à ce joli consensus, qui semble ignorer les crises présentes et à venir, et nous plonge dans l’incapacité à relever les défis de demain.