M. Éric Bocquet. Si vous le permettez, monsieur le président, je présenterai en même temps l’amendement n° I-601 rectifié.
M. le président. L’amendement n° I-601 rectifié, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 4 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le b du 1 de l’article 223 O du code général des impôts est complété par les mots : « calculée en appliquant le plafond de 100 millions d’euros prévu au I du 244 quater B du code général des impôts à la somme des dépenses de recherche engagées par chacune des sociétés du groupe ».
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. Éric Bocquet. Le crédit d’impôt recherche (CIR) s’élevait à 7,46 milliards d’euros en 2020 et à 7 milliards d’euros en 2021, dans une économie fortement ralentie, pour ne pas dire quasiment à l’arrêt. Alors que les investissements ont chuté de 9 %, l’endettement s’est massifié et l’argent public a suffi seul à éviter à bon nombre d’entreprises de sombrer. Pour 2022, on projette de nouveau 7 milliards d’euros de CIR. Celui-ci, avant qu’il ne soit réformé en 2008, coûtait quatre fois moins cher.
Notre proposition, que mon collègue Pierre Ouzoulias et moi-même avions déjà formulée sur la base de montants différents, nous a été soufflée par un chercheur chargé d’évaluer le CIR pour le compte de la Commission nationale d’évaluation des politiques d’innovation (Cnepi). L’abaissement de 100 à 10 millions d’euros de la fraction des dépenses de recherche pour laquelle le taux du crédit d’impôt est de 30 % représenterait une économie immédiate de 4 milliards d’euros, concentrée sur deux cents entreprises environ. Depuis 2010, les cinquante entreprises qui bénéficient le plus du CIR captent 45 % des créances, alors que celles-ci ont triplé.
Nous devons lutter contre la concentration du CIR par les grandes entreprises, car la recherche et l’innovation sont pour elles un élément de compétitivité prépondérant. La recherche sert à gagner des parts de marché et à réaliser des gains de productivité ; c’est un phénomène économique.
L’argent public doit non pas se substituer à l’investissement privé, mais l’encourager pour orienter les décisions d’investissement vers des activités socialement et écologiquement justes. Comme l’écrit la Cnepi dans son rapport : « En d’autres termes, des choix d’investissement en recherche et développement (R&D) auraient aussi pu avoir lieu même en l’absence du CIR. »
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur Bocquet, nous ne partageons pas forcément les mêmes analyses ni les mêmes références. Une enquête récente du cabinet Taj a montré que, pour 72 % des entreprises interrogées, la stabilité du CIR est un facteur clé d’innovation.
Les secteurs industriels – l’aéronautique et l’automobile notamment – utilisent beaucoup ce crédit et nous sommes tous attachés à ce qu’ils puissent continuer à prospérer avec le maximum d’emplois, tout en assurant la transition écologique de leurs outils industriels et de production.
En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Le Gouvernement est attaché au CIR et s’oppose à toute modification ; nous en avons débattu il y a quelques jours, lors de la discussion du projet de loi de finances rectificative.
Le Gouvernement émet, lui aussi, un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Bocquet, les amendements nos I-600 et I-601 rectifié sont-ils maintenus ?
M. Éric Bocquet. Oui, je les maintiens, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. En tant que rapporteur spécial de la mission « Remboursements et dégrèvements », je considère que cela vaudrait le coup de partager la documentation, d’autant qu’il est ici question d’un engagement financier de 7,5 milliards d’euros. On a beau se renvoyer la balle et faire valoir chacun ses analyses, toutes les personnes que j’ai entendues ou consultées ont dénoncé le déficit de documentation concernant ce dispositif.
En France, la dépense intermédiaire de recherche s’établit à 49,5 milliards d’euros, ce qui représente 2,21 % du produit intérieur brut (PIB). Donc le CIR ne règle pas tout. Il devrait y avoir une autre impulsion de la part de la majorité gouvernementale.
Le Japon consacre 3,21 % de son PIB à la recherche, la Corée du Sud, 4,55 %, et l’Allemagne, 3,04 %. Dès lors, gardons-nous de surévaluer le CIR ! Étant donné que la recherche est un monde très compétitif, notre ambition doit être grande.
Par ailleurs, arrêtons de donner de l’argent aux filiales des entreprises. Sanofi, grâce à ses cent filiales, a touché 1,5 milliard d’euros en dix ans, en même temps qu’elle a divisé par deux ses effectifs en R&D – ils sont passés de 6 300 à 3 800 salariés. En juin 2020, la direction de l’entreprise a annoncé 4 milliards d’euros de dividendes pour ses actionnaires et trois cents nouvelles suppressions d’emplois en R&D.
Vous voyez bien que ce dispositif pose un problème d’efficience en termes de compétitivité. Et, bien qu’il facilite le recrutement des ingénieurs pour les très petites entreprises (TPE), il a parfois des effets nocifs.
Bref, l’argumentation figée de M. le ministre et du rapporteur général n’est pas acceptable.
M. le président. L’amendement n° I-634, présenté par Mme Taillé-Polian, MM. Parigi, Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mmes de Marco et Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 4 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article 244 quater B du code général des impôts, après les mots : « industrielles et commerciales », sont insérés les mots : « qui, d’une part, occupent moins de 250 personnes, et d’autre part, ont un chiffre d’affaires annuel n’excédant pas 50 millions d’euros ou un total de bilan n’excédant pas 43 millions d’euros, ».
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
Mme Sophie Taillé-Polian. Cet amendement est parfaitement cohérent avec les propositions de mes collègues du groupe CRCE.
J’ai changé d’avis sur le CIR. Au départ, je me disais que nous devions le réserver à des filières bénéfiques à la transition écologique ou socialement utiles. J’ai lu ce rapport d’évaluation de la Cnepi et d’autres rapports de France Stratégie, ainsi que des études ou des sondages réalisés auprès des entrepreneurs. Tous identifient les résultats positifs du CIR pour les petites et moyennes entreprises (PME). En revanche, aucun effet positif significatif n’a été constaté sur l’innovation et l’investissement des plus grandes entreprises.
Cela fait longtemps que l’on observe une captation du CIR par les très grandes entreprises, dont certaines ont pour objet l’innovation – Sanofi, par exemple, se dédie à la recherche médicale. Il n’est pas normal de subventionner ces entreprises pour qu’elles fassent de la recherche : c’est leur travail ! Par ailleurs, l’économiste Mariana Mazzucato a montré que les entreprises privées sont réticentes à l’innovation. Là où il faut mettre le paquet, c’est sur la recherche publique et sur la manière dont cette dernière peut transmettre ses travaux aux entreprises privées.
Il est temps de revoir de fond en comble les politiques d’innovation dans notre pays. En attendant, on continue à subventionner dans une logique de puits sans fond ; on arrose le sable.
Nous faisons face à un paradoxe : alors qu’on demande sans cesse aux chercheurs français de trouver des financements, de réaliser des évaluations et de procéder à telle ou telle démonstration, on laisse la recherche privée profiter de ce crédit d’impôt, lequel est par ailleurs reconnu comme un outil d’optimisation fiscale. En effet, bon nombre d’intermédiaires réalisent des bénéfices en montant des dossiers sur du vent !
À un moment donné, il faut regarder les choses en face : réorientons cette politique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Par cet amendement, vous souhaitez recentrer le CIR. Des incitations fiscales, telles que le dispositif « jeune entreprise innovante », visent déjà spécifiquement les PME.
Le CIR est un dispositif complémentaire qui ambitionne de soutenir l’effort de recherche global dans notre pays. Je ne nie pas qu’il existe certains effets d’aubaine. Toutefois, les récentes modifications adoptées en 2020 et en 2021 ont permis de limiter les possibilités d’optimisation fiscale.
Enfin, l’efficacité d’une incitation fiscale dépend de sa stabilité dans le temps et de sa visibilité, deux éléments qui permettent aux entreprises de fonder une stratégie durable.
En conséquence, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.
Mme Sophie Taillé-Polian. Cet amendement ne vise pas à retirer le CIR aux PME, d’autant qu’il peut avoir un effet bénéfique. Quant aux grandes entreprises, c’est plus que des effets d’aubaine dont elles jouissent grâce à ce dispositif.
Cela fait longtemps que l’on parle du CIR et que l’on questionne son utilité. A priori, personne ici ne s’oppose à l’idée de soutenir la rechercher et l’innovation. Mais on voit bien que le CIR n’est pas opérant ! Vous semblez vouloir aider systématiquement les entreprises, toujours dans la même démarche, sans aucune conditionnalité. En revanche, lorsque nous demandons d’aider les personnes en difficulté, vous vous empressez de cibler les bénéficiaires, vous faites de la dentelle.
Avec le CIR, on dépense de l’argent à coups de milliards d’euros. On nous rappelle sans cesse à la responsabilité concernant la dette publique et l’utilisation des deniers publics. En l’occurrence, le CIR est un dispositif inefficace ; des rapports documentés, sérieux et non partisans le montrent – tenons-en compte ! J’en appelle donc, à mon tour, à la responsabilité : utilisons l’argent public de manière ciblée, pour enfin promouvoir l’innovation dans notre pays ! (M. Jacques Fernique applaudit.)
M. le président. L’amendement n° I-599, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 4 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa du II de l’article 244 quater B du code général des impôts est ainsi rédigé :
« II. – Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d’impôt doivent concourir à la conversion du système productif vers une économie non carbonée. Les catégories de dépenses en faveur de cette trajectoire sont : ».
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Dans une note en date du mois de septembre 2021, votre ministère déclarait à propos du CIR : « Dans le contexte de la planification d’après la guerre mondiale, l’État a joué un rôle structurant en finançant massivement et de façon extrêmement sélective certaines filières industrielles – nucléaire, aéronautique, informatique et communication, etc. – pour des résultats mitigés au total. »
Je le rappelle, le sixième plan décidé par le général de Gaulle consistait en une aide massive dédiée au développement du nucléaire, du train à grande vitesse (TGV) et du secteur aéronautique et spatial qui, chacun le sait, sont autant d’échecs de l’industrie française.
Dans le cadre du programme France 2030, le président Macron prévoit un plan d’investissements massifs pour les futurs champions – l’énergie, l’automobile, l’aéronautique et l’espace –, c’est-à-dire rigoureusement les mêmes secteurs que ceux de la planification gaullienne. Voilà une forme intéressante de recyclage …
La moitié des financements de France 2030 doit servir à décarboner l’économie : cette priorité fixée par le Président de la République nous satisfait complètement.
J’ai bien entendu le rapporteur général ; il me semble qu’il préconise la même chose que nous. Nous proposons que le CIR concoure plus largement à la conversion du système productif vers une économie non carbonée. Tel est le sens de notre amendement, mes chers collègues – j’imagine l’enthousiasme avec lequel vous le voterez, connaissant ses chances de prospérer…
M. le président. Votre réalisme vous honore, monsieur Ouzoulias ! (Sourires.)
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Je vais tuer le suspens : j’émettrai un avis défavorable sur cet amendement, car il tend à mélanger plusieurs incitations fiscales.
Je considère également qu’il est utile de s’orienter vers une économie davantage décarbonée. Toutefois, le CIR ne peut, à lui seul, répondre à cette préoccupation en étant ciblé sur telle ou telle activité.
Une partie des activités de certaines entreprises sont encore en cours de transition. Ces dernières se voient dès lors contraintes de maintenir des séquences de production carbonées, même si cela ne correspond pas à leur modèle de production. Définir dès à présent des contraintes de manière trop imprécise risquerait de brouiller le fonctionnement général du dispositif.
C’est pourquoi, à ce stade, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Cette discussion, nous aurions dû l’avoir au moment de l’examen de la loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur. Personnellement, j’ai vivement regretté que cette loi ne comporte aucun volet de planification. Aujourd’hui, il est indispensable de diriger une grande partie de la recherche publique vers la conversion de notre économie.
Si nous défendons cet amendement maintenant, c’est parce que nous n’avions pas d’autre solution. J’aurais souhaité que le Gouvernement, à l’occasion de ce budget, nous présentât des dispositifs à même de transcrire dans la réalité le programme de M. Macron pour 2030 – d’ailleurs, aucune avance budgétaire ne nous a été présentée à ce jour.
Le CIR doit bouger, nous le savons tous. La Cour des comptes l’a dit, France Stratégie aussi. Nous devons nous interroger, ensemble, sur la façon dont on peut le faire évoluer. Figer ce dispositif comme vous le faites, alors même qu’il aboutit à un effet d’aubaine qui coûte à l’État un demi-milliard d’euros supplémentaires chaque année, n’est pas une bonne solution politique.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.
Mme Sophie Taillé-Polian. Nous aurons eu cet après-midi, à quelques voix, le débat sur le CIR. Il est toutefois dommage qu’il ne trouve pas plus d’écho. M. Ouzoulias l’a dit : à bien observer les chiffres, on se rend compte que ce dispositif n’est pas le bon. Il faudrait, entre autres, le cibler sur la transition écologique.
À cet égard, nous avons mis beaucoup de propositions sur la table. Lors de l’examen de la loi Climat et résilience, j’avais suggéré de limiter le CIR à un certain nombre de secteurs d’activité. Par exemple, est-ce une bonne chose de financer par le CIR la Fintech qui, faut-il le rappeler, a été à l’origine de la crise systémique de 2007 ? D’autant que la Fintech se porte particulièrement bien, les graphiques du rapporteur général le montrent clairement.
J’en appelle à un travail collectif sur le CIR. Pour l’heure, nous nous trouvons dans une situation où, via ce dispositif, nous dépensons de l’argent sans réelle utilité.
M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.
M. Vincent Capo-Canellas. La recherche ne peut pas se limiter à la transition écologique, même si elle est nécessaire dans ce domaine. Pour autant, on ne peut pas cesser d’innover dans d’autres domaines qui, demain, feront la différence dans le cadre de la concurrence mondiale.
Il convient de trouver un bon équilibre. Nous devons soutenir la transition écologique par d’importants financements. Soit, mais n’oublions pas tout le reste, au risque de nous trouver déclassés.
M. le président. L’amendement n° I-490 rectifié quinquies, présenté par M. Lafon, Mme Jacquemet, MM. Henno, Duffourg, Prince, Bonnecarrère et de Belenet, Mme Billon, MM. Longeot, Laugier, Louault et Mizzon, Mmes Guidez et Férat, MM. Kern, Delahaye et P. Martin et Mme Vermeillet, est ainsi libellé :
Après l’article 4 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le 3° du c du II de l’article 244 quater B du code du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° 200 % des dépenses de personnel qui se rapportent aux étudiants de troisième cycle au sens de l’article L. 612-7 du même code pendant les trente-six mois suivant leur recrutement à la condition que le contrat de travail de ces personnes soit un contrat doctoral de droit privé au sens de l’article L. 412-3 du code de la recherche et que l’effectif du personnel de recherche salarié de l’entreprise ne soit pas inférieur à celui de l’année précédente. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Sylvie Vermeillet.
Mme Sylvie Vermeillet. Cet amendement vise à ce que les entreprises et les organismes jouissent, pour le recrutement d’un doctorant dans le cadre d’un contrat doctoral de droit privé au sens de l’article L. 412-3 du code de la recherche, du même dispositif fiscal relatif aux dépenses de personnel que celui qui s’applique aux personnes titulaires d’un doctorat.
S’appliquant sur trois ans – durée théorique d’une thèse –, ce dispositif fiscal concourrait à assurer une meilleure insertion professionnelle à l’issue du doctorat et à rendre plus attractive la recherche, tant aux yeux des entreprises que des étudiants.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Je suis sensible à ces arguments ; cette initiative me semble bienvenue puisqu’elle renforcerait l’attractivité des doctorats. Toutefois, je souhaiterais demander au Gouvernement son avis, car je m’interroge sur plusieurs aspects.
L’embauche d’un doctorant ouvrirait droit à un crédit d’impôt équivalant à 200 % des dépenses exposées. Aussi, le coût du dispositif pour la collectivité est potentiellement élevé, ce d’autant qu’est proposée une prise en compte de ces dépenses pendant trente-six mois, alors que pour les titulaires d’un doctorat cette durée n’excède pas vingt-quatre mois.
Cela ne risque-t-il pas de donner lieu à des dérives ? L’incitation fiscale étant très élevée, le dispositif serait susceptible d’être détourné à des fins d’optimisation. Les entreprises ne seraient-elles pas tentées de conclure des contrats doctoraux aux seules fins de bénéficier du crédit d’impôt ?
Enfin, étant attaché à la stabilité du CIR, il ne me semble pas judicieux d’en faire évoluer trop souvent les paramètres.
Ces interrogations ne m’empêchent toutefois pas de regarder votre amendement avec bienveillance, ma chère collègue.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Les questions du rapporteur général sont aussi celles du Gouvernement. En d’autres termes, cet amendement suscite nos réserves. J’indiquais tout à l’heure que nous ne souhaitions pas modifier les paramètres du CIR de manière trop substantielle.
En conséquence, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est finalement l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. La commission s’en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° I-490 rectifié quinquies.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 4 ter.
L’amendement n° I-635, présenté par Mme Taillé-Polian, MM. Parigi, Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mmes de Marco et Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 4 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le III bis de l’article 244 quater B du code général des impôts, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« … – 1. – Les entreprises ne peuvent bénéficier du crédit d’impôt recherche qu’à la condition qu’elles n’aient pas licencié sans cause réelle et sérieuse, au cours de l’année 2020 et de l’année 2021.
« 2. En cas de non-respect des obligations prévues par le présent article, une sanction financière d’un montant égal au montant du crédit d’impôt recherche perçu dans l’année, majoré de 10 % s’applique. »
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
Mme Sophie Taillé-Polian. Nous proposons d’exclure du CIR les entreprises pratiquant des licenciements abusifs, sous peine de sanctions. Vous le savez sans doute : l’entreprise Sanofi est très largement bénéficiaire du CIR alors qu’elle licencie et délocalise la recherche dans les pays émergents. Va-t-on continuer à accepter cela ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. La commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° I-172 rectifié, présenté par MM. Féraud, Kanner et Raynal, Mme Briquet, MM. Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, P. Joly et Lurel, Mme Artigalas, M. J. Bigot, Mmes Blatrix Contat, Carlotti et Conconne, MM. Gillé et Jacquin, Mme Jasmin, MM. Leconte et Lozach, Mme Lubin, MM. Marie et Mérillou, Mme Monier, M. Montaugé, Mme Préville, MM. Redon-Sarrazy, Temal, Tissot, Kerrouche et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 4 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 511-1 du code de la recherche est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Le crédit d’impôt pour les dépenses de recherche ne peut bénéficier aux dépenses de recherche exposées par les entreprises qui ne satisfont pas à leur obligation de bilan de gaz à effet de serre prévue à l’article L. 229-25 du code de l’environnement ou dont les recherches sont liées à la prospection, l’exploitation, le transport, la distribution et la consommation d’énergies fossiles.
« Un décret fixe les conditions d’application du présent article. »
La parole est à M. Thierry Cozic.
M. Thierry Cozic. Le présent amendement vise à conditionner le CIR. Celui-ci apparaît comme un instrument financier coûteux pour nos finances publiques alors que, selon le rapport de la Cnepi, « il n’a pas d’impact significatif sur la valeur ajoutée et l’investissement ».
L’innovation se fait souvent en dépit de toute logique environnementale et climatique. Les dépenses de recherche doivent être vertueuses. C’est pourquoi cet amendement vise à appliquer une conditionnalité au crédit d’impôt pour les dépenses de recherche en excluant certaines activités en lien avec la production et la consommation d’énergie fossile.
Cette exclusion permettra de retirer les dépenses de recherche et de développement d’une entreprise si celles-ci sont incluses dans une activité pouvant être facilement caractérisée. Elle empêchera aussi de soutenir, par le crédit d’impôt, les dépenses de recherche et de développement de ce secteur dans la réduction de ses émissions de gaz à effet de serre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Je réitère les remarques que j’ai formulées plus tôt sur l’amendement de M. Ouzoulias : il est difficile d’identifier précisément les activités au sein des processus de production, quel qu’en soit le type.
En conséquence, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° I-172 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 4 quater (nouveau)
Au 2° de l’article 44 sexies-0 A du code général des impôts, le mot : « huit » est remplacé par le mot : « onze ».
M. le président. L’amendement n° I-610, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Les montants en jeu dans le cadre du dispositif de soutien aux jeunes entreprises innovantes sont élevés. En effet, entre 2004 et 2015, 8 868 entreprises ont bénéficié au moins une fois de ce dispositif, pour un montant total d’exonérations de cotisations sociales patronales de 1,5 milliard d’euros. Pour la seule année 2015, quelque 3 487 entreprises se sont réparti 160 millions d’euros d’exonérations au titre des dépenses de personnel.
Si 55 % des entreprises atteignent l’âge limite du dispositif, elles ne sont que 25 % à bénéficier des exonérations jusqu’à leur dernière année d’éligibilité. Les entreprises en bénéficient tard, et non dès leur création, contrairement à ce qu’avait prévu le Parlement lors de l’instauration de cet avantage fiscal.
En outre, l’utilité sociale des entreprises concernées est tout à fait discutable. Ainsi, 41 % d’entre elles exercent leur activité dans le secteur de la programmation informatique, 11 % dans celui des services aux entreprises.
Enfin, une entreprise sur dix est rachetée alors qu’elle bénéficie encore du dispositif ; six entreprises sur dix cumulent ce dispositif avec d’autres aides fiscales, notamment le crédit d’impôt recherche (CIR). Nous craignons en fait que les aides publiques n’entretiennent l’intérêt de grands groupes prédateurs pour les entreprises qui sont ainsi financées.