M. Pascal Savoldelli. Très bonne idée ! (Sourires.)
Mme Christine Lavarde. À droite et au centre, nous nous interrogeons sur l’augmentation infinie de la dette de l’État, sur le poids qui pèsera sur les générations futures et sur le rôle de l’État, qui ne peut être un État nounou ou un État père Noël sortant son chéquier à chaque crise du pouvoir d’achat.
En revanche, sur toutes les travées, un consensus se dessine : cette mesure, à quelques mois de l’élection présidentielle, est purement opportuniste.
La politique du chèque n’a jamais permis de régler les problèmes de fond. Quel est le devenir de cette prime ponctuelle si, demain, les prix des carburants continuent d’augmenter ? Son coût, 4 milliards d’euros pour la prime inflation, équivaut à quatre fois le montant consacré au nucléaire dans le plan France 2030 ! (M. Jérôme Bascher s’exclame.)
Avant d’entrer dans le détail de la mesure proposée, je tiens à faire un point sur le prix à la pompe.
Le 15 octobre dernier, nous avons atteint un plus haut historique à 1,56 euro par litre en moyenne, soit 8 centimes d’euro de plus que le pic des mois de mars 2012 ou de novembre 2018. En d’autres termes, un plein coûte 4 euros de plus qu’il y a dix ans.
Cette hausse n’est pas imputable au prix du baril. En effet, celui-ci s’élève actuellement à 85 dollars, ce qui le situe dans sa moyenne historique, soit un niveau beaucoup plus faible qu’en 2012 où il s’établissait à 120 dollars et qu’en 2008 où il était de 130 dollars. À cette époque, le prix du sans plomb 95 était pourtant inférieur à 1,50 euro par litre à la pompe.
La hausse du prix payé par les consommateurs en 2008 et 2021 résulte pour partie de la hausse de la fiscalité verte, qui rapporte aujourd’hui plus de recettes à l’État que l’impôt sur le revenu. Les taxes sur le carburant ont augmenté de 16 centimes d’euro pour le gazole et de 4 centimes d’euro pour le sans plomb 95.
Au cours de cette période, le taux de TVA est passé de 19,6 % à 20 %. Surtout, c’est le fait que le taux de change entre l’euro et le dollar ne soit plus le même, puisque notre monnaie s’est affaiblie, qui explique cette augmentation du prix à la pompe.
M. Bruno Retailleau. Tout à fait !
Mme Christine Lavarde. Ce rappel étant fait, j’en reviens à l’indemnité inflation proposée par le Gouvernement.
Ce dispositif présente un certain nombre de failles.
Tout d’abord, cette mesure crée un effet de seuil important : la même prime de 100 euros sera versée indifféremment à une personne percevant 2 000 euros net par mois et à une personne touchant le revenu de solidarité active, le RSA.
Ensuite, c’est une mesure aveugle : elle ne tient pas compte de la composition du foyer. Par exemple, une personne vivant en maison de retraite, sans voiture, touchera cette indemnité.
C’est aussi une mesure anti-écologique. Le chèque continue de subventionner les énergies fossiles sans régler la question de notre dépendance aux importations de produits énergétiques étrangers.
Enfin, cette mesure posera des difficultés de trésorerie pour certaines entreprises. En effet, l’affirmation selon laquelle « les personnes qui assureront le versement de l’aide seront remboursées dans les plus brefs délais par l’État » n’est subordonnée à aucun engagement. Rappelez-vous, mes chers collègues, le temps qu’a mis le Gouvernement pour rembourser l’achat des masques aux collectivités.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Absolument !
Mme Christine Lavarde. Je note que l’État impose aux entreprises de mettre en place cette mesure très rapidement, dès le mois de novembre ou de décembre, ce qui engendre de multiples contraintes, administratives, informatiques et financières, alors qu’il est lui-même incapable de le faire, puisque les agents de l’État ne percevront l’indemnité inflation au plus tôt qu’au mois de janvier prochain.
La décision de verser cette indemnité est une nouvelle étape dans le dérèglement de notre politique économique. Cette disposition ouvre la voie à une société sous assistance permanente. Hier encore, je lisais un article sur la hausse du cours du blé. Demain, nous inventera-t-on un chèque baguette ?
Le groupe Les Républicains n’est pas contre la volonté de protéger les plus fragiles face à l’augmentation des prix subie par nos concitoyens. Le renforcement du chèque énergie, qui est un dispositif ciblé, ne pose, lui, aucune difficulté.
L’indemnité inflation est un dispositif à tout-va, qui coûte très cher. C’est pourquoi nous saluons le travail du rapporteur général de la commission des finances, qui propose une mesure beaucoup plus ciblée, moins coûteuse pour les finances publiques – 1,5 milliard d’euros – et plus favorable aux bénéficiaires, puisque ces derniers percevront 150 euros.
C’est aussi la raison pour laquelle nous voterons le projet de loi de finances rectificative amendé, c’est-à-dire un texte qui annule les crédits non consommés et dans lequel figure le nouveau dispositif d’indemnisation de la hausse des prix des carburants, qui est proposé par notre commission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. le rapporteur général et Mme Nassimah Dindar applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
Mme Sophie Taillé-Polian. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous le constatons tous : ce projet de loi de finances rectificative s’accompagne de débats très vifs dans notre société, parce qu’il concerne le pouvoir d’achat des Français et les moyens dont ils disposent pour vivre convenablement, à un moment où la crise n’est pas encore résolue, mais où la situation économique s’améliore.
Face à ces débats riches et légitimes, il convient de prendre un peu de distance. Nous considérons qu’il n’est pas du tout anormal que ce projet de loi de finances rectificative ne soit pas qu’un simple ajustement et qu’il permette de prendre en compte cette situation. Nous estimons aussi qu’il faudrait prendre davantage de recul.
En effet, au terme de cette année 2021, encore marquée par la crise, on constate que notre économie, et c’est tant mieux, a repris du poil de la bête.
Le chômage baisse – le Gouvernement ne cesse de nous le répéter –, mais les emplois non pourvus ne permettent pas de donner du travail aux quelque 800 000 personnes privées d’emploi depuis très longtemps, pas plus qu’aux personnes privées d’emploi depuis un peu moins longtemps.
D’un côté, les 10 % des Français les plus riches ont thésaurisé la moitié des 180 milliards d’euros d’épargne exceptionnelle cumulés durant la crise et capté 22 % de la hausse de pouvoir d’achat. Nombre d’entreprises ont aussi profité de la crise, retrouvant parfois des marges de manœuvre très importantes, voire bien plus élevées qu’avant la crise, alors même que l’investissement stagne dans notre pays.
De l’autre côté, dans une récente étude, l’Insee observe non pas une explosion du nombre de pauvres – ce constat est cependant contesté, car l’Insee exclut de son décompte les étudiants et plusieurs autres catégories –, mais une intensification de la pauvreté.
Quoi qu’il en soit, tout le monde s’accorde à reconnaître une progression de la pauvreté dans notre pays. Les 20 % des Français les plus modestes n’ont rien capté des 180 milliards d’euros d’épargne exceptionnelle ; quant aux 10 % les plus modestes, ils ont vu leurs rares économies baisser, voire ils se sont endettés. Par ailleurs, près de 6 millions de ménages souffrent de précarité énergétique, et ce depuis déjà très longtemps.
Que propose le Gouvernement pour faire face à cette situation ?
L’exécutif prévoit des mesures pérennes pour les entreprises, dont certaines d’entre elles vont très bien, et les ménages aisés, dont les 10 % les plus favorisés vont aussi très bien. Ainsi, une réduction de 10 milliards d’euros des impôts de production est envisagée. Pour les plus riches, c’est la suppression de l’ISF et la mise en place de la flat tax. À cela s’ajoute la faiblesse des moyens mobilisés pour lutter contre l’évasion et l’optimisation fiscale.
Que faudrait-il faire ? De notre côté, nous croyons qu’il faut des mesures d’urgence pour les plus précaires, mais surtout des mesures pérennes. Pour les plus pauvres et les plus précaires en effet, les dispositifs sont toujours ponctuels : ce sont 100 euros – certains vont jusqu’à proposer 150 euros –, accordés du bout des doigts et consentis du bout des lèvres, et toujours une seule fois.
Pourtant, la prise en charge des personnes pauvres, dont la situation s’aggrave, exige que nous leur offrions une perspective au-delà de la journée, de la semaine, voire du mois. Il faut prendre des mesures qui s’inscrivent dans le temps long, afin de permettre à ces personnes de reprendre pied dans la vie et de construire leur avenir.
En résumé, il y a donc, d’un côté, les plus riches, ceux qui bénéficient des mesures pérennes, de l’autre, ceux qui sont en difficulté, à qui, de temps en temps, on octroie une aide, par ailleurs insuffisante.
Le projet de loi de finances rectificative pour 2021 prévoit une augmentation de 100 euros du chèque énergie. Pour nous, cette hausse est insuffisante et devrait être portée à 400 euros.
Nous pensons en outre qu’il faut mettre en place une politique efficace pour résorber la précarité énergétique. On le voit bien, le dispositif MaPrimeRénov’ ne profite pas aux publics les plus en difficulté : seuls 52 000 ménages parmi les plus modestes ont bénéficié d’une rénovation énergétique.
Nous préconisons par conséquent une réforme de ce dispositif, afin qu’il cible véritablement ceux qui en ont le plus besoin, et l’application du zéro reste à charge pour les ménages les plus en difficulté. Nous prônons aussi la gratuité du niveau minimal de consommation d’énergie.
En matière de pouvoir d’achat, de manière générale, nous considérons que les propositions, de quelque bord qu’elles émanent – Gouvernement ou majorité sénatoriale –, sont ponctuelles et mal ciblées.
Je suis extrêmement déçue et en colère, car, au mois de mai dernier, nous avons proposé …
M. le président. Veuillez conclure.
Mme Sophie Taillé-Polian. Oui, je vais conclure, monsieur le président.
M. le président. Il faut conclure tout de suite, ma chère collègue !
Mme Sophie Taillé-Polian. … une solution pérenne, qui permettrait d’accroître véritablement le pouvoir d’achat des Français.
M. le président. Ma chère collègue, je ne peux pas vous laisser poursuivre. Vous avez déjà largement dépassé votre temps de parole.
Mme Sophie Taillé-Polian. Nous en reparlerons au moment de l’examen des amendements.
M. le président. Mes chers collègues, j’appelle chacun d’entre vous au respect du temps de parole qui lui est attribué.
Il serait absurde que la conférence des présidents continue à fixer la durée des interventions en séance publique si personne ne respecte la règle. (Marques d’approbation sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. Jean-Claude Requier. Très bien !
Mme Sophie Taillé-Polian. Je suis bien la seule à être réprimandée ainsi !
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement nous soumet un énième projet de loi de finances rectificative.
Le recours aux collectifs budgétaires durant ce quinquennat témoigne d’ailleurs d’un bouleversement de doctrine.
En 2018, en pleine crise sociale, rien n’est décidé dans le cadre de la loi de finances rectificative promulguée le 11 décembre. Dix jours plus tard, en revanche, une loi comportant des mesures fiscales censées répondre au problème des « gilets jaunes » est, elle, adoptée.
Depuis, les lois de finances rectificatives se sont multipliées. Elles ont toutes été adoptées, même si elles comportent de nombreuses mesures fiscales et des mouvements de crédits qui ont considérablement affaibli nos travaux parlementaires.
Le quinquennat s’est déroulé en deux temps. Dans un premier temps, le gouvernement a estimé ne pas devoir rectifier ses décisions budgétaires ; dans un second temps, il s’est affranchi non seulement de l’avis du Parlement, mais aussi de toute sincérité politique.
Dans les deux cas, on a observé une gestion budgétaire en yoyo, du nouveau dans les mots, mais de l’ancien dans les actes.
Comme pour le projet de loi de finances, la présentation de ces chiffres et résultats passe par une communication, qui s’apparente, à nos yeux, à un exercice d’autosatisfaction. Ce n’est pas « quoi qu’il en coûte », c’est « quoi qu’il arrive » ! (Mme Cathy Apourceau-Poly rit.)
Vous avez volontairement sous-évalué les recettes, monsieur le ministre. Vous ne nous ferez pas croire que vous avez trouvé 16,8 milliards d’euros de recettes nouvelles imprévues. Vous ne ferez pas passer les 5,6 % des recettes escomptées en loi de finances initiale pour une « erreur d’écriture ».
M. Vincent Delahaye. Tout à fait !
M. Pascal Savoldelli. Les annulations de crédits pour certaines missions ont manifestement été surbudgétées au regard des dépenses envisagées.
Lors de l’examen du premier projet de loi de finances rectificative, nous avons proposé de voter contre l’ouverture de 1,5 milliard d’euros de crédits au titre des dépenses accidentelles et imprévisibles. Vous les annulez intégralement dans le cadre de ce nouveau texte.
Même constat concernant la mission « Plan d’urgence face à la crise sanitaire » : 2,1 milliards d’euros sont considérés comme étant de trop, et la majorité sénatoriale portera ce montant, par amendement, à 4,1 milliards d’euros.
En résumé, on n’use ni de vitesse ni de précipitation pour répondre aux difficultés des Français face à l’inflation. Cet argent n’est pas pour eux !
À défaut de prendre la mesure de l’urgence sociale, monsieur le ministre, vous consentez doucereusement quelques euros.
Les prix flambent : le prix des pâtes croît de 50 %, celui du sucre de 29,5 %, celui du café de 62 %… Le Gouvernement ne finira-t-il pas par concéder un chèque pâtes, un chèque sucre, un chèque café ? (Rires sur les travées du groupe CRCE.) Pour l’heure, il s’est cantonné à deux chèques symboliques de 100 euros ponctuels, qui s’apparentent déjà à des chèques préélectoraux.
Rassurons-nous, l’indemnité inflation, remodelée par la majorité sénatoriale, et le chèque énergie n’aggraveront pas le déficit. Cela tient, d’abord, aux recettes nouvelles et aux annulations de crédits. Mieux, ces 4,4 milliards d’euros déboursés pour répondre à l’augmentation massive des prix de l’énergie, les Français les paieront eux-mêmes. Ils les paieront même deux fois.
Pour le gaz, les distributeurs se rattraperont en maintenant leurs prix lors des futures baisses de cours – c’est le « lissage » des prix, version Jean Castex. Pour l’électricité, la baisse des taxes devrait être compensée par l’augmentation des dividendes versés par EDF à l’État. Le chèque énergie, lui, sera financé par les recettes de TVA supplémentaires liées à l’augmentation des prix avant le blocage.
C’est donc un trompe-l’œil, qui revient à faire payer le contribuable pour prétendument épargner le consommateur. Je vous rappelle, mes chers collègues, qu’une augmentation des prix, qu’elle figure sur une facture ou sur une feuille d’impôts, arrive toujours à la même adresse postale !
Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste propose, pour sa part, de quadrupler le chèque énergie, en le portant à plus de 32 euros par mois, au lieu de 8,33 euros.
Des choix politiques audacieux doivent répondre aux carences des dispositifs de court terme pris par le Gouvernement. Ce n’est pas aux Français de payer les dividendes des fournisseurs d’énergie : que ceux-ci assument de prendre leur part dans cette situation exceptionnelle !
Ces fournisseurs, d’ailleurs, se sont prévalus de mesures avantageuses, comme le carry back, que nous avions proposé de conditionner au non-versement de dividendes. Ce conditionnement, adopté ici, s’est finalement évaporé à l’occasion de la navette parlementaire.
Nous proposons donc d’instaurer une contribution de 10 % sur les profits dégagés par ces fournisseurs sur l’année 2021. Quelle indignité de faire payer aux usagers des taxes sur les taxes de l’énergie ! (Mme Cathy Apourceau-Poly acquiesce.)
La réponse à la précarité doit s’inscrire dans un programme structurel à long terme. Elle ne peut admettre comme seule réponse des distributions de chèques au gré des cours de marché.
Vous le comprendrez, mes chers collègues : pour toutes ces raisons, et sans faillir à notre esprit de responsabilité, nous voterons contre ce projet de loi de finances rectificative. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Vincent Capo-Canellas. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à la veille de l’examen du projet de loi de finances pour 2022, nous sommes saisis d’un second projet de loi de finances rectificative pour l’année en cours.
Un tel schéma est habituel. À chaque fin d’exercice en effet, un budget rectificatif doit tirer les conséquences de l’année écoulée et proposer un schéma de fin de gestion. Comme la récente commission mixte paritaire conclusive sur la réforme de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) en institutionnalise d’ailleurs la pratique, ce texte aurait donc dû se restreindre à des ajustements limités.
En réalité, ce projet de loi de finances rectificative est fortement bouleversé par la poussée inflationniste, qui affecte tout particulièrement les prix de l’énergie, et – il faut bien le dire – par la perspective de l’élection présidentielle à venir.
Ainsi, le Gouvernement propose des ouvertures nettes de crédits de paiement pour un montant légèrement supérieur à 3 milliards d’euros, principalement en raison de la mise en place de l’indemnité inflation, qui représentera un coût total de 3,8 milliards d’euros, et du relèvement de 100 euros du chèque énergie.
Ces mesures peuvent se concevoir pour protéger les Français face à l’augmentation du coût de la vie, notamment du prix des carburants, de l’électricité et du gaz, qui accompagne la reprise économique observée en France et dans le monde. Elles n’en demeurent pas moins des réponses très ponctuelles, et très coûteuses, à un problème présenté, certes, comme temporaire, mais qui pourrait, hélas, durer encore de longs mois.
Nous en débattrons à l’occasion de l’examen de l’amendement présenté par M. le rapporteur général. Le groupe Union Centriste sera d’ailleurs particulièrement attentif à la conclusion de ce débat pour déterminer sa position.
Le regain de la croissance économique, s’établissant à 6,25 % du PIB, soit une augmentation d’un quart de point, ne suffit pas à masquer la situation très fragile de nos finances publiques. Pour le dire plus simplement, nous ne pourrons probablement pas continuer à sortir le chéquier bien longtemps !
Les membres du groupe Union Centriste, dans leur très grande majorité, ont pris leurs responsabilités. Nous avons salué et appuyé l’action du Gouvernement lorsqu’il s’est agi de soutenir les entreprises de notre pays, de sauvegarder l’emploi et à travers lui le tissu social, et lorsqu’il s’est agi, plus globalement, de maintenir à flot l’activité économique menacée d’effondrement devant la propagation du covid-19.
Nous ne sommes pas naïfs pour autant. Si le déficit et la dette publics peuvent croître en période de récession, il est indispensable d’en reprendre aussitôt le contrôle, pour pouvoir garantir aux créanciers de l’État la signature de la France. Ce moment nous paraît venu.
L’activité économique retrouve son niveau d’avant la pandémie. Si nous nous en réjouissons, cela nous invite aussi à explorer d’autres voies que l’injection sans retenue de crédits budgétaires.
En ce sens, nous vous proposerons deux amendements visant, respectivement, à orienter le surplus d’épargne « covid » vers les fonds propres des entreprises et à instaurer, en s’inspirant de l’exemple italien, une clause anti-abus afin d’éviter que des entreprises bénéficient d’aides dans le cadre du plan de relance, puis délocalisent l’année d’après.
Attendu à 170 milliards d’euros d’ici à la fin de l’année, le surplus d’épargne lié à la crise sanitaire est un formidable réservoir de croissance pour l’économie française. Sans doute pourrait-il être mieux exploité ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. Christian Bilhac. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Christian Bilhac. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au mois de juillet dernier, le premier projet de loi de finances rectificative pour 2021 s’inscrivait dans un contexte d’incertitudes sur l’évolution de la situation sanitaire et économique.
Aujourd’hui, malgré une hausse saisonnière des cas de covid-19, la nécessité d’inscrire des mesures d’aménagement face à la crise dans ce second projet de loi de finances rectificative pour 2021 ne relève pas de la même urgence, la vaccination à grande échelle ayant porté ses fruits.
Le texte que nous examinons aujourd’hui s’apparente plutôt à un ensemble d’ajustements budgétaires, alors que quatre lois de finances rectificatives ont été nécessaires en 2020 pour faire face aux dépenses exceptionnelles liées à la crise sanitaire. Reste que l’engagement budgétaire semble avoir été plutôt bien respecté.
Les principaux points à retenir sont les suivants.
L’article liminaire tend à ramener le déficit budgétaire pour 2021 à 8,2 % du PIB, contre 8,4 % dans la version initiale du projet de loi de finances pour 2022 ou encore 9,4 % dans la première loi de finances rectificative pour 2021.
Le déficit final de l’exercice 2020 s’élève à 9,1 % du PIB, le plus élevé depuis la Seconde Guerre mondiale. Le déficit structurel attendu en 2021 atteint toutefois 5,7 %, contre seulement – si je puis dire ! – 1,3 % en 2020.
L’amélioration du déficit s’explique par un taux de croissance de 6,25 %, plus élevé que prévu. Cependant, compte tenu de reports massifs de crédits, le déficit budgétaire sera le plus important de la crise, avec 205 milliards d’euros, contre 178 milliards d’euros en 2020.
Pour 2022, l’hypothèse de croissance, inchangée à 4 %, reste plausible. En revanche, la prévision d’une inflation inchangée semble, elle, trop basse.
L’article 1er majore la fraction de TVA affectée à la sécurité sociale pour neutraliser certains mouvements financiers. Il s’agit de compenser le coût des dons de vaccins à des pays tiers et le transfert de ressources d’investissement du Ségur de la santé. Au total, c’est une somme complémentaire de plus de un milliard d’euros qui est transférée à l’assurance maladie.
L’article 2 modifie les ressources du compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » pour tenir compte d’une baisse de 160 millions d’euros liée à la chute du trafic routier.
Entre 2020 et le début de l’année 2021, avec le programme de stabilité au printemps et le premier projet de loi de finances rectificative, 45 milliards d’euros de reports de crédits de la mission « Plan d’urgence face à la crise sanitaire » ont été réalisés. Le déficit prévisionnel de l’État s’établirait donc en 2021 à 205 milliards d’euros, contre 220 milliards d’euros avec la première loi de finances rectificative pour 2021, soit une amélioration de près de 15 milliards d’euros.
S’agissant des dépenses, l’article 4 prévoit des ouvertures nettes de crédits au budget de l’État de 5,4 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 3,2 milliards d’euros en crédits de paiement. Sont principalement concernées les missions « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », « Cohésion des territoires », « Culture », « Défense », « Écologie, développement et mobilité durables », « Remboursements et dégrèvements » et surtout « Solidarité, insertion et égalité des chances » et « Travail et emploi ».
Les articles 7, 8 et 9 ont pour objet de relever les plafonds d’autorisations d’emplois.
Ce relèvement concerne l’État à hauteur de 885 équivalents temps plein (ETP) : hausse de 397 ETP au ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion, de 261 ETP au ministère des solidarités et de la santé, de 216 ETP au ministère de l’agriculture et de l’alimentation – pour gérer les suites des dommages liés au gel ou le Brexit –, de 20 ETP au ministère de l’Europe et des affaires étrangères, en vue de préparer la présidence française de l’Union européenne.
Pour les opérateurs de l’État, l’accroissement est de 226 ETP, notamment au bénéfice de l’Agence nationale de l’habitat, chargée de MaPrimeRénov’, de l’Agence nationale de la cohésion des territoires, chargée du plan de relance, des agences régionales de santé ou encore de la Société de livraison des ouvrages olympiques.
Quant à l’article 12, certainement le plus médiatique de ce projet de loi de finances rectificative, il instaure une indemnité inflation de 100 euros pour les plus fragiles.
Si une telle annonce peut être contestée en cette période électorale, il faut bien reconnaître que cette prime sera bienvenue, à la veille des fêtes de fin d’année, pour les personnes les plus modestes. Certes, cette mesure ne suffira pas à compenser la hausse exponentielle des prix du carburant, de l’électricité et du gaz, mais je pense que les 38 millions de bénéficiaires de ces 3,8 milliards d’euros les recevront avec plaisir.
Pour ma part, je m’abstiendrai sur ce texte, comme, je pense, la majorité des membres du groupe du RDSE. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Rémi Féraud. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Rémi Féraud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi de finances rectificative intervient dans un contexte économique que le Gouvernement présente comme favorable, avec une autosatisfaction que nous ne partageons pas.
Ne nous y trompons pas, en effet : une grande partie des informations positives développées dans ce texte s’explique d’abord par le rebond mécanique de plusieurs indicateurs, à commencer par la croissance, après de longs mois difficiles. Ces éléments doivent plus à l’amélioration de la situation économique globale à l’issue d’une période de forte récession, ce dont nous nous réjouissons, qu’à une réelle politique de relance, audacieuse et efficace.
Nous approuvons bien sûr les mesures sociales d’urgence inscrites dans le projet de loi de finances rectificative, mais nous ne nous en contentons pas, loin de là. Comme nous sommes plusieurs à l’avoir déjà souligné, le compte n’y est pas !
Pourquoi ne pas aller plus loin en matière de redistribution ? Pourquoi ne pas faire davantage pour donner aux Français les plus modestes les moyens de vivre dignement dans un contexte encore très difficile ? Les leçons de la crise des « gilets jaunes » sont-elles déjà oubliées ?
Avec le chèque énergie, l’indemnité inflation destinée à compenser la hausse des prix, notamment due à l’explosion des tarifs de l’énergie, est présentée par le Gouvernement comme le moyen de préserver le pouvoir d’achat de certains de nos concitoyens.
Or cette mesure porte sur un mois seulement, elle vient trop tardivement et repose sur un ciblage de bénéficiaires particulièrement défaillant. Représentant un coût de 3,8 milliards d’euros pour l’État, elle répond néanmoins très peu à la situation des plus précaires, parce qu’elle n’a pas de conséquences durables sur le pouvoir d’achat de nos concitoyens.
Par ailleurs, l’indemnité est distribuée avec des effets de seuil aberrants et sans prise en compte de la dépendance des bénéficiaires à la voiture – même si, c’est vrai, l’inflation touche désormais aussi le domaine alimentaire.
Redistribuer ainsi moins de 4 milliards d’euros témoigne d’un manque d’anticipation, mais aussi d’un oubli, celui de l’exigence de protection par l’État. Vaille que vaille, celui-ci continue de préserver d’abord les plus riches et avance une petite mesure pour tenter d’éteindre, à grand renfort de communication, la protestation sociale qui couve.
D’ailleurs, on peut facilement comparer ce montant avec les 4 milliards d’euros supplémentaires qui ont été dépensés cette année par l’État pour la deuxième tranche de suppression de la taxe d’habitation pour les 20 % de foyers les plus aisés, avec les 5 milliards d’euros perdus dans la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et la mise en place de la flat tax, véritable clé de voûte du quinquennat, avec les 10 milliards d’euros de baisse des impôts dits de production, venant s’ajouter à la trajectoire de baisse de l’impôt sur les sociétés.
Ce projet de loi de finances rectificative contient donc de maigres dispositions correctives, qui cachent mal l’incapacité du Gouvernement à mesurer une réalité sociale et à mener une politique équilibrée.
D’ailleurs, monsieur le ministre, vous aurez jusqu’au bout manqué l’occasion de créer une contribution exceptionnelle de solidarité sur les hauts revenus ou sur les plus gros patrimoines. Même Nicolas Sarkozy avait fait le choix d’une telle contribution en 2011, à la fin de son quinquennat, face à la crise financière. Une mesure de cette nature serait tellement nécessaire aujourd’hui, pour un peu plus de justice et un peu moins de déficit…
Afin de répondre à l’urgence et avant d’étudier, à partir de demain, le projet de loi de finances pour 2022, nous proposons un amendement visant à baisser la TVA sur les carburants dès le mois de décembre prochain – 5,5 % pour agir vite et fort –, ainsi qu’un amendement tendant à accroître le montant du chèque énergie et à soutenir davantage les Français les plus modestes face à l’inflation.
Cela ne doit pas pour autant nous conduire à ignorer la nécessité d’augmenter les salaires. Christine Lavarde a d’ailleurs indiqué, dans son intervention, que tout ne pouvait venir de l’État. Elle a raison !