M. le président. La parole est à Mme Chantal Deseyne. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme Chantal Deseyne. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre groupe partage le constat effectué par notre rapporteur : le développement rapide des plateformes répond à la fois à une demande des utilisateurs et au souhait d’indépendance exprimé par certains actifs, qui peuvent ainsi éviter la subordination et les contraintes liées au statut de salarié. Il permet également à des travailleurs peu qualifiés d’exercer une activité. Mais ces travailleurs ne sont ni tout à fait des travailleurs indépendants, compte tenu de l’absence de liberté dont ils disposent généralement dans l’exécution de la prestation ou dans la fixation de son prix, ni vraiment des salariés, en raison de l’absence de pouvoirs de direction de la plateforme à leur égard. De ce fait, la protection sociale dont ils bénéficient est lacunaire. Notamment, elle ne comprend pas la protection contre le risque d’accident du travail ou l’assurance chômage.
Aucune solution juridique n’a été trouvée, pour l’heure, à ce problème.
Le Sénat s’est emparé du sujet à plusieurs reprises. Ainsi, le remarquable rapport de nos collègues Frédérique Puissat, Catherine Fournier et Michel Forissier recommandait, en mai 2020, le développement d’un dialogue social et d’une représentativité des travailleurs et des plateformes.
Dépasser la question du statut pour développer le dialogue social entre travailleurs et plateformes permettrait, en effet, de répondre de manière pragmatique au besoin immédiat de protection sociale de ces travailleurs.
Nous nous réjouissons que le présent texte vienne concrétiser ces propositions, même si nous regrettons que le calendrier retenu par le Gouvernement interfère avec les travaux menés au niveau européen, ce pour s’inscrire dans la période préélectorale.
Sur la forme, nous sommes opposés au recours aux ordonnances, qui dessaisit le Parlement de ses compétences.
L’article 1er ne soulève pas de difficultés, car il prévoit la ratification de l’ordonnance du 21 avril 2021 relative à la représentation des travailleurs, dont nous connaissons et approuvons le contenu.
Le champ de l’habilitation prévu à l’article 2 est, en revanche, beaucoup plus large et indéterminé. Des amendements adoptés en commission ont permis de l’encadrer strictement. Nous pouvons donc approuver son contenu resserré.
Conformément à la LOM, ce projet de loi représente une première étape consistant à organiser un dialogue social dans les deux secteurs de la conduite de VTC et de la livraison en véhicule, les travailleurs en relation avec des plateformes y étant exposés à des risques particuliers et à une certaine précarité.
Le rapport sénatorial de mai 2020 proposait le choix de thèmes de négociation obligatoires, tels que la fixation du tarif, le développement des compétences et la prévention des risques professionnels.
Je tiens ici à saluer la qualité du travail de notre rapporteur, qui a complété le projet de loi, en introduisant ces thèmes dans un nouvel article 3 adopté en commission. Cette disposition, une fois inscrite dans la loi, assurera une négociation tous les quatre ans, voire de façon plus rapprochée, à défaut d’accord encadrant la négociation.
Nous ne suivrons pas le Gouvernement dans sa volonté d’organiser un dialogue social au niveau de chaque plateforme – ce qui est prématuré – ni dans son souhait de rétablir le champ de son habilitation, qui visait des aspects non mentionnés par la loi LOM et dessaisissait le Parlement.
Nous nous opposons également à la réintroduction d’amendements qui tendraient à faire de l’ARPE une agence de régulation des secteurs économiques des plateformes de VTC et de livraison.
Enfin, il nous semble important d’éviter toute perte de temps dans l’organisation du dialogue social de secteur. En conséquence, nous souhaitons le maintien d’un délai non de douze mois, mais de six mois pour la durée de l’ensemble de l’habilitation prévue à l’article 2.
L’étape fondamentale que nous franchissons aujourd’hui repose sur le poids donné à la négociation collective. La mise en place de ce dialogue social permet de dépasser le débat sur le statut des travailleurs des plateformes et d’avancer.
Notre groupe soutiendra votera le présent projet de loi.
Permettez-moi, pour terminer, de saluer les élus de Gironde présents en tribune. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge. (Applaudissements sur les travées du GEST. – M. Olivier Jacquin applaudit également.)
Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons peut, à certains égards, apparaître comme un progrès pour les travailleurs des plateformes.
Depuis la reconnaissance des associations de travailleurs en syndicat, nous attendions, en effet, un texte permettant d’encadrer les modalités du dialogue social. Mais la négociation sans droits sociaux à négocier n’est pas une avancée.
Certes, les travailleurs disposent désormais d’un cadre régissant le dialogue social. Pour autant, ils n’ont toujours pas de salaire minimum, toujours pas de protection contre les licenciements par déconnexion de la plateforme, toujours pas d’encadrement de la durée maximale de travail, toujours pas de congés ni de jours de repos garantis et rémunérés.
Nous sommes donc appelés aujourd’hui à ratifier une ordonnance volontairement vide, puisqu’elle renvoie les conditions de travail à la négociation collective, sans protéger les travailleurs ni corriger, surtout, les inégalités de rapport de force entre les plateformes et les travailleurs.
Sans institutions publiques et juridiques protectrices, rien ne contrebalance le poids prépondérant des plateformes face à leurs subordonnés. J’utilise ici à dessein le terme de « subordonnés », car c’est bien une relation de subordination qui qualifie les rapports entre les travailleurs et les plateformes.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Exactement !
Mme Raymonde Poncet Monge. Cette relation de subordination devrait nous conduire, tout en respectant l’aspiration légitime de ces travailleurs à l’autonomie, à les considérer comme des salariés jouissant de droits sociaux pleins et entiers.
La véritable raison pour laquelle les plateformes ne veulent pas entendre parler de salariat réside dans leur modèle économique, dont les fondements reposent non pas sur la rentabilité économique, mais sur les mannes de fonds d’investissement qui leur permettent de croître rapidement, d’entrer en bourse, de capitaliser sur leur valeur boursière et de distribuer des dividendes.
Comme la bulle internet des années 2000, cette bulle risque bien d’éclater un jour. Aucune richesse n’est produite et, comme le disait Naomi Klein dans No Logo : la tyrannie des marques, « les entreprises prospères doivent d’abord produire des marques plutôt que des marchandises ».
En la matière, la variable d’ajustement est toujours le travailleur, qui voit le tarif de ses prestations fluctuer selon le bon vouloir des plateformes, et qui se paupérise.
Si la « start-up nation » est dopée à l’imaginaire du « solutionnisme technologique » et de l’innovation numérique, pour les travailleurs, il s’agit en réalité, comme le disait Jacques Ellul, d’un « bluff technologique ».
Dans son ouvrage éponyme, ce dernier écrivait en 1988 que l’intrusion de l’informatique dans les rapports de production risquait de « faire glisser la classe ouvrière entière vers la précarité, la fluidité imposée, l’instabilité de l’emploi et la multiplication des formes de travail précaire ». Nous y sommes.
Sous couvert d’innovation technologique en faveur de l’autonomie, la gig economy réinstaure le salaire à la pièce, qui avait prospéré au XIXe siècle et qui consistait à rémunérer les ouvriers des manufactures à la pièce produite plutôt qu’au temps horaire.
Retour au XIXe siècle, donc, quand Marx écrivait qu’il s’agissait là de la forme la plus optimale du capitalisme, car elle précarise les travailleurs à qui l’on propose des prix toujours plus faibles pour chaque pièce, tout en maximisant les profits.
Ce tâcheronnage à la pièce, comme au XIXe siècle, est le sort actuel des livreurs et celui des 250 000 microtravailleurs liés, en France, à d’autres plateformes que ce projet oublie d’ailleurs totalement.
En 1848, la République du Printemps des peuples – puisque nous sommes de nouveau au XIXe siècle désormais – avait interdit le recours au salaire à la pièce. Voici qu’il revient, en 2021, en se faisant passer pour une solution futuriste, innovante, enviable pour les travailleurs.
Or l’« ubérisation » n’est pas le futur. C’est la destruction des conquis sociaux.
Pour les écologistes, il n’existe pas de dignité au travail sans droits sociaux, de négociation sans protection, d’encadrement des conditions du dialogue social sans un débat démocratique au Parlement, dialogue que le Gouvernement esquive, une fois encore, par la voie du recours aux ordonnances.
Parce que ce projet de loi n’apporte pas la solution que pourrait être, selon nous, l’adaptation d’un statut salarié aux travailleurs des plateformes qui tienne compte de leur aspiration à l’autonomie, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires s’y opposera. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE.)
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
Mme Cathy Apourceau-Poly. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le Sénat a terminé, vendredi dernier, l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, dont l’article 50 bis était consacré aux travailleurs des plateformes.
Nous sommes aujourd’hui de nouveau sollicités sur le même thème, au travers de l’examen de ce texte relatif aux modalités de représentation des travailleurs indépendants.
Sans répéter les arguments exposés par Pascal Savoldelli lors de la présentation de la motion d’irrecevabilité, je regrette à mon tour que le Gouvernement recoure aux ordonnances pour légiférer sur le dialogue social des plateformes numériques.
Outre le fait que le Gouvernement organise, une fois de plus, le dessaisissement du Parlement, ce projet de loi néglige la question majeure du statut de ces travailleurs.
Il nous est proposé d’instaurer un cadre de dialogue social pour les travailleuses et les travailleurs des plateformes, mais uniquement des plateformes de mobilité, comme les chauffeurs VTC et les livreurs de repas.
Ces 50 000 travailleurs, qui ne disposent d’aucune garantie en matière de revenu minimum, de conditions de travail ou de protection sociale pourront donc élire des représentants, dont on peut se demander ce qu’ils pourront bien négocier.
Ce texte vise à sécuriser le modèle économique des plateformes et à éviter le risque de requalification salariale devant le juge, en renforçant le critère d’indépendance.
Cette position est en totale opposition – faut-il le rappeler ? – avec la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation qui, dans des arrêts en date du 28 novembre 2018 et du 4 mars 2020, a reconnu respectivement la qualité de salarié à un livreur de la plateforme Take Eat Easy et à un chauffeur Uber.
Ce texte ajoute une nouvelle pierre à l’édifice, en créant un cadre de dialogue social entre travailleurs et plateformes sans aborder la question de leur statut.
Il révèle, ainsi que le soulignait mon collègue Pascal Savoldelli, le manque d’ambition du Gouvernement, alors même que le rapport Frouin de décembre 2020 préconisait de clarifier le statut de ces travailleurs, en proposant plusieurs scénarios, parmi lesquels celui de la reconnaissance d’un statut de salarié.
Le présent projet de loi se résume à une tentative maladroite de s’inspirer du modèle du salariat en matière de négociation collective, sans pour autant appliquer aux travailleurs les protections minimales garanties par le code du travail.
En quelques années, les plateformes numériques se sont développées de manière rapide, révolutionnant nos manières de communiquer, de consommer et de travailler. Tels sont les enseignements qui figurent dans le rapport remis au Sénat, au nom de la mission d’information « Ubérisation de la société », par Pascal Savoldelli, qui a beaucoup travaillé sur cette question.
Cela étant, à quoi bon travailler, madame la ministre, puisque vous recourez sans cesse aux ordonnances et passez à la trappe le travail parlementaire ?
Le modèle économique des plateformes reste fragile. Il repose principalement sur la possibilité de mobiliser des travailleurs pour un coût social bien moindre que l’emploi de salariés.
Un représentant des plateformes de mobilité l’avouait récemment devant l’Assemblée nationale, à l’occasion d’une audition préparatoire à l’élaboration de ce texte : « Nous ne sommes pas profitables, nous sommes à la recherche d’un modèle économique. » Triste aveu d’un système économique qui précarise des milliers de travailleurs, sans pour autant atteindre la prospérité !
Ces constats appellent à une régulation des plateformes numériques permettant d’éviter la course au dumping social.
C’est pourquoi la priorité devrait être de reconnaître légalement le statut de salariés aux travailleurs des plateformes, ce qui aurait pour conséquence l’application entière des dispositions du code du travail. Telle est la voie que vient de prendre l’Espagne en adoptant, à l’été 2021, une législation affirmant le principe d’une présomption de salariat.
Cette solution aurait un triple mérite : clarifier juridiquement le statut de ces travailleurs au regard du droit du travail et de la protection sociale, améliorer leurs conditions de travail et leur rémunération et, enfin, reconnaître leur dépendance économique à l’égard des plateformes dans l’exercice de leur activité.
Pour l’ensemble de ces raisons, notre groupe votera contre ce projet de loi de ratification et d’habilitation. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre. La volonté du Gouvernement, je le rappelle, est de permettre le développement de l’activité de ces plateformes – qui offrent de nouveaux services et créent des emplois (Exclamations et marques d’ironie sur les travées du groupe CRCE.) – tout en garantissant naturellement aux travailleurs un socle de droits.
La garantie de ce socle de droits passe non pas par un débat sur le statut des travailleurs, mais par l’organisation d’un dialogue social plus équilibré.
Tel est l’objet de l’ordonnance qu’il vous est proposé de ratifier et des habilitations qu’il vous est proposé de voter.
Je précise que nous ne sommes pas en train de faire du travail des plateformes l’alpha et l’oméga du travail en France.
M. Pascal Savoldelli. Encore heureux !
Mme Élisabeth Borne, ministre. Nous pouvons nous réjouir de compter aujourd’hui 800 000 emplois salariés de plus qu’au début du quinquennat et près de 200 000 emplois salariés de plus qu’avant la crise sanitaire.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Allez donc tenir ces propos aux salariés de Bridgestone !
Mme Élisabeth Borne, ministre. Nous agissons aussi en faveur du développement de l’emploi salarié et pour permettre à chacun d’accéder à un emploi.
J’en veux pour preuve le plan d’investissement dans les compétences – qui vise particulièrement les demandeurs d’emploi –, le plan récent de lutte contre les tensions de recrutement, le plan « 1 jeune, 1 solution » ou encore le contrat d’engagement jeune, dont nous aurons l’occasion, je pense, de reparler.
Permettez-moi de m’étonner de l’éloge qui vient d’être fait de la situation en Espagne. Je vous invite à regarder l’actualité récente dans ce pays.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Nous avons regardé !
Mme Cathy Apourceau-Poly. Lesquelles ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. En conséquence, l’activité n’est plus là et le travail non plus.
S’agissant, par ailleurs, de la Grande-Bretagne, je vous invite à vous renseigner sur le statut de workers, qui n’est pas un statut salarié. (Protestations sur les travées du groupe CRCE.)
Avant d’effectuer des comparaisons avec les pays voisins, il convient, me semble-t-il, d’analyser précisément quelle en est la situation.
Monsieur le sénateur Jacquin, vous me suggérez de m’interroger sur le fait que cette partie gauche de l’hémicycle ne partage pas mon point de vue.
Je note que la partie gauche de l’hémicycle ne croit pas au dialogue social, et je le regrette. (Vives protestations sur les travées des groupes CRCE et SER.)
Mme Monique Lubin. Caricature !
M. Pascal Savoldelli. Ayez un peu de mémoire ! Souvenez-vous de vos fonctions antérieures !
Mme Élisabeth Borne, ministre. Je m’étonne, monsieur le sénateur Jacquin, que vous vous opposiez à une démarche qui s’inscrit dans la continuité des jalons posés par la loi El Khomri sur la responsabilité sociale des plateformes.
S’agissant du procès d’intention selon lequel nous voudrions empêcher toute requalification en emploi salarié, je vous mets au défi, monsieur Jacquin, de m’expliquer ce qui, dans ce projet de loi, pourra empêcher demain un juge de requalifier en salarié un travailleur qui ne serait pas réellement indépendant.
Soyez assuré, en outre, que nous agissons sur la question de la sous-location des comptes. À deux reprises, j’ai réuni les représentants des plateformes…
M. Olivier Jacquin. Pour les gronder ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. … pour leur signifier que nous n’acceptions pas cette pratique, laquelle peut conduire à du travail dissimulé de travailleurs en situation de fragilité. Nous leur avons demandé de prendre des mesures de nature à empêcher ces sous-locations de comptes et nous attendons des engagements de leur part avant la fin de cette année.
Madame la rapporteure, je suis de votre avis : il est préférable d’être le plus précis possible. Néanmoins, un temps de concertation avec les acteurs du secteur nous paraît nécessaire, avant de définir exactement le champ de la négociation sociale.
L’amendement n° 17 du Gouvernement va toutefois dans le sens que vous souhaitez : il encadre davantage l’habilitation, en précisant notamment que les thèmes de la rémunération, de la formation ou encore de la santé des travailleurs doivent évidemment entrer dans le cadre de la négociation.
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à l’examen du texte de la commission.
projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2021-484 du 21 avril 2021 relative aux modalités de représentation des travailleurs indépendants recourant pour leur activité aux plateformes et aux conditions d’exercice de cette représentation et portant habilitation du gouvernement à compléter par ordonnance les règles organisant le dialogue social avec les plateformes
Article 1er
I. – L’ordonnance n° 2021-484 du 21 avril 2021 relative aux modalités de représentation des travailleurs indépendants recourant pour leur activité aux plateformes et aux conditions d’exercice de cette représentation est ratifiée.
II (nouveau). – Le titre IV du livre III de la septième partie du code du travail est ainsi modifié :
1° L’article L. 7343-7 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les travailleurs qui remplissent la condition mentionnée au premier alinéa pour plusieurs secteurs d’activité mentionnés à l’article L. 7343-1 choisissent le secteur pour lequel ils exercent leur droit de vote. » ;
2° À l’article L. 7343-8, les mots : « de la condition définie » sont remplacés par les mots : « des conditions définies » ;
3° Au deuxième alinéa de l’article L. 7345-1, les mots : « des relations sociales » sont remplacés par les mots : « du dialogue social » ;
4° Au deuxième alinéa de l’article L. 7345-2, les mots : « un député et un sénateur, » sont supprimés.
M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin, sur l’article.
M. Olivier Jacquin. Permettez-moi de répondre aux interventions de Mme la ministre et de Mme la rapporteure.
L’une des propositions de la mission d’information sénatoriale, d’ailleurs votée à l’unanimité, visait à recueillir des chiffres plus précis concernant l’« ubérisation » et la « plateformisation ».
Actuellement, quels sont en réalité les chiffres que nous avons à notre disposition, à l’appui de notre débat ?
On parle d’une étude selon laquelle 80 % des travailleurs ne souhaiteraient pas être salariés. Or il se trouve que cette étude vient de chez… Uber. Je veux bien que l’on écoute Uber, mais cela ne suffit pas !
De son côté, l’intersyndicale nationale VTC (INV) a publié une étude relatant des cas de déconnexion de travailleurs sans explication aucune. Il serait utile de se référer également à ce type d’études.
J’alerte donc sur ce point : nous manquons d’informations précises sur le périmètre considéré. Cela posera bien des problèmes lorsqu’il s’agira de définir qui détiendra le droit de vote dans cette affaire.
Madame la ministre, je prends avec humour votre interrogation quant au fait que la gauche de l’hémicycle ne souhaiterait pas le dialogue social…
Mme Cathy Apourceau-Poly. Soyons sérieux !
M. Olivier Jacquin. Je vous connais, je ne peux prendre cela autrement qu’avec humour, même si la situation est grave.
Madame la ministre, vous n’êtes pas Waldeck-Rousseau qui, en 1884, a permis aux syndicats d’exister librement. Certes, en tant que républicain, il n’a fait qu’acter l’évolution en cours. Il faudra ensuite attendre cinquante ans pour que soient obtenus les congés payés, en 1936. Or ces derniers l’ont été, non pas par le dialogue social, mais par des luttes et par des grèves, ensuite traduites dans la loi.
À cet égard, je vous invite à relire l’ouvrage Les Métamorphoses de la question sociale, dans lequel Robert Castel explique parfaitement ce processus.
Enfin, madame Puissat, le statut des travailleurs n’est pas évoqué dans ce texte.
M. le président. Veuillez conclure, cher collègue.
M. Olivier Jacquin. J’ai pourtant tenté de faire la démonstration que l’ensemble de ce texte porte sur le « faux statut ».
Vous nous empêchez de présenter notre proposition de présomption de salariat. Celle-ci reviendra par le biais européen, je l’espère.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 3 est présenté par Mme Lubin, MM. Jacquin et Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 8 est présenté par Mmes Apourceau-Poly et Cohen, M. Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 21 est présenté par Mme Poncet Monge, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon et Mmes Taillé-Polian et M. Vogel.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Monique Lubin, pour présenter l’amendement n° 3.
Mme Monique Lubin. Cet amendement vise à supprimer l’article 1er. Je vous fais grâce d’un nouvel exposé du raisonnement que nous avons tenu, les uns après les autres à cette tribune.
Si nous souhaitons supprimer cet article, c’est simplement parce que, que vous le vouliez ou non, madame la ministre, il instaure de fait ce fameux tiers-statut que nous rejetons.
Plus l’on grave dans le marbre de la loi les conditions du dialogue social ou d’autres dispositions relatives aux travailleurs des plateformes, plus l’on donne corps, de fait, à ce nouveau statut.
Bien que le texte ne soit pas formulé ainsi, cette tendance me semble couler de source et c’est inacceptable.
L’appellation « travailleurs des plateformes » est peut-être absconse pour certains, mais nos débats portent exclusivement sur des conducteurs de VTC et des livreurs de repas.
Je veux bien tout entendre, mais va-t-on m’expliquer aujourd’hui que le fait de livrer des repas – sans vouloir être désagréable à l’égard des personnes exerçant cette activité, que je ne vise pas naturellement – correspond à une quelconque création de richesse ou à de la création d’emploi ?
L’emploi n’a pas vocation à asservir la personne ; il doit lui permettre de se réaliser.
Or aujourd’hui, vous le savez très bien, quand on pratique ce genre d’activités, c’est qu’on ne peut pas faire autrement.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Bien sûr !
Mme Monique Lubin. C’est une forme d’esclavage moderne que nous sommes en train d’inscrire dans la loi.
Nous demandons la suppression de cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour présenter l’amendement n° 8.
M. Fabien Gay. Nous sommes également favorables – cela ne vous surprendra pas – à la suppression de cet article.
La seule question qui vaille, madame la ministre, est la suivante : pensez-vous sincèrement que le fameux dialogue social permettra d’apporter des réponses à toutes les questions qui sont posées sur la santé des travailleuses et des travailleurs, leur juste rémunération, leur protection sociale ou encore l’accès aux algorithmes ?
Personnellement, j’apprécie peu ce terme de « dialogue social ». En réalité, il y a un déséquilibre entre les salariés, les travailleuses et les travailleurs d’un côté et, de l’autre, le patronat. C’est la raison pour laquelle, d’ailleurs, a été établi un code du travail, qui vise justement à réduire ce déséquilibre.
Je préfère employer le terme de « négociations sociales ». En effet, il ne peut y avoir négociation que s’il y a lutte des travailleuses et des travailleurs en vue de rétablir cet équilibre.
Le « dialogue social » est en fait l’équivalent des « plans de sauvegarde de l’emploi », qui n’ont jamais sauvegardé un seul emploi en France et qui ne désignent pas autre chose que des plans de licenciements.
Je vous repose la seule question qui vaille, madame la ministre : pensez-vous sincèrement que des jeunes précarisés – y compris des sans-papiers, Pascal Savoldelli l’a souligné et ce serait une autre question à vous poser, d’ailleurs – viendront s’asseoir à la table des négociations, aux côtés des dirigeants des plateformes numériques, et trouveront une solution à tous les problèmes que vous refusez de régler par la loi ?
À un moment donné, lorsqu’une question sociale est posée, il y a lutte et il est nécessaire d’en passer par la loi.
Depuis quatre ans et demi, vous avez eu l’occasion, madame la ministre, de traiter toutes ces questions. Elles sont sur la table. Nombre d’entre nous avons déposé des propositions de loi. La Cour de cassation, cela a été dit, a rendu, à juste titre, des décisions allant dans le sens d’une présomption de salariat. Or vous allez à l’encontre de cette jurisprudence !
M. le président. Veuillez conclure, cher collègue.
M. Fabien Gay. Madame la ministre, veuillez répondre à ma question : pensez-vous sincèrement que vous réglerez ces questions par le dialogue social ? Vous savez bien que non.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 21.