M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Michelle Meunier. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale est toujours un moment important dans la vie du Parlement.
Au-delà de l’exercice parlementaire en tant que tel, c’est bien plus qu’un texte que nous examinons. De ces articles, de ces chiffres, de ces milliards d’euros ressort la situation de nos concitoyens, le quotidien de celles et ceux dont l’âge avance, d’enfants et d’adultes extraordinaires, dont la vie ne peut se dérouler sans l’aide de proches ou de professionnels, ainsi que la carrière de celles et ceux qui les accompagnent, et dont c’est le métier.
Certes, ce PLFSS comporte bien une cinquième branche, mais que faire d’une branche sans financement ?
Si ce texte apporte bien quelques mesures, celles-ci cachent difficilement le peu de vision de votre gouvernement, lequel, après avoir annoncé une grande loi dédiée à la dépendance, puis au grand âge et à l’autonomie, puis aux liens entre les générations, n’a finalement rien proposé du tout.
Ces effets d’annonce n’ont eu pour conséquence que d’amplifier le désarroi et la déception d’un secteur professionnel déjà en grande tension et en grande souffrance depuis bien trop longtemps. Ce PLFSS ne répond ainsi en rien à la crise du secteur médico-social.
Pourtant, des chiffres implacables nous alertent, reflétant la réalité démographique de notre pays : en 2040 – après-demain, donc –, les plus de 65 ans représenteront plus d’un Français sur quatre. On le sait : il faudrait 10 milliards d’euros supplémentaires pour prendre en charge ce vieillissement de la société.
Or les auteurs de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale ne veulent pas voir cette réalité et rendent par conséquent invisibles toutes ces personnes, leurs besoins, de même que tous les professionnels du secteur. La création de l’équivalent d’un poste d’infirmière supplémentaire par Ehpad et par an ne suffira sans doute pas à y répondre, non plus que le tarif plancher à 22 euros.
Cette dernière mesure, présentée comme l’alpha et l’oméga de l’amélioration de l’égalité dans la prise en charge des frais de l’accompagnement à domicile, a été, à peine annoncée, décriée par tout le secteur. Elle est considérée comme étant pénalisante pour les départements bons élèves.
Vous y avez ajouté un bonus qualité complémentaire allant jusqu’à 3 euros, soit un reste à charge plus important, donc plus lourd pour les plus modestes. Ainsi, vous creusez un peu plus encore les inégalités.
La France est en retard dans la prise en charge de la dépendance et du handicap ; en retard sur la prévention de la perte d’autonomie.
Pourtant, des solutions existent. Elles figurent dans les nombreux rapports qui vous ont été remis ces derniers mois, le Sénat lui-même ayant contribué à certains de ces travaux.
Le caractère ambitieux de ces propositions a été relevé. Hélas, on n’en voit pas la traduction dans ce PLFSS, qui, comme beaucoup l’a souligné, constitue un rendez-vous manqué. L’autonomie et la dépendance méritent toute notre attention et toute notre vigilance, parce qu’il s’agit d’humanité et de dignité. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST et CRCE.)
M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
M. Martin Lévrier. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, comme l’a parfaitement rappelé notre collègue Xavier Iacovelli, l’examen du PLFSS est un exercice particulier, eu égard aux nombreux enjeux qu’il recouvre, a fortiori cette année, puisqu’il s’agit du dernier PLFSS de la législature et qu’il est en outre examiné dans un contexte sanitaire et social inédit.
Je ne reviendrai pas sur les nombreuses mesures qui ont d’ores et déjà été détaillées. Avant d’évoquer les apports du texte issu de l’Assemblée nationale, je souhaite rappeler la traduction législative de plusieurs mesures de soutien aux travailleurs indépendants, annoncées par le Président de la République au cours du mois de septembre 2021.
Je veux évoquer, premièrement, la préservation des droits à la retraite des indépendants travaillant dans les secteurs les plus touchés par la crise. Ainsi, certains d’entre eux n’ont pu valider leurs trimestres de retraite durant la crise sanitaire en raison du ralentissement, voire de l’arrêt de leur activité. Cet effet collatéral est corrigé par le projet de loi : désormais, les indépendants les plus touchés par la crise bénéficieront d’un nombre de trimestres de retraite validés en 2020 et 2021 équivalent à la moyenne des trimestres validés lors de leurs trois derniers exercices.
Je citerai, deuxièmement, la simplification du calcul et du recouvrement des cotisations des indépendants prévue dans ce PLFSS.
Ce texte inscrit également dans la loi le versement en temps réel du crédit d’impôt et des aides sociales associés aux services à la personne pour les particuliers.
Il concrétise en outre les mesures en matière de psychiatrie annoncées à l’issue des assises de la santé mentale à la fin du mois de septembre 2021. Elles sont les bienvenues dans un contexte épidémique ayant fragilisé non seulement les corps, mais aussi les esprits.
Je pense notamment au recrutement de personnels dans les centres médico-psychologiques (CMP) pour les adultes et les enfants, mais aussi au déploiement d’un service téléphonique d’accès aux soins psychiatriques vingt-quatre heures sur vingt-quatre, ou encore au remboursement des consultations chez un psychologue de ville à partir de l’âge de 3 ans dès 2022 sur prescription d’un médecin, introduit par un amendement du Gouvernement lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale.
Les députés ont par ailleurs renforcé le contrôle des centres de santé par les agences régionales de santé et prévu des sanctions en cas de manquement.
Ils ont aussi prolongé jusqu’à la fin de l’année 2022 les dispositions provisoires contenues dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, notamment les accords d’activité partielle de longue durée, qui permettent aux salariés de bénéficier d’indemnités complémentaires de la part de leur employeur.
S’agissant des pénuries de médicaments, dont nous aurons, je l’espère, largement l’occasion de parler ces prochains jours, un amendement des députés durcit les sanctions contre les mauvaises pratiques de certains grossistes répartiteurs, dits short liners, qui ne respectent pas leurs obligations de service public, en particulier celles de disposer d’un stock de médicaments et d’être en mesure de livrer les pharmacies dans un délai de vingt-quatre heures.
Nos collègues de l’Assemblée nationale ont permis l’expérimentation, dans six départements, d’un accès direct, sans ordonnance, aux kinésithérapeutes et aux orthophonistes exerçant dans des structures de soins coordonnés.
La commission des affaires sociales du Sénat, sans revenir sur ce point, a souhaité encadrer davantage le dispositif en précisant que le décret d’application devrait être pris en Conseil d’État, après consultation de la Haute Autorité de santé (HAS) et de l’Académie nationale de médecine.
L’élargissement des activités des orthoptistes a également été maintenu par la commission. Ces professionnels paramédicaux, chargés de la rééducation des yeux en cas de troubles de la vision, pourront réaliser des bilans ou prescrire des lunettes sans que le patient consulte un ophtalmologue. Cette mesure concrète offre un meilleur accès aux soins et une véritable réduction des délais d’attente.
En revanche, pour se prémunir d’une dégradation de la prise en charge des patients, la commission des affaires sociales souhaite garantir des « critères exigeants » dans la réalisation des bilans par les orthoptistes. Les textes d’application devront être pris après l’avis du Conseil national professionnel d’ophtalmologie. La commission exige également que les bilans visuels ne concernent qu’une tranche d’âge particulière, afin notamment de « prévenir les pertes de chance pour les patients les plus âgés ».
Fruits du bicamérisme, ces mesures concrètes amélioreront le quotidien de milliers de personnes.
Dans ce contexte de pandémie qui nous oblige, plusieurs autres défis doivent être relevés par ce PLFSS. Je ne doute pas que nos débats apporteront certaines améliorations. Je compte sur vous non seulement pour ne pas faire l’impasse sur la maîtrise de nos dépenses, mais également pour renforcer nos outils de régulation. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Florence Lassarade. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Florence Lassarade. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est le dernier du quinquennat ; il est aussi celui de la sortie de la crise sanitaire.
Malgré un budget de plus de 500 milliards d’euros, ce texte reste très en deçà des attentes des Français et des professionnels du secteur médical. Je ne reviendrai pas sur les observations de notre collègue Chantal Deseyne, auxquelles je souscris pleinement !
Monsieur le ministre, face à la pandémie de covid-19, notre système de santé n’a tenu que grâce au dévouement et à la compétence des personnels soignants. Certes, il y a eu le Ségur de la santé, mais tous les professionnels ne sont pas concernés par les augmentations de salaire prévues.
Il y a les nombreux oubliés, qui, pourtant, n’ont pas ménagé leur peine depuis le début de la crise sanitaire ! Et il y a aussi tous les déçus de vos propositions, qui consistent en des effets d’annonce.
Les sages-femmes, les infirmiers, les médecins, les pédiatres, les ophtalmologistes, les psychologues : la liste des insatisfaits est longue. Le Gouvernement fait montre de bien peu de considération et de reconnaissance envers ces professions.
Mme Florence Lassarade. En premier lieu, je pense aux sages-femmes, grands oubliés du Ségur. La France compte environ 23 000 sages-femmes en activité, dont 97 % sont des femmes. Celles exerçant à l’hôpital bénéficieront à partir de janvier d’une prime de 100 euros et d’une hausse de salaire d’environ 100 euros brut par mois. Malgré cela, les niveaux de rémunération restent inadaptés à leur niveau de responsabilités. Le métier de sage-femme, qui exigerait un statut spécifique, doit être mieux rémunéré.
Malgré les manifestations et les grèves, que propose ce PLFSS ? Il dispose que la première consultation lors d’une demande de stérilisation à visée contraceptive puisse se faire auprès d’une sage-femme, et non plus seulement d’un médecin. Il prévoit également des campagnes de communication organisées par la Caisse nationale de l’assurance maladie pour informer la population sur leurs compétences ! C’est stupéfiant !
J’en viens à un autre sujet de mécontentement : quid de la construction d’une psychiatrie humaine ?
L’état psychiatrique du pays s’est aggravé avec la crise sanitaire et, là encore, les besoins sont criants.
Alors que les maladies psychiques touchent chaque année une personne sur cinq, soit 12 millions de Français, dont seuls 40 % à 60 % d’entre eux sont pris en charge, ce PLFSS ne comporte aucune mesure nouvelle pour la psychiatrie et la pédopsychiatrie. Actuellement, 30 % des postes de praticiens hospitaliers sont vacants dans le public, compte tenu du niveau des salaires et de la détérioration des conditions de travail.
En outre, la psychiatrie ne séduit plus les étudiants, puisque ceux-ci boudent plus de 10 % des postes d’internat de cette spécialité.
Présenté comme la mesure phare des assises de la santé mentale, le remboursement des consultations de psychologues ne rencontre pas le succès escompté auprès des professionnels du secteur. Les modalités pratiques de la mise en œuvre de cette mesure sont en décalage complet avec la pratique des consultations des psychologues. Nous essaierons néanmoins d’améliorer ce dispositif en séance. Notre collègue Alain Milon développera tout à l’heure la situation de la psychiatrie en France dans son intervention.
La pédiatrie est un autre secteur en grande difficulté. Huit départements connaissent une densité inférieure à un pédiatre pour 100 000 habitants et l’âge moyen des pédiatres libéraux laisse présager une aggravation de la situation, puisque 44 % d’entre eux ont plus de 60 ans.
Cette situation pose une question majeure d’accès aux soins pédiatriques. Mais ce PLFSS ne formule aucune proposition.
Monsieur le ministre, nous attendions des mesures fortes en direction des soignants pour corriger tous les manquements du passé. Au lieu de cela, le Gouvernement nous offre des rustines !
Pis encore, une nouvelle étape est franchie dans le démantèlement des compétences médicales, avec un risque important de dégradation de la qualité des soins.
En effet, il est proposé dans le PLFSS d’autoriser les orthoptistes à réaliser un certain nombre d’actes sans prescription médicale et sans que ceux-ci soient placés sous la responsabilité d’un médecin. Il est également prévu de déléguer à ces personnels paramédicaux le dépistage de l’amblyopie chez les enfants de 9 à 15 mois et des troubles de la réfraction chez les enfants âgés de 30 mois à 5 ans.
Comme d’autres médecins, je pense qu’il est dangereux d’autoriser les orthoptistes à effectuer ces contrôles, au regard de la qualité des soins et du dépistage des pathologies oculaires.
Monsieur le ministre, je souhaite rappeler dès cette discussion générale que le certificat de capacité d’orthoptiste se prépare en trois ans et qu’il a pour objet la rééducation et la réadaptation oculaires. Eu égard à sa formation, le médecin est le seul habilité à poser un diagnostic médical. J’espère que l’examen du projet de loi apportera des modifications afin de préserver la santé de nos concitoyens.
Abandonner les médecins, les infirmiers, les aides-soignants, les sages-femmes revient à abandonner ceux qui luttent au quotidien pour préserver la santé de tous nos concitoyens !
Nous plaidons pour une réelle politique d’attractivité des métiers de la santé et du social, avec des rémunérations de base attractives ainsi qu’une meilleure évolution des carrières et des salaires. Malheureusement, le droit d’amendement ne nous permet pas de faire des propositions en ce sens.
Nous comptons néanmoins sur des échanges constructifs avec le Gouvernement pour améliorer ce PLFSS, et nous espérons, messieurs les ministres, que vous accepterez de lever certains gages sur nos propositions d’amendements ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Monique Lubin. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je ne reviens pas sur les propos de nos collègues Bernard Jomier et Michelle Meunier, auxquels je souscris pleinement.
Nous déplorons que ce PLFSS n’offre ni perspectives de financement pour la sécurité sociale ni de solution à la crise de l’hôpital public ; de plus, il enterre la grande loi sur l’autonomie et la dépendance promise par le Gouvernement.
Il s’agissait pourtant de deux chantiers majeurs du quinquennat. En septembre 2020, le Président de la République annonçait une loi relative au grand âge pour le début de l’année 2021. Avant même la crise sanitaire, en janvier 2020, plus de 1 500 médecins démissionnaient de leurs fonctions d’administration, de gestion et de représentation pour protester contre le refus du Gouvernement de négocier avec les parties prenantes sur les moyens de l’hôpital public.
Le dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale de la mandature n’est pas à la hauteur dans ces deux domaines, ni dans d’autres au demeurant.
C’est en effet un « presque » qu’inspirent les diverses mesures mises en avant dans ce texte : de nombreuses dispositions, à première vue prometteuses, ne vont pas jusqu’au bout de ce qui peut être proposé.
Si l’on peut ainsi saluer certaines mesures intéressantes, telles que la gratuité de la contraception jusqu’à 25 ans, ou la généralisation de l’intermédiation pour le versement des pensions alimentaires, il aurait fallu en revanche aller plus loin dans la simplification de l’accès à la complémentaire santé solidaire pour les allocataires du RSA et du minimum vieillesse. Cette mesure comporte en effet des « trous dans la raquette » qui nous ont conduits à présenter des amendements afin de lutter contre le risque de non-recours, et afin que les organismes impliqués veillent à transmettre l’information pertinente aux bénéficiaires.
Par ailleurs, la fluidité de la transmission des informations entre administrations et organismes n’est pas garantie. Enfin, ces prestations sont des droits quérables, qui nécessitent de la part des bénéficiaires potentiels de mener à bien un certain nombre de démarches identifiées comme favorisant le non-recours.
L’article ajouté par voie d’amendement par le Gouvernement, visant à permettre aux travailleurs des plateformes de bénéficier du régime général de la sécurité sociale, sous réserve d’un revenu annuel inférieur à 1 500 euros, nous pose toujours le même problème, dès lors que le Gouvernement s’intéresse à ce dossier : ces dispositions entérineraient la création d’un « tiers-statut » cumulant les supposés inconvénients du salariat, notamment le lien de dépendance vis-à-vis de l’entreprise, avec ceux du véritable travail d’indépendant, notamment en ce qui concerne l’accès à la protection sociale.
Nous refusons d’emprunter ce chemin, et demeurons attachés à la préservation d’un authentique salariat et d’un véritable statut d’indépendant. Nous y reviendrons très vite avec l’examen du projet de loi de ratification de l’ordonnance relative aux modalités de représentation des travailleurs indépendants recourant pour leur activité aux plateformes.
Le Ségur de la santé est depuis de longs mois source de mécontentement.
Parmi les oubliés figuraient – entre autres – les services de soins infirmiers à domicile (Ssiad) et les services d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD), qui ont pourtant été à pied d’œuvre durant la crise sanitaire et les différentes périodes de confinement.
Nous avons pris bonne note que le Gouvernement a peu à peu rectifié le tir. Je pense notamment à l’amendement au PLFSS 2021 qui a concrétisé un avenant à leur convention collective de branche. Mais les modalités de répartition de cette revalorisation appliquée au 1er octobre n’ont pas fait l’unanimité, une partie des salariés du secteur en étant de fait exclue.
Une loi sur l’autonomie et la dépendance aurait permis de disposer d’une politique unifiée à destination du secteur de l’aide à domicile. Mais on continue à mettre des cataplasmes sur une jambe de bois, alors que la cinquième branche est maintenant créée.
Dans ces conditions, l’article 30 du PLFSS, qui prévoit de consolider le financement des SAAD avec un tarif plancher national de 22 euros par heure, est certes intéressant, mais il ne peut pallier une politique structurellement insuffisante en la matière, d’autant que cette mesure pose aussi la question de la répartition entre l’État et les départements du financement de la revalorisation proposée lors du Ségur de la santé.
Le surcoût de cette mesure pour les départements, entrée en vigueur le 1er octobre dernier, s’élèverait à 75 millions d’euros en 2021, compensé par l’État à hauteur de 70 %, par l’intermédiaire de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie. Le coût résiduel pour les départements serait de 22 millions d’euros, l’État s’engageant à couvrir 50 % de la dépense supplémentaire à partir de 2022, pour un montant total de 150 millions d’euros.
Il convient de rappeler que, désormais, les départements ne disposent plus de l’autonomie fiscale. Il faudrait s’en souvenir au moment de décider le déploiement de mesures les mettant à contribution, alors même qu’ils n’ont plus les moyens d’ajuster les recettes aux nouvelles dépenses qui leur sont imposées !
Monsieur le ministre, vous avez dit dans votre propos liminaire que le Gouvernement confirmait le virage « domiciliaire ». Mais où sont les financements ? Il serait illusoire de penser que les mesures dont je viens de parler seront suffisantes.
S’agissant des retraites, si le Gouvernement propose des mesures fonctionnelles, dont certaines vont dans le bon sens, comme la retraite progressive étendue aux cadres, nous ne sommes pas dupes ! Bien que vous n’ayez finalement pas mené à bien la réforme envisagée, nous sommes sur la défensive, tant les atermoiements ont été nombreux à ce sujet.
Je sais bien que le Gouvernement – et il n’est pas le seul – attend le moment opportun pour imposer des réformes qui seront contraires aux intérêts du plus grand nombre de salariés. J’entends ici et là que les seules solutions consisteraient à ajouter des trimestres et à reporter l’âge de départ, et donc à faire toujours payer les mêmes catégories de travailleurs : nous nous y opposerons.
Les avancées sociales mises en avant par ce PLFSS dissimulent le refus de mener les politiques publiques nécessaires à la préservation et à la modernisation de notre modèle social. Le quinquennat qui se termine – entre la crise des « gilets jaunes » et les fragilités que la covid-19 a mises en avant – a été lourd d’enseignements. Nous aurions pu espérer un PLFSS de combat, mais il s’agit d’un texte de routine.
Cela me semble d’autant plus surprenant que, depuis quelques jours, les ministres se succèdent dans les médias pour se réjouir d’une situation économique qui connaîtrait une embellie. Se pose donc la question de la répartition des bénéfices de cette sortie de crise. Iront-ils à l’hôpital public, à l’autonomie ? Ce ne sera – hélas ! – pas le cas en 2022 ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
M. le président. La parole est à M. Alain Milon. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Alain Milon. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’examen du PLFSS 2022 m’offre l’occasion de vous alerter sur la situation très préoccupante de la psychiatrie publique en France. En 2019, les professeurs Marion Leboyer et Pierre-Michel Llorca ont coécrit un ouvrage intitulé Psychiatrie : l’état d’urgence.
Depuis, la pandémie de covid-19 est passée par là, aggravant considérablement la situation, tant en raison de l’augmentation du besoin de prise en charge d’une partie de la population que de la fuite toujours plus importante de médecins du secteur public.
Le Ségur de la santé a permis de redonner partiellement des moyens à l’hôpital public, grâce, entre autres, à une augmentation salariale significative pour le personnel. Mais ces mesures catégorielles, prises au coup par coup, ne répondent pas aux difficultés structurelles de la fonction publique hospitalière.
En outre, l’application discriminante de certaines mesures a généré incompréhension, frustration et colère chez certains professionnels.
Au-delà des difficultés de management qu’ont rencontrées les directions d’établissement, une inquiétude demeure au regard des surcoûts que représentent les mesures prises. En effet, leur compensation en 2021 a été allouée par les ARS en crédits non reconductibles, et non dans la base de la dotation annuelle de financement (DAF), ce qui préoccupe fortement les directions.
Malgré l’effort de 3,8 milliards d’euros en 2021 destiné au volet salarial du Ségur, la Fédération hospitalière de France (FHF) dénonce un sous-financement des mesures de revalorisation des rémunérations des personnels entrées en vigueur en 2021. Cette sous-évaluation porte sur le complément de traitement indiciaire et sur la revalorisation de traitement des personnels médicaux.
En moyenne, il existerait un différentiel de 15 % à 20 % des crédits alloués par établissement. Cet écart s’explique essentiellement par le fait que ces mesures ont été calculées sur le fondement de la statistique annuelle des établissements de santé (SAE) de 2019, sans tenir compte des recrutements effectués entre 2019 et 2021. Le sous-financement pour l’ensemble des hôpitaux représenterait un montant de 750 à 800 millions d’euros.
À cela s’ajoute la pénurie médicale, qui touche tous les établissements publics de santé, mais surtout certaines spécialités, dont les plus concernées sont les urgences, la réanimation, la gynécologie et la psychiatrie.
Les établissements de santé plaident de longue date pour un contrôle et une régulation ferme du marché de l’intérim médical, et nous adhérons à la philosophie de la loi du 26 avril 2021 visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, dite loi Rist.
Cependant, le calendrier et le dispositif de mise en œuvre de ce texte, même s’il a été reporté en 2022, effraie les personnels hospitaliers. Comme cette loi ne s’applique pas au secteur privé, les mercenaires médicaux et les agences d’intérim reportent leur activité vers ce dernier, au détriment du secteur public, qui subit des démissions d’intérimaires médicaux, la mise à mal de la permanence des soins et des fermetures de lits ou de services.
Les sommes exorbitantes consacrées à l’intérim médical pourraient être judicieusement mises à profit pour rendre l’exercice médical hospitalier plus attractif. En effet, un jeune praticien hospitalier (PH) en psychiatrie touche en début de carrière environ 6 400 euros net par mois après la revalorisation du Ségur, alors qu’un intérimaire en psychiatrie gagne entre 600 et 850 euros net par jour, soit 13 000 euros net par mois. La rémunération des intérimaires médicaux est immorale et indécente.
Des établissements de santé mentale de ma région sont fortement touchés par cette situation, au risque de devoir revoir à la baisse les capacités d’hospitalisation complète, alors que la demande de la patientèle augmente.
La sociologie des patients ayant recours à ces établissements est d’ailleurs en train d’évoluer. Il s’agit soit de nouveaux patients inconnus des services, dont la maladie mentale se double de la consommation de substances illicites, soit de patients suivis de longue date, pouvant faire des épisodes délirants aigus qui nécessitent des traitements de crise. Cette population peut être à la fois malade et délinquante, avec des degrés de dangerosité variable.
Ces situations complexes supposent des parcours de soins fluides et réactifs entre établissements de santé ayant des structures spécialisées, mais également une articulation entre la justice, la police et l’hôpital.
Les députés ont de nouveau voté le renforcement du contrôle du juge des libertés et de la détention (JLD) sur les pratiques d’isolement et de contention en psychiatrie, prévu à l’article 28 du PLFSS 2022.
En juin 2020, le Conseil constitutionnel a jugé que les mesures d’isolement et de contention en milieu psychiatrique constituent une privation de liberté, et les a déclarées contraires à la Constitution, au motif que le législateur n’avait pas fixé de limite à la durée de ces mesures. Les effets de cette abrogation ont été reportés au 31 décembre 2020.
Le Gouvernement a alors pris des mesures correctrices dans le PLFSS pour 2021. Celles-ci ont été de nouveau partiellement censurées, avec un effet différé au 31 décembre 2021.
L’article 28 du PLFSS 2022, dont notre rapporteure a demandé la suppression en commission, crée un contrôle systématique du JLD sur les mesures de maintien en isolement et de contention à compter du 1er janvier 2022.
L’instauration de cette mesure aurait considérablement alourdi le travail des JLD et « technocratisé » les procédures au sein des établissements. En effet, ce contrôle s’appliquerait dès la seconde période de douze heures d’isolement ou de six heures de contention. En cas de saisine pour main levée de la mesure, le JLD bénéficierait de vingt-quatre heures pour statuer.
La lourdeur de ce dispositif conduirait les établissements à réfléchir à d’autres solutions que l’isolement ; cela supposerait un renforcement important des moyens humains et des mesures de restructuration immobilière pour créer des zones d’apaisement dans les services.
Le respect des droits fondamentaux des patients placés sous le contrôle du JLD ne doit pas engendrer un accroissement de l’insécurité pour la société. Certains patients ont besoin, cliniquement, de temps d’isolement.
Il faut donc retravailler les parcours de soins et les fluidifier, notamment les hospitalisations de détenus au titre de l’article D. 398 du code de procédure pénale en centre hospitalier de santé mentale. Après un épisode de crise, ces patients devraient être rapidement transférés au sein d’une unité pour malades difficiles (UMD) ou d’une unité hospitalière spécialement aménagée (UHSA) pour recevoir des personnes incarcérées nécessitant des soins psychiatriques.
L’UHSA de Marseille n’est que partiellement ouverte depuis 2018 ; il y manque encore 20 places. L’accès aux UMD est de plus en plus difficile sur l’ensemble du territoire national. L’articulation clinique avec les services demandeurs est lacunaire et les sorties unilatérales mettent en difficulté les équipes médicales et paramédicales, lorsque celles-ci doivent recevoir dans l’urgence des patients dangereux.
L’irresponsabilité pénale est un sujet délicat qui resurgit à l’occasion de faits divers dramatiques, mais il faut être conscient que l’auteur de faits criminels peut passer un an et demi en détention provisoire. Après avoir été déclaré irresponsable pénalement, ce même individu peut passer d’un centre pénitentiaire à un centre hospitalier spécialisé ouvert, sans que les soignants qui l’accueillent connaissent ni son dossier pénal ni sa dangerosité.