compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
M. Jacques Grosperrin,
Mme Victoire Jasmin.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
J’appelle chacun de vous à être attentif au respect des uns et des autres, ainsi qu’à celui du temps de parole.
indemnité inflation et bouclier tarifaire
M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. Stéphane Piednoir. Monsieur le ministre délégué aux comptes publics, je m’interroge : faut-il y voir l’horizon d’un agenda électoral prochain ou un effet du réchauffement climatique ? Toujours est-il que, cette année, Noël tombe en octobre. (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Dans la droite ligne du « quoi qu’il en coûte » jupitérien, il n’est quasiment pas une seule journée sans annonce gouvernementale dûment accompagnée d’un chèque à destination d’une partie de nos concitoyens.
Chèque énergie, bouclier tarifaire, indemnité inflation : en l’espace de deux mois, vous avez ajouté près de 12 milliards d’euros de dépenses supplémentaires à un déficit public qui s’élève déjà pourtant à plus de 3 000 milliards d’euros, c’est-à-dire 45 000 euros par Français.
Je n’ignore pas que ces mesures sont bienvenues dans les foyers français, en particulier chez ceux qui ont l’habitude de gérer leur budget à l’euro près, mais vous n’éteindrez pas leur mécontentement à coups de mesures ponctuelles. Les Français sont lucides, ils ne sont pas dupes, s’agissant, notamment, du poids de cette dette et de la bombe à retardement que celle-ci représente.
Alors, monsieur le ministre, face à cette multiplication d’aides ponctuelles, pouvez-vous nous indiquer si le Gouvernement a une stratégie de dépenses publiques ? Plus difficile : quelle sera sa méthode pour assainir les comptes publics ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.
M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Monsieur le sénateur Piednoir, vous interrogez le Gouvernement sur deux points.
S’agissant, tout d’abord, de sa réaction face à l’augmentation des prix de l’énergie, vous avez raison de la rappeler, car nous l’assumons totalement. Nous avons d’abord mis en œuvre un chèque énergie spécifique pour les 5,8 millions de foyers les plus fragiles, à hauteur de 100 euros en plus du chèque énergie habituel, afin de faire face à l’augmentation du prix du gaz et de l’électricité.
Nous avons ensuite proposé à l’Assemblée nationale, qui l’a adopté, un bouclier tarifaire permettant de limiter à 4 % l’augmentation du prix de l’électricité pendant tout l’hiver, mais aussi de plafonner les prix du gaz au tarif du mois d’octobre, afin de protéger le pouvoir d’achat des ménages.
Enfin, face à une inflation plus générale, nous déployons une indemnité inflation de 100 euros pour environ 40 millions de Français, de la manière la plus simple qui soit, puisqu’elle n’aura pas à être demandée et que tout Français gagnant moins de 2 000 euros net par mois en bénéficiera.
Ces mesures sont des mesures de protection du pouvoir d’achat et d’accompagnement de la reprise, face à une tension inflationniste liée à cette reprise économique française, européenne et mondiale. Elles sont utiles, et vous avez vous-même rappelé qu’elles étaient bienvenues pour les ménages concernés.
Pour ce qui concerne les finances publiques, lorsque nous avons répondu à la crise, nous avons fait le choix du « quoi qu’il en coûte », ce qui s’est traduit par une dégradation du déficit à hauteur de 9,1 % en 2020.
Je puis vous assurer, monsieur le sénateur, qu’après toutes les annonces que vous avez rappelées, après toutes les décisions bienvenues pour les Français qu’a annoncées le Président de la République, le déficit public de la France en 2022 sera limité à 5 %. C’est encore beaucoup, certes, mais vous conviendrez avec moi que c’est presque la moitié du déficit exceptionnel de 2020, lié à la crise.
Quant à la dette, nous craignions qu’elle n’atteigne 120 % du PIB. Elle sera finalement limitée à 114 %, en raison, notamment, de la qualité et de la force de la reprise économique.
Nous avons proposé, avec Bruno Le Maire, de revoir le niveau de croissance à 6,25 %. C’est par la croissance, par l’activité, par la richesse produite que nous saurons faire face à cette crise et amortir la dette liée à cette période exceptionnelle. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Bernard Fialaire applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour la réplique.
M. Stéphane Piednoir. Monsieur le ministre des déficits publics (Sourires ironiques et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.), vous répondez à une partie de ma question, mais vous ne répondez pas sur le fond, sur les mesures structurelles, sur les renoncements coupables durant les deux derniers quinquennats, du fait de majorités que vous incarnez vous-même parfaitement, sur la réforme de l’État, sur la politique énergétique de notre pays. Il s’agit là de mesures de long terme et je ne vois pas, dans votre réponse, d’équivalent en ce sens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
rapport rte et avenir du mix énergétique français
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Moga, pour le groupe Union Centriste (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP. – Mme Toine Bourrat applaudit également.)
M. Jean-Pierre Moga. Lundi dernier, RTE (Réseau de transport d’électricité) a publié son étude prospective très attendue, dans laquelle le gestionnaire de réseau propose six scénarios de mix électrique pour que la France parvienne à la neutralité carbone en 2050.
Nous espérons que le Gouvernement ne tardera pas à prendre des décisions pour notre avenir et notre indépendance énergétique, et je sais, madame la ministre, que vous êtes particulièrement sensible à ce sujet.
Toutefois, ces scénarios se fondent sur la stratégie nationale bas-carbone, laquelle prévoit une baisse de 40 % des besoins énergétiques français entre aujourd’hui et 2050, ce qui apparaît comme extrêmement ambitieux. RTE mise sur une hypothèse de poursuite de la croissance de 1,3 % à partir de 2030, ce qui se traduirait par une croissance du PIB d’au moins 30 % d’ici à 2050.
Dans ces conditions, pour que la consommation d’énergie baisse dans les proportions requises par les scénarios RTE, nous devrions gagner près de 70 % d’efficacité énergétique. C’est colossal, et bien supérieur aux gains observés au cours des trente dernières années.
Dès lors, madame la ministre, estimez-vous que cette approche conduisant la France à retrouver son niveau de consommation d’énergie de la fin des années 1960 est plausible ? Comment pourrons-nous concrètement y parvenir ? Quelles décisions, fondées sur les conclusions de ce rapport, avez-vous prévu de prendre ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du logement.
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Monsieur le sénateur Jean-Pierre Moga, RTE a effectivement publié ce lundi un rapport très important, qui nous indique plusieurs chemins possibles pour atteindre la neutralité carbone de notre production électrique en 2050. Ces travaux confirment qu’il est possible d’atteindre cet objectif tout en maîtrisant la facture des Français ; c’est une excellente nouvelle.
Permettez-moi de saluer le travail de concertation très important mené sur deux ans, dont est issu ce rapport.
Ce dernier nous indique également quelques constantes importantes. Il est fondé sur une diminution de la consommation d’énergie de 40 % entre aujourd’hui et 2050. Dans le même temps, parce que nous allons décarboner notre mode de vie et sortir de notre dépendance aux fossiles, nous allons électrifier nos usages. La consommation d’électricité va ainsi augmenter de 15 % à 60 % d’ici à 2050, selon les scenarii, en fonction de notre degré de réindustrialisation et de l’évolution des modes de vie.
Il faut donc bien distinguer la diminution de la consommation d’énergie en général et l’augmentation de la consommation d’électricité.
Votre question porte sur le caractère crédible de cette diminution de 40 % de la consommation d’énergie. C’est cette donnée qui fonde notre stratégie nationale bas-carbone ; elle est ambitieuse, mais elle est dans la ligne des trajectoires européennes et elle peut être atteinte grâce à une efficacité énergétique accrue.
Ce défi mobilisera bien sûr nos savoir-faire. Mais nous agissons déjà concrètement et je citerai deux exemples.
Sur la rénovation des bâtiments, MaPrimeRénov’ permet de faire des économies d’énergie significatives : 800 000 dossiers auront été déposés cette année.
Sur le parc automobile, nous avons octroyé, depuis le début du quinquennat, 400 000 bonus écologiques et 860 000 primes à la conversion finançant l’achat de véhicules propres et moins consommateurs.
Les scenarii de RTE nous donnent donc la possibilité d’atteindre une électricité décarbonée dans une stratégie d’efficience énergétique.
M. Bruno Belin. Pas une seule fois vous n’avez prononcé le mot « nucléaire » !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Moga, pour la réplique.
M. Jean-Pierre Moga. Premièrement, madame la ministre, il me semble, mais vous n’en avez pas parlé, que le nucléaire est une partie de la solution, et non un problème. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP, RDSE et Les Républicains.)
Deuxièmement, nous devons défendre notre modèle au niveau européen, notamment en ce qui concerne la taxonomie.
Troisièmement, vous pouvez compter sur le Sénat, en particulier sur sa commission des affaires économiques, pour être une force de proposition pragmatique et sérieuse pour l’avenir de notre indépendance énergétique ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP, RDSE et Les Républicains.)
harcèlement scolaire (i)
M. le président. La parole est M. Fabien Gay, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
M. Fabien Gay. Monsieur le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, le 5 octobre dernier, la jeune Dinah, 14 ans, s’est suicidée. Nous adressons toute notre solidarité à sa famille ainsi que nos plus sincères condoléances. Un enfant qui se donne la mort, c’est un drame pour la République et c’est un échec collectif.
Nous devons faire en sorte que de tels drames ne se reproduisent pas.
Dinah était à un âge où l’on quitte l’enfance, où les projets et les rêves d’avenir se construisent, un âge où la socialisation est fondamentale ; un âge où, pour ces raisons mêmes, l’on est particulièrement fragile.
Il appartient au parquet de Mulhouse d’apporter des réponses quant à la responsabilité de ce drame, mais il semble que Dinah ait été victime de harcèlement scolaire. Aujourd’hui, plus de 700 000 élèves sont susceptibles de subir cela. On sait l’extrême difficulté, pour ces victimes, de parler, de peur d’être incompris, ou de devoir subir des représailles. Elles doivent être accompagnées et trouver une oreille attentive.
Le lancement, sur votre initiative, du programme pHARe de lutte contre le harcèlement à l’école porte-t-il de premiers résultats ? Ce programme sera-t-il suffisant ? Il nous semble également vital d’enrayer la disparition progressive des personnels médico-sociaux des établissements.
Je ne peux parler ici de ce sujet difficile, très délicat, teinté d’une émotion forte, sans évoquer les raisons de ces violences. Celles-ci sont sans doute multiples et complexes, mais je ne peux m’empêcher de m’interroger : la banalisation, voire l’acceptation, des discours de haine, d’intolérance et de racisme, particulièrement dans l’arène politico-médiatique, déteint partout, y compris à l’école. Ces problèmes se posent également sur les réseaux sociaux, lesquels, on le sait, ne font guère d’effort pour les modérer.
Ce n’est pas une fatalité ; il nous appartient, collectivement, de prendre nos responsabilités.
L’éducation de nos enfants, leur émancipation dans de bonnes conditions, est fondamentale ; ils sont notre avenir et l’avenir de notre pays. (Applaudissements des travées du groupe CRCE jusqu’à celles du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Monsieur le sénateur Fabien Gay, je vous remercie de votre question et je salue la dignité avec laquelle vous l’avez formulée.
Ce sujet, en effet très grave, nous renvoie à quelque chose qui est devenu structurel : le suicide adolescent de façon générale et les enjeux liés au harcèlement.
S’agissant de l’affaire qui nous occupe, c’est-à-dire le suicide de Dinah, il faut en effet attendre de savoir ce qui sera établi.
D’une manière plus générale, notre stratégie sur le sujet doit être détaillée. Le point le plus important est la prévention. Celle-ci suppose une mobilisation de tous les adultes – vous l’avez très bien dit et je souscris totalement à la conclusion de votre question –, parce que nous sommes tous responsables du climat que nous avons créé dans la société. Nous parler entre nous de façon apaisée, c’est aussi une façon de contribuer à la résolution de ce problème.
Le monde adulte donne l’exemple, mais il doit aussi être formé. C’est pour cela que la formation des professeurs, initiale comme continue, est essentielle. Depuis la loi pour une école de la confiance, nous avons systématisé la prévention du harcèlement dans la formation initiale, nous le faisons maintenant dans la formation continue ; c’est l’enjeu du programme pHARe que vous avez cité, parmi d’autres.
Il faut aussi former les élèves. Cela renvoie à beaucoup d’enjeux, mais le programme pHARe prévoit aussi la formation d’élèves qui seront des ambassadeurs contre le harcèlement dans leur établissement.
Vous m’avez demandé si cela marchait. La généralisation de ce dispositif date de cette rentrée, mais il y a eu une expérimentation dès l’année dernière, dont les premiers résultats sont très encourageants. Rappelons que ce programme a été conçu en s’inspirant notamment des pays scandinaves et des meilleures pratiques mondiales.
Il comporte donc plusieurs volets. Pour ce qui concerne les élèves, d’une part, et les professeurs, d’autre part, la formation est efficace. C’est toutefois surtout le cas s’agissant de la lutte contre le harcèlement. Nous devons être plus efficaces contre le cyberharcèlement. Je serai amené à m’exprimer de nouveau sur ce point.
Il s’agit donc d’une stratégie comportant plusieurs volets. Je suis ouvert à toutes les propositions pour aller plus loin dans cette cause essentielle. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)
harcèlement scolaire (ii)
M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
M. Xavier Iacovelli. Monsieur le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, elle avait 14 ans. Dans la nuit du 4 au 5 octobre, après deux années d’humiliations quotidiennes, dues à son orientation sexuelle, elle a mis fin à ses jours, comme dix-huit autres victimes de harcèlement scolaire depuis le début de l’année.
Elle s’appelait Dinah, et je veux dire à sa famille notre soutien et nos condoléances. Aucun mot, rien, ne pourra apaiser la douleur ; aucun mot n’apaise la perte d’un enfant.
Ce que nous pouvons faire, en revanche, c’est agir avec la plus grande détermination pour que de telles tragédies n’en appellent pas d’autres.
Le harcèlement scolaire, véritable fléau de notre société, touche 700 000 élèves, victimes de remarques humiliantes, d’insultes, de menaces, de violences physiques et psychologiques, entraînant des blessures parfois indélébiles.
Le cyberharcèlement, lié à la montée en puissance des réseaux sociaux où tout est permis, où, « au fond, rien n’est grave », où l’on oublie l’humain derrière l’écran, accentue ce phénomène.
Monsieur le ministre, le Gouvernement agit, vous l’avez dit, comme le démontre la loi de 2019 pour une école de la confiance, qui consacre le droit à une scolarité sans harcèlement, reconnaissant ainsi la gravité de cette violence et ses conséquences sur l’enfant.
J’ai également à l’esprit le programme pHARe de lutte contre le harcèlement à l’école et les 10 000 élèves volontaires devenus des ambassadeurs du combat contre le harcèlement.
J’en veux enfin pour preuve la directive du 30 septembre dernier visant à mieux accompagner les élèves transgenres, qui a, par ailleurs, fait l’objet de caricatures malheureuses et de polémiques infondées.
La lutte contre le harcèlement scolaire, parce qu’elle est intimement liée à notre conception du respect de l’autre, de la réussite éducative, de l’égalité et de l’acceptation des différences, est au cœur de notre projet républicain.
Elle passe, bien sûr, par la formation de la communauté éducative dans son ensemble, mais aussi par un partenariat avec les acteurs associatifs, qui se mobilisent chaque jour pour prévenir, pour sensibiliser, pour libérer la parole des enfants, afin de rompre l’insupportable chaîne du silence.
Nous le savons, la mobilisation de la société dans son ensemble est essentielle. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire quelle sera la réponse du Gouvernement afin d’endiguer ce phénomène qui détruit des vies ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Monsieur le sénateur Iacovelli, j’ai commencé à l’indiquer, il y a en effet plusieurs leviers sur lesquels nous devons avancer.
J’ai évoqué la formation des professeurs et celle des élèves ; vous insistez sur le cyberharcèlement, qui est, par définition, une question internationale, qui engage notamment les réseaux sociaux. Rappelons que tous les pays du monde sont confrontés à cette question : il est donc très important de faire des comparaisons internationales sur ce sujet.
À l’occasion du G7 que nous présidions, nous avons fait de ce thème le sujet d’une conférence internationale, qui s’est tenue à l’Unesco l’an dernier, à la demande de la France. La semaine prochaine aura lieu au Mexique la conférence suivante, visant à définir une stratégie partagée à l’échelle mondiale.
Concrètement, nous devons faire pression sur les plateformes de réseaux sociaux pour que les règles du jeu évoluent ; c’est pourquoi j’ai convoqué ces dernières il y a trois semaines, avant ce dernier drame, pour les entendre sur les responsabilités qu’elles sont prêtes à prendre dans les temps à venir, à l’échelle française, mais avec un impact à l’échelle internationale.
Les premiers engagements que l’on voit poindre seraient, tout d’abord, de faire réellement respecter l’interdiction des réseaux sociaux aux moins de 13 ans, de mener une analyse des algorithmes pour éviter l’addiction aux réseaux sociaux et un certain nombre de logiques délétères qui y sont liées. Ces plateformes pourraient également réagir beaucoup plus vite lorsque des contenus haineux ou du cyberharcèlement sont signalés. Enfin, il a été question de faire évoluer les règles aux échelles nationale et internationale.
Ces pistes sont ouvertes, je leur ai demandé de se responsabiliser et de revenir avec des propositions. Nous serons extrêmement exigeants, il y va de l’intérêt de tous. Même les responsables des plateformes le reconnaissent : ils ont, eux aussi, des enfants.
Cela relève, monsieur le sénateur, ainsi que votre collègue l’a dit, d’une responsabilité collective, et les dirigeants mondiaux commencent à en prendre conscience. Nous allons donc aussi avancer sous cet angle. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
harcèlement scolaire (iii)
M. le président. La parole est à Mme Sabine Van Heghe, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Sabine Van Heghe. Monsieur le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, le sujet que je souhaite aborder nous touche tous, comme l’indiquent les questions qui s’enchaînent.
Dinah allait avoir 15 ans. Elle voulait devenir Présidente de la République, elle avait tout l’avenir devant elle. Elle est pourtant la dix-neuvième victime, cette année, d’un long harcèlement en raison de son orientation sexuelle, de sa couleur de peau et de ses bonnes notes. Nous avons, bien sûr, une pensée pour les siens.
Ces événements tragiques nous révoltent tous. Je vous sais mobilisé sur la question, monsieur le ministre, mais il y a encore des lacunes dans les politiques mises en place.
La mission d’information sur le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement, que j’ai eu l’honneur de présider aux côtés de la rapporteure Colette Mélot et de tous les groupes politiques de notre assemblée, a unanimement proposé trente-cinq mesures claires et immédiatement applicables.
Son rapport a mis en évidence le besoin urgent de renforcement des moyens mis en œuvre. Les enfants doivent à tout moment pouvoir se livrer à un adulte de confiance, qui donnera suite, et tous les adultes d’un établissement doivent être à même de détecter les signaux faibles.
Un renforcement des personnels médico-sociaux, des temps d’échanges dédiés et réguliers, l’utilisation des espaces numériques de travail pour communiquer avec les enfants sur le sujet sont des exemples de dispositifs faciles et rapides à développer.
L’inaction des plateformes de réseaux sociaux en la matière est inadmissible et scandaleuse. Nous attendrons une réponse à ce sujet. Ce devra être une des priorités de la présidence française de l’Union européenne à compter du 1er janvier prochain.
Nous sommes conscients, sur toutes les travées, qu’il est urgent de stopper ce fléau, qui fait encore de trop nombreuses petites victimes.
Monsieur le ministre, quand comptez-vous mettre en œuvre nos propositions ? Quels moyens d’envergure entendez-vous déployer pour réagir, et réagir vite ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mmes Cathy Apourceau-Poly et Vanina Paoli-Gagin applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Madame la sénatrice Sabine Van Heghe, je vous remercie à votre tour de faire en sorte que cette question soit aujourd’hui fortement évoquée ; je vous remercie également pour le travail accompli sous votre présidence, avec la rapporteure Colette Mélot.
M. Emmanuel Capus. Très bien !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. J’ai évidemment lu votre rapport et je suis en accord avec chacune de ses trente-cinq propositions. Je l’ai dit, je suis évidemment ouvert à assurer leur mise en œuvre. À l’Assemblée nationale, le député Erwan Balanant a également fait des propositions.
Je le répète, cela vaut d’abord pour la représentation nationale, mais aussi, de façon générale, pour l’ensemble de la société : nous sommes ouverts à tout ce qui permet de faire des progrès sur ce sujet.
Nous ne partons pas de zéro : un travail important est mené depuis dix ans sur ces questions et a permis des avancées.
S’agissant d’un sujet que vous soulevez, après le sénateur Gay, celui des soins psychologiques, rappelons les annonces récentes du Président de la République concernant la pédopsychiatrie, notamment la généralisation des maisons d’adolescents, à raison d’une par département, ou la mise en place de consultations psychologiques gratuites.
Tout cela intervient dans un contexte mondial dans lequel tous les pédiatres relèvent une montée du malaise adolescent, liée, notamment, aux confinements. Nous sommes également touchés par cela, même si nous en avons heureusement moins souffert que d’autres. Nous devons donc y travailler, mais le sujet a, encore une fois, une dimension mondiale.
Il est important que nous sachions actionner tous les leviers. Le programme pHARe de lutte contre le harcèlement à l’école nous place maintenant aux avant-postes d’une politique très volontariste à l’échelle internationale.
Nous devons être extrêmement réactifs. C’est pourquoi chaque recteur est aujourd’hui mobilisé sur cette question ; je le leur ai dit à de très nombreuses reprises ces derniers temps. Nous allons étoffer les équipes d’intervention extérieure des rectorats vers les établissements, lorsque ces phénomènes se produisent, et les établissements sont évalués, dès maintenant, sur l’enjeu du climat scolaire.
Pour conclure, je voudrais dire que la question de l’engagement des adolescents, notamment à partir du collège, dans des causes d’intérêt général fait aussi partie de la solution, parce que nous devons développer des logiques de fraternité et de non-violence dans nos établissements. Cela passe aussi par les aspects positifs de l’engagement de nos élèves. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)
usages des pesticides dans les zones agricoles
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Henri Cabanel. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
La semaine dernière, Santé publique France et l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) ont annoncé le lancement d’une vaste étude, appelée PestiRiv, pour évaluer l’exposition aux pesticides des riverains d’exploitation viticole.
Les enjeux de santé sont une priorité de notre agriculture. La filière viticole étant la plus utilisatrice de pesticides et de fongicides, PestiRiv colle bien aux objectifs de santé publique.
Que va toutefois apporter cette étude ?
Ce n’est pas la première : en juin dernier, l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) a communiqué de nouvelles données qui viennent confirmer ce que l’on sait déjà : la présomption forte d’un lien entre l’exposition professionnelle aux pesticides et six pathologies graves. On connaît aussi l’impact des perturbateurs endocriniens.
La question cruciale est donc celle de l’après.
Que ferons-nous de ces chiffres, qui vont jeter l’opprobre uniquement sur les agriculteurs ? Demain, comment l’Anses, qui est juge et partie, car elle autorise la mise sur le marché de ces produits, va-t-elle diffuser des éléments à charge ?
Monsieur le ministre, ma question est double : cette étude est-elle lancée uniquement en France ou également dans d’autres pays européens viticoles ? Comment allez-vous anticiper l’annonce de ces résultats, qui vont, une fois encore, placer les paysans au banc des accusés, alors même que ceux-ci ne font qu’utiliser des produits homologués et autorisés, et alors que la filière viticole s’inscrit depuis des années dans des démarches durables avec différents labels, bio, bien sûr, mais aussi HVE – pour haute valeur environnementale – TerraVitis, Vignerons engagés, Demeter, etc. ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mmes Sophie Primas et Valérie Boyer ainsi que MM. Jean-Michel Arnaud et M. Laurent Somon applaudissent également.)