M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour le groupe Les Républicains.
M. Jean-François Husson. En 2017, je dénonçais dans cet hémicycle les risques que représentait une hausse brutale de la fiscalité sur les carburants, la fameuse taxe carbone, quelques mois à peine après l’épisode des bonnets rouges. L’automne 2018 me donnait raison, avec la colère des gilets jaunes.
J’ignore la couleur que pourrait prendre un prochain mouvement de colère naissant du manque des décisions qu’il vous revient de prendre pour débloquer une situation de plus en plus critique, tant pour nos concitoyens que pour nos entreprises, en raison de la flambée des prix des énergies.
Le Gouvernement tergiverse, hésite, tâtonne, fait des déclarations contradictoires : chèque essence, chèque énergie, baisse de taxes, bouclier tarifaire… Les Français aujourd’hui pris au piège attendent du Gouvernement des actes forts et une vision claire.
Ma question est relativement simple : quelle est la stratégie du Gouvernement pour répondre à l’urgence ? Quelles sont les stratégies à moyen et à plus long terme ? Et surtout, quels en seront les coûts pour les finances publiques françaises ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.
M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Monsieur Husson, vous avez posé plusieurs questions.
J’ai dit tout à l’heure, lors de ma réponse au sénateur Verzelen, que le sujet de l’énergie était complexe, parce que les modifications de tarif sont toujours difficiles à mettre en œuvre, et j’ai rappelé que les différentes majorités qui se sont succédé depuis vingt ans ont toutes rencontré des difficultés avec le coût de l’énergie.
Le Gouvernement a pris une première décision, celle d’accompagner les ménages les plus fragiles avec un chèque énergie exceptionnel de 100 euros annoncé par le Premier ministre.
À l’Assemblée nationale, où ils ont été adoptés avant que vous n’en débattiez, nous avons proposé deux mécanismes fiscaux visant à ajuster la fiscalité sur l’électricité et le gaz, de manière que le tarif du gaz soit bloqué au niveau actuel et que celui de l’électricité ne puisse augmenter de plus de 4 %.
Nous continuons actuellement à travailler sur ce sujet. Toutes les pistes sont ouvertes pour que nous apportions la réponse la plus juste, la plus efficace et la plus rapide possible aux Français confrontés à l’augmentation des prix du carburant.
Monsieur le rapporteur général de la commission des finances, vous n’avez pas indiqué quelle option vous privilégiez pour cette réponse… En tant que ministre des comptes publics, je suis preneur de toute proposition.
M. Jérôme Bascher. Vous avez progressé !
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Je le répète, il s’agit d’un sujet extrêmement complexe. D’ailleurs, le débat ne concerne pas que le Gouvernement : j’ai entendu M. Barnier appeler à une baisse des taxes, mais j’ai aussi entendu Mme Pécresse affirmer que c’était trop coûteux et inefficace. C’est la démonstration que, dans toutes les familles politiques, le débat ne semble ni totalement fermé ni facile sur ce sujet.
Vous m’avez interrogé sur le coût pour les finances publiques. Je puis d’ores et déjà vous indiquer le coût des mesures que nous avons prises.
Le chèque énergie représente 600 millions d’euros, qui seront financés lors de l’examen du prochain projet de loi de finances rectificative. Le mécanisme d’ajustement de la taxe sur l’électricité représente 5,1 milliards d’euros à l’échelle d’une année pleine – l’adoption d’un amendement que j’avais déposé à l’Assemblée nationale a permis sa mise en œuvre. Nous devrons calculer le coût du mécanisme fiscal sur le gaz, qui sera activé mois après mois, et nous aurons donc un suivi à faire de cette mesure.
En ce qui concerne les mesures relatives au prix des carburants, le chef du Gouvernement aura l’occasion de s’exprimer prochainement. Je le répète, nous cherchons l’efficacité et la rapidité, et nous saurons déterminer à ce moment-là le coût précis d’un tel dispositif pour les finances publiques. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour la réplique.
M. Jean-François Husson. Monsieur le ministre, j’illustrerai ma réponse avec des éléments concrets.
En Meurthe-et-Moselle, Saint-Gobain Pont-à-Mousson, une entreprise engagée dans la décarbonation, a vu le prix du gaz multiplié par sept depuis le début de l’année, ce qui entraîne pour elle un surcoût de 400 millions d’euros.
Vous connaissez l’envolée des prix à la pompe. Le poids de la facture énergétique en 2019 est de 45 milliards d’euros, soit les trois quarts de notre déficit commercial, qui, la même année, s’élevait à 60 milliards d’euros.
Il est urgent d’agir, monsieur le ministre ! Nous avons besoin d’une lecture propre de ce problème. Vous avez annoncé fermer Fessenheim, avant de faire volte-face à six mois des élections. Comment voulez-vous aujourd’hui que les Français s’y retrouvent ?
M. le président. Il faut conclure !
M. Jean-François Husson. Notre force, c’est l’électricité d’origine nucléaire. Soutenez-la ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. C’est ce que nous faisons !
action de l’état contre les licenciements par les entreprises bénéficiaires d’aides covid
M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Vincent Capo-Canellas. Ma question s’adresse à Mme la ministre déléguée chargée de l’industrie ou à Mme la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion. En effet, elle porte sur la contradiction plus qu’apparente entre le discours concernant la relocalisation des entreprises et un certain nombre de délocalisations qui se poursuivent.
Malgré les aides que nous avons votées ici aux entreprises pour soutenir l’emploi, nous constatons que, dans nos territoires, certaines entreprises, finalement très peu citoyennes, sitôt le confinement passé, ferment leur site et délocalisent leur production à l’étranger.
Je voudrais juste citer un exemple situé dans ma commune du Bourget. Quelque 150 emplois sont menacés d’être supprimés par la fermeture de l’unique site logistique français de la marque H&M. L’approvisionnement se fera désormais entièrement depuis l’étranger. Cette marque de prêt-à-porter très connue veut des consommateurs français, mais elle ne veut pas d’emplois en France pour distribuer ses produits…
Cet exemple n’est malheureusement pas isolé. L’État est-il à ce point impuissant devant les délocalisations et incapable de préserver l’emploi ? Ne disposez-vous pas de moyens de pression sur une entreprise aidée par la Nation, qui n’a d’autre urgence, une fois les confinements terminés, que de licencier pour approvisionner ses boutiques depuis l’étranger, avec d’ailleurs des camions qui circuleront sur nos routes ?
Face au cynisme de certaines entreprises qui veulent séduire les consommateurs, mais qui refusent les emplois en France, je peine à penser que le Gouvernement ne se préoccupe pas du sort des salariés. Ceux-ci discutent en ce moment d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) et entendent les représentants du ministère de l’industrie leur dire que l’État ne peut pas questionner la motivation économique de ces licenciements !
D’où ma question : allez-vous mettre en cohérence votre discours défendant la relocalisation et votre gestion des fermetures de sites, qui se multiplient au profit d’implantations à l’étranger ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des retraites et de la santé au travail.
M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État auprès de la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion, chargé des retraites et de la santé au travail. Monsieur le sénateur Vincent Capo-Canellas, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de la ministre du travail, qui est retenue au sommet social tripartite européen.
Vous me questionnez sur les entreprises ayant bénéficié d’accompagnements et d’aides financières et sur leur situation économique aujourd’hui. Vous pointez le sujet de l’entreprise H&M et de la fermeture de son entrepôt du Bourget.
Comme vous, nous pensons que cette situation n’est pas acceptable, mais elle est celle de l’entreprise. Nous devons tenir l’engagement d’accompagner les 153 salariés et collaborateurs de ce site logistique, afin qu’ils bénéficient des meilleures conditions d’accompagnement et de reclassement et qu’ils puissent trouver un emploi pérenne dans votre environnement. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE.)
En ce qui concerne H&M, cette entreprise de distribution et de confection n’a pas bénéficié d’aides particulières de l’État : ce sont ses salariés qui en ont bénéficié.
Les salariés des points de vente de H&M, comme ceux de l’entrepôt logistique, ont bénéficié relativement modestement du chômage partiel pendant la première partie de la crise du covid, entre le mois d’avril et le mois de juin de l’année dernière ; je le rappelle, ce choix fait par le Gouvernement a permis de protéger 9 millions d’emplois, dont ceux des salariés que vous évoquez aujourd’hui.
En ce qui concerne l’entrepôt du Bourget, vous suivez le sujet, je l’ai bien compris. Un PSE a lieu, les instances représentatives du personnel doivent se positionner.
Vous savez aussi qu’une réunion a eu lieu à la mairie du Bourget sous la conduite de M. le préfet. Mme la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion est particulièrement attentive à ce qui sera proposé aux salariés en matière d’accompagnement dans le cadre de ce PSE. (Protestations sur les travées du groupe CRCE.)
Mme Éliane Assassi. C’est scandaleux !
M. le président. Il faut conclure !
M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État. Vous le savez, j’ai défendu à de nombreuses reprises les congés de reclassement.
Monsieur le sénateur, voilà ce que je voulais vous dire, tout en vous rappelant l’attention que Mme la ministre porte à ce sujet.
M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour la réplique.
M. Vincent Capo-Canellas. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, d’avoir déclaré que la situation n’était pas acceptable en elle-même.
Cela pose une question plus générale, celle du suivi des entreprises qui ont bénéficié d’aides. Certes, les salariés bénéficiaient de l’activité partielle de longue durée (APLD), bien évidemment, mais il y a tout de même une forme de cynisme à laisser tout le monde se débrouiller et à partir à l’étranger sitôt ces aides terminées. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Fabien Gay. Il fallait conditionner les aides !
manque de remplaçants dans les écoles et collèges
M. le président. La parole est à Mme Béatrice Gosselin, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Béatrice Gosselin. Je tiens à associer notre collègue Sophie Primas à cette question.
Début d’année particulièrement rocambolesque à Guerville, dans les Yvelines, pour une classe de CM1-CM2 ! En effet, les vingt-huit élèves de cette classe ont connu pas moins de cinq enseignants différents en un mois et demi, sans compter la semaine de cours à distance, pour cause de covid-19. Ils auront ainsi connu trois remplacements en quinze jours et un enseignant titulaire arrivé le 20 septembre et quittant la profession le 7 octobre…
Dans le même établissement, une enseignante de maternelle est en arrêt maladie depuis la rentrée ; sa remplaçante est elle-même tombée malade et, du 20 septembre au 4 octobre, les enfants ont été répartis dans deux autres classes, perturbant sérieusement le travail scolaire.
S’agit-il d’une malchance, comme le prétend l’éducation nationale ? Nous le savons tous, l’absence d’un professeur des écoles donne parfois lieu à un non-remplacement, ce qui dégrade temporairement le fonctionnement optimal de l’école.
Dans le Sud-Manche, au collège d’Avranches, où le professeur de technologie est absent depuis le début de l’année, des élèves n’ont pas cours, ce qui représente deux heures hebdomadaires passées en salle d’étude !
Les postes vacants faute de professeurs se multiplient depuis la rentrée dans de nombreux autres départements, et les parents d’élèves dénoncent une gestion administrative hasardeuse.
Le code de l’éducation prévoit, aux articles L. 131-1 et suivants, le principe de l’obligation scolaire. Il incombe donc à l’État d’assurer la mise en application de cette obligation pour les enfants de 3 à 16 ans. Or force est de constater que le ministère de l’éducation nationale ne tient pas ses engagements d’égalité dans l’éducation de nos enfants.
Cette situation oblige certains parents à se tourner vers des cours particuliers pour compenser les carences de l’État. Ce sont, évidemment, les familles les plus aisées qui ont la possibilité de prendre en charge ces cours, ce qui fragilise les enfants des foyers les plus précaires.
Quelles mesures comptez-vous prendre, madame la secrétaire d’État, pour que notre pays tienne enfin sa promesse d’égalité dans l’éducation de nos enfants ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la jeunesse et de l’engagement.
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de la jeunesse et de l’engagement. Madame la sénatrice, l’égalité des chances et la réussite de chacun de nos enfants, ainsi que des transformations en profondeur, constituent évidemment la priorité du ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.).
Au-delà, cela rejoint la volonté de tous – familles, élus locaux, avec le périscolaire et l’extrascolaire, et associations –, car personne n’a la volonté de ne pas aider ou de ne pas accompagner ces enfants : c’est le projet d’une nation.
De manière très concrète, justice sociale, élévation du niveau scolaire, retour à l’essentiel – lire, écrire, compter, respecter autrui –, dédoublement des classes en CP et en CE1 en réseaux d’éducation prioritaire (REP) et en REP+, plafonnement à 24 élèves des classes de grande section, de CP et de CE1, cela concerne plus de 300 000 enfants, soit plus de 20 % d’une classe d’âge d’ici à 2022.
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas la question !
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État. J’en viens au cœur de votre question, qui portait sur le remplacement des professeurs, madame la sénatrice. (Ah ! sur les travées des groupes Les Républicains et CRCE.)
Évidemment, il y a un objectif de continuité d’un service public de qualité ; c’est la préoccupation majeure de tous. Notre pays, nous pouvons le reconnaître, a tenu durant cette crise parce que les enseignants sont restés mobilisés et parce que nous avons gardé les écoles ouvertes. Cela fait notre fierté. Cela procédait de la volonté du Premier ministre, mise en œuvre par le ministre de l’éducation nationale.
Depuis 2020, les moyens alloués au remplacement ont été exceptionnels, mais, il faut le dire, il y a eu des autorisations spéciales d’absence,… (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Duplomb. Un peu de laxisme, en somme !
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État. … des congés maladie ordinaires, des cours à distance et des absences de longue durée, couvertes par des enseignants titulaires.
Oui, madame la sénatrice, il y a, dans toutes les académies, des tensions, y compris en technologie ; c’est réel.
M. Laurent Duplomb. C’est le ministère du laxisme !
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État. Toutefois, depuis la dernière rentrée scolaire, des solutions existent pour les absences de courte durée, qui sont déployées afin de répondre à la priorité, c’est-à-dire aux besoins des enfants : cours en ligne ou travaux en autonomie encadrés par des assistants d’éducation. Dans l’académie de Normandie, tous les leviers sont mobilisés au maximum.
M. Alain Houpert. Oui, sans doute… (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État. Enfin, la mobilisation du chef d’établissement – vous le connaissez, madame la sénatrice – du collège de la Chaussonnière, à Avranches, que vous avez cité, a fait beaucoup. Évidemment, on ne s’y habituera pas, et il faut améliorer l’attractivité de nos métiers.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État. Pour conclure, je dirais que tout le Grenelle de l’éducation a vocation à créer de l’attractivité, pour qu’il y ait encore plus de professeurs dans notre pays. (M. Martin Lévrier applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Béatrice Gosselin, pour la réplique.
Mme Béatrice Gosselin. Je connais l’implication des enseignants dans leur métier, madame la secrétaire d’État, notamment pendant la crise de la covid-19.
Néanmoins, une anticipation et une organisation structurées et pragmatiques permettraient aux enseignants de faire leur travail, afin qu’il y ait une continuité dans l’éducation de nos enfants. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
hausse du prix de l’énergie (ii)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Jean-Claude Tissot. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, j’aurais aimé m’adresser à Mme Pompili, mais, manifestement, celle-ci n’est pas là…
Depuis plusieurs semaines, nous assistons à une hausse continue des tarifs des énergies, avec une multiplication par deux du prix du gaz, par trois de celui du pétrole et par neuf de celui de l’électricité.
Cette flambée des prix constitue une atteinte directe au pouvoir d’achat de nos concitoyens, qui sont de plus en nombreux à tomber dans la précarité énergétique. Or le sage conseil de « mettre un pull » se révèle aujourd’hui un peu court, monsieur le ministre…
Ce phénomène touche toute notre société, de ceux qui sont contraints de prendre leur voiture pour aller au travail, notamment dans les zones rurales, à nos concitoyens vivant dans l’une des trop nombreuses passoires thermiques.
Les deux constats que nous pouvons faire aujourd’hui sont que la libéralisation à l’extrême du marché de l’énergie ne fonctionne pas et que l’Europe de l’énergie est aux abonnés absents.
Alors que certains économistes prédisent un doublement des tarifs de l’énergie au cours des vingt prochaines années, il est urgent de réfléchir à un autre modèle, impliquant une programmation de long terme pour notre bouquet énergétique.
Vous me répondrez sûrement, monsieur le ministre des comptes publics, que les annonces préélectorales du gouvernement auquel vous appartenez répondent à l’urgence sociale, mais il s’agit de mesures court-termistes et insuffisantes.
Dans une récente étude, l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, dite Agence de la transition écologique) précise ainsi que le chèque énergie devrait s’élever à 710 euros pour être opérant ! Espérons donc que votre prochaine annonce liée à la hausse des carburants constitue une réelle aide pour les ménages et non pas seulement un chèque de l’État au groupe Total…
Les solutions proposées aujourd’hui ne doivent pas s’extraire de l’indispensable transition énergétique. Le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) nous rappelle l’urgence d’agir efficacement pour les décennies à venir.
Hausse des prix de l’énergie, augmentation du prix des produits agricoles : il est temps d’agir pour éviter une explosion des situations de pauvreté, sur fond de précarité alimentaire et énergétique.
Ainsi, monsieur le ministre, à l’aube de la présidence française de l’Union européenne, existe-t-il une stratégie du Gouvernement pour répondre non seulement aux enjeux immédiats de pouvoir d’achat de nos concitoyens, mais encore à la nécessité de réorienter en profondeur la politique européenne de l’énergie ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.
M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Monsieur le sénateur Jean-Claude Tissot, tout d’abord, veuillez me le pardonner, je souhaite répéter un certain nombre d’éléments que j’ai déjà indiqués précédemment à vos collègues.
D’une part, pour répondre à la situation des ménages les plus fragiles, le Premier ministre a décidé d’augmenter le chèque énergie de 100 euros, ce qui, sur une année glissante, portera ce dispositif à 400 euros : 150 euros au mois de mars 2021, quelque 150 euros en mars 2022 et une bonification exceptionnelle de 100 euros versée dans les prochains jours.
D’autre part, nous avons prévu, dans le cadre du projet de loi de finances, des mécanismes d’ajustement fiscal, que j’ai évoqués précédemment, sur la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE) pour ce qui concerne l’électricité, ainsi que la possibilité, pour le Gouvernement, d’actionner un mécanisme garantissant un gel du prix du gaz jusqu’à la fin de l’année 2022, puisque le dispositif adopté par l’Assemblée nationale couvre la totalité de l’année prochaine.
En outre, nous travaillons sur d’autres mesures pour accompagner les Français et traiter la question du pouvoir d’achat que pose l’augmentation du prix des carburants et des énergies.
Au-delà de ces réponses, que vous avez qualifiées de « court-termistes » – vous comprendrez que je ne partage pas cette appréciation, car il s’agit de réponses d’utilité, nécessaires pour accompagner les Français face à cette augmentation du prix du gaz, donc de la vie quotidienne –, je vous rejoins lorsque vous appelez de vos vœux une stratégie de long terme.
Cette stratégie a trait, en premier lieu, à la production d’électricité, et les annonces du Président de la République, dans le cadre du plan d’investissement France 2030, ont pour objectif de garantir à la France plus de souveraineté en matière de production d’énergie, donc de maîtrise du prix de celle-ci.
Cette stratégie touche, d’autre part, à la diminution de la consommation, ce qui passe tant par l’adaptation de notre économie que par une meilleure isolation des bâtiments.
Ainsi, dans le cadre du plan de relance, nous avons financé, pour l’année 2021, quelque 800 000 dossiers dits « MaPrimeRénov’ », ce qui représente autant de logements de particuliers qui consommeront moins d’énergie.
En outre, nous veillons, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2022, à ce que le niveau des crédits dont dispose le ministère du logement pour MaPrimeRénov’ soit reconduit à hauteur de 2 milliards d’euros, ce qui permettra de financer la rénovation d’autant de logements. Voilà l’un des exemples de ce que nous mettons en place pour mettre en œuvre la stratégie durable que vous appelez de vos vœux.
place de la nouvelle-calédonie dans le pacifique
M. le président. La parole est à M. Pierre Frogier, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Pierre Frogier. Monsieur le Premier ministre, l’annulation récente du « contrat du siècle », vécue comme un camouflet, vient nous rappeler que le déplacement du centre de gravité du monde de l’océan Atlantique vers le Pacifique, pressenti depuis des années, est désormais une réalité.
Une nouvelle partie du « grand jeu » se joue entre les États-Unis et la Chine, dans cette zone, renommée indo-pacifique. Washington y soutient et y mobilise ses alliés et partenaires affinitaires, afin de contrer l’expansionnisme de Pékin. Peut-on le lui reprocher ? Doit-on s’en étonner ?
Certes, la vocation de la France est de demeurer une puissance d’équilibre, mais ne fallait-il pas donner plus de consistance à notre stratégie indo-pacifique qui, manifestement, ne relève que de l’incantation ?
Pourquoi ne pas affirmer que les collectivités françaises d’Océanie – la Polynésie française, Wallis-et-Futuna, la Nouvelle-Calédonie – assurent à la France un statut de puissance riveraine, afin que sa voix compte dans la conversation stratégique ?
Pourquoi ne pas affirmer que, disposant d’une superficie terrestre et maritime importante, assortie de ressources minérales significatives, la Nouvelle-Calédonie est au cœur de cette partie du Pacifique où se décide, comme pendant la Seconde Guerre mondiale, l’issue de la partie de jeu de go engagée entre puissances rivales ?
Pourquoi ne pas reconnaître que, étant « limitrophe » de l’Australie, cette collectivité offre à la France, donc à l’Union européenne, une frontière commune avec cette île-continent ?
Monsieur le Premier ministre, l’indifférence générale qui a régné pendant tant d’années en métropole par rapport à l’avenir de la Nouvelle-Calédonie donne la mesure de notre inconscience ! Ayant vous-même élevé le dogme de la neutralité de l’État au-dessus de toute considération pratique de sérieux et de responsabilité, vous avez réduit la vision de la France dans la zone à un face-à-face entre les indépendantistes et la « méchante puissance colonisatrice ».
Monsieur le Premier ministre, que dites-vous à nos alliés, qui considèrent que l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie aurait des conséquences décisives pour l’avenir du Pacifique ouest ? (Marques d’impatience sur les travées du groupe SER, où l’on signale que le temps de parole de l’orateur est écoulé. – Silence ! sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. C’est moi qui contrôle le respect du temps de parole !
Veuillez poursuivre, monsieur Frogier.
M. Pierre Frogier. Pour terminer, mes chers collègues, je vous demande d’avoir une pensée pour nos compatriotes qui, quelle que soit leur origine, réaffirmeront, malgré tout, le 12 décembre prochain, leur amour de la France, afin que nos valeurs perdurent par-delà les océans. (Bravo ! et applaudissements prolongés sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean Castex, Premier ministre. Je vous remercie, monsieur le sénateur, de me donner l’occasion d’évoquer une nouvelle fois, devant la représentation nationale, ce sujet extrêmement important qu’est l’avenir de la Nouvelle-Calédonie et de la présence de la France dans cette région du monde.
Veuillez m’excuser, monsieur le sénateur, mais je vous ai trouvé, dans certaines de vos appréciations à l’endroit du gouvernement que j’ai l’honneur de diriger, quelque peu sévère. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) Mais oui !
Je n’en ai pas été, je dois le confesser, complètement surpris, car je n’oublie pas que, quand j’ai reçu, pour discuter de l’avenir de l’île, l’ensemble des délégations à Paris, entre le 26 mai et le 1er juin dernier, vous aviez décidé de boycotter ces rencontres, ce qui n’est jamais, monsieur le sénateur, une bonne position. (M. Pierre Frogier fait un signe de dénégation.)
Si vous aviez été là, vous auriez constaté – j’en ai déjà rendu compte au Sénat – que nous avons poursuivi, avec les parties prenantes, la mise en œuvre des accords de Nouméa, dont vous étiez signataire, monsieur le sénateur, et que nous avons fixé – ce n’était pas évident – la date du 12 décembre prochain pour la tenue de la troisième consultation référendaire prévue par ces accords.