M. Vincent Éblé. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, à la fin de la semaine dernière, France Stratégie, organisme placé sous l’autorité de Matignon, a confirmé dans une étude détaillée que la réforme de la fiscalité du patrimoine lancée en 2018 n’avait pas produit les effets escomptés. Nous l’avions affirmé dans un rapport parlementaire que j’avais signé, avec le rapporteur général de la commission des finances de l’époque, dès 2019.
Non, réduire fortement la contribution des foyers fiscaux les plus riches aux charges de l’État – un cadeau de 1,5 million d’euros par an pour les cent ménages français les plus fortunés, tout de même ! – n’a produit aucun effet sur les dynamiques économiques de nos entreprises : pas de soutien à l’investissement, pas de croissance supplémentaire, pas d’effet bénéfique, pas ce prétendu ruissellement auquel ne croyaient que les crédules par intérêt.
En revanche, on observe une forte croissance de la richesse et des dividendes distribués aux plus riches. Ceux-là, qui représentent 0,1 % des contribuables, soit 38 000 foyers fiscaux, récoltent désormais les deux tiers des dividendes distribués par nos entreprises, alors qu’ils n’en touchaient que 50 % avant la réforme.
Allez-vous enfin reconnaître l’échec de cette politique de cadeau fiscal aux plus riches et réintroduire un peu de justice et de progressivité à l’heure où les plus modestes de nos concitoyens payent à la pompe et par leur consommation des contributions croissantes aux charges de l’État ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.
M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Monsieur le sénateur, vous faites mention du rapport de France Stratégie, qui, comme vous l’avez noté, étudie les effets de la politique fiscale du Gouvernement jusqu’à l’année 2019 ; il faudra prendre le temps d’examiner dans quelques mois les résultats pour les années 2020 et 2021 et de suivre les recommandations de ce même rapport, selon lesquelles il faut un certain délai pour mesurer les effets les plus immédiats de toute réforme en matière de fiscalité.
Au-delà de ce rapport de France Stratégie, qui, par ailleurs, pointe un certain nombre d’aspects extrêmement positifs de la politique économique du Gouvernement, je vous invite à lire le rapport économique, social et financier de la direction du Trésor, qui est placée sous l’autorité du ministère de l’économie et des finances. Ce document pointe un certain nombre d’éléments qui vont à contre-courant de tout ce que vous avez affirmé dans votre question.
Tout d’abord, sur la question du pouvoir d’achat, il relève que, au cours de ce quinquennat, le pouvoir d’achat des ménages de toutes les classes sociales du pays aura augmenté en moyenne de 1,7 % par an, soit deux fois plus vite qu’au cours des dernières années et cinq fois plus vite qu’au cours de la période 2012-2017.
Ce rapport, dont la presse s’est fait l’écho, indique également que le pouvoir d’achat des 10 % des ménages les plus défavorisés augmente deux fois plus vite en pourcentage que le pouvoir d’achat des 10 % des ménages les plus favorisés dans notre pays.
Enfin, la politique fiscale que nous avons mise en place permet à notre pays d’être, pour la troisième année consécutive, le premier pays de la zone euro en termes d’attractivité pour les investissements étrangers.
Nous sommes cette année le premier pays en termes de croissance économique et, depuis quelques semaines, nous connaissons un taux de chômage qui est l’équivalent de celui de la fin de 2007, c’est-à-dire le plus bas depuis quinze ans. C’est le signe de la réussite économique, parce que la meilleure façon de lutter contre la pauvreté et de rétablir l’égalité que vous appelez de vos vœux, c’est de permettre à chacun d’avoir un travail et un revenu.
La politique économique que nous menons est efficace : elle l’a montré à l’aune de la crise, elle le montre encore à l’aune de la relance. Nous continuerons évidemment à appuyer sur les mêmes fondamentaux pour faire en sorte que notre pays se redresse et que, ensuite, nous puissions construire l’économie de la France de 2030. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Vincent Éblé, pour la réplique.
M. Vincent Éblé. Monsieur le secrétaire d’État, le prétendu ruissellement, même le président Biden a reconnu qu’il n’existait pas !
Vous nous dites réduire les impôts de tous, mais la réforme de la taxe d’habitation est un cadeau payé par les collectivités. Ceux qui l’acquittent ne peuvent ni frauder ni délocaliser, ce dont ne se privent pas les évadés fiscaux. Je vous invite à consulter les Pandora Papers : les sommes en jeu représentent au total plus de 11 000 milliards d’euros, soit l’équivalent de vingt-quatre fois la dette de notre pays !
Vous nous dites avoir tout bien fait et vous n’écoutez ni nos rapports ni nos amendements. Je comprends mieux pourquoi le Président de la République propose de réduire les pouvoirs du Parlement en la matière ! (M. François Patriat manifeste son agacement.)
Monsieur le ministre, il est temps de cesser de masquer la réalité en essayant de rendre invisibles les évidences. Les contribuables français modestes savent compter et ne sont pas dupes des jeux de bonneteau dans lesquels l’on reprend d’une main le double de ce que l’on a donné de l’autre ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)
financement des aides à domicile par les départements
M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Maryse Carrère. Madame la ministre, appliqué depuis le 1er octobre 2021, l’avenant n° 43 à la convention collective nationale de la branche de l’aide, de l’accompagnement, des soins et des services à domicile prévoit la revalorisation des rémunérations de l’ensemble des salariés de ce secteur.
Cette revalorisation est attendue et nécessaire, compte tenu de l’engagement de ces salariés auprès des personnes fragiles et en perte d’autonomie ; salariés qui, eux-mêmes, sont souvent en situation de précarité, travaillent à temps partiel et ont été et sont encore en première ligne face à la crise sanitaire.
Concrètement, si cette mesure est bienvenue, elle ajoute pour les départements une charge qu’ils ne pourront pas tous assumer. C’est aussi un changement de paradigme pour la collectivité, qui devra dorénavant financer directement des salaires, alors qu’elle n’intervenait jusque-là que dans l’aide directe à la personne.
Pour le département des Hautes-Pyrénées, cela représentera un surcoût net de 435 000 euros en 2021 et près de 4,4 millions d’euros en 2022. C’est d’autant plus inquiétant que, au niveau national, le surcoût paraît sous-estimé et se situe plus près des 700 millions d’euros que des 359 millions d’euros annoncés.
Je ne m’étendrai pas sur les finances des départements,…
M. Bruno Sido. C’est la misère !
Mme Maryse Carrère. … qui peinent encore plus à cause de charges toujours plus importantes et de dotations toujours plus faibles, alors que leurs investissements devraient en faire des acteurs majeurs de la relance économique.
Si l’État a prévu de participer à hauteur de 50 % de ces dépenses nouvelles, il se trouve qu’il récupérera en recettes les charges sociales prélevées sur ces augmentations de salaire. L’opération est bien calculée : on vous donne d’une main pour reprendre de l’autre !
Aussi, ma question est-elle simple, madame la ministre : compte tenu de cette nouvelle recette, entendez-vous soutenir de manière plus importante les départements ? Envisagez-vous d’entendre leur voix et de revoir avec eux les dispositions de l’avenant n° 43 ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’autonomie.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Madame la sénatrice Maryse Carrère, vous l’avez rappelé, la crise sanitaire a montré au plus grand nombre ces invisibles dont personne ne parlait, qui étaient mal payés et qui espéraient une revalorisation salariale depuis des décennies.
Les partenaires sociaux ont trouvé un accord autour de l’avenant n° 43 sur la refonte des grilles salariales, avec à la clé des augmentations financières historiques moyennes de 13 % à 15 %.
Si le Gouvernement a donné son accord à l’agrément de cet avenant, c’est à la condition que l’État puisse bien sûr aider les départements, dont c’est la compétence, à assumer financièrement ce saut qualitatif.
Vous avez voté dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 une enveloppe reconductible de 200 millions d’euros destinée à prendre en charge la moitié du coût normalement dévolu au département. Les dépenses réelles dans votre département des Hautes-Pyrénées seront bien sûr compensées à hauteur de 70 % pour celles qui ont été engagées depuis le 1er octobre dernier, et de 50 % les années suivantes.
Je m’engage d’ailleurs à regarder de près la situation dans votre département avec son président, comme je le fais partout ailleurs.
Là où certains semblent découvrir ce métier – ce n’est pas votre cas –, sa nécessité et ses difficultés, j’agis donc avec le Gouvernement pour en renforcer la dignité et l’attractivité. Soyez fiers d’avoir permis ces revalorisations méritées.
Nous ne nous arrêtons pas là. Vous aurez l’occasion, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, de faciliter les augmentations salariales aux autres aides à domicile grâce à l’instauration d’un tarif minimum garanti de 22 euros l’heure, donnant plus de marge de manœuvre à l’ensemble des structures. La différence de tarif sera intégralement compensée par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), donc par l’État.
En outre, je présenterai un amendement visant à induire une dotation qualité qui aidera de nouveau les départements et les structures cocontractantes, à hauteur de 3 euros l’heure.
Vous le voyez, il ne suffit pas de parler de ces femmes, ni même, pour certains, de les filmer. Il faut agir, et c’est ce que les départements feront avec l’aide de l’État, si le Parlement est à nouveau au rendez-vous. (M. Martin Lévrier applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour la réplique.
Mme Maryse Carrère. Madame la ministre, je ne puis que regretter que ces débats n’aient pas lieu dans le cadre de la loi Grand Âge et autonomie, qui aurait été nécessaire tant ce secteur connaît de grandes difficultés.
Nous aurons l’occasion d’en discuter de nouveau lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Jean-Claude Requier. Très bien !
inscription du cancer de la prostate lié aux pesticides au tableau des maladies professionnelles
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Joël Labbé. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Hier, le Parlement européen a voté la stratégie dite « de la ferme à la fourchette » et entériné ainsi l’objectif de réduction de 50 % des pesticides à l’horizon de 2030. Il s’agit là d’un signal extrêmement fort, qui nous montre que nous pouvons et devons aller plus loin et plus vite sur cette question.
Au sujet des pesticides, on apprenait également hier que la Commission supérieure des maladies professionnelles en agriculture (Cosmap) avait rendu un avis favorable – enfin ! – à la reconnaissance du cancer de la prostate lié aux pesticides comme maladie professionnelle chez les agriculteurs.
Cela constitue une avancée indispensable pour les agriculteurs et salariés victimes, alors que les études scientifiques alertent depuis longtemps sur ce lien entre cancer et pesticides, en métropole, mais aussi aux Antilles, où le scandale du chlordécone pèse lourd sur la santé des populations.
Cet avis appelle une réponse forte et urgente du Gouvernement. Aussi, monsieur le ministre, quand allez-vous publier le décret qui permettrait une telle inscription ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le sénateur, à la question précise de la reconnaissance du cancer de la prostate comme maladie professionnelle, la réponse est oui : la Cosmap a statué récemment, le 12 octobre dernier, et rendu un avis reconnaissant cette maladie pour ceux qui utilisent des pesticides à des fins professionnelles.
Le Gouvernement vient de recevoir cet avis, qui émane d’une commission où siègent les partenaires sociaux et des experts. À l’unanimité, les partenaires sociaux ont voté en faveur de la reconnaissance de cette maladie professionnelle.
Je vous l’annonce : oui, conformément à l’avis de la Cosmap je prendrai le décret, permettant d’inscrire ce cancer au tableau des maladies professionnelles.
Ce faisant, nous allons dans le sens des indications d’ores et déjà données par le Président de la République afin de mieux reconnaître les maladies professionnelles, ainsi que dans le sens de la politique menée par le Gouvernement à ce sujet.
Vous avez commencé votre question en mentionnant la fameuse stratégie Farm to Fork, que vous avez abordée sous un certain angle ; c’est d’ailleurs votre droit. Je me permets néanmoins d’appeler l’attention de la Haute Assemblée, avec la sagesse qui la caractérise, sur un point : dans tous les débats relatifs à l’agriculture, il manque une approche nourricière.
Aujourd’hui, y compris à la Commission européenne, plus personne ne met d’abord sur la table le fait que le rôle premier de l’agriculture est nourricier.
Alors que plusieurs études indiquent que la production agricole européenne diminuera probablement de 12 % à 13 %, l’énorme sujet du rôle nourricier de l’agriculture européenne et, singulièrement, de l’agriculture française est posé. Il est temps que chacun puisse être impliqué dans cette question de l’agriculture nourricière. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour la réplique.
M. Joël Labbé. S’agissant de l’agriculture nourricière, monsieur le ministre, une étude de l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri) réalisée en 2018 montre que l’Union européenne peut nourrir la population européenne, mais à certaines conditions.
En ce qui concerne le décret, je vous remercie de votre réponse claire et précise. Il faut que ce texte permette une indemnisation incluant l’ensemble des victimes. Il serait en effet inadmissible de proposer des conditions d’accès trop restrictives aux indemnisations – nous le savons, il faut parfois suivre un véritable parcours du combattant pour être reconnu comme victime d’une maladie professionnelle.
Nous serons vigilants et veillerons à ce que le tableau adopté ne soit pas un tableau au rabais : les associations de victimes demandent notamment qu’un délai d’exposition de cinq ans soit retenu et que le délai de prise en charge soit allongé à quarante ans.
Il nous faudra également prendre en compte plus largement l’impact des pesticides sur l’ensemble de la population, car c’est aussi de notre santé et de notre environnement à tous qu’il est question.
Monsieur le ministre, je voulais vous interroger également sur le prosulfocarbe, qui est extrêmement volatil et qui pose des problèmes, mais je garde cette question pour une prochaine fois, tout en la mentionnant tout de même ! (Sourires. – Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
logement et maisons individuelles
M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Dominique Estrosi Sassone. Ma question s’adresse à Mme la ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement.
M. Christian Cambon. Ah !
Mme Dominique Estrosi Sassone. « Nous devons désormais l’affirmer de façon claire : le modèle à l’ancienne du pavillon dont on peut faire le tour n’est plus soutenable et nous mène à une impasse. »
Par ces propos déconnectés du réel, madame la ministre, vous avez touché au cœur du rêve français : 75 % de nos compatriotes voudraient posséder une maison. La maison individuelle, c’est celle des Français et spécifiquement celle des classes moyennes et populaires, qui travaillent et veulent se constituer un patrimoine.
Économiquement, la production de 120 000 maisons individuelles par an est une remarquable source d’activité dans nos territoires.
Aussi, faire le procès de l’habitat individuel comme principal responsable de l’artificialisation des sols est totalement faux. La politique malthusienne de limitation de l’artificialisation des sols pour le logement conduit indirectement à une politique antisociale.
Madame la ministre, quand allez-vous cesser de mettre la pression sur les maires, qui ne peuvent plus construire ? Quand allez-vous cesser de prôner par pure idéologie une espèce de politique de décroissance en matière de logement ?
Dans notre pays, nous manquons cruellement de logements, et pas uniquement de logements sociaux ou d’immeubles, mais bien aussi de maisons. Aggravée par vos politiques schizophréniques, la crise du logement n’a jamais été aussi importante ! (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du logement.
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Madame la sénatrice Estrosi Sassone, je vous remercie de cette question (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.), qui va me permettre de préciser les termes que j’ai employés.
Non, je ne suis pas contre la maison individuelle ! (Mêmes mouvements.) Non, le Gouvernement n’a pas l’intention d’en finir avec la maison individuelle, qui est le rêve des Français, et ce rêve est légitime. (Mêmes mouvements.)
Le problème posé est une question d’urbanisme : qui peut dire que les lotissements issus de l’urbanisme des années 1960 et 1970, situés dans la périphérie toujours plus éloignée des villes, répondent correctement à ce rêve ?
La construction de ces lotissements a trois conséquences : la première, c’est la désertification des centres-villes, les commerces ayant progressivement fermé dans le centre de nos petites villes et de nos villes moyennes. Le Gouvernement, avec Jacqueline Gourault, porte le programme Action cœur de ville. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-François Husson. Cela n’a rien à voir !
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. La deuxième conséquence est une forme d’isolement et de perte de lien social. Je rencontre les Français dans tous mes déplacements : ils attendent un meilleur accès aux transports en commun, davantage de services et plus de lieux de convivialité.
La troisième conséquence, c’est bien la perte de terres naturelles et agricoles. Nous perdons toutes les cinq minutes en France l’équivalent d’un terrain de football, et nous avons perdu un quart de nos terres agricoles ces dernières années.
La maison individuelle n’est pas en cause ; elle a sa place dans notre modèle d’urbanisme. Mais où et comment construire ces maisons individuelles ? Pour loger tous les Français, nous avons besoin de toutes les formes d’habitat. Nous avons besoin de rénover les corps de ferme, les centres-villes et les centres-villages, comme de construire sur des friches.
Ce débat est important et mérite mieux que des caricatures. Je sais que vous en êtes convaincus. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et GEST. – Mme Marie-Pierre de La Gontrie applaudit également. – Huées sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, pour la réplique. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Dominique Estrosi Sassone. Madame la ministre, il faut arrêter les caricatures et cesser d’opposer le rural à l’urbain, la croissance à la décroissance, le logement individuel au logement collectif. (Protestations sur les travées du groupe GEST.)
Il faut cesser de régenter la vie des Français. Il faut cesser de rendre les Français coupables de leur mode de vie. Il faut retrouver le respect des Français et de leur liberté, développer une volonté politique et, surtout, en finir avec votre vision d’élite parisienne écologiste, éloignée des territoires, des habitants et de leurs préoccupations ! (Bravo ! et applaudissements prolongés sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – Protestations sur les travées du groupe GEST.)
condamnation de l’état pour carences dans la lutte contre le changement climatique
M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Angèle Préville. Monsieur le Premier ministre, comment en sommes-nous arrivés là ?
Par un jugement du 14 octobre, le tribunal administratif de Paris a enjoint au Gouvernement de prendre toutes les mesures utiles de nature à réparer le préjudice écologique et à prévenir l’aggravation des dommages. Déjà, le 3 février dernier, le tribunal pointait la carence fautive de l’État.
Arrêtons-nous au symbole, qui est fort : face à la menace que représente le dérèglement climatique, avec son cortège infernal de dommages dorénavant plus fréquents et plus intenses – sécheresse, inondations, tempêtes… –, et face à la détérioration inexorable de la nature, des citoyens saisissent le tribunal parce que leur gouvernement ne prend pas les bonnes mesures.
Les citoyens ont gagné, l’État a été condamné. La condamnation acte l’inaction du Gouvernement, c’est-à-dire le fait de ne pas avoir respecté les engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Nous, parlementaires, nous n’avons pas cessé de vous interpeller et de déposer des amendements pour rehausser les ambitions de vos projets de loi, trop souvent en vain.
Non seulement vous n’avez pas concrètement intégré la stratégie nationale bas-carbone dans les lois, mais vous n’avez même pas consenti aux mesures parfois les plus dérisoires, comme l’interdiction de la publicité lumineuse.
La situation est grave. On le sait, le coût des catastrophes climatiques a déjà triplé ces dernières années, et nous allons tous payer très cher cette inaction, en vies humaines, tout d’abord, en dégâts matériels, ensuite, en difficultés de tous ordres, enfin ; je pense particulièrement aux agriculteurs.
Monsieur le Premier ministre, nous venons tout juste de voter une loi Climat manifestement insuffisante. Sachant que vous avez jusqu’au 31 décembre 2022 pour agir, comment votre gouvernement compte-t-il s’attaquer à ce problème ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la biodiversité.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Madame la sénatrice Préville, le Gouvernement prend évidemment acte de cette décision du tribunal administratif de Paris, qui donne à l’État jusqu’au 31 décembre 2022 pour compenser l’excès d’émissions de CO2 constaté entre 2015 et 2018.
J’insiste sur les dates : puisqu’il a eu lieu entre 2015 et 2018, ce dépassement des objectifs d’émission des gaz à effet de serre dans le cadre de la stratégie nationale bas-carbone adoptée en 2015 n’est donc pas lié à la politique actuellement menée.
Pour autant, nous devons effectivement compenser ce dépassement des objectifs par un rehaussement des budgets carbone, de manière à accélérer l’effort de réduction de ces émissions, notamment au cours des périodes 2019-2023, 2024-2028 et 2029-2033.
Plusieurs moyens ont visé ce but. La loi relative à l’énergie et au climat de 2019 a permis d’accélérer la décarbonation de notre mix énergétique, avec l’arrêt des centrales à charbon ou le développement accru des énergies renouvelables.
MaPrimeRénov’ et le chèque énergie ont accéléré la rénovation thermique des logements et amélioré le budget des ménages.
La loi d’orientation des mobilités a engagé la décarbonation massive des transports et permis l’investissement de 13,4 milliards d’euros, d’ici à 2022, pour le développement massif des bornes électriques.
La création de zones à faibles émissions, la prime à la conversion, les bonus écologiques, les forfaits mobilité durable sont autant de mesures qui ont été prises pour une mobilité plus durable.
Enfin, le plan de relance a amplifié de manière inédite les budgets, multipliant les possibles quant à la rénovation thermique des bâtiments publics, à la rénovation du réseau ferroviaire, à la décarbonation de l’industrie ou encore à l’investissement dans les énergies et les technologies vertes. (Marques d’impatience sur les travées des groupes SER et GEST.)
Mme Angèle Préville. Et la question ?
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Nous avons donc mis en œuvre un bouquet de solutions. Vous le savez, la vitesse de réduction des émissions a doublé depuis le début du quinquennat.
L’effort est donc massif, et nous l’amplifions avec les plans de relance et d’investissement, par des financements publics en faveur de la transition qui sont passés de 26 milliards d’euros en 2019 à 33 milliards d’euros en 2022. Cet ensemble de moyens doit nous permettre d’atteindre les objectifs climatiques qui sont actuellement fixés pour 2030. Le plan d’investissement France 2030 s’y emploiera également.
Dans le même temps, nous engagerons lors des semaines prochaines des concertations afin d’élaborer des feuilles de route de décarbonation dans les filières les plus émissives. (Marques d’impatience sur les travées des groupes SER et GEST, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Il faut conclure !
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Nous organisons le contrôle et le suivi avec le Haut Conseil pour le climat. Bref, nous sommes pleinement mobilisés. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour la réplique.
Mme Angèle Préville. Madame la secrétaire d’État, des mesures sont enclenchées, mais le tribunal vous rappelle à l’ordre : cela ne suffit pas. Telle est la question ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
hausse du prix de l’énergie (i)