M. le président. La parole est à M. Patrice Joly, auteur de la question n° 1787, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Patrice Joly. Monsieur le ministre, la forêt a un rôle central dans la construction de l’identité de notre pays. Elle participe à la fois à son histoire, à son actualité et à son avenir. Il s’agit d’un patrimoine naturel aux enjeux économiques, culturels et de loisirs.
Sur le plan environnemental, la forêt demeure le plus riche des réservoirs de biodiversité et permet chaque année l’absorption de 15 % des émissions françaises de carbone.
Aujourd’hui, la filière forêt-bois est en crise pour plusieurs raisons, liées notamment au changement climatique et aux invasions de parasites, mais surtout à l’obsession de la rentabilité rapide, qui a abouti à des exportations massives des grumes françaises vers l’Asie et les États-Unis. La crise sanitaire et la reprise économique ont aggravé la situation.
Ce bien commun est reconnu de longue date par le vicomte de Martignac. En effet, dans son exposé des motifs du projet de code forestier de 1826, celui-ci considérait déjà : « La conservation des forêts est l’un des premiers intérêts des sociétés et, par conséquent, l’un des premiers devoirs des gouvernements. »
Ainsi, la gestion de forêts ne peut reposer que sur des logiques de long terme, dans lesquelles les communes forestières jouent un rôle reconnu.
Or le Gouvernement envisagerait une nouvelle contribution des collectivités au financement de l’Office national des forêts (ONF), laquelle aurait des conséquences sur les budgets des communes, qui seraient une fois encore fragilisées. Ce n’est pas acceptable dans le contexte actuel, alors que les communes ont déjà contribué au soutien de l’ONF. De même, il est dangereux de démanteler le service public forestier en le dépouillant de ses agents et de moyens.
La forêt exige une gestion planifiée et adaptée à la spécificité de chaque milieu. L’expertise acquise par les agents de l’ONF depuis plus de cinquante ans et leur rôle de conseil auprès des décideurs locaux sont indispensables et ne sauraient être sacrifiés.
Aussi, je vous demande de bien vouloir envisager de revenir sur ce projet d’augmentation des contributions des communes forestières tout en maintenant les moyens de l’ONF pour la gestion de nos forêts.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances. Monsieur le sénateur, le Gouvernement est attaché à la pérennité de l’ONF et entend conserver l’unité de gestion des forêts publiques domaniales et communales par l’Office.
Pour mener une politique forestière ambitieuse et de développement des usages du bois, l’État a besoin d’un ONF fort et performant au regard des défis que rencontre la forêt face au changement climatique et de son potentiel en termes de valorisation du bois et d’atténuation du changement climatique.
La gestion durable et multifonctionnelle est au cœur du modèle de l’ONF et doit le rester. Ce principe est un élément central du nouveau contrat entre l’État et l’ONF pour la période allant de 2021 à 2025.
Pour autant, l’ONF connaît depuis plusieurs années une situation financière déséquilibrée, ce qui appelle des réponses conjoncturelles, mais aussi structurelles, notamment sur son modèle de financement.
Dans ce contexte, le Gouvernement a décidé de renouveler, dans le cadre du contrat État-ONF pour les années 2021 à 2025, sa confiance en l’Office, tout en engageant des mesures importantes visant à lui redonner des perspectives soutenables. L’État maintient le statut d’établissement public à caractère industriel et commercial de l’ONF et réaffirme qu’il n’existe aucun projet de privatisation. Ce contrat conforte les missions d’intérêt général portées par l’ONF et consacre la notion de prise en charge à coût complet de ses missions, quel qu’en soit le commanditaire.
L’État revalorise substantiellement ses missions à hauteur de plus de 12 millions d’euros dès cette année 2021 et de 22 millions d’euros en 2024, ce qui portera le financement par l’État de ses missions à 55 millions d’euros par an.
En outre, le Gouvernement décide de mobiliser 60 millions d’euros complémentaires dès cette année et sur les deux années à venir, à raison de 30 millions d’euros en 2021, de 20 millions d’euros en 2022 et de 10 millions d’euros en 2023 pour soutenir l’établissement tout en renforçant la subvention d’équilibre. Cela vient en plus des 140 millions d’euros de versement compensateur annuel.
Enfin, dans le cadre du volet forestier du plan de relance, une dotation de 30 millions d’euros a été allouée pour 2021 à l’ONF afin de financer la reconstitution des forêts domaniales atteintes par les crises sanitaires.
M. le président. Il faut conclure, madame la ministre.
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. L’État a demandé à l’établissement un effort de réduction de ses charges, afin d’atteindre l’équilibre financier en 2025.
aide financière dans le cadre de la lutte contre la bactérie « xylella fastidiosa »
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Jourda, auteure de la question n° 1804, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Mme Gisèle Jourda. Comment M. le ministre de l’agriculture compte-t-il aider financièrement les collectivités qui luttent contre la bactérie Xylella fastidiosa ?
Cette bactérie, présente dans le département de l’Aude, et plus particulièrement concentrée sur le territoire de l’agglomération de Carcassonne, est phytopathogène. Elle est transmise et véhiculée par des insectes vecteurs. Elle possède un large spectre de végétaux hôtes et peut s’attaquer à plus de 300 espèces végétales.
Par arrêté préfectoral du 19 février 2021, il a été demandé aux collectivités concernées de réaliser les actions d’assainissement des foyers pour en limiter au maximum la propagation.
Conformément aux prescriptions des services de la direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (Draaf), des actions ont été immédiatement menées sur les périmètres concernés par les services de l’agglomération et des communes durant le mois d’avril dernier.
Face à l’enjeu sanitaire, économique et social, la mobilisation des collectivités audoises concernées est totale dans la réalisation des interventions. Je tiens ici à les saluer. Mais le financement est problématique, car les moyens n’étaient pas inscrits dans la loi de finances pour 2021. À ce jour, aucun fonds n’est prévu pour aider les collectivités dans la mise en œuvre des mesures.
Le programme d’indemnisation élaboré par le Fonds national agricole de mutualisation du risque sanitaire environnemental pour les préjudices relatifs à la destruction de végétaux et aux restrictions de circulation n’est pas ouvert aux collectivités territoriales.
Des modalités de soutien financier doivent donc de toute urgence être envisagées pour traiter au plus vite l’ensemble des sites et éviter autant que possible la propagation.
Madame la ministre, quelles dispositions le Gouvernement entend-il prendre face à la gravité de la situation et au coût qu’elle représente pour les collectivités concernées ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances. Madame la sénatrice Jourda, au mois de septembre 2020, la présence de Xylella fastidiosa a été confirmée dans le département de l’Aude, en région Occitanie, région jusqu’alors indemne. La bactérie est présente dans douze communes. Les services de l’État mettent en place des mesures de lutte afin de l’éradiquer, ainsi qu’une surveillance renforcée, conformément au règlement d’exécution du 14 août 2020.
Ce règlement, dont la mise en œuvre est détaillée dans le plan national d’urgence, exige un enlèvement immédiat des végétaux infectés, ainsi que des végétaux sensibles à la bactérie dans la zone infectée, qui correspond à une zone de cinquante mètres de rayon autour d’un végétal contaminé.
L’État a pris en charge la gestion du premier foyer détecté en pépinière en 2020. Un programme d’indemnisation de la section pépinières et horticulture a été depuis déposé, afin d’indemniser l’opérateur professionnel concerné.
Les végétaux contaminés trouvés dans les autres zones infectées en 2020 ont été arrachés par les propriétaires et, afin d’accélérer leur destruction, une entreprise est intervenue aux frais de l’État au printemps 2021 pour les végétaux restant à détruire. La destruction des végétaux trouvés contaminés en 2021 est en cours.
Les services de l’État sont pleinement mobilisés pour mettre en œuvre les mesures d’éradication et sensibiliser l’ensemble des propriétaires sur leurs obligations au travers de plusieurs canaux de communication.
Dans un objectif d’acceptabilité des mesures d’éradication rapide, et sur le modèle de la gestion des foyers en Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA), un marché public national a été attribué au mois de juillet 2021 pour la réalisation des mesures de destruction chez les particuliers.
Cependant, la situation en Occitanie est bien différente de celle que l’on observe en région PACA : de nombreux foyers sont situés en zones semi-naturelles et nécessitent parfois des travaux de grande ampleur. Ainsi, vingt et une zones infectées sur les cinquante-neuf concernent à ce stade des collectivités.
Au-delà des mécanismes d’indemnisation possibles et du marché déjà attribué pour la prise en charge des arrachages chez les particuliers, les services du ministère chargé de l’agriculture travaillent à d’autres pistes afin d’accompagner les collectivités.
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Jourda, pour la réplique.
Mme Gisèle Jourda. Malheureusement, les collectivités n’ont pas accès à ces fonds, alors même que les phénomènes naturels sont nombreux dans notre région et que les communes doivent consentir des investissements importants pour rectifier le tir.
Nous serons donc particulièrement vigilants.
dispositions applicables aux agents bénéficiant d’une autorisation spéciale d’absence
M. le président. La parole est à M. Laurent Burgoa, auteur de la question n° 1813, transmise à Mme la ministre de la transformation et de la fonction publiques.
M. Laurent Burgoa. Madame la ministre, ma question porte sur les dispositions applicables aux agents qui bénéficient encore d’une autorisation spéciale d’absence, communément appelée ASA.
Face à l’épidémie, il était indispensable de protéger les agents les plus vulnérables. Mais, aujourd’hui, à l’issue du déconfinement, la question des agents dans l’impossibilité d’exercer leurs missions en télétravail reste posée.
Si votre ministère a déjà été sollicité via une question écrite, le dispositif qu’il a décrit dans sa réponse ne concerne malheureusement qu’une petite partie des fonctionnaires. De fait, il n’est pas applicable aux situations dans lesquelles se trouvent de nombreuses collectivités.
Les nouvelles dispositions parues récemment prévoient là encore de nombreuses exceptions, laissant penser que le dispositif est amené à perdurer.
Par manque de personnel, certaines communes doivent désormais sous-traiter leurs travaux, alors qu’elles prennent en charge le salaire de leurs fonctionnaires, et ce sans compensation de l’État. Ce dispositif fragilise les moyens d’action et les finances des collectivités.
Plusieurs questions se posent.
La vaccination permet-elle de lever le risque de vulnérabilité ? Quid si l’agent en ASA ne souhaite pas se faire vacciner ? Est-il possible de vérifier si un agent est vacciné ou non et selon quelles modalités ? Les congés non pris durant cette période sont-ils perdus ou reportés ? Enfin, quelles sources de financement les collectivités peuvent-elles mobiliser pour maintenir un équilibre financier ?
Pour ne prendre qu’un exemple, madame la ministre, j’évoquerai le cas d’un agent en attente d’une greffe et fort probablement vacciné. Il a été durant de longs mois en ASA et non en arrêt maladie. Les assurances des collectivités n’ont donc pas fonctionné. Cette situation malheureuse pourrait être amenée à s’étendre.
D’avance, je vous remercie de votre réponse, madame la ministre. Je suis convaincu qu’elle intéressera de nombreux directeurs généraux des services (DGS).
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances. Monsieur le sénateur Burgoa, l’amélioration de la situation sanitaire a conduit le Gouvernement à faire évoluer très récemment le dispositif de prise en charge des agents territoriaux considérés comme vulnérables, susceptibles de développer des formes graves d’infection au covid-19.
Il convient de distinguer la situation des agents vulnérables sévèrement immunodéprimés de celle des agents vulnérables qui ne le sont pas.
Premier cas : les agents sévèrement immunodéprimés. Il appartient à l’employeur, après présentation d’un certificat médical par les intéressés, de placer ces agents en autorisation spéciale d’absence (ASA) lorsque leurs missions ne peuvent être exercées en télétravail.
Second cas : les agents vulnérables non sévèrement immunodéprimés. Ces agents sont placés en ASA, sur présentation d’un certificat médical, lorsqu’ils sont affectés à un poste où ils sont susceptibles d’être exposés à de fortes densités virales et lorsque le télétravail n’est pas possible, ainsi que lorsqu’ils justifient d’une contre-indication à la vaccination.
Cette prise en charge spécifique des agents vulnérables est effectuée à leur demande, sur présentation à l’employeur territorial d’un certificat établi par un médecin.
Lorsque l’employeur estime que la demande de placement en autorisation spéciale d’absence n’est pas fondée, au motif que le poste sur lequel l’agent est affecté n’est pas susceptible d’exposition à de fortes densités virales, il saisit le médecin du travail, qui se prononce sur l’exposition à de fortes densités virales du poste et vérifie la mise en œuvre des mesures de protection renforcée.
Par ailleurs, les employeurs territoriaux ne sont pas habilités à contrôler le statut vaccinal de leurs agents, à l’exception de celui des agents territoriaux soumis à l’obligation vaccinale en application de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire.
Enfin, les congés annuels des agents vulnérables placés en ASA sont posés dans les conditions de droit commun. Pour ce qui concerne les congés non pris, l’employeur peut, le cas échéant, reporter la date limite à laquelle ils peuvent être posés. Les agents territoriaux conservent en outre la possibilité d’alimenter leur compte épargne temps dans les conditions de droit commun.
M. le président. La parole est à M. Laurent Burgoa, pour la réplique.
M. Laurent Burgoa. Madame la ministre, je regrette réellement que, sur une question aussi pratico-pratique aux conséquences financières lourdes, il ait fallu autant de temps pour réagir.
Les services des collectivités ont dû se débrouiller, ce qui a fait naître d’inévitables tensions. In fine, les maires ont encore été obligés de faire face.
Nous sommes le 7 octobre ; ils peuvent enfin avancer…
ambition pour le site renault de choisy-le-roi
M. le président. La parole est à M. Laurent Lafon, auteur de la question n° 1831, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance.
M. Laurent Lafon. Madame la ministre, ma question porte sur le devenir du site Renault de Choisy-le-Roi, dans le Val-de-Marne.
L’entreprise Renault a confirmé la fermeture de son usine de reconditionnement de pièces détachées à Choisy-le-Roi, dans l’Est parisien, et son transfert à Flins, dans l’Ouest parisien. Cette cessation d’activité est une perte lourde pour le Val-de-Marne, qui voit ainsi partir un site industriel installé depuis plus de soixante-dix ans, avec les emplois qui lui sont liés.
Sans baisser les bras, les acteurs locaux – le maire Tonino Panetta en tête, le département, la région et la chambre de commerce et d’industrie – ont engagé avec l’État et l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) une étude de faisabilité et d’opportunité pour réaliser sur ce site d’une quinzaine d’hectares un grand projet d’économie circulaire, dont le rayonnement aura des effets sur tout le sud du Val-de-Marne, voire au-delà.
Les premiers résultats de cette étude seront présentés au début de l’année prochaine, mais les premières analyses montrent tout l’intérêt de cette démarche et de ce projet.
Pour l’heure, Renault, qui est toujours propriétaire et occupant du site, reste silencieux sur le devenir du foncier et sur sa participation au projet autour de l’économie circulaire.
Madame la ministre, comment l’État entend-il accompagner la reconversion de ce site labellisé « territoire industriel du futur » ? En particulier, comment l’État actionnaire de Renault compte-t-il intervenir pour que cette entreprise accompagne le projet et permette, à travers la maîtrise foncière, la réalisation dans les meilleures conditions et les plus brefs délais de ce projet ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances. Monsieur le sénateur Lafon, Renault a dévoilé le 25 novembre 2020 son projet de transformation de Flins, afin d’en faire la première usine dédiée à l’économie circulaire de la mobilité. Dans le cadre de ce projet, Renault a décidé de rapatrier à Flins les activités jusqu’ici réalisées à Choisy et de procéder à la fermeture du site.
Ce projet, qui s’inscrit dans le cadre du plan de réduction des coûts et de la stratégie révisée de Renault, a fait l’objet d’une attention particulière de l’État, actionnaire de l’entreprise, plus précisément concernant l’avenir des salariés et l’enjeu de préservation de l’activité en France.
Renault a signé le 25 mai 2020 un accord avec les organisations syndicales qui encadre les modalités de transfert de l’activité et le reclassement de la totalité des personnels selon trois options : le transfert vers Flins, le reclassement interne au sein du groupe ou le départ de l’entreprise avec un accompagnement pour reclassement.
La majorité des salariés a choisi de poursuivre au sein du groupe, à Flins. Cela témoigne de la pertinence du projet et de l’intérêt d’une activité qui pourra garantir la pérennité de l’emploi.
Enfin, Renault s’est engagé, une fois la situation des salariés réglée, à travailler avec les élus locaux pour la reprise du site de Choisy.
J’ajoute pour terminer que le transfert des activités débutera au mois de décembre et qu’il est appelé à se poursuivre au cours du premier semestre 2022.
M. le président. La parole est à M. Laurent Lafon, pour la réplique.
M. Laurent Lafon. Je vous remercie de ces éléments de réponse, madame la ministre.
Compte tenu de l’ampleur du site et de sa localisation, vous comprendrez qu’une implication forte de l’État et de Renault est extrêmement importante pour la réussite de ce projet de reconversion autour de l’économie circulaire.
Nous serons évidemment très attentifs à ce que tous les acteurs participent activement à cette reconversion.
automatisation de la garantie jeunes pour les majeurs issus de l’aide sociale à l’enfance
M. le président. La parole est à M. Rémi Cardon, auteur de la question n° 1778, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Rémi Cardon. Madame la ministre, « plus aucun jeune de l’aide sociale à l’enfance atteignant sa majorité ne se retrouvera sans solution ». Ces mots ont été prononcés par l’un de vos collègues du Gouvernement au début du mois de juillet à propos de l’automatisation de la garantie jeunes pour les jeunes sortant de l’ASE. De nombreux motifs d’inquiétude subsistent cependant sur la faisabilité de cette mesure, qui risque de se heurter à la réalité du terrain.
Au 31 décembre 2019, 312 500 mineurs étaient pris en charge par l’ASE. Par ailleurs, un million de jeunes ne sont ni en emploi, ni en études, ni en formation : ce sont les fameux NEET – Neither in Employment nor in Education or Training.
Or, moins de 100 000 jeunes ont pu bénéficier en 2020 de la garantie jeunes, l’objectif étant de compter 200 000 bénéficiaires en 2021. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : la garantie jeunes, malgré son extension, ne touchera pas une majorité de jeunes Français.
L’heure est grave, pourtant ! Un million de jeunes ont basculé dans la pauvreté lors de la crise du covid et plus d’un jeune sur cinq est au chômage.
Je connais vos arguments sur le dispositif « 1 jeune, 1 solution », madame la ministre, pour avoir longuement échangé avec vos collègues du Gouvernement.
Les retours que j’ai des élus locaux ou des acteurs de terrain mettent plutôt en lumière une volonté de faire sortir sans accompagnement les jeunes des dispositifs de l’ASE lorsqu’ils deviennent majeurs. Plusieurs jeunes sont d’ailleurs dans ce cas dans les rues d’Amiens, la ville d’origine du Président de la République.
Le risque est donc double : que la mesure soit inapplicable et que certains jeunes se retrouvent sans solution, contrairement à vos annonces.
La solution, madame la ministre, c’est une réponse universelle, simple à mettre en œuvre et finançable. Qu’en est-il du revenu d’engagement ? Est-ce encore un acte manqué ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances. Monsieur le sénateur Cardon, vous le savez, l’accompagnement des jeunes majeurs issus de l’aide sociale à l’enfance fait partie des priorités du Gouvernement. Il mobilise depuis maintenant plusieurs années l’attention du ministère des solidarités et de la santé, du ministère du travail et d’un grand nombre d’acteurs publics, associatifs ou privés.
Cette question est centrale depuis la présentation de la stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance, qui a conduit au déploiement d’actions nationales en faveur de l’insertion professionnelle et de l’autonomie. J’en rappelle quelques-unes : automatisation des bourses de l’enseignement supérieur à l’échelon le plus élevé, soit 680 euros par mois, et accès prioritaire au logement étudiant ; signature en novembre 2020 d’un accord-cadre avec l’Union nationale des missions locales, l’Union nationale pour l’habitat des jeunes et la Convention nationale des associations de protection de l’enfant pour mobiliser tous les acteurs en faveur de l’insertion sociale et professionnelle de ces jeunes, via un accompagnement personnalisé dès l’âge de 17 ans ; accès automatique, depuis janvier 2021, à la garantie jeunes pour un accompagnement professionnel renforcé et à une aide financière de 500 euros par mois – cet accompagnement est prévu dans le cadre d’un contrat d’engagement mentionnant les objectifs, tant de la mission locale que du jeune concerné.
En plus de ces mesures, le Gouvernement a souhaité aller plus loin afin de garantir à chaque jeune sortant de l’ASE, sur tout le territoire et quelle que soit sa situation, qu’il bénéficiera d’une solution pérenne et adaptée. C’est ce qui a conduit l’Assemblée nationale, dans le cadre des débats sur le projet de loi relatif à la protection des enfants, au vote de l’amendement que vous avez mentionné.
En l’occurrence, la question du lien entre les conseils départementaux et les missions locales avait été travaillée bien en amont de ce vote, comme en attestent les initiatives que je viens de rappeler.
L’accord de 2020, en particulier, construit à partir de bonnes pratiques existantes localement, avait permis de faciliter, d’améliorer et de pérenniser la coordination entre les acteurs de l’aide sociale et de l’insertion. Dans chaque territoire, il permet depuis de promouvoir et d’assurer l’accompagnement des jeunes avant leur majorité, de sécuriser les parcours des jeunes mineurs relevant de la protection de l’enfance jusqu’à leur majorité et de systématiser par des partenariats renforcés l’anticipation des sorties de l’ASE.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Vous le voyez donc, toutes ces mesures ont pour objectif d’assurer la protection de ces jeunes. La mise en œuvre de l’automatisation pourra, me semble-t-il, être assurée sans difficulté dès la promulgation de la loi, c’est-à-dire dans quelques semaines.
M. le président. La parole est à M. Rémi Cardon, pour la réplique.
M. Rémi Cardon. Je serais curieux de connaître la réaction des jeunes qui sont dans la rue, qui n’ont pas de parents, à votre réponse. Que de temps perdu depuis des mois, voire des années !
situation des urgences à l’hôpital bicêtre
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, auteure de la question n° 1788, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.
Mme Laurence Cohen. Madame la ministre, ma question porte sur la situation inquiétante du service des urgences du centre hospitalier universitaire de Bicêtre, l’un des plus gros CHU d’Île-de-France, où l’on dénombre plus de 60 000 passages par an.
Depuis la démission du docteur Maurice Raphael en septembre 2020, aucun médecin senior n’a été recruté pour le remplacer au poste de chef de service. À la suite de son départ, onze autres urgentistes ont également quitté l’hôpital et tous les cadres de santé sont partis, tant les conditions de travail y sont déplorables.
Le docteur Raphael avait maintes fois alerté sur les dysfonctionnements de ce service. Rien n’a été fait…
La démission de ce médecin expérimenté, que j’ai rencontré et qui avait véritablement le service public chevillé au cœur, a été le symbole du malaise régnant aux urgences et, plus largement, dans tous les services de cet établissement de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), après des années de restrictions budgétaires.
Aujourd’hui, ce sont les internes qui sont contraints d’occuper ce poste à responsabilité, faute de remplaçant et d’encadrement médical suffisant, mais il est évident que ce n’est pas leur rôle.
L’agence régionale de santé (ARS) a fait un rapport sur ces urgences. Malheureusement, celui-ci n’est pas public et, malgré mes demandes, je n’ai pu y avoir accès, y compris en me prévalant de ma qualité de parlementaire. Conséquence logique : le service d’accueil des urgences (SAU) vient de perdre son agrément, au moins jusqu’en mai 2022. Faute d’agrément, il n’y aura plus d’internes à partir du 1er novembre dans cet hôpital universitaire, ce qui mettra encore un peu plus en péril l’établissement. Ce sont des médecins d’autres services qui viendront en aide aux urgences, alors qu’ils ne sont pas urgentistes !
Au regard de cette situation catastrophique, les recrutements se font rares. L’établissement n’est plus assez attractif pour les professionnels. Le service des urgences de l’hôpital Bicêtre est en danger et les patients risquent de l’être aussi. Les professionnels confient eux-mêmes qu’ils n’enverraient pas des proches s’y faire soigner…
Madame la ministre, que compte faire M. Véran face à cette situation catastrophique ?