Mme le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, auteure de la question n° 1761, adressée à Mme la secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées.
Mme Valérie Boyer. Madame la ministre, ma question concerne les élus locaux, et je voudrais vous parler aussi du statut des élus.
Depuis plusieurs années, nous assistons impuissants à un véritable blues des maires, un malaise qui touche aussi, plus largement, les élus locaux et qui nous dit quelque chose du malaise général de notre démocratie.
Je voudrais vous faire part d’une injustice dans le statut des élus, en vous parlant d’une élue que j’ai connue dans la commune dont j’ai été maire et qui est toujours en fonction. Cette élue touche une pension, pension d’invalidité ou allocation aux adultes handicapés (AAH) – ma question concerne les personnes qui touchent une pension d’invalidité ou l’AAH. Ces prestations sont soumises à conditions de ressources. L’indemnité de fonction de l’élu entre en compte dans le calcul de ses ressources et peut être cumulée avec ces prestations, dans la limite du dernier salaire annuel moyen perçu avant leur attribution.
En l’état actuel des choses, il n’y a pas formellement d’interdiction de cumuler une pension d’invalidité et une indemnité de fonction, mais il y a un plafonnement du cumul des ressources susceptibles d’être procurées par l’addition de l’une et de l’autre. Il existe même, implicitement mais clairement, une autorisation de cumul lors des six premiers mois de la reprise d’une activité – du mandat, en l’occurrence –, puisque ce n’est éventuellement qu’à l’expiration de ces deux trimestres que la pension sera suspendue ou supprimée.
Franchement, cela crée une inégalité de fait entre élus et n’incite pas les personnes en situation d’invalidité ou du handicap à s’engager dans la vie politique. En pratique, l’addition des deux ressources conduit souvent l’élu local à dépasser le plafond ou à devoir faire un choix.
Ma question est simple, et je vous la repose, après avoir posé des questions écrites qui sont demeurées sans réponse. Que comptez-vous faire pour mettre fin à cette injustice et, surtout, à cette entrave à l’implication des personnes handicapées à des fonctions électives ?
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès de la ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants. Effectivement, madame la sénatrice, lorsque la pension d’invalidité cumulée avec l’indemnité de l’élu excède le salaire antérieur à l’attribution de la pension d’invalidité, tout revenu gagné au-delà de ce seuil se traduit par une réduction à due concurrence du montant de la pension d’invalidité.
Mais cette règle ne concerne pas seulement les élus. Elle s’applique également pour tous les revenus d’activité. Je pense qu’elle soulève une difficulté beaucoup plus large. Alors que près de 31 % des bénéficiaires d’une pension d’invalidité travaillent, l’application de ces règles de cumul constitue une forte désincitation à exercer une activité ou un mandat, ou à accroître son activité, alors même que nous souhaiterions au contraire favoriser l’insertion professionnelle ou l’exercice de mandats électifs.
C’est pourquoi nous avons annoncé un assouplissement des règles de calcul entre pensions d’invalidité et revenus d’activité dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020. Cette réforme prévoit un cumul intégral des revenus d’activité et de la pension d’invalidité jusqu’à ce que le revenu disponible de l’assuré redevienne similaire à celui qu’il avait avant son passage en invalidité, de la même façon qu’aujourd’hui. Mais, au-delà de ce seuil, la pension d’invalidité ne sera réduite que de la moitié des gains constatés, ce qui supprimera l’effet couperet actuel. Cette réforme s’appliquera également dans les mêmes conditions aux indemnités perçues par les élus locaux.
Elle facilitera le maintien dans l’emploi de ses assurés, mais aussi l’exercice d’un mandat électoral en maintenant un gain financier pour tout revenu supplémentaire. Elle doit être mise en œuvre par un texte réglementaire en cours de finalisation et interviendra au printemps 2022.
Je crois, madame la sénatrice, qu’une telle réforme répondra aux difficultés que vous avez soulignées tout en garantissant une équité de traitement entre les différents types de revenus perçus par les pensionnés d’invalidité.
Mme le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour la réplique.
Mme Valérie Boyer. Merci de votre réponse, madame la ministre. Même s’il s’agit d’une amélioration, je pense que cela ne répond pas à la question que j’ai posée, puisque cela ne concerne pas uniquement les élus.
Or, il y a une injustice à faire en sorte qu’une élue ou un élu en situation de handicap ou en invalidité ne puisse pas percevoir la totalité de son indemnité. Une indemnité n’est pas un salaire ! Je ne vois pas pourquoi il y aurait une différence entre des personnes à la retraite, des personnes au chômage ou des personnes en activité, qui peuvent percevoir l’intégralité de leurs indemnités, et une personne en situation d’invalidité, qui ne le pourrait pas : c’est discriminatoire.
Mme le président. Il faut conclure, chère collègue.
Mme Valérie Boyer. Nous devons nous pencher particulièrement sur la question.
Mme le président. Je vous rappelle que les ministres sont tenus par un agenda. Vous voyez bien qu’ils viennent les uns après les autres. Attention, donc, à bien respecter les temps de parole.
exportations massives de grumes vers l’asie
Mme le président. La parole est à Mme Marie Evrard, auteure de la question n° 1767, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance.
Mme Marie Evrard. Monsieur le secrétaire d’État, depuis le début de l’année, les acteurs français de la filière bois sont confrontés à d’importantes difficultés d’approvisionnement en matières premières. Plusieurs essences destinées à la construction et à des usages nobles sont concernées par ce phénomène, comme le chêne, le hêtre, les résineux ou le douglas du Morvan.
Ces difficultés s’expliquent par les exportations massives de grumes vers l’Asie. Les expéditions de bois brut issu de forêts françaises se font plus particulièrement vers l’économie chinoise, qui connaît une forte reprise depuis plusieurs mois.
Ces bois bruts expédiés par containers font défaut aux scieries françaises. Ainsi, 90 % des scieries de chênes n’ont plus assez de bois pour assurer leurs besoins de l’année. Dans ce contexte, des constructeurs de maisons en ossature bois situés dans le Morvan sont confrontés à un doublement des prix de la matière première ou ne trouvent carrément plus de bois pour poursuivre leur activité.
Ce phénomène s’étend également au volume de résineux avec des acheteurs étrangers qui perturbent leurs achats.
Cette situation difficile s’est accélérée et amplifiée avec la décision de la Russie de bloquer ses exportations de grumes et de sciage auprès de son client principal, l’Asie.
Dans ce contexte, l’industrie française du sciage et de la deuxième transformation se trouve en grand danger, avec le ralentissement, voire l’arrêt de ses activités. C’est d’autant plus regrettable que la reprise économique est bien présente. À cela s’ajoute le gâchis écologique que constituent les exportations de grumes depuis les forêts françaises vers l’Asie. Ces expéditions ont pour conséquence d’annuler le bénéfice de la captation du carbone par le bois.
Monsieur le secrétaire d’État, comme vous le savez, la filière du bois occupe une place particulièrement importante dans l’économie de nos régions, en particulier dans le Morvan.
Quelles actions le Gouvernement compte-t-il mettre en place pour soutenir la filière bois française et lui permettre de sécuriser ses approvisionnements ?
Mme le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Cédric O, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques. Madame la sénatrice Evrard, comme vous l’avez dit, la filière bois doit aujourd’hui relever plusieurs défis.
La forêt française doit tout d’abord augmenter sa résilience pour faire face aux changements climatiques. Il s’agit d’une nécessité pour qu’elle continue à produire du bois de qualité tout en préservant la biodiversité et en stockant plus de carbone.
Les scieries de l’Hexagone subissent également depuis plusieurs mois des tensions d’approvisionnement, notamment en raison de l’augmentation de la consommation mondiale de bois – celle-ci enregistre une augmentation de 10 % en un an – et des restrictions aux exportations décidées par certains pays.
Ces dynamiques ne sont pas sans risques pour la filière : elles peuvent entraîner des hausses de coût, des augmentations de délais, voire des pénuries en bois brut.
La capacité de nos industries à être présentes sur le marché du bois de construction en plein essor est d’ailleurs une question de souveraineté.
Pour résorber ces tensions d’approvisionnement, le Gouvernement a saisi la Commission européenne en lui demandant de prendre des mesures de sauvegarde au titre de la compétence commerciale et d’éviter ainsi l’emploi sous-optimal des ressources forestières européennes.
Le Premier ministre a aussi demandé à l’Office national des forêts de développer au maximum les contrats d’approvisionnement avec les scieries françaises, pour éviter que la production de bois des forêts domaniales ne soit vendue aux enchères, s’exposant ainsi à l’action de traders qui exportent souvent hors d’Europe.
Dans le cadre du plan France Relance, le Gouvernement va également redéployer 100 millions d’euros supplémentaires pour abonder les différents dispositifs de soutien à la filière forêt et bois.
Ils s’ajoutent donc aux 200 millions d’euros déjà consacrés à la relance de la filière : 150 millions d’euros pour le renouvellement forestier en amont – cela correspond au reboisement de 45 000 hectares, soit environ 50 millions d’arbres – et 50 millions d’euros pour la modernisation des industries de transformation du bois en aval.
Enfin, pour assurer l’avenir à long terme de cette filière d’importance nationale et si particulière pour notre société, le Premier ministre a demandé aux ministres Julien Denormandie, Agnès Pannier-Runacher et Bérangère Abba d’organiser à l’automne des assises de la forêt et du bois.
Elles doivent être un espace de dialogue, décliné dans les territoires, en cohésion avec les acteurs amont et aval, mais aussi les experts et les associations, pour nourrir la vision la plus large possible de la forêt française et de la filière bois de demain.
Elles permettront de partager les enjeux du patrimoine forestier que nous avons en commun, pour que nous puissions collectivement faire prospérer cette richesse.
Mme le président. La parole est à Mme Marie Evrard, pour la réplique.
Mme Marie Evrard. Je vous remercie pour votre réponse positive, monsieur le secrétaire d’État. Elle était attendue par les acteurs de la filière bois implantés dans nos territoires ruraux.
avenir de sanofi à vertolaye dans le puy-de-dôme
Mme le président. La parole est à M. Éric Gold, auteur de la question n° 1766, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’industrie.
M. Éric Gold. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite alerter le Gouvernement sur le projet de cession du site Sanofi de Vertolaye dans le Puy-de-Dôme à la société EuroAPI. Cette cession consiste à créer une nouvelle entité, dont l’autonomie est prévue en 2022, rassemblant des activités commerciales et de développement de principes actifs pharmaceutiques de Sanofi, et six de ses sites de production en Europe. D’après les représentants du personnel, cette cession illustre la stratégie de « vente à la découpe » de Sanofi, le démantèlement futur du groupe et un recul fort de son empreinte industrielle en France.
L’avenir des deux sites français – le deuxième étant situé à Elbeuf, en Seine-Maritime – dans ce nouvel ensemble inquiète les employés, qui souhaitent préserver l’outil de production et les emplois. En effet, l’état de vétusté des équipements des sites français, qui pénalise la performance de manière systémique, tout comme l’augmentation continue des coûts de revient industriels, nécessite des investissements lourds. Malgré l’annonce rassurante d’EuroAPI début septembre de la construction d’un bâtiment pour la production d’hormones, moyennant un investissement de 50 millions d’euros, quelques inquiétudes persistent.
L’enjeu est majeur pour ce secteur rural du Puy-de-Dôme : le site Sanofi de Vertolaye compte 630 salariés en CDI et 100 à 150 contrats temporaires. On arrive à environ 1 000 emplois avec les différents partenaires.
Outre l’enjeu d’aménagement du territoire, il s’agit d’un sujet d’intérêt général sur la capacité de l’industrie pharmaceutique française à produire des médicaments pour la santé de nos concitoyens et à éviter de nouvelles ruptures de médicaments essentiels, voire vitaux. La crise sanitaire que nous traversons toujours nous a douloureusement rappelé le constat de perte d’autonomie de la France dans la production industrielle et ses conséquences néfastes.
Le Président de la République a annoncé en juin 7 milliards d’euros de crédits pour l’innovation en santé, 1 milliard d’euros étant déjà programmés pour le secteur du médicament dans le budget 2022. Ce sont des investissements massifs, qui doivent se concrétiser par un soutien et un renforcement des entreprises déjà présentes sur nos territoires.
Aussi, monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous rassurer sur l’avenir d’EuroAPI en France et la pérennité de l’industrie pharmaceutique sur le site de Vertolaye ?
Mme le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Cédric O, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques. Monsieur le sénateur Gold, vous l’avez dit, la crise sanitaire a montré que nous devons plus que jamais avoir des industriels de la santé forts, résilients et capables de faire face à la concurrence mondiale, qui est toujours plus forte.
Le 24 février 2020, Sanofi a annoncé la cession d’une partie de ses activités de chimie pharmaceutique en Europe, visant six sites industriels européens, dont deux sites français : Saint-Aubin-lès-Elbeuf et Vertolaye. La société issue de cette opération, EuroAPI, a pour objectif de devenir le leader européen de la production de principes actifs, au deuxième rang mondial, derrière le suisse Lonza.
Cette entreprise possédera des atouts, en particulier un large portefeuille de produits, des normes de qualité élevées, des prix compétitifs sur le marché des produits à forte valeur ajoutée, des capacités industrielles et technologies de pointe dans toute l’Europe, et un réseau commercial présent dans plus de 80 pays.
Sur les modalités de création d’EuroAPI, le Gouvernement a demandé à Sanofi plusieurs garanties auxquelles s’est engagée l’entreprise : l’empreinte industrielle et les emplois de Sanofi sur le territoire français seront garantis, avec 1 500 emplois sur les 3 200 salariés de la nouvelle entité qui seront en France ; EuroAPI aura son siège social en France, à Paris ; et Sanofi restera un actionnaire de référence, avec 30 % du capital.
Le site de Vertolaye, dans le Puy-de-Dôme, et ses près de 800 collaborateurs apporteront à EuroAPI toutes leurs capacités dans la fabrication de principes actifs. Il est notamment reconnu en Europe pour son expertise en procédés chimiques complexes et sa production d’anti-inflammatoires. Fin août, la direction d’EuroAPI a annoncé la construction d’un nouveau bâtiment « Hormones » sur le site de Vertolaye à l’horizon 2023. Ce projet a pour objectif d’assurer la continuité de l’expertise et du savoir-faire de Vertolaye sur la fabrication de produits hautement actifs. Un investissement de l’ordre de 40 à 60 millions d’euros permettra la construction de ce nouveau bâtiment, à la pointe des outils disponibles à l’heure actuelle. Un plan d’investissement de 190 millions d’euros a été annoncé par ailleurs sur le site de Vertolaye à l’horizon 2025.
Dans le cadre du dialogue social interne, des réunions avec les représentants du personnel ont été organisées pour accompagner la mise en place de ce projet et expliquer l’opportunité qu’il représente dans un contexte post-covid.
Le Gouvernement demeure très attentif aux choix et à la stratégie industrielle de Sanofi. Les investissements étrangers dans EuroAPI devront à ce titre être soumis à la procédure des « investissements étrangers en France », car les activités d’EuroAPI relèvent de secteurs stratégiques.
J’ajoute que, dans le cadre du futur plan d’investissement qui doit être présenté dans les jours à venir par le Président de la République, cette question de la santé, au-delà du plan de relance et des 7 milliards consacrés à l’innovation en santé, est au cœur des préoccupations stratégiques françaises.
Mme le président. La parole est à M. Éric Gold, pour la réplique.
M. Éric Gold. Monsieur le secrétaire d’État, permettez-moi d’insister de nouveau sur la nécessité de préserver les emplois, donc sur Vertolaye, mais aussi sur l’importance de ce site pour le département du Puy-de-Dôme et pour l’industrie pharmaceutique française et son autonomie
aide à domicile et mesures de revalorisation salariale annoncées le 1er avril 2021
Mme le président. La parole est à Mme Else Joseph, auteure de la question n° 1667, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie.
Mme Else Joseph. Madame la ministre, il y a un an, dans le cadre des accords du Ségur de la santé, beaucoup déploraient l’absence du secteur de l’aide à domicile des mesures de revalorisation salariale des métiers difficiles.
Cet oubli avait été ressenti de façon très injuste, d’abord par les acteurs eux-mêmes, dévoués et aux prises avec de véritables difficultés, mais aussi par tous ceux qui ont pris les devants, comme les conseils départementaux, qui avaient institué des primes. Dans cette crise, de nombreuses initiatives ont été prises sur le terrain.
Les critiques ont porté, et j’en suis heureuse. On a ainsi annoncé la refonte de l’avenant 43, avec une refonte complète de la grille conventionnelle destinée à augmenter le salaire des personnels des services d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD) ainsi que ceux des services de soins infirmiers à domicile (Ssiad).
Cette augmentation doit entrer en vigueur au 1er octobre 2021. On annonce également que l’État contribuera à hauteur de 200 millions d’euros annuels au financement des conseils départementaux.
Ces décisions sont certes heureuses, mais elles auront un impact majeur sur les conseils départementaux. Et il ne suffit pas de réagir sur le coup, car il y a un trou dans les mesures de revalorisation.
Il faut aussi réfléchir à long terme et voir plus en amont les problèmes de recrutement qui se poseront. Peut-on réagir par du simple saupoudrage ? Comment rendre la profession attractive, autant que le travail en établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) ou à l’hôpital ? Comment faciliter le recrutement en nombre conséquent ? Madame la ministre, que compte faire le Gouvernement pour apporter des réponses durables, efficaces, et pas seulement conjoncturelles ? Pourrait-il y avoir des garanties sur les compensations annoncées ?
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Madame la sénatrice Else Joseph, cela fait longtemps que les aides à domicile, notamment du secteur associatif, espéraient une revalorisation salariale, alors qu’il leur fallait dix-sept ans d’expérience pour avoir un salaire supérieur au SMIC. Ce n’était plus acceptable. Révélé par la crise, l’engagement de ces professionnels les honore. C’est un métier noble, souvent exercé par des femmes à temps partiel, qui mériterait davantage de reconnaissance, à l’exemple de la prime covid, dont j’ai obtenu le financement dès mon arrivée à l’été 2020. Seuls quinze départements sur cent s’étaient engagés. Aujourd’hui, les cent départements ont versé cette prime.
Nous aurons de plus en plus besoin de ces métiers. Nous devons même les créer par dizaines de milliers pour accompagner le souhait massif de nos concitoyens de vivre à domicile le plus longtemps possible, même lorsqu’une perte d’autonomie les atteint.
Il fallait donc apporter une première réponse aux salariés de la branche de l’aide à domicile. Ils l’attendaient. Ils ont ouvert des négociations conventionnelles, et j’ai agréé leurs accords l’été dernier. La loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) a permis de faire en sorte que l’État accompagne le financement de cette revalorisation, qui entrera en vigueur dans trois jours. Le coût de cette revalorisation pour les départements, qui en assument la compétence, sera allégé de moitié, et même de 70 % en 2021. C’est historique, tant par les montants mobilisés que par la démarche partenariale.
Mais vous avez raison, cela ne concerne que les aides à domicile exerçant dans un réseau associatif. Nous avons besoin d’accompagner toutes les structures du domicile, y compris celles du secteur privé commercial, pour leur permettre de mieux rémunérer et mieux former leurs salariés, et ainsi de rendre ces emplois plus attractifs.
C’est pourquoi, comme le Premier ministre l’a annoncé jeudi dernier, il sera proposé au législateur de créer un tarif plancher national applicable par tous les départements pour revaloriser les plans APA (allocation personnalisée d’autonomie) et PCH (prestation de compensation du handicap). Cette disposition sera portée dans le cadre du prochain PLFSS, avec un montant pour ce tarif socle de 22 euros par heure applicable à partir du 1er janvier 2022, garanti par un financement d’État pérenne. Il permettra aux SAAD, quels que soient leur statut et leur département d’implantation, d’être mieux financés, et ainsi de permettre les augmentations salariales légitimes des aides à domicile.
Madame la sénatrice, je suis mobilisée depuis le premier jour pour accomplir cette réforme de justice pour des salariés trop longtemps invisibles, et dont l’engagement conditionne la promesse de pouvoir vieillir chez soi.
Mme le président. La parole est à Mme Else Joseph, pour la réplique.
Mme Else Joseph. Madame la ministre, j’entends bien votre réponse. Je ne voulais évidemment nullement remettre en cause par mes propos la revalorisation de ces métiers difficiles.
Je me fais simplement le porte-parole des conseils départementaux, notamment de celui des Ardennes, qui, vous le savez, n’a pas un budget énorme.
Cette revalorisation nécessaire engendrera déjà un surcoût de 910 000 euros pour notre département à partir du 1er octobre et jusqu’à la fin de l’année 2021.
Certes, une compensation de l’État est annoncée, mais nous connaissons un peu la chanson… Cette compensation sera de 50 % en 2022. Quid de la suite ? Pour mon département, ce sera 6 millions d’euros de reste à charge sur un budget de 400 millions d’euros… Je suis donc très inquiète, madame la ministre.
modification des règles de calcul du dispositif d’indemnisation de perte d’activité des médecins de montagne
Mme le président. La parole est à Mme Sylviane Noël, auteure de la question n° 1796, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.
Mme Sylviane Noël. Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur la situation des 300 médecins généralistes qui exercent dans nos stations de sports d’hiver françaises et répondent aux besoins de soins des populations, s’agissant notamment de la traumatologie liée à la pratique des sports d’hiver, au premier rang desquels figure le ski.
Cette spécificité nécessite un plateau technique adapté en radiologie, échographie, médecine d’urgence et petite chirurgie, faisant ainsi de ces cabinets médicaux de véritables petites cliniques de proximité, ce qui évite de nombreux transports et passages dans les services d’urgence des hôpitaux en vallée, souvent situés à une heure de route.
La spécificité de ces cabinets médicaux réside à la fois dans les frais fixes particulièrement élevés liés à ces équipements de pointe et à la grande saisonnalité de leur activité.
Or, depuis le début de la crise sanitaire et la non-ouverture des domaines skiables durant l’hiver 2020-2021, les cabinets médicaux de montagne ont accusé une perte de chiffre d’affaires de l’ordre de 58 %.
Sous la pression des élus de la montagne, le Gouvernement a corrigé le dispositif d’indemnisation des médecins « DIPA 3 », qui se réfère aux revenus mensuels, en lieu et place de la moyenne annuelle des revenus, afin de prendre en compte cette saisonnalité.
Or il s’avère qu’au niveau local les CPAM n’auraient à ce jour pas eu connaissance de ce changement de méthode de calcul, privant ainsi les médecins de montagne des compensations promises et fragilisant un peu plus leur situation.
À l’heure où la nouvelle saison de ski approche, je vous alerte, madame la ministre, sur la nécessité de définir ces critères de calcul auprès des CPAM le plus rapidement possible.
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Madame la sénatrice Sylviane Noël, comme vous le rappelez, le Gouvernement a souhaité créer le dispositif DIPA (dispositif d’indemnisation de la perte d’activité) en avril 2020 pour compenser la perte de revenus des professionnels de santé résultant de la baisse d’activité liée à la crise sanitaire lors du premier confinement. Ce dispositif a pour objectif d’aider les professionnels de santé à faire face à leurs charges fixes professionnelles, dans le contexte que vous présentez.
Le Gouvernement a souhaité réactiver ce DIPA à plusieurs reprises pour tenir compte, chaque fois que cela était nécessaire, des pertes d’activité subies par certains professionnels se trouvant dans des situations particulières.
Il a en particulier été réactivé pour les professionnels de santé installés dans les zones de montagne pour la période du 1er décembre 2020 au 30 avril 2021, en raison de l’impact sur leur activité de la fermeture des remontées mécaniques dans les stations de ski.
Vous l’avez rappelé, les professionnels qui y exercent ont une fluctuation assez forte de leurs revenus, compte tenu de la saisonnalité de leur activité. C’est pourquoi il a été prévu que l’aide accordée aux professionnels qui exercent en montagne, dans des territoires concernés par cette spécificité, prenne en compte, à la différence des autres DIPA, la saisonnalité de leurs revenus.
Le dispositif est conçu en deux temps. Les professionnels ont pu, dès son instauration, solliciter une avance sur la base d’un calcul prévisionnel de l’aide.
Néanmoins, cette aide prévisionnelle est simulée sur le téléservice général, sans prendre en compte la saisonnalité propre au dispositif Montagne. Il était nécessaire de s’appuyer sur le dispositif existant afin de s’assurer d’un versement rapide des avances.
La saisonnalité sera bien prise en compte par le versement d’une régularisation dès que sera calculé, pour chaque professionnel, le montant définitif de son aide. Elle sera ainsi indexée aux revenus des mois équivalents des années précédentes. Les paramètres précis de cette saisonnalité seront communiqués en amont, tant aux professionnels qu’à leurs caisses primaires d’assurance maladie.
Madame la sénatrice, l’État tiendra son engagement d’un accompagnement spécifique des professionnels de santé exerçant en montagne.