M. le président. La discussion générale commune est close.

Nous passons à la discussion, dans le texte de la commission, de la proposition de loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques.

proposition de loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques

TITRE Ier

DISPOSITIONS RELATIVES À LA PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES

 
Dossier législatif : proposition de loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques
Article additionnel après l'article 1er - Amendement n° 40

Article 1er

I. – Au début de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, il est ajouté un titre préliminaire ainsi rédigé :

« TITRE PRÉLIMINAIRE

« DISPOSITIONS RELATIVES À LA PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES

« Art. 1er A. – Dans le respect de l’objectif d’équilibre des comptes des administrations publiques prévu à l’article 34 de la Constitution, la loi de programmation des finances publiques fixe l’objectif à moyen terme des administrations publiques mentionné à l’article 3 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire, signé à Bruxelles le 2 mars 2012.

« Elle détermine, en vue de la réalisation de cet objectif à moyen terme et conformément aux stipulations du traité précité, les trajectoires des soldes structurels et effectifs annuels successifs des comptes des administrations publiques, au sens de la comptabilité nationale, avec l’indication des calculs permettant le passage des uns aux autres ainsi que de l’évolution de la dette publique. Le solde structurel est le solde corrigé des variations conjoncturelles, déduction faite des mesures ponctuelles et temporaires.

« La loi de programmation des finances publiques détermine l’effort structurel au titre de chacun des exercices de la période de programmation. L’effort structurel est défini comme l’incidence des mesures nouvelles sur les recettes et la contribution des dépenses à l’évolution du solde structurel.

« La loi de programmation des finances publiques présente la décomposition des soldes effectifs annuels par sous-secteur des administrations publiques.

« La loi de programmation des finances publiques détermine, au titre de chacun des exercices de la période de programmation, un objectif, exprimé en volume, d’évolution des dépenses des administrations publiques présentées selon les conventions de la comptabilité nationale et une prévision, exprimée en milliards d’euros courants, de ces dépenses en valeur.

« Pour chacun des exercices concernés, la loi de programmation des finances publiques initiale indique l’objectif d’évolution en volume ainsi que la prévision en milliards d’euros courants du montant des dépenses d’avenir des administrations publiques.

« Pour l’application du sixième alinéa du présent article, constituent des dépenses d’avenir l’ensemble des dépenses des administrations publiques qui peuvent être regardées, compte tenu de l’état des connaissances techniques et scientifiques, comme particulièrement et durablement favorables à long terme à la croissance économique ainsi qu’au progrès social et environnemental.

« La loi de programmation des finances publiques détermine, au titre de chacun des exercices de la période de programmation, un objectif, exprimé en volume, d’évolution des recettes des administrations publiques présentées selon les conventions de la comptabilité nationale et une prévision, exprimée en milliards d’euros courants, de ces recettes en valeur. »

« Art. 1er B. – Outre celles mentionnées à l’article 1er A, les orientations pluriannuelles des finances publiques définies par la loi de programmation des finances publiques comprennent, pour chacun des exercices auxquels elles se rapportent :

« 1° Une déclinaison, par sous-secteur d’administration publique, des objectifs d’évolution en volume et des prévisions en milliards d’euros courants des dépenses et des recettes des administrations publiques, mentionnés à l’article 1er A de la présente loi organique ;

« 2° Un montant maximal pour les crédits du budget général de l’État, pour les prélèvements sur les recettes de l’État ainsi que pour les créations, suppressions ou modifications d’impositions de toutes natures affectées à des personnes publiques ou privées autres que les collectivités territoriales, leurs établissements publics et les organismes de sécurité sociale ;

« 3° L’objectif de dépenses des régimes obligatoires de base de sécurité sociale et des organismes concourant à leur financement, ainsi que l’objectif national de dépenses d’assurance maladie de l’ensemble de ces régimes ;

« 4° L’incidence minimale des dispositions nouvelles, législatives ou prises par le Gouvernement par voie réglementaire, relatives aux impositions de toutes natures et aux cotisations sociales, en distinguant l’incidence des dispositions portant sur les dépenses fiscales ou sur les exonérations, abattements d’assiette et réductions de taux applicables aux cotisations sociales ;

« 5° Les plafonds de crédits alloués aux missions du budget général de l’État ;

« 6° L’indication de l’ampleur et du calendrier des mesures de correction pouvant être mises en œuvre en cas d’écarts importants au regard des orientations pluriannuelles de solde structurel, au sens du II de l’article 62, ainsi que les conditions de prise en compte, le cas échéant, des circonstances exceptionnelles définies à l’article 3 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire, signé à Bruxelles le 2 mars 2012.

« La loi de programmation des finances publiques peut comporter des orientations pluriannuelles relatives à l’encadrement des dépenses, des recettes et du solde ou au recours à l’endettement de tout ou partie des administrations publiques.

« La loi de programmation des finances publiques précise le champ des crédits, prélèvements et impositions mentionnés au 2° du présent article. Les montants et objectifs mentionnés aux 2° et 3° s’entendent à périmètre constant.

« Art. 1er C. – La loi de programmation des finances publiques précise, pour chacune des orientations pluriannuelles qu’elle définit, la période de programmation couverte. Cette période représente une durée minimale de trois années civiles.

« Art. 1er D. – La loi de programmation des finances publiques peut comporter des règles relatives à la gestion des finances publiques ne relevant pas du domaine exclusif des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale ainsi qu’à l’information et au contrôle du Parlement sur cette gestion. Ces règles peuvent en particulier avoir pour objet d’encadrer les dépenses, les recettes et le solde ou le recours à l’endettement de tout ou partie des administrations publiques.

« Les dispositions mentionnées au premier alinéa du présent article sont présentées de manière distincte des orientations pluriannuelles des finances publiques.

« Art. 1er E. – Un rapport annexé au projet de loi de programmation des finances publiques et donnant lieu à approbation par le Parlement présente :

« 1° Les hypothèses et les méthodes retenues pour établir la programmation ;

« 1° bis Une présentation détaillée, pour chacun des exercices mentionnés à l’article 1er A, de l’ensemble des dépenses des administrations publiques considérées comme des dépenses d’avenir et qui retrace, notamment, leur nature, leur montant, les effets attendus sur la croissance économique et les indicateurs de développement social et environnemental à long terme ainsi que l’ensemble des éléments permettant de démontrer que la classification de ces dépenses en dépenses d’avenir s’appuie sur une appréciation sincère et exhaustive de l’état des connaissances scientifiques et techniques ;

« 2° Pour chacun des exercices de la période de la programmation, les perspectives de recettes, de dépenses, de solde et d’endettement des administrations publiques et de chacun de leurs sous-secteurs, exprimées en valeur et selon les conventions de la comptabilité nationale ;

« 2° bis Pour chacun des exercices de la période de la programmation, l’estimation des dépenses d’assurance vieillesse et des dépenses d’allocations familiales ;

« 2° ter Pour chacun des exercices de la période de la programmation, les perspectives de recettes, de dépenses et de solde des régimes complémentaires de retraite et de l’assurance chômage, exprimées selon les conventions de la comptabilité nationale ;

« 3° Les mesures de nature à garantir le respect de la programmation ;

« 4° Toute autre information utile au contrôle du respect des plafonds et objectifs mentionnés aux 2° et 3° de l’article 1er B, notamment les principes permettant de comparer les montants que la loi de programmation des finances publiques prévoit avec les montants figurant dans les lois de finances de l’année et les lois de financement de la sécurité sociale de l’année ;

« 5° Les projections de finances publiques à politiques inchangées, au sens de la directive 2011/85/UE du Conseil du 8 novembre 2011 sur les exigences applicables aux cadres budgétaires des États membres, et la description des politiques envisagées pour réaliser l’objectif à moyen terme au regard de ces projections ;

« 6° Le montant et la date d’échéance des engagements financiers significatifs de l’État en cours n’ayant pas d’implication immédiate sur le solde structurel ;

« 7° Les modalités de calcul de l’effort structurel mentionné à l’article 1er A de la présente loi organique, la répartition de cet effort entre chacun des sous-secteurs des administrations publiques et les éléments permettant d’établir la correspondance entre la notion d’effort structurel et celle de solde structurel ;

« 8° Les hypothèses de produit intérieur brut et de produit intérieur brut potentiel retenues pour la programmation des finances publiques. Le rapport présente et justifie les différences éventuelles par rapport aux estimations de la Commission européenne ;

« 9° Les hypothèses ayant permis l’estimation des effets de la conjoncture sur les dépenses et les recettes publiques, notamment les hypothèses d’élasticité à la conjoncture des différentes catégories de prélèvements obligatoires et des dépenses d’indemnisation du chômage. Le rapport présente et justifie les différences éventuelles par rapport aux estimations de la Commission européenne ;

« 10° Les modalités de calcul du solde structurel annuel mentionné au même article 1er A.

« Ce rapport présente également la situation de la France, par rapport aux autres pays membres de l’Union européenne, au regard des objectifs stratégiques européens.

« Art. 1er F. – La loi de programmation des finances publiques présente de façon sincère les perspectives de dépenses, de recettes, de solde et d’endettement des administrations publiques. Sa sincérité s’apprécie compte tenu des informations disponibles et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler.

« Art. 1er G. – La loi de finances de l’année, les lois de finances rectificatives, les lois de financement rectificatives de la sécurité sociale et les lois de finances de fin de gestion comprennent un article liminaire présentant un tableau de synthèse retraçant, pour l’année sur laquelle elles portent et en rappelant les prévisions de la loi de programmation des finances publiques en vigueur pour l’année en question :

« 1° L’état des prévisions de solde structurel et de solde effectif de l’ensemble des administrations publiques, avec l’indication des calculs permettant d’établir le passage de l’un à l’autre, et des prévisions de solde par sous-secteur ;

« 2° L’état de la prévision, déclinée par sous-secteur d’administration publique, de l’objectif d’évolution en volume et de la prévision en milliards d’euros courants des dépenses des administrations publiques ;

« 3° L’état des prévisions de prélèvements obligatoires, de dépenses et d’endettement de l’ensemble des administrations publiques, exprimées en pourcentage du produit intérieur brut.

« Le tableau de synthèse de la loi de finances de l’année indique également les agrégats mentionnés aux 1°, 2° et 3° du présent article, résultant de la dernière année écoulée et des prévisions d’exécution de l’année en cours.

« Il est indiqué, dans l’exposé des motifs du projet de loi de finances de l’année, du projet de loi de finances rectificative ou du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, si les hypothèses ayant permis le calcul du solde structurel sont les mêmes que celles ayant permis de le calculer pour cette même année dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques.

« Art. 1er H. – La loi d’approbation des comptes et de résultats de gestion comprend un article liminaire présentant un tableau de synthèse retraçant, pour l’année à laquelle elle se rapporte :

« 1° Le solde structurel et le solde effectif de l’ensemble des administrations publiques résultant de l’exécution ;

« 2° Les dépenses des administrations publiques résultant de l’exécution, exprimées en milliards d’euros courants, ainsi que l’évolution des dépenses publiques sur l’année, exprimées en volume ;

« 3° Les prélèvements obligatoires, les dépenses et l’endettement de l’ensemble des administrations publiques résultant de l’exécution, exprimés en pourcentage du produit intérieur brut.

« Le cas échéant, l’écart par rapport aux prévisions de soldes de la loi de finances de l’année et de la loi de programmation des finances publiques est indiqué. Il est également indiqué, dans l’exposé des motifs du projet de loi d’approbation des comptes et de résultats de gestion, si les hypothèses ayant permis le calcul du solde structurel sont les mêmes que celles ayant permis de le calculer pour cette même année dans le cadre de la loi de finances de l’année et dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques.

« Art. 1er I. – I. – Le rapport annexé au projet de loi de finances de l’année mentionné à l’article 50 présente, pour l’année à laquelle il se rapporte et pour l’ensemble des administrations publiques, l’évaluation prévisionnelle de l’effort structurel défini à l’article 1er A et du solde effectif, détaillée par sous-secteur des administrations publiques, ainsi que les éléments permettant d’établir la correspondance entre la notion d’effort structurel et celle de solde structurel.

« II. – (Supprimé)

« Art. 1er J. – Au plus tard quinze jours avant la présentation par le Gouvernement aux institutions européennes des documents prévus par le droit de l’Union européenne dans le cadre des procédures de coordination des politiques économiques et budgétaires, le Gouvernement transmet l’ensemble de ces documents au Parlement et y joint, dans la perspective de l’examen et du vote du projet de loi de finances de l’année suivante, un rapport sur l’évolution de l’économie nationale et sur les orientations des finances publiques comportant :

« 1° Une analyse des évolutions économiques constatées depuis l’établissement du rapport mentionné à l’article 50 ;

« 2° Une description des grandes orientations de sa politique économique et budgétaire au regard des engagements européens de la France ;

« 3° et 4° (Supprimés)

« 5° L’évaluation pluriannuelle de l’évolution des recettes et des dépenses des administrations de sécurité sociale ainsi que de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie ;

« 6° Une analyse de la situation financière des administrations publiques locales.

« Les documents et le rapport transmis au Parlement peuvent donner lieu à un débat à l’Assemblée nationale et au Sénat. »

II. – La loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 précitée est ainsi modifiée :

1° Au premier alinéa de l’article 34, la référence : « 7 de la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques » est remplacée par la référence : « 1er G de la présente loi organique » ;

2° À la fin du I A de l’article 37, la référence : « 8 de la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 précitée » est remplacée par la référence : « 1er H de la présente loi organique » ;

3° À la fin de la dernière phrase du premier alinéa de l’article 50, la référence : « 9 de la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 précitée » est remplacée par la référence : « 1er I de la présente loi organique » ;

4° Le 3° de l’article 58 est ainsi rédigé :

« 3° Le dépôt, avant la fin du mois de juin, d’un rapport relatif à la situation et aux perspectives des finances publiques ; ».

III. – Les chapitres Ier et II de la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques sont abrogés.

IV et V. – (Supprimés)

M. le président. L’amendement n° 27, présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Pascal Savoldelli.

M. Pascal Savoldelli. Tout d’abord, je vous remercie, monsieur le ministre, de nous répondre. Je sais qu’il est dans votre habitude de le faire, mais tel n’est pas le cas de tous les membres du Gouvernement.

L’amendement n° 27, qui vise à supprimer l’article 1er, rejoint les propos que vous venez de tenir concernant la distinction entre le cadre organique et les volontés politiques.

L’article 1er réaffirme, en la renforçant par des mécanismes de contrôle et des indicateurs, la subordination des lois de finances que nous examinons annuellement aux lois de programmation des finances publiques. Il s’agit selon nous d’un approfondissement majeur réclamé et désormais mis en œuvre par tous ceux qui souhaitent une maîtrise des dépenses publiques.

Cette maîtrise est à nos yeux un leurre. L’objectif est bien la réduction des dépenses. Il faut l’assumer politiquement. Nous nous étonnons de constater le niveau de consensus produit par cette proposition de loi. Celui-ci peut se résumer de la manière suivante : nous votons une loi de programmation une fois en début de quinquennat, que nous devons appliquer pendant cinq ans, en tenant compte de la conjoncture économique, des besoins différenciés, des nécessités sectorielles, du contexte international, des opérations militaires, et j’en passe.

Or, depuis 2008 et la loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012, seuls trois soldes publics ont respecté la programmation, et deux les règles maastrichtiennes. Cela ne fonctionne pas ! Vous voulez pourtant renforcer ces lois de programmation. Nous pensons, pour notre part, qu’il faut les abolir.

Il ne s’agit pas d’entrer dans la polémique. Je mets à votre disposition un document très intéressant conçu par notre commission des finances, qui présente, sous la forme d’un tableau très explicite, la différence entre le solde exécuté des administrations publiques et celui prévu par les lois de programmation des finances publiques. Les choses sont factuelles.

Nous discutons certes d’un cadre organique, mais ce cadre repose sur un fond politique.

Je me suis renseigné par ailleurs sur la question de la pluriannualité contraignante. Aucun économiste, que ce soit au XIXe siècle ou au XXe siècle, n’a formalisé la doctrine des principes budgétaires. En effet, ils n’avaient pas comme principal souci la notion d’équilibre.

Sous prétexte de résorber la dette publique, érigée en problème économique fondamental, ce texte crée une percée ultralibérale dans nos principes budgétaires. C’est pourquoi nous proposons la suppression de cet article.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur. M. Savoldelli vient de le dire, il demande ni plus ni moins que la suppression de l’article 1er. Or cela aurait pour effet de maintenir en l’état le droit existant, ce qui n’est pas non plus son souhait. J’ai cru comprendre en effet qu’il voulait également remettre en cause le principe même des dispositions relatives à la programmation et la gouvernance de nos finances publiques.

M. Savoldelli ne sera donc pas surpris d’entendre que la commission émet un avis défavorable sur cet amendement, pour deux raisons. Premièrement, comme je viens de l’évoquer, il n’atteint pas les objectifs visés par ses auteurs. Deuxièmement, l’existence et la nature des dispositions relatives à la programmation et à la gouvernance des finances publiques procèdent, comme vous le savez, d’obligations européennes résultant du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Même avis. M. Savoldelli propose de supprimer une des principales, si ce n’est la principale, dispositions du texte. Le Gouvernement ne peut qu’être défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.

Mme Sophie Taillé-Polian. Monsieur le ministre, vous avez dit qu’il ne s’agissait pas de débattre du fond des politiques publiques. Dont acte. Cependant, nous le savons toutes et tous : le cadre détermine beaucoup la façon dont les débats sont posés. Or quand l’article 1er soulève comme il le fait la question de l’équilibre des dépenses, il oriente déjà les choses. Ne le nions pas ! Ne le niez pas !

Nous proposons un autre type de cadre, qui laisserait une plus grande marge de manœuvre. Ce n’est pas parce que nous souhaitons mesurer la dette écologique ou les inégalités sociales que nous nous engageons à les résorber toutes, immédiatement. Tout le monde sait que c’est impossible.

Il s’agit en revanche d’assumer la nécessité de les prendre en compte dans notre réflexion. Cela laisserait toute latitude à des majorités diverses pour aborder les choses différemment.

Nous voterons cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 27.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 70, présenté par MM. Husson et Raynal, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 3

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

« Art. …. – Au sens du présent titre, ont le caractère de lois de programmation des finances publiques :

« 1° La loi de programmation des finances publiques initiale ;

« 2° Les lois de programmation des finances publiques rectificatives.

II. – Alinéas 4, 6, 7, 8, 11, 12, 19, 20, 21, 22 et 24

Après les mots :

loi de programmation des finances publiques

insérer le mot :

initiale

III. – Après l’alinéa 39

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« Art. …. – La loi de programmation des finances publiques rectificative peut comprendre toutes mesures tendant à réviser tout ou partie des dispositions de la plus récente loi de programmation des finances publiques initiale visées aux articles 1er A à 1er D. Elle ne peut avoir pour effet de réduire ou d’étendre la durée sur laquelle porte la plus récente loi de programmation des finances publiques.

« Tout projet de loi de programmation des finances publiques rectificative est accompagné d’un rapport donnant lieu à approbation par le Parlement. Ce rapport indique les motifs pour lesquels le Gouvernement estime que les dispositions de la loi de programmation des finances publiques initiale doivent être révisées et comprend l’ensemble des éléments visés à l’article 1er E.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-François Husson, rapporteur. Vous le savez, à droit constitutionnel constant, le Gouvernement ne peut pas être contraint juridiquement de proposer la révision d’une loi de programmation des finances publiques, alors même – cela s’est vu – que les hypothèses, notamment macroéconomiques, sur lesquelles elle est assise se révèlent obsolètes.

Il peut apparaître utile d’intervenir afin de réviser certains objectifs d’une loi de programmation pour tenir compte de l’évolution du contexte macroéconomique.

Toutefois, le cadre constitutionnel et organique ne permet pas, dans l’état actuel du droit, de bénéficier de cette souplesse.

Le présent amendement vise à réduire cette rigidité en créant deux catégories de lois de programmation des finances publiques : les lois de programmation initiales et les lois de programmation rectificatives.

Si les lois de programmation initiales doivent prévoir l’ensemble des éléments que les dispositions organiques regardent comme relevant du domaine obligatoire, les lois de programmation rectificatives pourront se limiter, elles, à une révision de tout ou partie de ces dispositions sans modifier la période de programmation concernée comme cela nous est imposé actuellement.

M. le président. L’amendement n° 28 rectifié, présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 4

1° Supprimer les mots :

dans le respect de l’objectif d’équilibre des comptes des administrations publiques prévu à l’article 34 de la Constitution,

2° Remplacer les mots :

fixe l’objectif à moyen terme des administrations publiques mentionné à l’article 3 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire, signé à Bruxelles le 2 mars 2012

par les mots et une phrase ainsi rédigée :

détermine la planification qui traduit les besoins de la nation. Elle concourt à l’application des principes sociaux, économiques et environnementaux définis dans la Constitution, le préambule de la Constitution de 1946 et la charte de l’environnement

II. – Alinéa 5, première phrase

Supprimer les mots :

et conformément aux stipulations du traité précité

III. – Alinéas 6, 18 et 55

Supprimer ces alinéas.

IV. - Alinéa 53

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Au plus tard avant le deuxième mercredi de février, le Gouvernement transmet l’ensemble des documents suivant au Parlement et y joint, dans la perspective de l’examen et du vote du projet de loi de finances de l’année suivante, un rapport sur l’évolution de l’économie nationale et sur les orientations des finances publiques comportant :

La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Cet amendement a pour objet de supprimer la mention de « l’objectif d’équilibre des comptes des administrations publiques » à l’alinéa 4 de l’article 1er. Nous estimons que le solde public ne peut constituer, en soi, une boussole pour les choix budgétaires que nous voudrions opérer.

M. Franck Waserman, professeur de droit public, explique d’ailleurs très bien le caractère tout à fait illusoire de la notion d’équilibre : « L’équilibre apparaît davantage comme un paramètre économique, voire pour certains, un objectif, que comme un principe structurant qui puisse se couler dans les formes du droit. C’est sans doute une des raisons pour lesquelles l’équilibre n’a jamais été formalisé comme un principe juridique des finances publiques, et qu’il n’a probablement pas vocation à l’être un jour. »

Il faut donc oublier l’idée selon laquelle les finances publiques doivent être nécessairement équilibrées et considérer les enjeux et les urgences – climatiques, sociales et environnementales – qui se présentent.

Cet amendement vise également à supprimer les références aux traités européens et à leurs indicateurs, tels que « l’effort structurel » – défini à l’article 1er comme « l’incidence des mesures nouvelles sur les recettes et la contribution des dépenses à l’évolution du solde structurel » –, les mécanismes de correction et autres contraintes européennes pesant sur les grandes orientations de la politique économique et budgétaire de la France.

La logique qui les sous-tend est tout à fait symptomatique de la suprématie de la sphère européenne et de ses dogmes sur les intérêts nationaux.

Ces multiples références et le fait de calquer nos finances publiques sur les intérêts et les indicateurs européens ont, nous le savons, un effet délétère sur notre fonction de parlementaires.

L’avis du 24 septembre 2017 du Haut Conseil des finances publiques soulignait ainsi que la trajectoire de solde structurel de la loi de programmation 2018-2022 s’écartait des engagements européens de la France, en retenant une réduction du déficit structurel « inférieure au minimum requis par les règles européennes ».

Nous proposons donc au contraire que les lois de programmation déterminent une planification traduisant les besoins de la Nation, et concourent à l’application des principes sociaux, économiques et environnementaux définis dans la Constitution, le préambule de la Constitution de 1946 et la Charte de l’environnement de 2004.