M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Christine Lavarde. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a presque un an, la Cour des comptes dressait ce constat : « Après dix ans de mise en œuvre, le bilan du pilotage pluriannuel des finances publiques apparaît décevant, dans la mesure où les objectifs fixés par les lois de programmation ont rarement été atteints. » Elle indiquait également que « la fragmentation du cadre de la dépense publique nuit à la clarté des choix et à la bonne compréhension de l’usage des deniers publics ».
Cette proposition de loi se veut une tentative de réponse à ces critiques.
En juin dernier, sur l’initiative du groupe CRCE, le Sénat a débattu du rôle du Parlement dans l’élaboration des lois de finances. À cette occasion, tous les groupes de cet hémicycle ont déploré l’étroitesse des marges de manœuvre dont disposent les parlementaires, en vertu du fameux article 40 de la Constitution, sur lequel Pascal Savoldelli vient de revenir.
Ce texte technique, destiné à améliorer l’information du Parlement et à faciliter son travail, a beaucoup grossi au cours de son examen par l’Assemblée nationale. En effet, il est passé de douze à vingt-six articles, notamment pour tenir compte des recommandations du Conseil d’État. Cela étant, il ne dit toujours rien de l’article 40 de la Constitution.
De son côté, le Sénat a réintroduit un peu de pragmatisme dans les nouvelles dispositions. J’ai notamment en tête les mesures relatives aux taxes affectées, dont nous avons débattu en commission.
Cela étant, ce texte de nature technique ne met pas en place une nouvelle stratégie de redressement des finances publiques : les modifications que cette dernière supposerait seraient d’une tout autre ampleur et se révéleraient certainement moins consensuelles.
Par exemple, ne faudrait-il pas imposer à l’État les mêmes règles qu’aux collectivités territoriales : présenter une section de fonctionnement équilibrée, encadrer l’évolution des dépenses de fonctionnement, limiter la possibilité de recourir à l’endettement pour financer l’investissement, ou encore interdire le déficit public en période de croissance ?
Ces sujets – j’en suis certaine – ne manqueront pas de revenir dans le débat, sinon pendant la campagne présidentielle, du moins après l’élection, notamment après les discussions relatives aux règles européennes, qui auront lieu pendant la présidence française de l’Union européenne. (M. Jean-François Husson, rapporteur, opine.)
En effet, il s’agit là d’un sujet d’importance. L’inscription rapide de ce texte à l’ordre du jour, assurée par le Gouvernement, a contribué à l’évaluation positive du plan de relance et de résilience par la Commission, le 23 juin dernier, permettant le déblocage de près de 40 milliards d’euros.
Toutefois, ce texte ne doit pas être l’occasion de dessaisir le Parlement de ses prérogatives au bénéfice d’organismes extérieurs. Les sénateurs comme les députés ont toute légitimité pour réaliser les chiffrages des différentes mesures, à condition bien entendu que l’ensemble de l’information soit transparente.
Fort de son regard objectif, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) doit venir en appui des investigations parlementaires. Il ne doit pas remplacer le Parlement. Il veillera notamment au respect des objectifs pluriannuels de réduction des dépenses et devra pouvoir obtenir du Gouvernement une justification des écarts observés par rapport à la cible pluriannuelle.
L’examen de ce texte doit aussi nous donner l’occasion d’améliorer l’information du Parlement. À ce titre, Charles Guené reviendra sur le sujet spécifique des collectivités territoriales.
Au cours de cette discussion générale, le thème de la dette a été abordé à plusieurs reprises. Nous sommes revenus, en particulier, sur le débat annuel qui doit désormais lui être consacré.
Il nous semble que ce débat devrait aussi avoir lieu lors de l’examen des projets de loi de programmation des finances publiques. En effet, l’évolution de la dette, en termes de stock et de flux, est intimement liée aux déficits ou aux excédents des exercices futurs…
M. Jérôme Bascher. Les excédents !
M. Vincent Capo-Canellas. Cela fait rêver…
Mme Christine Lavarde. Enfin, et malheureusement, ce texte arrive à contretemps. Il est trop tardif, car les lacunes dont il s’agit ont été identifiées depuis longtemps ; mais il est aussi trop précoce, car des discussions ont lieu en ce moment au niveau européen.
Il aurait certainement été plus efficient d’actualiser la loi de programmation des finances publiques, obsolète depuis plusieurs exercices budgétaires, et de consacrer tous nos efforts aux échanges européens. À cet égard, la taxonomie verte représente un enjeu majeur.
En effet, rien ne sert de sanctuariser la pratique du budget vert, avec une présentation annuelle au Parlement des conséquences environnementales du projet de loi de finances, si dans le même temps, au niveau de l’Union européenne, on refuse de considérer comme vertes des dépenses en faveur d’une énergie totalement décarbonée.
Les élus du groupe Les Républicains auront donc une attitude constructive au cours de ces débats,…
M. Jean-François Husson, rapporteur. Comme toujours !
Mme Christine Lavarde. … tout en regrettant le calendrier retenu. Nous voterons ce texte, car mieux vaut faire un petit pas en avant que de rester sur place ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Vincent Capo-Canellas applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Briquet.
Mme Isabelle Briquet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’objectif de la loi organique relative aux lois de finances, votée en 2001, était principalement de renforcer le rôle du Parlement : tout d’abord, en modifiant les règles d’adoption des lois de finances ; ensuite, en améliorant l’information budgétaire des deux assemblées ; et enfin, en confiant aux parlementaires un pouvoir de contrôle sur l’exécution des lois de finances.
Aujourd’hui, vingt ans après l’adoption de ce texte, il était sans doute logique de considérer qu’une évolution était nécessaire. Pour autant, la proposition de loi organique qui nous est soumise ne nous permet pas d’afficher une satisfaction sans faille.
Alors qu’en 2001 la LOLF résultait d’un travail conjoint des deux chambres du Parlement, cette proposition de loi organique est issue des seuls travaux des députés. Rappelons également que la LOLF avait été débattue pendant quatre mois et qu’elle était entrée en vigueur en 2006.
La temporalité de cette proposition de loi organique interroge : soit elle arrive trop tard, à l’issue d’un quinquennat au cours duquel aucune velléité de réforme n’a réellement émergé en la matière ; soit elle arrive trop tôt, alors que les effets de la crise sanitaire sur l’économie et les finances publiques ne sont pas encore tous connus et qu’une réforme du pacte de stabilité et de croissance européen pourrait être à l’ordre du jour des prochains mois.
Ce texte, dont le contenu demeure tout de même assez technique, n’en cache pas moins une approche très politique des finances publiques. En focalisant le débat sur la dette, il oriente de fait les discussions.
Il s’agit évidemment d’un sujet d’importance : aggravée par la crise sanitaire, la dette nécessite une attention particulière. Elle ne saurait toutefois être la boussole qui détermine le cap à donner aux politiques publiques.
Si la crise sanitaire a accru la dette, elle a permis de relativiser la perception que nous en avons. Une fois dépassée, la ligne rouge des 100 % du PIB, réputée infranchissable, pourrait ainsi conduire à une autre réflexion sur les finances publiques.
Les politiques publiques sont les grandes oubliées de cette réforme de la LOLF. Ce sont pourtant elles qui nous réunissent tous ici et qui nourrissent nos discussions.
Ce texte nous parle de dépenses, il fixe une trajectoire de limitation de la dépense publique, mais, dans le même temps, il ignore toute évolution possible des recettes.
La maîtrise des dépenses est elle aussi un véritable sujet. Je sais que nous tous ici en avons conscience, notamment pour avoir exercé des responsabilités à la tête d’exécutifs locaux. Néanmoins, l’opportunité des dépenses est un point tout aussi essentiel, en parallèle duquel doit être placée la question des recettes.
Nous le voyons bien : les orientations des finances publiques doivent découler des politiques publiques, et non l’inverse.
Au lieu de cela, l’orthodoxie budgétaire est une nouvelle fois de mise, au nom d’une doctrine libérale annonciatrice de réformes où la justice sociale n’aura guère sa place.
Je l’ai déjà indiqué : cette proposition de loi organique présente également de nombreux aspects techniques ne posant pas de difficulté particulière.
Ainsi, la présentation du budget en dépenses d’investissement et de fonctionnement facilitera sa compréhension et son analyse.
De plus, l’utilisation et l’évaluation du prélèvement sur recettes à destination des collectivités territoriales pourraient ouvrir la voie à un débat politique fort, à la hauteur des enjeux financiers des communes, des départements et des régions.
Néanmoins, la volonté affichée d’une meilleure information parlementaire et d’une simplification de la procédure peine à atteindre son but. S’il n’est pas certain que les débats budgétaires soient plus lisibles une fois ce texte adopté, l’orientation politique annoncée, elle, est parfaitement claire. Aussi, notre abstention sur ce texte ne vous surprendra pas !
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Jérôme Bascher. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Christine Lavarde l’a déjà dit à la fin de son intervention : nous allons soutenir ce « petit pas », car l’immobilisme ne saurait être la solution.
Le Premier ministre britannique, pas l’actuel, mais son illustre prédécesseur Disraeli, disait à ce propos : « On aura fait beaucoup de faux pas dans l’immobilisme. » (Sourires.)
Je le confirme, nous faisons le choix du mouvement, sans être pour autant « en marche ». (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.) Cette réforme ne va pas si loin : c’est plutôt une micro-avancée, même si elle va de pair avec une certaine agitation.
Les lois organiques relatives aux lois de finances intéressent d’abord les parlementaires et le Gouvernement : en effet, elles organisent leur dialogue, exercice bien normal en démocratie. Je regrette d’autant plus que l’on se contente d’un pas timide.
J’observe également qu’à l’échelle européenne la France est toujours prompte à donner des leçons et des gages. Depuis que le pacte de stabilité et de croissance existe, nous sommes les premiers à faire de belles promesses : « Dans trois, quatre ou cinq ans, vous verrez ce que vous verrez. Nous serons revenus à l’équilibre – pas l’année prochaine, car les circonstances sont particulières. Nous allons dévier de la trajectoire, mais les années suivantes tout ira bien. » Cette année encore, nous en avons un nouvel exemple. Notre gouvernement dit et répète : « Tout ira mieux après 2022 ! »
Tous ceux qui aiment la norme de dépenses seront heureux de l’apprendre : les années d’élection présidentielle, la norme de dépense augmente de deux points ex post, mais jamais ex ante. C’est bien connu, avant les élections tout va bien.
Par définition, une loi de programmation est censée être pluriannuelle ; mais, aujourd’hui, elle est au mieux plurimensuelle. La dernière en date a tenu à peine une année, ce qui est un peu court pour maîtriser dans le temps les dépenses publiques et, tout particulièrement, la dette.
Mes chers collègues, quel est le problème des lois de programmation des finances publiques ? C’est qu’elles ne sont pas contraignantes.
Or nous ne cessons de voter de tels textes. En matière de recherche, on s’engage évidemment à les respecter. C’est moins vrai en matière de défense… La volonté démocratique a même subi une belle entorse : Dominique de Legge le rappelait la semaine dernière lors des questions d’actualité.
Qu’il s’agisse de la justice ou de l’aide publique au développement, il faut respecter les lois de programmation. Mais, bien entendu, la loi de programmation des finances publiques fait exception : à l’évidence, on n’en a cure !
J’en viens à une disposition majeure, qui traduit une bonne initiative : il s’agit de la mesure relative aux dépenses d’investissement.
Mes chers collègues, je vous le confirme, il est parfois bon de s’inspirer de l’exemple des collectivités territoriales, qui, elles, ne sont pas en déficit, pour la simple et bonne raison qu’elles n’en ont pas le droit. Vous le savez aussi bien que moi : vous avez tous été élus locaux, vous avez même souvent dirigé des collectivités territoriales, et ce avec un certain brio, sinon vous ne seriez pas là… (Sourires.)
C’est avant tout sur ce sujet que je déplore la timidité de ce texte : il aurait fallu faire un premier pas vers la règle d’or. En effet, il faut bien définir le niveau d’endettement possible. À cet égard, on aurait pu faire fi de l’endettement passé en déclarant que, à dater de l’entrée en vigueur de ce texte, l’endettement devrait être consacré à l’investissement. Un tel choix aurait sans doute été plus habile.
Quoi qu’il en soit, il ne faut pas ignorer les dépenses d’avenir, sujet qui me tient tout particulièrement à cœur.
Jean-François Husson l’a parfaitement rappelé au début de cette discussion générale : compte tenu d’un léger décalage de calendrier entre la France et l’Union européenne, nous risquons fort de devoir rouvrir ce dossier au cours des mois qui viennent, dans une prochaine perspective « pluriannuelle ».
Les dépenses d’avenir, ce sont aussi les dépenses que la France fait pour le compte de l’Union européenne. Par sa diplomatie comme par sa défense nationale, la France protège les valeurs de l’Union européenne. Mais elle est souvent bien seule à s’armer – quand elle n’est pas désarmée par les Britanniques – et à payer pour le bien commun.
Souvenez-vous : les dépenses d’avenir avaient été évoquées dans le cadre du processus de Barcelone. Nous devrons certainement nous pencher de nouveau sur cet enjeu.
Pour l’heure, à l’instar de mes collègues, je souhaite une commission mixte paritaire conclusive, pour que nous puissions, malgré tout, faire ces petits pas en avant ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. René-Paul Savary. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon.
M. Jean-Marie Mizzon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Vincent Capo-Canellas l’a déjà indiqué : les membres du groupe Union Centriste vont soutenir ces deux propositions de loi, organique et ordinaire, qui, globalement, améliorent le cadre de fonctionnement de la gouvernance financière publique. Non seulement la présentation des textes financiers devrait gagner en simplicité et en cohérence, mais la lisibilité et l’intelligibilité du budget devraient s’en trouver renforcées, au bénéfice de l’ensemble des parlementaires et, à travers eux, des Français.
Un certain nombre d’apports méritent d’être soulignés, notamment pour les finances publiques locales. L’organisation, en amont de la discussion du projet de loi de finances, d’un débat sur la situation des finances des collectivités territoriales constitue assurément une mesure opportune. Nous espérons que les apports de la commission des finances quant au contenu du rapport prévu à cet effet seront conservés à l’issue de la CMP. Je pense, en particulier, à l’évolution des charges résultant des transferts de compétences ainsi qu’à l’information du Parlement sur l’efficacité des transferts financiers entre l’État et les collectivités territoriales.
Plus généralement, la consolidation de la pluriannualité budgétaire devrait opportunément renforcer la démarche de performance et la logique de résultat qui sont à l’origine de la LOLF. Toutefois, on touche ici du doigt une grande faiblesse des lois de programmation des finances publiques. Elle illustre la difficulté de la maîtrise des dépenses publiques, que nous ne saurions surmonter grâce à ces deux propositions de loi de rangs organique et ordinaire.
En effet – les précédents orateurs l’ont relevé –, les lois de programmation des finances publiques peuvent être remises en cause chaque année, alors qu’elles devraient contraindre le Gouvernement et le Parlement à proposer et à voter des lois cohérentes avec elles, notamment les lois de finances annuelles.
Or la valeur constitutionnelle reconnue au principe d’annualité budgétaire prive les lois pluriannuelles de programmation des finances publiques d’une autorité juridique supérieure à celle des lois de finances. Le Gouvernement et le Parlement pourront toujours adopter des dispositions contraires aux règles budgétaires inscrites dans les lois de programmation, notamment les règles d’évolution des dépenses publiques comme les normes dites « en valeur » et « en volume ».
Un cadre budgétaire est certes nécessaire pour obliger le Gouvernement à s’expliquer lorsque des comités budgétaires indépendants, comme le Haut Conseil des finances publiques, signalent que ces règles n’ont pas été respectées. De ce point de vue, l’élargissement des compétences du Haut Conseil est, à notre sens, utile et bienvenu. Mais les lois de programmation et les règles budgétaires seront toujours relativement faciles à contourner et leur non-respect sera difficile à sanctionner efficacement : nous pourrons toujours souverainement décider de ne pas appliquer ce que nous avons précédemment voté.
Bref, comme le disait souvent Philippe Séguin lorsqu’il présidait la Cour des comptes, la volonté politique est bien plus importante que les règles budgétaires. Elle devra être très forte pour assainir nos comptes publics et réduire durablement les dépenses publiques.
Mes chers collègues, vous le savez : devant chaque niche fiscale, il y a toujours un chien qui risque de mordre. De même, n’oublions jamais que chaque euro de dépense publique va dans la caisse d’un ménage ou d’une entreprise ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Jérôme Bascher applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Charles Guené. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Charles Guené. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les textes que nous examinons aujourd’hui s’inscrivent dans une réflexion visant à donner davantage d’efficacité à notre procédure budgétaire et à l’adapter aux exigences d’une époque nouvelle.
S’ils apportent des précisions utiles, ils relèvent plutôt d’un toilettage et d’une adaptation aux exigences européennes.
Par ailleurs, la hâte avec laquelle ils ont été inscrits à l’ordre du jour empêche toute réflexion et tout débat sérieux, alors qu’ils pourraient être les marqueurs d’une réforme profonde, allant au-delà des contingences de la période.
Je m’en expliquerai en axant mon propos plus spécialement sur les collectivités territoriales, ainsi que l’a indiqué Christine Lavarde.
Dans la droite ligne de la mission de suivi de la LOLF et du rapport Arthuis, la démarche engagée était fort prometteuse et les dispositions retenues contiennent, il faut le dire, un certain nombre d’avancées notables.
Ainsi, l’introduction de nouveaux objectifs pluriannuels dans la loi de programmation, ainsi que son extension à cinq ans et la fusion des débats d’orientation des finances publiques et sur le programme de stabilité, obéit à une logique attendue.
Les corrections sémantiques et la clarification de certaines procédures ou présentations sont les bienvenues, qu’il s’agisse des affectations de taxes et de fonds de concours, de la mise en œuvre d’un compteur des écarts constatés ou encore de la faculté de réviser les trajectoires.
En ma qualité de rapporteur spécial de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », je suis nécessairement sensible au nouveau traitement des prélèvements sur recettes et au recentrage sur leurs effets en termes de péréquation. De même, je salue le nouveau rapport annexé au projet de loi de finances, qui pourra constituer le support d’un débat sur l’ensemble des finances locales.
Certaines précisions en témoignent : au sein de la loi de finances, le Sénat est attentif aux transferts de compétences et aux transferts financiers, dont il est soucieux de mieux suivre les effets. Plus globalement, son regard se porte sur les indicateurs de l’ensemble des mesures concernant les collectivités territoriales.
Si certains saluent l’évolution du « réalisme » vers la « cohérence » du Haut Conseil des finances publiques, nous pouvons l’avouer ensemble : toutes ces dispositions relèvent d’une cosmétique consacrant, d’une part, le parlementarisme rationalisé, de l’autre, la nécessité d’adapter nos débats à la norme européenne et aux conséquences d’une époque troublée.
Malheureusement, on ne voit se profiler ni le passage à la concertation, qu’appellent pourtant les aspirations démocratiques d’un pays moderne, ni une nouvelle gouvernance de nos finances publiques.
Les États qui nous entourent disposent presque tous de mécanismes et d’instances appropriés susceptibles d’arbitrer un pacte de solidarité et de dégager un consensus pour gérer le pays. Le Haut Conseil et le Comité des finances locales (CFL) seront très loin de jouer ce rôle. Certes, nous ne sommes pas un État fédéral ; mais pourra-t-on encore longtemps différer la réflexion qu’appellent la substitution des impôts nationaux à des impôts territorialisés et le besoin d’une péréquation verticale, autre que celle qui est appliquée au sein de l’enveloppe normée ?
Au-delà, les dispositions prises au titre des quatre derniers projets de loi de finances et leur impact n’exigeraient-ils pas, par « cohérence », que l’on indique au Parlement et aux collectivités territoriales ce qui est envisagé à moyen terme pour pallier les conséquences du changement de paradigme survenu ?
De même, lorsqu’il conviendra d’évoquer le remboursement de la dette, peut-on concevoir que le partage de cette dernière soit défini unilatéralement par l’État selon un échéancier que lui seul maîtrisera ?
Ces différentes questions restent sans réponse. Or, comme il l’a précisé dans sa décision du 28 décembre 2000, le Conseil constitutionnel s’assure que la loi n’a pas pour effet d’entraver la libre administration des collectivités territoriales.
Une bonne vision, à terme, relèverait de cette exigence, alors que nous poursuivons ce déphasage entre deux écosystèmes qui coexistent, sans dialogue réel, dans une impasse institutionnelle et démocratique entre le national et le local.
Aussi, ces propositions de loi pourraient sans doute rester comme une occasion manquée. À tout le moins, nous devrons nous revoir pour élaborer, au-delà d’un texte policé et plus transparent, un outil intelligent et plus contemporain, lequel ne saurait se limiter à une loi organique ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Mesdames, messieurs les sénateurs, avant tout, je tiens à vous remercier de la qualité de vos propos : à l’issue de cette discussion générale, j’ai la conviction qu’un accord entre les deux chambres est possible. Bien sûr, c’est à vous, parlementaires, d’en décider, mais sachez que le Gouvernement fera tout son possible pour vous accompagner dans cette voie.
Je reviendrai brièvement sur quatre points.
Premièrement, je dirai un mot de la « temporalité » d’examen de ces textes, évoquée par les différents orateurs. Pourquoi a-t-on opté, maintenant, pour une loi organique, et non pour une loi de programmation des finances publiques ?
Sous l’autorité du Président de la République, nous sommes convenus qu’en cet instant d’un quinquennat, et dans un tel contexte d’incertitude économique, une loi de programmation des finances publiques n’avait pas grand sens. C’est la raison pour laquelle nous avons renvoyé cet exercice au lendemain des échéances démocratiques du printemps prochain.
Nous sommes également convenus qu’il serait bon que ce futur texte s’inscrive dans un cadre organique renouvelé, notamment, par le renforcement des compétences et par les clarifications dont bénéficiera le Haut Conseil des finances publiques.
Voilà pourquoi, sur l’initiative des députés auteurs de ces deux textes, nous vous proposons ce calendrier de travail. Il s’agit de fixer un nouveau cadre organique, puis de préparer, quelle que soit l’issue des prochaines échéances, une loi pluriannuelle de programmation le respectant.
Cette précision me permet, au passage, de répondre à M. le président de la commission des finances au sujet des contrats de Cahors.
Monsieur Raynal, l’application de ces contrats a été suspendue en 2020. En effet, nous craignions que la crise n’entraîne l’explosion d’un certain nombre de dépenses. Au reste, en vertu de la loi de programmation adoptée à la fin de l’année 2017, ces contrats étaient prévus pour trois ans. Aujourd’hui, leur terme serait donc dépassé. (M. Claude Raynal, rapporteur, le concède.)
Nous avons besoin d’une loi de programmation pluriannuelle des finances publiques et notamment des articles de lettres pour reprendre ce mode de contractualisation.
En d’autres termes, la loi de programmation n’est pas suspendue, mais les contrats, eux, le sont : si la prochaine loi de programmation pluriannuelle prévoit de les reconduire, il sera toujours temps de les rénover, de les améliorer et, ce faisant, de répondre à votre attente.
Deuxièmement, je rappelle que ces textes n’émanent pas de la majorité présidentielle, mais de l’Assemblée nationale. Ils sont le fruit des travaux d’une mission d’information transpartisane, qui a rendu ses conclusions il y a maintenant plusieurs mois. Au demeurant, ces deux propositions de loi ont été déposées à la fois par le président de la commission des finances, Éric Woerth, et par le rapporteur général du budget, Laurent Saint-Martin : ce constat vient démentir le caractère partisan pointé par tel ou tel d’entre vous.
Troisièmement, je tiens à revenir sur un sujet abordé par Pascal Savoldelli : il s’agit de l’appropriation citoyenne des dispositions organiques et, au-delà, des mesures contenues dans telle loi de programmation des finances publiques ou dans telle loi de finances, tant il est vrai que la profusion des informations que contiennent ces textes, comme leur caractère technique, peut être rédhibitoire.
Il s’agit là d’un débat majeur, auquel personne ne peut apporter une réponse totalement pertinente et efficace : sinon, ce travail serait fait depuis longtemps. En revanche, nous pouvons nous référer à l’article XIV de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « Tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants », quel usage est fait des fonds publics. C’est aussi une manière, pour moi, de rappeler l’attachement du Gouvernement à la démocratie représentative et au rôle des parlementaires.
Ces propositions de loi visent précisément à améliorer l’information des parlementaires et à leur permettre de mener cet exercice au nom de nos concitoyens, de la manière la plus rigoureuse et efficace qui soit.
J’ai également pu entendre un certain nombre de réflexions quant à la recevabilité des amendements. Vous déplorez notamment que ces propositions de loi n’évoquent pas l’article 40 de la Constitution ; mais ce constat confirme tout simplement le fait qu’il ne s’agit pas d’une révision constitutionnelle.
De même, M. Féraud observe que la trajectoire pluriannuelle que nous nous proposons de créer n’aura pas de caractère contraignant, étant donné qu’il ne s’agit pas d’une règle d’or : c’est la réalité. Pour instaurer une telle règle d’or en donnant aux lois de programmation pluriannuelle une valeur législative supérieure à celle des lois ordinaires et des lois de finances, il faudrait réviser la Constitution. Or un tel chantier suppose, à mon sens, un débat bien plus approfondi.
Quatrièmement et enfin, je note qu’avec la révision de la loi organique relative aux lois de finances nous ouvrons une discussion assez technique. Nous abordons les conditions d’examen des projets de loi de finances, avec leurs limites. Mais nous débattons également des pouvoirs dont le Parlement peut se doter lui-même.
Il est parfois tentant – et c’est, somme toute, assez normal – d’élargir le champ de ce débat, en passant des conditions d’examen aux questions de fond pour traiter de l’orientation des finances publiques en tant que telle.
J’ai entendu les réflexions des uns et des autres relatives à la prise en compte des impacts environnementaux et de l’orientation politique des décisions prises en matière de fiscalité dans les objectifs de programmation des finances publiques. Ces questions touchent davantage au fond des politiques mises en œuvre qu’au cadre organique dans lequel elles sont discutées.
Je le dis par mesure de précaution, plutôt que dans une volonté de rappel : notre débat ne porte pas sur l’orientation donnée par les finances publiques à la politique et aux actions publiques, mais sur les conditions dans lesquelles le Parlement est informé, s’organise et travaille avec le Gouvernement pour l’adoption de textes. Si ces derniers comportent bien des orientations politiques, l’exercice qui nous occupe concerne davantage leurs conditions d’examen que le fond des lois de finances et de la politique des finances publiques.