M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour le groupe Les Républicains. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Gérard Longuet. Ma question s’adressait à M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la relance, parce que, de tous les membres de ce gouvernement, il est sans doute celui qui s’est expliqué avec le plus de clarté en faveur de l’électronucléaire, en considérant, comme nous l’estimons très largement au sein du groupe auquel j’appartiens, que le nucléaire n’est pas simplement un complément, mais qu’il est surtout une condition de la décarbonation de l’énergie en Europe. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)
Madame la ministre, vous avez en charge l’industrie. C’est formidable, parce que le nucléaire est, pour notre industrie, un atout fantastique.
M. Guy Benarroche. Oh là là !
M. Gérard Longuet. La France va présider l’Union européenne pendant six mois et ma question est simple : allez-vous convaincre nos partenaires que, dans une situation d’extrême urgence où la transition énergétique est un devoir absolu, il faut nous fixer une priorité qui est de décarboner, et non de nous amuser à « verdir » à tout prix avec des modes de production qui sont aussi aléatoires qu’intermittents et qui appellent pour cette raison à la consommation de gaz ? Certains ne veulent pas du nucléaire, mais ils acceptent Nord Stream, c’est-à-dire qu’ils préfèrent une émission de 500 grammes de CO2 au kilowattheure, là où le nucléaire en produit 12…
Or le nucléaire français a besoin d’argent. (Exclamations sur les travées des groupes GEST et SER.) Et lorsque le commissaire Johannes Hahn explique très clairement que les obligations vertes ne seront pas ouvertes – c’est le cas de le dire – au nucléaire, mais qu’il est envisageable qu’elles le soient pour le gaz, on est terrassé par autant de courte vue, autant d’idéologie, autant de sectarisme. (Exclamations sur les travées du groupe GEST.)
Madame la ministre, comment allez-vous utiliser ne serait-ce que les trois premiers mois de votre présidence de l’Union européenne ? Cela vous permettra peut-être de tenir six mois ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC, RDSE et INDEP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’industrie.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’industrie. Monsieur le sénateur Gérard Longuet, merci de dire avec beaucoup de clarté que le nucléaire est une énergie décarbonée, stable et non aléatoire, et que c’est en France une filière d’excellence, avec 220 000 professionnels. Aussi, dans ce moment d’urgence climatique, nous aurions tort de ne pas nous appuyer dessus. (M. Guy Benarroche le conteste.) C’est clairement la stratégie que nous suivons. Vous l’avez d’ailleurs mentionné, Bruno Le Maire a été particulièrement clair, tout comme le Président de la République ou le Premier ministre, pas plus tard que lundi. Je crois que je porte ainsi une parole commune à tout l’exécutif.
S’agissant plus précisément de votre question, je crois qu’il faut effectivement bien distinguer l’émission des green bonds, ou obligations vertes, dont la définition englobe uniquement les énergies renouvelables, avec de très petites extensions sur des usages du gaz, l’objet étant de financer techniquement le plan de relance – c’est une définition ancienne, qui n’a pas connu de nouveautés –, du vrai combat que nous menons sur la taxonomie.
Comme vous le savez, et ma collègue Amélie de Montchalin aime à le rappeler, lors du Green Deal, nous avions imposé le nucléaire comme un élément de réponse au défi climatique. Cela avait été une négociation portée fortement par le Président de la République. Nous allons continuer avec la taxonomie. Sur ce sujet, nous avons le soutien du commissaire Breton, qui a une vision industrielle pour l’Europe, fondée sur des faits et non sur de la démagogie ou des rêves. (M. Guy Benarroche proteste.)
C’est en ce sens aussi que nous investissons dès maintenant, dans le cadre du plan de relance, au bénéfice de la filière nucléaire, avec une enveloppe spécifique de 500 millions d’euros.
C’est aussi le combat que nous mènerons à la faveur de la présidence française de l’Union européenne. Vous le savez, j’aurai l’honneur de présider le conseil Compétitivité. Au-delà de la taxonomie, dont nous espérons voir l’aboutissement avant notre présidence, des textes porteront sur le Green Deal. Là encore, priorité sera donnée à la neutralité technologique, à une vision industrielle, qui englobe tous les effets pour l’emploi et pour la décarbonation, ainsi qu’à une accélération de cette dernière, parce que c’est l’urgence du moment pour sauver notre industrie, nos emplois et notre climat. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
flambée des prix de l’énergie
M. le président. La parole est à M. Patrick Chauvet, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Patrick Chauvet. Monsieur le président, les questions se suivent et se ressemblent. Comme mon collègue Gérard Longuet, je souhaite interroger M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance.
Les prix du gaz, de l’électricité et du pétrole ne cessent de battre des records. Le gaz s’est renchéri de 300 % et l’électricité de 97 % depuis le début de l’année. En une semaine, l’essence a augmenté de 15 %.
Or cette flambée promet d’être durable. Les prix du gaz et de l’électricité sont au sommet, alors que la saison froide n’a pas commencé. Sont en cause la faiblesse des stocks européens et la hausse du prix du CO2. Dans ces conditions, les experts n’attendent pas de baisse des prix de l’énergie. C’est catastrophique, d’abord pour les entreprises – elles ont déjà commencé à en souffrir –, ensuite pour les ménages, dont la facture énergétique devrait bondir de 10 % au début de l’année prochaine, et, enfin, pour l’ensemble de l’économie, car cette flambée pourrait être responsable d’un demi-point d’inflation dans la zone euro en fin d’année.
Monsieur le ministre, le chèque énergie, réactivé par le Gouvernement, n’est pas à la hauteur du problème.
Quelle est la stratégie énergétique de la France ? Quels leviers, notamment fiscaux, entendez-vous actionner pour éviter le pire ? Enfin, allez-vous relancer le nucléaire ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la biodiversité.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition énergétique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Chauvet, la hausse des prix de l’électricité sur les marchés européens est une préoccupation forte du Gouvernement, du fait notamment de son impact sur les consommateurs, comme vous l’avez rappelé. Cette hausse est liée à l’augmentation du prix des combustibles sur les marchés internationaux.
Contrairement à d’autres pays d’Europe, comme l’Espagne, où de nombreux tarifs sont indexés sur les cotations journalières et, donc, très exposés à la hausse des marchés, les ménages français sont, par construction, plus protégés face à cette volatilité des marchés.
En effet, dans les coûts d’approvisionnement sont pris en compte les tarifs réglementés de vente, qui comprennent une part versée à l’Arenh, ce dispositif d’accès régulé à l’électricité nucléaire historique, dont le prix est fixe. Les consommateurs bénéficient donc de la compétitivité et de la stabilité des coûts du nucléaire.
Ensuite, les tarifs réglementés comprennent aussi une part d’approvisionnement aux marchés en partie lissée sur vingt-quatre mois, ce qui est un autre facteur de stabilité. Nombre d’offres de marché sont déterminées ainsi au regard des tarifs réglementés.
Pour autant, l’augmentation des prix de l’approvisionnement en électricité sur les marchés aura effectivement un impact sur les coûts, qui sera pris en compte dans les tarifs. Il reviendra alors à la CRE (Commission de régulation de l’énergie) de proposer une évolution du tarif réglementé au premier semestre 2022 en fonction de cette hausse.
Nous sommes évidemment très soucieux du pouvoir d’achat des Français, donc des dispositifs à mettre en place en réponse à cette augmentation. Vous avez cité le chèque énergie, qui, rappelons-le, a bénéficié à 5,8 millions de ménages, pour un montant moyen de 150 euros. Un chèque exceptionnel de 100 euros leur sera par ailleurs adressé pour les aider dans ce contexte.
Enfin, j’ai entendu des questions sur l’écrêtement de l’Arenh, avec un relèvement qui permettrait, certes, d’augmenter sa pondération dans le calcul des tarifs réglementés en 2022 ; mais une décision unilatérale présenterait également des risques juridiques trop importants à court terme et qui pourraient rendre cette décision inopérante. Le Gouvernement considère donc que cette solution n’est pas envisageable. Nous étudions des solutions complémentaires pour limiter, tout en restant dans le cadre légal, cette hausse des prix de l’électricité.
D’autres mesures structurelles…
M. le président. Il faut conclure !
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. … sont possibles, avec MaPrimeRénov’, les certificats d’énergie ; le projet de budget 2022 nous permettra d’en discuter. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Patrick Chauvet, pour la réplique.
M. Patrick Chauvet. Madame la secrétaire d’État chargée de la biodiversité, merci de bien vouloir relayer nos préoccupations auprès de M. le ministre de l’économie des finances et de la relance.
Si j’ai bien compris, soit on continue ainsi et on fait du chèque énergie, soit on s’intéresse vraiment au cœur du problème, à savoir notre sécurité d’approvisionnement. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Sébastien Meurant applaudit également.)
crise des sous-marins (iii)
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Pierre Laurent. « Coup dans le dos », « duplicité », « mensonge », « trahison », « rupture majeure de confiance » : madame la ministre des armées, les mots que le Gouvernement a employés, et que vous venez de reprendre, depuis la rupture du contrat des sous-marins, sont très durs.
Si les mots ont un sens, des conséquences majeures doivent donc être tirées. Ma question est simple : quelles seront-elles ?
La décision américaine de nous imposer un tel camouflet est lourde de signification politique. Les États-Unis ont choisi de faire de la zone indo-pacifique un espace de confrontation directe, y compris sur le terrain militaire, avec la Chine, et ils ne toléreront leurs alliés que sous leur commandement et à leur seul profit.
Ils sont prêts pour cela à encourager une escalade dans le surarmement de la région, quitte à disséminer des technologies militaires nucléaires utilisant de l’uranium enrichi, et ce au mépris des engagements de non-prolifération.
Enfin, ils envoient par la même occasion à leurs alliés de l’OTAN un message d’alignement brutal, qui vise directement quiconque en Europe envisagerait de s’écarter du rang.
Madame la ministre, est-ce l’intérêt de la France et de l’Europe de continuer à s’aligner derrière de tels projets ?
Est-ce l’intérêt de la France de continuer à participer au commandement militaire intégré de l’OTAN, dont les États-Unis viennent de nous dire qu’ils veulent être les seuls patrons ?
Est-ce l’intérêt de la France de tourner toute son industrie militaire vers la course à l’exportation d’armes, en quémandant notre « part du gâteau » auprès des Américains ?
Est-ce l’intérêt de la France et des Européens de courir dans ces conditions après une Europe de la défense définie comme un pilier européen de l’OTAN, un pilier auquel on dénierait toute autonomie stratégique maîtrisée par les Européens eux-mêmes ?
N’est-ce pas le moment de définir autrement notre avenir stratégique ?
Madame la ministre, êtes-vous prête à ouvrir tous ces débats sans tabou ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées du groupe SER. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des armées.
Mme Florence Parly, ministre des armées. Monsieur le sénateur, c’est vrai, ces deux derniers mois, la vie n’est pas un long fleuve tranquille à l’OTAN. Je pense évidemment à l’aventurisme turc en Méditerranée ou bien au retrait précipité et non concerté d’Afghanistan, dont nous avons vu les dramatiques conséquences.
L’attitude des États-Unis à l’égard du programme des sous-marins, évoquée voilà quelques minutes, est une nouvelle illustration du constat que nous faisons depuis des mois : aujourd’hui, le dialogue politique est inexistant au sein de l’Alliance atlantique. Alors, quelles conséquences faut-il en tirer ? Cela vaut-il la peine de claquer la porte de l’OTAN ? Je ne le crois pas.
Permettez-moi de revenir sur quelques points de votre intervention.
Vous avez raison, l’Alliance atlantique a un cœur de métier, qui est la défense collective de l’Europe, comme le stipule l’article 5 du traité fondateur. Les États-Unis y jouent un rôle essentiel, mais la France y joue aussi son rôle, par exemple en témoignant de sa solidarité auprès des États baltes dans le cadre d’opérations de présence de l’OTAN.
Toutefois, la raison d’être de l’OTAN, c’est non pas la confrontation avec la Chine, mais la sécurité transatlantique, et c’est ce que nous devons rappeler aux États-Unis.
C’est donc dans cette logique que les alliés ont décidé, sur notre initiative, ainsi que sur celle de l’Allemagne, d’engager une révision du concept stratégique de l’Alliance. Ce travail nous permettra de clarifier celui-ci, et c’est nécessaire, dans la perspective du prochain sommet de Madrid, et, surtout, de le faire en cohérence avec la « Boussole stratégique », ce travail lancé par les Européens pour renforcer l’Europe de la défense.
Pour terminer, monsieur le sénateur, je dirai qu’être allié ce n’est pas être l’otage des intérêts de l’autre. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – MM. Pierre Louault et Jean-Paul Prince applaudissent également. – Murmures sur les travées des groupes CRCE et SER.)
relations avec l’australie dans le contexte du référendum d’autodétermination en nouvelle-calédonie
M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Dominique de Legge. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, les différentes auditions que nous allons mener autour du contrat australien nous permettront, je l’espère, d’y voir un peu plus clair dans cette affaire. Cependant, vous le savez aussi bien que moi, avec ce type de contrat, nous ne vendons pas simplement des matériels ; nous proposons également un environnement géopolitique. Or la France dans le Pacifique, c’est la Nouvelle-Calédonie.
Monsieur le Premier ministre, ne pensez-vous pas que l’absence de position du Gouvernement lors des différents référendums sur le maintien de la Nouvelle-Calédonie dans le périmètre de la République ait contribué à ce résultat, nos alliés ayant sans doute besoin de s’assurer de la pérennité de la présence de la France dans cette zone ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des outre-mer.
M. Sébastien Lecornu, ministre des outre-mer. Monsieur le président du Sénat, mesdames, messieurs les sénateurs, l’État est neutre pour organiser le scrutin ; le gouvernement de la République, lui, peut témoigner d’une orientation ou d’une préférence. Le Président de la République, en tant que chef de l’État, l’a fait lors de son discours à Nouméa, devant le théâtre municipal, et le Premier ministre Jean Castex, ici présent, l’a fait devant votre Haute Assemblée dès les premières semaines après sa prise de fonction.
Je pense donc que les orientations du gouvernement de la République en Nouvelle-Calédonie sont maintenant bien connues.
Qu’est-ce que nous rappelle cette affaire dite des sous- marins sur cette zone, désormais très complexe, dans le Pacifique sud ?
Tout d’abord, les relations entre la Nouvelle-Calédonie et l’Australie sont des relations de fait au quotidien : évacuations sanitaires, commerce de marchandises, échanges universitaires, ainsi que la question du nickel et de la mine, pour laquelle l’interdépendance entre l’Australie et de la Nouvelle-Calédonie est tout à fait établie.
Ensuite, le processus institutionnel que vous avez rappelé est ancien et désormais profondément déconnecté de ce contexte géopolitique. Je vous renvoie aux déclarations du leader indépendantiste Jean-Marie Tjibaou, en 1985, lorsqu’il indiquait, dans une interview très construite et intéressante, qu’au fond la Nouvelle-Calédonie n’avait pas d’ennemis, que la zone était calme et qu’une Kanaky indépendante n’aurait pas besoin d’armée.
La guerre froide n’a eu que très peu d’impact sur les accords de Matignon-Oudinot en 1988. Le contexte qui a entouré les accords de Nouméa, en 1998, a peu souffert d’ingérences étrangères.
Pour autant, on le voit bien, cette balance entre la Chine, d’un côté, et l’Occident tout entier, de l’autre, va traverser profondément la société calédonienne.
La vraie question, maintenant, se pose le 12 décembre prochain : les Calédoniens affronteront-ils cette question dans la République ou seuls ? On retombe alors sur la parole que la France a donnée, de Jacques Chirac à Emmanuel Macron, en passant par Nicolas Sarkozy et François Hollande, d’emmener ce processus jusqu’à son terme.
J’y insiste, c’est le respect de la parole de la France qui est en jeu. Il s’agira de définir un destin pour la Nouvelle-Calédonie le 13 décembre au matin, en espérant, monsieur le sénateur, que la campagne présidentielle ne vienne pas politiser excessivement un dossier très complexe. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) C’est en tout cas le vœu que je forme, et je pense que le Sénat aura à cœur de le partager. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Colette Mélot applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour la réplique.
M. Dominique de Legge. Monsieur le ministre, vœu pour vœu, permettez-moi d’en former un : que le Président de la République, le Premier ministre et vous-même soyez plus clair sur ce sujet. (M. le Premier ministre s’exclame.)
Excusez-moi de vous le dire, mais vous vous défilez, alors que cette affaire est sérieuse, et vous vous défilez moins bien que nos sous-marins… (Exclamations réprobatrices sur plusieurs travées. – M. Bruno Belin applaudit.)
Je suis désolé de vous le dire ainsi, mes amis : c’est facile de donner des leçons de morale en déclarant que l’OTAN est en situation de mort cérébrale, mais c’est un peu plus compliqué de rappeler notre position dans le Pacifique, y compris en Nouvelle-Calédonie.
En matière de politique intérieure, monsieur le Premier ministre, madame la ministre des armées, vous avez refusé le débat sur la loi de programmation militaire (LPM). Or vous savez très bien que c’est le cœur du sujet. Il s’agit de nos capacités opérationnelles et de notre industrie. Je constate que le Sénat avait raison de demander cette révision de la LPM, qui nous aurait permis d’avoir un débat au fond. Vous êtes en train de réussir cette performance merveilleuse du « en même temps » : augmenter les crédits de la défense tout en diminuant nos capacités opérationnelles et en affaiblissant notre industrie. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
harcèlement scolaire
M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. Mes chers collègues, c’est sa dernière prise de parole dans le cadre des questions d’actualité au Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Claudine Lepage. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Monsieur le ministre, depuis la rentrée scolaire, des collégiens nés en 2010 sont la cible d’une campagne de harcèlement sur les réseaux sociaux menée par des collégiens plus âgés.
Ce nouveau phénomène, apparu notamment sur les réseaux TikTok et Twitter, qui encourage les insultes et les menaces envers les enfants nés en 2010, s’est également prolongé dans les cours de récréation, où certains élèves ont été agressés.
Le harcèlement, notamment le cyberharcèlement scolaire, qui ne connaît, lui, aucune limite géographique ni temporelle, est un véritable drame pour les enfants qui en sont victimes et peut avoir des conséquences dramatiques.
Comme vous le savez, monsieur le ministre, le Sénat a mis en place une mission d’information sur le harcèlement en milieu scolaire et le cyberharcèlement, laquelle doit rendre ses conclusions cette semaine. Nous avons donc rencontré de nombreux acteurs pour mieux comprendre et tenter de mettre un terme à ce phénomène.
Il est en effet de notre responsabilité de protéger les élèves d’aujourd’hui, qui seront les citoyens de demain. Si des décisions exemplaires doivent être prises contre les harceleurs, il serait urgent de songer à introduire, comme le font des pays d’Europe du Nord, les notions d’empathie et de bienveillance au sein de notre école publique.
Monsieur le ministre, quelles mesures comptez-vous prendre concrètement pour éradiquer ce fléau qui touche notre jeunesse, déjà durement éprouvée par les conséquences de l’épidémie de la covid-19 ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – MM. Stéphane Demilly et Thani Mohamed Soilihi applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation, de la jeunesse et des sports.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation, de la jeunesse et des sports. Madame la sénatrice Corinne Lepage, il y a évidemment un sujet de société derrière cette question du cyberharcèlement, que je vous remercie de soulever aujourd’hui. La semaine dernière, elle a défrayé la chronique sur des bases totalement absurdes, avec la montée en puissance du hashtag #Anti2010.
Comme vous le savez, j’ai réagi immédiatement en lançant une riposte qui va dans le sens de la bienveillance et de l’intégration des élèves de sixième, avec le hashtag #Bienvenue aux 2010.
Il est essentiel que nous ayons une stratégie d’ensemble sur le cyberharcèlement et c’est ce que nous faisons depuis 2017. En cette rentrée s’applique dans tous les établissements de France le programme Phare, qui est un programme anti-harcèlement, inspiré en partie, d’ailleurs, d’expériences scandinaves, auxquelles vous avez fait référence, et qui conduit à responsabiliser tout le monde, d’abord par la formation initiale systématique de tous les professeurs sur cette question, puis par la formation continue pour les professeurs qui prennent la responsabilité de référent anti-harcèlement dans chaque établissement.
De même, nous responsabilisons les élèves, avec des ambassadeurs contre le harcèlement dans chaque établissement de France. C’est le point le plus important du programme Phare. Une formation spécifique est prévue pour ces élèves- là.
Vous le voyez, nous prenons ce sujet très au sérieux. D’ores et déjà, nous avons connu des premières victoires et rencontré nos premières limites.
Les premières victoires, nous les avons connues contre le harcèlement. Nos chiffres nous permettent de voir que ce phénomène a un peu reculé depuis trois ans grâce à l’action que nous avons menée. La généralisation de celle-ci cette année doit nous permettre d’avancer, en lien avec les associations très actives sur ce sujet.
Cependant, nous rencontrons des limites face au cyberharcèlement, lequel, comme vous l’avez rappelé, n’a pas de limite de temps ni d’espace. Aussi, j’ai invité l’ensemble des responsables de plateforme à venir me rencontrer lundi prochain, en présence du président du CSA, Roch-Olivier Maistre, qui a des compétences en matière de sanction des acteurs de l’audiovisuel comme des plateformes de réseaux sociaux, de façon à écouter les propositions qu’ils nous font. Nous avons des idées très claires et très précises sur la nécessité d’encadrer beaucoup plus ce qui se passe pour les jeunes sur les plateformes. Nous avons déjà pris des mesures depuis 2017. Je pense à l’interdiction des téléphones portables au collège.
Bien entendu, je serai très attentif, dès cette semaine, aux premières conclusions de vos travaux, qui sont évidemment de la plus haute importance. C’est donc la semaine prochaine, après en avoir pris connaissance, que nous franchirons une nouvelle étape dans la lutte contre le cyberharcèlement. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage, pour la réplique.
Mme Claudine Lepage. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. Nous serons tous très attentifs à vos propositions, peut-être pas pour régler définitivement le problème, mais en tout cas pour améliorer la situation.
Pour terminer ma dernière intervention, je précise que mon prénom est Claudine et non pas Corinne. (Sourires – Applaudissements sur les travées des groupes SER, ainsi que sur des travées des groupes CRCE et RDSE.)
situation des harkis
M. le président. La parole est à M. Philippe Tabarot, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Tabarot. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre, et j’y associe nos collègues Valérie Boyer et Roger Karoutchi.
Monsieur le Premier ministre, nous avons réclamé ici, au Sénat, des gestes pour les pieds-noirs, les harkis, les anciens combattants, notamment lors des différentes lois de finances : augmentation des crédits en faveur du monde combattant ; proposition de versements exceptionnels pour les rapatriés. Votre majorité a rejeté systématiquement nos propositions.
Soudainement, peut-être – je dis bien peut-être… – à quelques mois des élections, le souvenir rejaillit opportunément à l’Élysée : le président Macron demande pardon aux harkis au nom de l’État avec une nouvelle loi de réparation.
Oui, monsieur le Président de la République, les harkis méritent que leur souffrance soit reconnue. Ils se sont battus pour la France et la France les a abandonnés.
Certes, le « en même temps » est votre marque de fabrique, mais ce « en même temps mémoriel » est particulièrement malvenu.
Monsieur le Premier ministre, mes questions sont claires.
Comment peut-on accuser, comme Emmanuel Macron l’a fait en Algérie, en février 2017, les Français de crimes contre l’humanité et reconnaître en même temps les souffrances de leurs fidèles soutiens ?
Comment peut-on aller se recueillir devant le monument des martyrs du FLN à Alger et, en même temps, ne jamais se rendre sur les charniers de pieds-noirs et d’harkis, près du Petit-Lac à Oran, qui datent de cette funeste journée du 5 juillet 1962 ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)