M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Jean-Pierre Corbisez. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, bien qu’il soit dénué de colonne vertébrale, cet exercice de transposition mené par le présent projet de loi constitue une étape indispensable afin de poursuivre la mise en conformité de notre législation avec les exigences du droit européen, dans la perspective, comme cela a été annoncé par le Gouvernement, de nous montrer exemplaires au 1er janvier 2022.
La présidence française du Conseil de l’Union européenne commencera alors dans un contexte très particulier, marqué par le Brexit, la crise sanitaire ou encore l’urgence environnementale.
Si ce texte est essentiellement technique, il n’en comporte pas moins des avancées qui méritent d’être soulignées. Sans refaire le débat qui a eu lieu en première lecture, je rappellerai rapidement quelques-unes d’entre elles, notamment en matière de transports.
Résultant de l’adoption du paquet mobilité, des améliorations sont à noter sur les conditions de travail des transporteurs routiers, en vue de préserver leur santé grâce à l’interdiction de la rémunération en fonction de la rapidité de la livraison et l’encadrement du cabotage, ainsi que l’application de sanctions à l’égard des entreprises qui ne respecteraient par leur droit au repos.
En ce qui concerne les marins, je me réjouis que l’Assemblée nationale ait voté la prise en compte des périodes d’activité partielle pour la validation des droits à pension à compter du 1er janvier 2021, au lieu du 1er mai 2021. Je pense néanmoins que le Gouvernement aurait pu aller plus loin, pour atténuer les effets de la crise sanitaire.
Enfin, l’ouverture aux collectivités territoriales de la possibilité d’obtenir une délégation de l’État pour l’organisation des lignes d’aménagement du territoire en direction d’autres pays membres de l’Union européenne, reprenant les travaux de la mission d’information sénatoriale sur les transports aériens était attendue.
Les contraintes inhérentes aux transpositions de directives n’ont pas empêché le Sénat de faire œuvre utile par l’adoption de quelques amendements maintenus par la commission mixte paritaire, tels que la confidentialité des tests d’alcoolémie et de substances psychoactive du personnel navigant à bord des aéronefs ou l’assouplissement de conditions d’accès au financement participatif pour les collectivités territoriales, notamment en leur permettant d’y recourir dans le cadre de tout service public.
Pour ma part, je regrette que la législation en matière d’évaluation environnementale n’ait pas évolué de manière à garantir le respect de la directive Projets, alors que la France a fait l’objet de deux lettres de mise en demeure adressées par la Commission européenne.
Il y a deux raisons à cela : d’une part, les projets qui ont une incidence notable sur l’environnement échappent à l’obligation de procéder à une évaluation environnementale, et, d’autre part, l’absence d’autonomie réelle de l’autorité environnementale. Il reste donc quelques mois pour régler le problème, puisque, semble-t-il, nous serons dans les rails de la parfaite transposition des directives européennes.
À cette incertitude juridique s’ajoute un mouvement général de régression du droit de l’environnement qui s’inscrit dans la durée et qui participe à l’instabilité des projets.
Le décret d’application de la loi d’accélération et de simplification de l’action publique (ASAP), en date du 30 juillet 2021, réduit la compétence de la Commission nationale du débat public (CNDP), en abaissant les seuils à partir desquels les équipements culturels, sportifs, scientifiques ou touristiques doivent faire l’objet d’une saisine. Dès lors, la CNDP considère que 45 % des projets seraient affectés.
Autre régression, le décret a également réduit le délai dont dispose l’autorité environnementale pour rendre son avis sur les projets dont cette dernière est saisie.
Alors que la feuille de route française pour l’Union européenne devrait comprendre un important volet de mise en œuvre du Green Deal, la conformité de notre législation environnementale me semble primordiale. Malgré cette réserve, le groupe RDSE votera en faveur du projet de loi au regard des ajustements consensuels qu’il apporte. (Applaudissements au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.
Mme Marie-Claude Varaillas. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous abordons aujourd’hui la fin du parcours législatif de ce projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire, dans le secteur des transports, de l’environnement et de la finance.
Ce texte comporte aujourd’hui 49 articles, à la portée très aléatoire. Plus d’un tiers d’entre eux a d’ailleurs été adopté de manière conforme par l’Assemblée nationale. Les autres articles ont été modifiés, le plus souvent à la marge, ce qui fait qu’il ne restait aucun point de désaccord en commission mixte paritaire.
Nous l’avons déjà dit en première lecture, le seul objectif de ce texte reste de faire de la France la bonne élève des transpositions avant d’endosser la présidence de l’Union. Si nous comprenons cette stratégie, nous espérons que la présidence de la France pourra, sur ces thématiques, aller plus loin que ce qui nous occupe aujourd’hui, notamment dans le secteur des transports, pour lequel il nous semble urgent de revenir sur le dogme de la concurrence libre et non faussée, qui menace nos services publics et les missions des opérateurs publics.
Pour en rester au contenu de ce texte, je souhaiterais rappeler un certain nombre de remarques, qui ont déjà été formulées en première lecture, mais qui restent, à nos yeux, d’actualité.
Nous regrettons ainsi toujours les habilitations systématiques à légiférer par voie d’ordonnances, qui privent le Parlement de son pouvoir législatif.
Notons également le manque de concertation sur ces dispositions, puisque le Conseil d’État lui-même a déploré « que certaines consultations soient réalisées trop tardivement pour être correctement prises en compte, telle celle de la Commission nationale de la négociation collective, de l’emploi et de la formation professionnelle (CNNCEFP). »
Sur le fond, les mesures de ce projet de loi sont largement anecdotiques. Pourtant, certaines nous apparaissent toujours problématiques. Il s’agit notamment du travail des jeunes marins, dont la période de repos se voit rabotée à l’article 20.
Pour évoquer encore la question maritime dans sa dimension sociale, nous regrettons la non-prise en compte de toute la période effective d’activité partielle dans le calcul du droit à la retraite des marins.
Concernant le secteur aérien, nous regrettons le passage d’un régime d’autorisation à un régime déclaratoire pour les activités aériennes.
Dans ces transpositions, certaines dispositions sécuritaires, fruits d’un certain zèle, nous paraissent en outre motivées par une volonté de pénaliser les actions citoyennes autour de ces plateformes aériennes.
Mes chers collègues, ce n’est pas en muselant la parole que vous obtiendrez le consentement des Français aux politiques menées par ce gouvernement, a fortiori dans le secteur de l’environnement, où la carence de l’État est reconnue, y compris par le Conseil d’État.
S’agissant de ces mesures, et plus particulièrement de l’article 10, il est du reste intéressant de souligner qu’il ne s’agit en rien d’une obligation communautaire. Cet article a suscité une émotion légitime parmi les associations de défense de l’environnement directement visées par ces opérations, telles qu’Extinction Rebellion ou Greenpeace, pour ne pas les nommer.
En première lecture, nous étions d’ailleurs les premiers et les seuls à demander la suppression de ces dispositions. Je crois qu’il est bon de le rappeler.
Enfin, dans le secteur routier, les problématiques du détachement et du cabotage sont évoquées, mais les mesures proposées sont trop timides pour répondre aux enjeux du rééquilibrage modal. Elles confirment la concurrence assez déloyale de la route, faute là encore de moyens au sein des directions concernées pour faire respecter une réglementation déjà bien imparfaite.
Mes chers collègues, pour l’ensemble de ces raisons, le groupe CRCE confirme son abstention sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean-François Longeot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe Union Centriste se félicite que la commission mixte paritaire qui s’est réunie pour examiner ce texte volumineux et technique ait été conclusive, aboutissant à un texte d’équilibre.
Il était indispensable de transposer certaines mesures de soutien aux acteurs du secteur des transports, durement affectés par la crise sanitaire et le Brexit, et de mieux comprendre les impératifs de protection de l’environnement.
Je pense notamment aux dispositions concernant les échanges transfrontaliers d’informations en matière de télépéage dans l’Union européenne, ou encore à l’encadrement du détachement des conducteurs routiers, qui vise à créer les conditions d’une concurrence plus équitable sur le marché des transports routiers.
Notre groupe salue ainsi l’expertise complémentaire des trois commissions permanentes saisies de ce projet de loi, qui ont cherché à renforcer les garanties à l’égard des acteurs concernés, à mieux prendre en compte les enjeux liés à la protection de l’environnement et, enfin, à garantir la bonne application du texte.
Grâce au travail de qualité conduit par les rapporteurs du Sénat, en lien avec leurs homologues de l’Assemblée nationale, le présent projet de loi permettra de transposer douze directives européennes et de mettre en conformité notre droit avec quinze règlements européens. Je constate d’ailleurs que les apports du Sénat ont été largement conservés par nos collègues députés.
Rappelons-le, à quelques mois de la présidence française de l’Union européenne, nous avions un devoir d’exemplarité en ce qui concerne notre droit.
J’aimerais insister sur ce dernier point : qualifiée de « lanterne rouge » en matière de transposition il y a vingt ans, la France est devenue championne d’Europe dans ce domaine.
Pour autant, le législateur doit assurément viser le meilleur équilibre entre sous-transposition et surtransposition, notamment en réduisant les habilitations à légiférer par ordonnances. Ces dernières, en dépossédant le Parlement de ses prérogatives, augmentent d’autant les risques de surtransposition.
Enfin, j’aimerais exprimer un léger regret. Alors que la pollution de l’air provoque la mort prématurée de 40 000 personnes chaque année et que le Sénat a évalué le coût d’une telle pollution entre 68 et 97 milliards d’euros par an, je m’interroge sur les lacunes concernant la transposition de la directive de 2016 relative à la réduction des émissions nationales de certains polluants atmosphériques.
En 2019, la France a en effet été condamnée par la Cour de justice de l’Union européenne pour le non-respect de cette directive, tandis que, en août dernier, le Conseil d’État a condamné l’État à payer 10 millions d’euros pour n’avoir pas pris les mesures suffisantes en vue d’améliorer la qualité de l’air. C’est un point sur lequel nous devrons progresser dans les prochains mois.
Sous cette réserve, le groupe Union Centriste votera les conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Pierre Médevielle applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Gilbert-Luc Devinaz. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la période inédite que nous traversons en raison de la crise sanitaire illustre notre besoin d’Europe, d’une union solidaire qui permette de tirer les acquis sociaux vers le haut.
L’Union européenne a plutôt bien réagi face à l’ampleur de la crise sanitaire qu’elle a dû affronter. Je pense au gel des règles budgétaires et au plan de relance européen.
La relance européenne est sans doute une chance unique de consolider la construction de l’Union, surtout si nous voulons sortir plus forts de la pandémie, transformer nos sociétés, créer de nouvelles possibilités et répondre ainsi aux impératifs environnementaux. L’harmonisation est, me semble-t-il, l’une des clés de voûte de notre performance.
Ce projet de loi comporte de multiples dispositions dans divers secteurs, que notre rapporteur vient de rappeler.
Permettez-moi tout d’abord de souligner quelques points positifs figurant dans ce projet de loi, puisque le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire consacre de véritables avancées.
Parmi celles-ci, il faut citer, dans le domaine des transports, l’amélioration de la sécurité du transport des marchandises dangereuses ou l’harmonisation des systèmes de télépéage, afin notamment de lutter contre la fraude.
Dans le domaine de l’environnement, notons que le texte renforce le régime de sanctions applicables en cas de non-respect de la réglementation sur les hydrofluorocarbures, qui sont très néfastes, la meilleure application de la réglementation européenne en matière de contrôle des eaux usées des installations d’assainissement non collectif ou d’information du public en matière d’environnement, la mise en conformité de notre réglementation avec la directive Habitat en matière de protection de certaines espèces animales capturées ou mises à mort accidentellement, comme les dauphins.
Enfin, il faut souligner, dans le domaine de la protection sociale, la traduction, qui était très attendue, de la législation sur les minerais de conflit. Sur ce point, la future directive européenne sur le devoir de vigilance des entreprises donnera un cadre global. Le présent projet de loi permettra également une meilleure protection des salariés du secteur des transports routiers, grâce à un meilleur encadrement du travail détaché des conducteurs.
Néanmoins, ce texte aurait pu aller plus loin, et nous regrettons certains manques.
S’agissant de la protection des salariés du secteur des transports routiers, nous regrettons que notre amendement, qui visait à ce que les partenaires sociaux aient accès aux données relatives au détachement, ait finalement été écarté.
On a invoqué des questions de surtransposition, mais faire avancer l’Union européenne, c’est aussi être capable de prendre le meilleur de celle-ci en optant pour une harmonisation sociale par le haut. Construire une Europe plus solidaire et socialement inclusive permettrait une meilleure adhésion des citoyens. Il y a là un enjeu important pour la présidence française du Conseil de l’Union européenne.
Si nous approuvons également les dispositions permettant de prendre en compte les indemnités perçues en cas d’activité partielle par les marins dans leurs salaires de référence, nous regrettons le calendrier retenu.
En effet, cette mesure ne s’applique qu’à compter du 1er janvier 2021, et non du 1er mars 2020, ce qui constitue une discrimination à l’égard des salariés ayant bénéficié du chômage partiel dès le début de la pandémie. Le Gouvernement aurait pu faire un effort sur ce point et décider de prendre une mesure juste en faveur des métiers difficiles.
Demeurent aussi quelques points d’ombre sur les pouvoirs du régulateur dans le domaine aérien. Lors de l’examen en première lecture de ce projet de loi au Sénat, plusieurs amendements tendant à renforcer les pouvoirs de l’Autorité de régulation des transports, l’ART, avaient été adoptés. Plusieurs amendements du Gouvernement votés ensuite par les députés ont supprimé ces apports, que la commission mixte paritaire n’a pas souhaité rétablir.
Or certaines de ces dispositions ne sont pas anodines. Si l’ART est compétente pour fixer les principes d’allocation d’actifs, de produits et de charges, elle ne le sera pas pour fixer les modalités d’application de ces principes. En la privant de cette mission complémentaire et indissociable, elle pourra difficilement juger de la pertinence du niveau des redevances qui lui est proposé.
Dans le cas d’une structure comme Aéroports de Paris (ADP), cela pourrait aussi se traduire par des rentes de monopole, donc une surrentabilité. On comprend pourquoi le Gouvernement, malgré la décision du Conseil d’État, y est opposé et souhaite garder la main sur la fixation de ces modalités d’application. Après le référendum d’initiative partagée sur la privatisation d’ADP et la crise sanitaire, la relance de cette privatisation ne serait-elle pas sur les rails ?
Dans la même perspective, la possibilité offerte à l’ART de collecter régulièrement des données économiques et financières, disposition adoptée par le Sénat sur l’initiative de son rapporteur Cyril Pellevat, nous paraissait aller dans le bon sens, mais le Gouvernement, là encore, a opposé son veto.
Tout ce qui visait à renforcer les compétences de l’ART en les alignant sur celles d’autres autorités, comme l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution, l’Arcep, ou la Commission de régulation de l’énergie, la CRE, a été supprimé. On ne peut que le regretter.
Au regard des éléments issus des travaux de la commission mixte paritaire, le groupe socialiste s’abstiendra sur ce texte.
M. le président. La parole est à M. Pierre Médevielle.
M. Pierre Médevielle. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les conclusions de cette commission mixte paritaire sont un bel exemple du travail réalisé en bonne intelligence entre nos deux assemblées, un travail comme le Parlement français sait en fournir.
Les échanges entre le Sénat et l’Assemblée nationale montrent l’importance d’un bicamérisme fonctionnel, particulièrement quand les délais d’examen sont restreints et la technicité du texte importante.
Le groupe Les Indépendants – République et Territoires se réjouit que la commission mixte paritaire ait trouvé un accord. Je souhaite saluer la contribution efficace de la chambre haute, ainsi que les nombreux apports, les ajouts qualitatifs issus de cette maison.
L’adaptation de notre droit interne au droit européen est une prérogative importante du Parlement. Elle l’est d’autant plus dans la perspective de la présidence française du Conseil de l’Union européenne, qui commencera, faut-il le rappeler, en janvier prochain.
Lors de l’examen du texte en première lecture, j’ai évoqué la mise à jour de notre droit national en prévision de cette présidence. Ma vision reste la même, à savoir qu’il faut définir des priorités claires pour une autonomie et une souveraineté européennes qui permettront à l’Union de gagner en puissance dans le concert mondial et de protéger au mieux les citoyens européens.
Ce texte a mis en lumière des pans essentiels du droit, qui doivent nous servir de boussole lors de cette présidence. Je pense bien sûr à l’environnement, mais également au secteur des transports et à l’économie, sujets si précieux pour les prochaines années, afin d’atteindre les objectifs européens.
En première lecture, j’ai aussi défendu plusieurs propositions relatives à l’alimentation et à l’agriculture, ainsi qu’à notre politique commerciale, avec pour ligne de mire la défense de nos intérêts et de nos valeurs.
L’adaptation de notre droit interne, objet du présent texte, est également nécessaire pour que la France évite ou rattrape tout retard de transposition. Voilà ce qui ressort en tout cas de nos discussions.
Au-delà du risque de mise en demeure et de potentiels contentieux, il y a là encore un équilibre à trouver. En effet, il est essentiel de tracer un chemin de crête entre des surtranspositions critiquées et des sous-transpositions néfastes. Comme l’a rappelé M. Longeot, c’est notre mission. (M. Jean-François Longeot acquiesce.)
Ce texte vise aussi à rectifier des erreurs de transposition. J’ai eu l’occasion de le dire lors de la première lecture, il est important de rester vigilant à ce sujet, non seulement en prévision de la présidence française de l’Union européenne, mais également à plus long terme.
Enfin, ce texte apporte des réponses aux difficultés auxquelles sont confrontés les citoyens français, les usagers et les professionnels des secteurs visés par le projet de loi.
Le Brexit est souvent pris en exemple, mais il ne s’agit pas du seul événement ayant des incidences sur la vie des Français. Transposer des directives et mettre notre droit en conformité avec les règlements européens aura également des effets positifs sur le quotidien de millions de personnes et d’entreprises sur notre territoire. Il est bon parfois de le rappeler.
Le groupe Les Indépendants – République et Territoires, qui avait déjà voté en faveur de ce projet de loi en première lecture, est satisfait des conclusions de la commission mixte paritaire : il votera donc une nouvelle fois en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi qu’au banc des commissions. – M. François Patriat applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’accord sur le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine des transports, de l’environnement, de l’économie et des finances, dit « Ddadue », texte particulièrement dense et disparate, aura été trouvé dans des délais extrêmement restreints.
Nous l’avons tous à l’esprit, c’est en vue de la présidence de l’Union européenne que la France s’est hâtée de ne présenter aucun déficit en matière de transposition.
Notre pays, qui était il y a encore quelques années le mauvais élève de l’Europe, a rattrapé son retard, à l’exception bien sûr de celui que l’on observe en matière de droit de l’environnement, dernière roue du carrosse dans ce domaine.
L’actualité nous l’a tristement confirmé : alors que la directive Oiseaux peine à être appliquée en dépit des demandes de l’exécutif européen, Emmanuel Macron tente de réautoriser les cruelles chasses traditionnelles de plus de 110 000 oiseaux sauvages, au mépris du droit, de l’écologie et des belles promesses faites au Congrès mondial de l’Union internationale pour la conservation de la nature, l’UICN. (Murmures sur les travées des groupes RDPI et Les Républicains.)
Faisant preuve d’une hypocrisie sans limite, il ne fait que troquer la biodiversité pour des raisons électorales et piétiner la récente décision du Conseil d’État, qui a annulé plusieurs arrêtés autorisant la chasse d’espèces menacées, comme les alouettes des champs, les vanneaux huppés, et j’en passe.
Toutefois, revenons à notre texte.
M. Laurent Burgoa. C’est mieux !
M. Guillaume Gontard. Une bonne partie de ses dispositions est bienvenue. Je pense au renforcement des prérogatives de l’Autorité de régulation des transports, à l’harmonisation des régimes de responsabilité des transporteurs aériens, au temps de conduite et de repos des conducteurs routiers.
Concernant le volet environnemental, nous saluons la transposition de l’article 12 de la directive relative à la conservation des habitats naturels, ainsi que de la faune et de la flore sauvages. La Commission européenne avait mis en demeure la France – il était temps ! – de transposer cette mesure dans notre droit.
Néanmoins, on peut aussi souligner quelques points problématiques.
S’agissant de la procédure, tout d’abord, l’étude d’impact a été finalisée très tardivement, dans des délais contraints, ce qui a rendu le travail du Conseil d’État difficile.
Sur le fond, ensuite, les restrictions concernant le repos obligatoire des jeunes travailleurs des navires constituent une régression. De même, l’allégement des informations fournies par les sociétés d’investissement lorsqu’elles créent de nouveaux instruments financiers représente un pas en arrière, ou, devrais-je dire, un nouveau pas vers davantage de libéralisation.
Deux autres points méritent une attention particulière. Sur les minerais de conflit, bien que nous saluions le fait que nous légiférions sur un fléau qui suscite pauvreté, violence, catastrophes écologiques, et profite aux mafias, nous regrettons que les mesures proposées soient trop timides.
Le texte prévoit en effet un système de limitation des risques qui repose uniquement sur le devoir de diligence des entreprises. C’est insuffisant au vu des secteurs d’activité et de la puissance des entreprises visés.
Par ailleurs, faute d’avoir pu introduire la mesure renforçant de façon démesurée la répression des intrusions sur les pistes dans la loi Sécurité globale, le Gouvernement l’a glissée à l’article 10. Cette disposition relève d’un signal politique outrancier plutôt que d’un souci de sécurité. Désormais, un tel délit sera puni d’une peine de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende !
Pourtant, le délit d’entrave à la circulation aérienne existe déjà. Cette mesure est une réponse disproportionnée aux manifestations qui ont eu lieu pour dénoncer les vols intérieurs et la hausse des émissions de gaz à effet de serre.
C’est un moyen détourné d’affaiblir l’action des militants écologistes. Cela fait en outre écho à la récente condamnation d’un journaliste, qui a simplement couvert une action de désobéissance civile. Mais où est donc passée la liberté d’information et de manifester ?
Monsieur le ministre, prenez le chemin de la transition écologique. Je vous le garantis : c’est le moyen le plus sûr de limiter l’action des militants écologistes, qui vous font si peur. (M. le ministre proteste.)
Pour conclure, et afin de ne pas faire obstacle aux mesures environnementales et sociales de ce texte, qui constituent malgré tout des avancées, le groupe Écologiste – Solidarités et Territoires s’abstiendra sur ce texte.
M. le président. La parole est à Mme Nadège Havet.
Mme Nadège Havet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, d’ici trois mois, la France présidera le Conseil de l’Union européenne. C’est une période politique clé pour notre pays et l’avenir du continent.
Comme le Gouvernement l’a rappelé en introduction à ce débat, le présent projet de loi a pour objet que la France ne présente plus aucun déficit de transposition au 1er janvier 2022. Il faut que notre droit national soit tout simplement conforme aux récentes évolutions législatives de l’Union européenne, rien de plus normal.
Sur ce point, je reprendrai les propos très justes du président Longeot : « il y a vingt ans, la France figurait parmi les lanternes rouges de la transposition du droit de l’Union européenne, tandis que, aujourd’hui, nous sommes parmi les champions d’Europe de la transposition ». L’intégration par le droit est également une nécessité dont nous devons être fiers.
Alors que nous constatons ici ou là, et à regret, des tentations de recul, il nous faut le souligner avec force : les immenses défis à relever en matière de souveraineté économique et alimentaire, sur le plan non seulement de la diplomatie, mais aussi de la gestion de la crise sanitaire, nous rappellent toute l’importance de la construction européenne et de son accélération.
Pour toutes ces raisons, ce projet de loi transpose utilement plusieurs directives européennes et met nos normes nationales en adéquation avec un certain nombre de règlements européens dans les domaines des transports – terrestres, maritimes et aériens –, et de l’environnement, mais aussi en matière financière.
Le Sénat et l’Assemblée nationale se sont accordés sur un grand nombre de dispositions. La commission mixte paritaire, dont j’étais membre, et qui s’est réunie il y a huit jours, a été conclusive. C’est une très bonne nouvelle. Cet état d’esprit collectif irriguera, souhaitons-le, notre présidence au premier semestre 2022.
Sur ce texte, donc, un consensus s’est dégagé. Le groupe RDPI votera pour cette version de compromis.
Aussi, et sans revenir sur tout ce qui a déjà été dit – nous remercions les cinq rapporteurs des deux chambres pour leur travail –, je souhaite mettre en avant une mesure en particulier, celle qui permet aux collectivités territoriales d’émettre des obligations pour leurs propres projets de financement participatif.
Grâce à mes collègues, ce dispositif avait été introduit avant l’été dans le projet de loi 3DS, le projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique. Si le financement participatif est en pleine expansion, les collectivités continuent cependant de peu y recourir compte tenu de limites réglementaires persistantes.
Durant la réunion de la commission mixte paritaire, nous avons soutenu le vote en faveur d’une disposition législative visant, justement, à diversifier cette source de financement. Fruit d’un compromis entre l’Assemblée nationale et le Sénat, les collectivités territoriales auront désormais accès à l’emprunt obligataire participatif, et cela sous une forme expérimentale pendant trois ans.
Cette extension du dispositif intervient après que le monopole bancaire a pris fin en octobre 2014, puis en août 2015 sous l’impulsion donnée par la loi Croissance et activité, qui a fait émerger des plateformes de prêt participatif en France et a permis de démocratiser l’emprunt obligataire.
La sécurisation juridique de ce nouvel outil répond aussi à une demande de la Cour des comptes, qui souligne de longue date la nécessité structurelle de diversifier un marché financier aujourd’hui très concentré, et à une volonté forte des élus locaux.
L’extension du champ des projets éligibles au financement participatif à tous les services publics, ainsi que la possibilité offerte aux personnes morales d’octroyer des prêts aux collectivités dans le cadre d’un projet participatif sont une avancée majeure pour les élus et les citoyens.
L’objectif est également de fédérer la population autour de projets locaux d’intérêt général.